duse
changeait
jadis en
pierre ceux qui la conside?
pierre ceux qui la conside?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
pond : Le fils de ta me`re.
Et son fre`re,
en mourant, lui adresse des reproches plus terribles et plus
de? chirants que jamais la langue police? e n'en pourrait exprimer.
La dignite? de la trage? die ne saurait permettre d'enfoncer si avant
les traits de la nature dans le coeur.
Me? phistophe? le`s oblige Faust a` quitter la ville, et le de? sespoir
que lui fait e? prouver le sort de Marguerite inte? resse a` lui de
nouveau.
<< He? las! s'e? crie Faust, elle eu^t e? te? si facilement heureuse! une
<< simple cabane dans une valle? e des Alpes, quelques occupa-
<< tions domestiques, auraient suffi pour satisfaire ses de? sirs
<< borne? s, et remplir sa douce vie : mais moi, l'ennemi de Dieu,
je n'ai pas eu de repos que je n'eusse brise? son coeur, et fait
tomber en ruines sa pauvre destine? e. Ainsi donc la paix doit
lui e^tre ravie pour toujours. Il faut qu'elle soit la victime de
<< l'enfer. Eh bien! de? mon, abre? ge mon angoisse; fais arriver
<< ce qui doit arriver. Que le sort de cette infortune? e s'accom-
<< plisse, et pre? cipite-moi du moins avec elle dans l'abi^me. >>
L'amertume et le sang-froid de la re? ponse de Me? phistophe? le`s
sont vraiment diaboliques.
<< Comme tu t'enflammes! lui dit-il, comme tu bouillonnes!
<< je ne sais comment te consoler, et sur mon honneur je me
<< donnerais au diable si je ne l'e? tais pas moi-me^me: mais pen-
<< ses-tu donc, insense? , que parce que ta pauvre te^te ne voit plus
d'issue, il n'y en ait plus ve? ritablement? Vive celui qui sait
tout supporter avec courage! Je t'ai de? ja` rendu passablement
<< semblable a` moi, et songe, je t'en prie, qu'il n'y a rien de
plus fastidieux dans ce monde qu'un diable qui se de? ses-
<< pe`re. >>
Marguerite va seule a` l'e? glise, l'unique refuge qui lui reste:
une foule immense remplit le temple, et le service des morts est
ce? le? bre? dans ce lieu solennel. Marguerite est couverte d'un
voile: elle prieavec ardeur; et lorsqu'elle commence a` se flatter
de la mise? ricorde divine, le mauvais esprit lui parle d'une voix
basse, et lui dit : --
<< Te souviens-tu, Marguerite, de ce temps ou` tu venais ici te
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 983
? prosterner devant l'autel? tu e? tais alors pleine d'innocence, tu
<< balbutiais timidement les psaumes, et Dieu re? gnait dans ton
coeur. Marguerite, qu'as-tu fait ? Que de crimes tu as commis!
>> Viens-tu prier pour l'a^me de ta me`re, dont la mort pe`se sur
ta te^te? Sur le seuil de ta porte, vois-tu quel est ce sang? c'est
celui de ton fre`re, et ne sens-tu pas s'agiter dans ton sein une
<< cre? ature infortune? e qui te pre? sage de? ja` de nouvelles dou-
<< leurs?
MARGUERITE.
<< Malheur! malheur ! comment e? chapper aux pense? es qui nais-
<< sent dans mon a^me et se soule`vent contre moi? '
LE CHOEUR chante dans l'e? glise.
< Diesirae, dies illa,
< Solvet saeclum in favilla '.
LE MAUVAIS ESPRIT.
<<Le courroux ce? leste te menace, Marguerite; les trompettes
<< de la re? surrection retentissent : les tombeaux s'e? branlent, et
<< ton coeur va se re? veiller pour sentir les flammes e? ternelles.
MARGUEHITE.
<< Ah! si je pouvais m'e? loigner d'ici! Les sons de cet orgue
<< m'empe^chent de respirer, et les chants des pre^tres font pe? ne? -
<< trer dans mon a^me une e? motion qui la de? chire.
LE CHOEUR.
<< . 1 in le\ ergo cum sedebit,
<< Quiquid latet apparebit,
<< Nil inultum remanebit 2.
MARGUERITE.
<< On dirait que ces murs se rapprochent pour m'e? touffer; la
<< vou^te du temple m'oppresse: de l'air! de l'air!
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Cache-toi; le crime et la honte te poursuivent. Tu demandes
>> de l'air et de la lumie`re, mise? rable! qu'en espe`res-tu?
'II viendra le jour de la cole? re, et le sie? cle sera riklnit en cendres.
1 Quand te Juge supre^me paraitra. il de? couvrira tout ce qui est cachd, cl
rien ne pourra demeurer impuni.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 284
LE CHOEUU. . . . '
<< Quid sum miser tune dicturus?
<< Quem patronum rogaturus?
<< Cum vix justus sit securus '?
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Les saints de? tournent leur visage de ta pre? sence; ils rougi-
<< raient de tendre leurs mains pures vers toi. >>
LE CHOEUR.
<< Quid sum miser tune dicturus ? >>
Marguerite crie au secours, et s'e? vanouit.
Quelle sce`ne! Cette infortune? e, qui, dans l'asile de la consola-
tion, trouve le de? sespoir; cette foule rassemble? e priant Dieu
avec confiance, tandis qu'une malheureuse femme, dans le
temple me^me du Seigneur, rencontre l'esprit de l'enfer! Les pa-
roles se? ve`res de l'hymne sainte sont interpre? te? es par l'inflexible
me? chancete? du mauvais ge? nie. Quel de? sordre dans le coeur! que
de maux entasse? s sur une faible et pauvre te^te! et quel talent,
que celui qui sait ainsi repre? sentera` l'imagination ces moments
ou` la vie s'allume en nous comme un feu sombre, et jette sur
nos jours passagers la terrible lueur de l'e? ternite? des peines!
Me? phistophe? le`s imagine de transporter Faust dans le sabbat
des sorcie`res, pour le distraire de ses peines; et il y a la` une
sce`ne dont il est impossible de donner l'ide? e, quoiqu'il s'y trouve
un grand nombre de pense? es a` retenir: ce sont vraiment les
Saturnales de l'esprit, que cette fe^te du sabbat. La marche de
la pie`ce est suspendue par cet interme`de, et plus on trouve la
situation forte, plus il est impossible de se soumettre me^me aux
inventions du ge? nie, lorsqu'elles interrompent ainsi l'inte? re^t. Au
milieu du tourbillon de tout ce qu'on peut imaginer et dire,
quand les images et les ide? es se pre? cipitent, se confondent, et
semblent retomber dans les abi^mes dont la raison les a fait sor-
tir, il vient une sce`ne qui se rattache a` la situation d'une manie`re
terrible. Les conjurations de la magie font apparai^tre divers
1 Malheureux! que dirai-je alors? A quel protecteur m'adresscrai-je, lors-
qu'a` peine le juste peut se croire sauve? ?
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 28:>
tableaux , et tout a` coup Faust s'approche de Me? phistophe? le`s,
et lui dit: << Ne vois-tu pas la`-bas une jeune fille belle et pa^le,
<< qui se tient seule dans l'e? loignement? Elle s'avance lentement,
<< ses pieds semblent attache? s l'un a` l'autre; ne trouves-tu pus
<< qu'elle ressemble a` Marguerite?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est un effet de la magie, rien qu'une illusion. Il n'est pas
<< bon d'y arre^ter tes regards. Ces yeux fixes glacent le sang des
hommes. C'est ainsi que la te^te de Me?
duse changeait jadis en
pierre ceux qui la conside? raient.
FAUST.
<< Il est vrai que cette image a les yeux ouverts comme un mort
<< a` qui la main d'un ami ne les aurait pas ferme? s. Voila` le sein
sur lequel j'ai repose? ma te^te ; voila` les charmes que mon coeur
a posse? de? s.
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< Insense? ! Tout cela n'est que de la sorcellerie; chacun dans
<< ce fanto^me croit voir sa bien-aime? e.
FAUST.
<< Quel de? lire! quelle souffrance! Je ne peux m'e? loigner de ce
<< regard; mais autour de ce beau cou, que signifie ce collier
<< rouge, large comme le tranchant d'un couteau?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est vrai : mais qu'y veux-tu faire? Ne t'abi^me pas dans
<< tes re^veries; viens sur cette montagne, on t'y pre? pare une fe^te.
Viens. >>
Faust apprend que Marguerite a tue? l'enfant qu'elle a mis au
jour, espe? rant ainsi se de? rober a` la honte. Son crime a e? te? de? -
couvert; on l'a mise en prison, et le lendemain elle doit pe? rir
sur l'e? chafaud. Faust maudit Me? phistophe? le`s avec fureur; Me? phistophe? le`s accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que
c'est lui qui a de? sire? le mal, et qu'il ne l'a aide? que parce qu'il
l'avait appele? . Une sentence de mort est porte? e contre Faust,
parce qu'il a tue? le fre`re de Marguerite. Ne? anmoins, il s'intro-
duit en secret dans la ville, obtient de Me? phistophe? le`s les moyens
de de? livrer Marguerite, et pe? ne`tre de nuit dans son cachot, dont
il a de? robe? les clefs.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 280 FAt'ST.
11 l'entend de loin murmurer une chanson qui prouve l'e? gare-
ment de son esprit; les paroles de cette chanson sont tre`s-vul-
gaires , et Marguerite e? tait naturellement pure et de? licate. On
peint d'ordinaire les folles comme si la folie s'arrangeait avec
les convenances, et donnait seulement le droit de ne pas finir
les phrases commence? es, et de briser a` propos le fil des ide? es;
mais cela n'est pas ainsi: le ve? ritable de? sordre de l'esprit se
montre presque toujours sous des formes e? trange`res a` la cause
me^me de la folie, et la gaiete? des malheureux est bien plus de? -
chirante que leur douleur.
Faust entre dans la prison : Marguerite croit qu'on vient la
chercher pour la conduire a` la mort.
MARGUERITE, se soulevant de son lit de paille, s'e? crie:
<< Ils viennent! ils viennent! Oh! que la mort est ame`re!
FAUST, bas.
<< Doucement, doucement ; je vais te de? livrer. ( H s'approche
<< d'ellp pour briser ses fers. )
MARGUERITE.
<< Si tu es un homme, mon de? sespoir te touchera.
FAUST. << Plus bas, plus bas; tu e? veilleras la garde par tes cris.
MARGUERITE se jette a genoux.
<< Qui t'a donne? , barbare, cette puissance sur moi? Il n'est
<< que minuit: pourquoi viens-tu de? ja` me chercher? Aie pitie? de
mes larmes, laisse-moi vivre encore : demain matin, n'est-ce
pas assez to^t ? (Marguerite se rele`oe. ) Je suis pourtant si jeune ,
<< si jeune! et dois-je de? ja` mourir? J'e? tais belle aussi : c'est ce
qui a fait ma perte. Mon ami e? tait alors pre`s de moi: il est
maintenant bien loin. Les fleurs de ma guirlande sont disper-
<<se? es. Ne me prends pas la main avec tant de violence. Me? nage-
<< moi. Ne me laisse pas pleurer en vain. Jamais, jusqu'a` ce jour,
<< jo ne t'ai vu.
FAUST.
<< Comment supporter sa douleur!
MARGUERITE.
<< Je suis tout a` fait en ton pouvoir. Seulement laisse-moi al-
<< laiter mou enfant; je l'ai presse? sur mon coeur toute la nuit.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 287
<< Ils me l'ont o^te? pour m'affliger. N'ont-ils pas pre? tendu que je
l'avais tue? ? Jamais je ne redeviendrai ce que j'e? tais. N'ont-ils
<< pas chante? des chansons contre moi, ces me? chants! que vou-
<< laienl-ils donc dire?
FAUST se. jette a` ses pieds. << Ton amant est a` tes pieds; il vient ouvrir les portes de cette
<< horrible prison.
MARGUERITE.
<< Oui, mettons-nous a` genoux; appelons les saints a` notre.
<< secours. Les cris de l'enfer se font entendre, et les mauvais
<< ge? nies nous attendent sur le seuil de mon cachot.
FAUST. << Marguerite! Marguerite!
MARGUERITE, attentive.
<< C'e? tait la voix de mon ami. (Elle se pre? cipite vers Faust,
<< et ses fers tombent. ) Ou` est-il? Je l'ai entendu m'appeler. Je
<< suis libre. Personne ne pourra plus me retenir en prison. Je
? , m'appuierai sur son bras, je me reposerai sur son sein. Il ap-
<< pelle Marguerite : il est la`, devant la porte. Au milieu des
<< hurlements de l'impitoyable mort, j'entends la douce et tou-
<< chante harmonie de sa voix!
FAUST.
<< Oui, c'est moi, Marguerite!
MARGUERITE.
<< C'est toi! dis-le encore une fois. ( Elle te serre contre soit
<< coeur. ) C'est lui! c'est lui! Qu'est devenue l'angoisse des fers
,, et de l'e? chafaud? C'est toi! Je suis sauve? e! j'aperc? ois devant
<< moi la route ou` je te vis pour la premie`re fois, le jardin si riant
ou` Marthe et moi nous t'attendions.
FAUST.
<< Viens, viens.
MARGUERITE.
<< Il m'est si doux de rester quand tu demeures! Ah! ne t'e? loi-
gne pas!
FAUST.
<< Ha^te-toi ; nous payerions bien cher le moindre retard,
MARGUERITE.
<< Quoi ! tu ne re? ponds point a` mes embrassements ? Mon ami,
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en mourant, lui adresse des reproches plus terribles et plus
de? chirants que jamais la langue police? e n'en pourrait exprimer.
La dignite? de la trage? die ne saurait permettre d'enfoncer si avant
les traits de la nature dans le coeur.
Me? phistophe? le`s oblige Faust a` quitter la ville, et le de? sespoir
que lui fait e? prouver le sort de Marguerite inte? resse a` lui de
nouveau.
<< He? las! s'e? crie Faust, elle eu^t e? te? si facilement heureuse! une
<< simple cabane dans une valle? e des Alpes, quelques occupa-
<< tions domestiques, auraient suffi pour satisfaire ses de? sirs
<< borne? s, et remplir sa douce vie : mais moi, l'ennemi de Dieu,
je n'ai pas eu de repos que je n'eusse brise? son coeur, et fait
tomber en ruines sa pauvre destine? e. Ainsi donc la paix doit
lui e^tre ravie pour toujours. Il faut qu'elle soit la victime de
<< l'enfer. Eh bien! de? mon, abre? ge mon angoisse; fais arriver
<< ce qui doit arriver. Que le sort de cette infortune? e s'accom-
<< plisse, et pre? cipite-moi du moins avec elle dans l'abi^me. >>
L'amertume et le sang-froid de la re? ponse de Me? phistophe? le`s
sont vraiment diaboliques.
<< Comme tu t'enflammes! lui dit-il, comme tu bouillonnes!
<< je ne sais comment te consoler, et sur mon honneur je me
<< donnerais au diable si je ne l'e? tais pas moi-me^me: mais pen-
<< ses-tu donc, insense? , que parce que ta pauvre te^te ne voit plus
d'issue, il n'y en ait plus ve? ritablement? Vive celui qui sait
tout supporter avec courage! Je t'ai de? ja` rendu passablement
<< semblable a` moi, et songe, je t'en prie, qu'il n'y a rien de
plus fastidieux dans ce monde qu'un diable qui se de? ses-
<< pe`re. >>
Marguerite va seule a` l'e? glise, l'unique refuge qui lui reste:
une foule immense remplit le temple, et le service des morts est
ce? le? bre? dans ce lieu solennel. Marguerite est couverte d'un
voile: elle prieavec ardeur; et lorsqu'elle commence a` se flatter
de la mise? ricorde divine, le mauvais esprit lui parle d'une voix
basse, et lui dit : --
<< Te souviens-tu, Marguerite, de ce temps ou` tu venais ici te
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 983
? prosterner devant l'autel? tu e? tais alors pleine d'innocence, tu
<< balbutiais timidement les psaumes, et Dieu re? gnait dans ton
coeur. Marguerite, qu'as-tu fait ? Que de crimes tu as commis!
>> Viens-tu prier pour l'a^me de ta me`re, dont la mort pe`se sur
ta te^te? Sur le seuil de ta porte, vois-tu quel est ce sang? c'est
celui de ton fre`re, et ne sens-tu pas s'agiter dans ton sein une
<< cre? ature infortune? e qui te pre? sage de? ja` de nouvelles dou-
<< leurs?
MARGUERITE.
<< Malheur! malheur ! comment e? chapper aux pense? es qui nais-
<< sent dans mon a^me et se soule`vent contre moi? '
LE CHOEUR chante dans l'e? glise.
< Diesirae, dies illa,
< Solvet saeclum in favilla '.
LE MAUVAIS ESPRIT.
<<Le courroux ce? leste te menace, Marguerite; les trompettes
<< de la re? surrection retentissent : les tombeaux s'e? branlent, et
<< ton coeur va se re? veiller pour sentir les flammes e? ternelles.
MARGUEHITE.
<< Ah! si je pouvais m'e? loigner d'ici! Les sons de cet orgue
<< m'empe^chent de respirer, et les chants des pre^tres font pe? ne? -
<< trer dans mon a^me une e? motion qui la de? chire.
LE CHOEUR.
<< . 1 in le\ ergo cum sedebit,
<< Quiquid latet apparebit,
<< Nil inultum remanebit 2.
MARGUERITE.
<< On dirait que ces murs se rapprochent pour m'e? touffer; la
<< vou^te du temple m'oppresse: de l'air! de l'air!
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Cache-toi; le crime et la honte te poursuivent. Tu demandes
>> de l'air et de la lumie`re, mise? rable! qu'en espe`res-tu?
'II viendra le jour de la cole? re, et le sie? cle sera riklnit en cendres.
1 Quand te Juge supre^me paraitra. il de? couvrira tout ce qui est cachd, cl
rien ne pourra demeurer impuni.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 284
LE CHOEUU. . . . '
<< Quid sum miser tune dicturus?
<< Quem patronum rogaturus?
<< Cum vix justus sit securus '?
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Les saints de? tournent leur visage de ta pre? sence; ils rougi-
<< raient de tendre leurs mains pures vers toi. >>
LE CHOEUR.
<< Quid sum miser tune dicturus ? >>
Marguerite crie au secours, et s'e? vanouit.
Quelle sce`ne! Cette infortune? e, qui, dans l'asile de la consola-
tion, trouve le de? sespoir; cette foule rassemble? e priant Dieu
avec confiance, tandis qu'une malheureuse femme, dans le
temple me^me du Seigneur, rencontre l'esprit de l'enfer! Les pa-
roles se? ve`res de l'hymne sainte sont interpre? te? es par l'inflexible
me? chancete? du mauvais ge? nie. Quel de? sordre dans le coeur! que
de maux entasse? s sur une faible et pauvre te^te! et quel talent,
que celui qui sait ainsi repre? sentera` l'imagination ces moments
ou` la vie s'allume en nous comme un feu sombre, et jette sur
nos jours passagers la terrible lueur de l'e? ternite? des peines!
Me? phistophe? le`s imagine de transporter Faust dans le sabbat
des sorcie`res, pour le distraire de ses peines; et il y a la` une
sce`ne dont il est impossible de donner l'ide? e, quoiqu'il s'y trouve
un grand nombre de pense? es a` retenir: ce sont vraiment les
Saturnales de l'esprit, que cette fe^te du sabbat. La marche de
la pie`ce est suspendue par cet interme`de, et plus on trouve la
situation forte, plus il est impossible de se soumettre me^me aux
inventions du ge? nie, lorsqu'elles interrompent ainsi l'inte? re^t. Au
milieu du tourbillon de tout ce qu'on peut imaginer et dire,
quand les images et les ide? es se pre? cipitent, se confondent, et
semblent retomber dans les abi^mes dont la raison les a fait sor-
tir, il vient une sce`ne qui se rattache a` la situation d'une manie`re
terrible. Les conjurations de la magie font apparai^tre divers
1 Malheureux! que dirai-je alors? A quel protecteur m'adresscrai-je, lors-
qu'a` peine le juste peut se croire sauve? ?
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 28:>
tableaux , et tout a` coup Faust s'approche de Me? phistophe? le`s,
et lui dit: << Ne vois-tu pas la`-bas une jeune fille belle et pa^le,
<< qui se tient seule dans l'e? loignement? Elle s'avance lentement,
<< ses pieds semblent attache? s l'un a` l'autre; ne trouves-tu pus
<< qu'elle ressemble a` Marguerite?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est un effet de la magie, rien qu'une illusion. Il n'est pas
<< bon d'y arre^ter tes regards. Ces yeux fixes glacent le sang des
hommes. C'est ainsi que la te^te de Me?
duse changeait jadis en
pierre ceux qui la conside? raient.
FAUST.
<< Il est vrai que cette image a les yeux ouverts comme un mort
<< a` qui la main d'un ami ne les aurait pas ferme? s. Voila` le sein
sur lequel j'ai repose? ma te^te ; voila` les charmes que mon coeur
a posse? de? s.
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< Insense? ! Tout cela n'est que de la sorcellerie; chacun dans
<< ce fanto^me croit voir sa bien-aime? e.
FAUST.
<< Quel de? lire! quelle souffrance! Je ne peux m'e? loigner de ce
<< regard; mais autour de ce beau cou, que signifie ce collier
<< rouge, large comme le tranchant d'un couteau?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est vrai : mais qu'y veux-tu faire? Ne t'abi^me pas dans
<< tes re^veries; viens sur cette montagne, on t'y pre? pare une fe^te.
Viens. >>
Faust apprend que Marguerite a tue? l'enfant qu'elle a mis au
jour, espe? rant ainsi se de? rober a` la honte. Son crime a e? te? de? -
couvert; on l'a mise en prison, et le lendemain elle doit pe? rir
sur l'e? chafaud. Faust maudit Me? phistophe? le`s avec fureur; Me? phistophe? le`s accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que
c'est lui qui a de? sire? le mal, et qu'il ne l'a aide? que parce qu'il
l'avait appele? . Une sentence de mort est porte? e contre Faust,
parce qu'il a tue? le fre`re de Marguerite. Ne? anmoins, il s'intro-
duit en secret dans la ville, obtient de Me? phistophe? le`s les moyens
de de? livrer Marguerite, et pe? ne`tre de nuit dans son cachot, dont
il a de? robe? les clefs.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 280 FAt'ST.
11 l'entend de loin murmurer une chanson qui prouve l'e? gare-
ment de son esprit; les paroles de cette chanson sont tre`s-vul-
gaires , et Marguerite e? tait naturellement pure et de? licate. On
peint d'ordinaire les folles comme si la folie s'arrangeait avec
les convenances, et donnait seulement le droit de ne pas finir
les phrases commence? es, et de briser a` propos le fil des ide? es;
mais cela n'est pas ainsi: le ve? ritable de? sordre de l'esprit se
montre presque toujours sous des formes e? trange`res a` la cause
me^me de la folie, et la gaiete? des malheureux est bien plus de? -
chirante que leur douleur.
Faust entre dans la prison : Marguerite croit qu'on vient la
chercher pour la conduire a` la mort.
MARGUERITE, se soulevant de son lit de paille, s'e? crie:
<< Ils viennent! ils viennent! Oh! que la mort est ame`re!
FAUST, bas.
<< Doucement, doucement ; je vais te de? livrer. ( H s'approche
<< d'ellp pour briser ses fers. )
MARGUERITE.
<< Si tu es un homme, mon de? sespoir te touchera.
FAUST. << Plus bas, plus bas; tu e? veilleras la garde par tes cris.
MARGUERITE se jette a genoux.
<< Qui t'a donne? , barbare, cette puissance sur moi? Il n'est
<< que minuit: pourquoi viens-tu de? ja` me chercher? Aie pitie? de
mes larmes, laisse-moi vivre encore : demain matin, n'est-ce
pas assez to^t ? (Marguerite se rele`oe. ) Je suis pourtant si jeune ,
<< si jeune! et dois-je de? ja` mourir? J'e? tais belle aussi : c'est ce
qui a fait ma perte. Mon ami e? tait alors pre`s de moi: il est
maintenant bien loin. Les fleurs de ma guirlande sont disper-
<<se? es. Ne me prends pas la main avec tant de violence. Me? nage-
<< moi. Ne me laisse pas pleurer en vain. Jamais, jusqu'a` ce jour,
<< jo ne t'ai vu.
FAUST.
<< Comment supporter sa douleur!
MARGUERITE.
<< Je suis tout a` fait en ton pouvoir. Seulement laisse-moi al-
<< laiter mou enfant; je l'ai presse? sur mon coeur toute la nuit.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 287
<< Ils me l'ont o^te? pour m'affliger. N'ont-ils pas pre? tendu que je
l'avais tue? ? Jamais je ne redeviendrai ce que j'e? tais. N'ont-ils
<< pas chante? des chansons contre moi, ces me? chants! que vou-
<< laienl-ils donc dire?
FAUST se. jette a` ses pieds. << Ton amant est a` tes pieds; il vient ouvrir les portes de cette
<< horrible prison.
MARGUERITE.
<< Oui, mettons-nous a` genoux; appelons les saints a` notre.
<< secours. Les cris de l'enfer se font entendre, et les mauvais
<< ge? nies nous attendent sur le seuil de mon cachot.
FAUST. << Marguerite! Marguerite!
MARGUERITE, attentive.
<< C'e? tait la voix de mon ami. (Elle se pre? cipite vers Faust,
<< et ses fers tombent. ) Ou` est-il? Je l'ai entendu m'appeler. Je
<< suis libre. Personne ne pourra plus me retenir en prison. Je
? , m'appuierai sur son bras, je me reposerai sur son sein. Il ap-
<< pelle Marguerite : il est la`, devant la porte. Au milieu des
<< hurlements de l'impitoyable mort, j'entends la douce et tou-
<< chante harmonie de sa voix!
FAUST.
<< Oui, c'est moi, Marguerite!
MARGUERITE.
<< C'est toi! dis-le encore une fois. ( Elle te serre contre soit
<< coeur. ) C'est lui! c'est lui! Qu'est devenue l'angoisse des fers
,, et de l'e? chafaud? C'est toi! Je suis sauve? e! j'aperc? ois devant
<< moi la route ou` je te vis pour la premie`re fois, le jardin si riant
ou` Marthe et moi nous t'attendions.
FAUST.
<< Viens, viens.
MARGUERITE.
<< Il m'est si doux de rester quand tu demeures! Ah! ne t'e? loi-
gne pas!
FAUST.
<< Ha^te-toi ; nous payerions bien cher le moindre retard,
MARGUERITE.
<< Quoi ! tu ne re? ponds point a` mes embrassements ? Mon ami,
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