e hors de ma froide de-
<< meure; les chants murmure?
<< meure; les chants murmure?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
cit abre?
ge?
, le me?
rite e?
tonnant de cette romance : toutes les ima-
ges, tous les bruits, en rapport avec la situation de l'a^me , sont
merveilleusement exprime? s par la poe? sie: les syllabes, les rimes,
tout l'art des paroles et de leurs sons est employe? pour exciter la
terreur. La rapidite? des pas du cheval semble plus solennelle et
plus lugubre que la lenteur me^me d'une marche fune`bre. L'e? ner-
gie avec laquelle le chevalier ha^te sa course, cette pe? tulance de
ia mort cause un trouble inexprimable ; et l'on se croit emporte?
par le fanto^me, comme la malheureuse qu'il entrai^ne avec lui
dans l'abi^me.
11 y a quatre traductions de la romance de Le? nore en anglais;
mais la premie`re de toutes, sans comparaison, c'est celle de
M. Spencer, le poe`te anglais qui connai^t le mieux le ve? ritable esprit
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? DE LA POE? SIE ALLEMANDE. 17:',
des langues e? trange`res. L'analogie de l'anglais avec l'allemand
permet d'y faire sentir en entier l'originalite? du style et de la
versification de Burger ; et non-seulement on peut retrouver dans
la traduction le? s me^mes ide? es que dans l'original, mais aussi les
me^mes sensations; et rien n'est plus ne? cessaire pour connai^tre
un ouvrage des beaux-arts. Il serait difficile d'obtenir le me^me
re? sultat en francais, ou` rien de bizarre n'est naturel.
Bu`rger a fait une autre romance moins ce? le`bre, mais aussi
tre`s-originale, intitule? e : le fe? roce Chasseur. Suivi de ses valets
et de sa meute nombreuse, il part pour la chasse un dimanche,
au moment ou` les cloches du village annoncent le service divin.
Un chevalier, dont l'armure est blanche, se pre? sente a` lui, et le
conjure de ne pas profaner le jour du Seigneur ; un autre cheva-
her, reve^tu d'armes noires, lui fait honte de se soumettre a` des
pre? juge? s qui ne conviennent qu'aux vieillards et aux enfants : le
chasseur ce`de aux mauvaises inspirations ; il part, et arrive pre`s
du champ d'une pauvre veuve; elle se jette a` ses pieds pour le
supplier de ne pas de? vaster la moisson, en traversant les ble? s
avec sa suite ; le chevalier aux armes blanches supplie le chas-
seur d'e? couter la pitie? ; le chevalier noir se moque de ce pue? ril
sentiment-, le chasseur prend la fe? rocite? pour de l'e? nergie, et ses
chevaux foulent aux pieds l'espoir 'du pauvre et de l'orphelin.
Enfin, le cerf poursuivi se re? fugie dans la cabane d'un vieil er-
mite; le chasseur veut y mettre le feu pour eu faire sortir sa
proie ; l'ermite embrasse ses genoux, il veut attendrir le furieux
qui menace son humble demeure ; une dernie`re fois, le bon ge? nie,
sous la forme du chevalier blanc, parle encore ; le mauvais ge? -
nie , sous celle du chevalier noir, triomphe; le chasseur tue
l'ermite, et tout a` coup il est change? en fanto^me, et sa propre
meute veut le de? vorer. Une superstition populaire a donne? lieu
a` cette romance: l'on pre? tend qu'a` minuit, dans de certaines
saisons de l'anne? e, ou voit au-dessus de la fore^t ou` cet e? ve? ne-
ment doit s'e^tre passe? , un chasseur dans les nuages, poursuiti
jusqu'au jour par ses chiens furieux.
Ce qu'il y a de vraiment beau dans cette poe? sie de Bu`rger, c'est
la peinture de l'ardente volonte? du chasseur : elle e? tait d'abord
innocente, comme toutes les (acuite? s de l'a^me; mais elle se de-
1"'.
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? 174 DE LA POE? SIE ALLEMANDE.
prave toujours de plus en plus, chaque fois qu'il re? siste a` sa cons-
cience, et ce`de a` ses passions. Il n'avait d'abord que l'enivrement
de la force; il arrive enfin a` celui du crime, et la terre ne peut
plus le porter. Les bons et les mauvais penchants de l'homme
sont tre`s-bien caracte? rise? s par les deux chevaliers blanc et noir;
les mots, toujours les me^mes, que le chevalier blanc prononce
pour arre^ter le chasseur, sont aussi tre`s-inge? nieusement combi-
ne? s. Les anciens et les poetes du moyen a^ge ont parfaitement
connu l'effroi que cause, dans de certaines circonstances, le re-
tour des me^mes paroles ; il semble qu'on re? veille ainsi le senti-
ment de l'inflexible ne? cessite? . Les ombres, les oracles, toutes
les puissances surnaturelles, doivent e^tre monotones ; ce qui est
immuable est uniforme; et c'est un grand art, dans certaines fic-
tions , que d'imiter, par les paroles, la fixite? solennelle que l'i-
magination se repre? sente dans l'empire des te? ne`bres et de la
mort.
On remarque aussi dans Bu`rger une certaine familiarite?
d'expression qui ne nuit point a` la dignite? de la poe? sie, et qui
eu augmente singulie`rement l'effet. Quand on parvient a` rap-
procher de nous la terreur ou l'admiration, sans affaiblir ni
l'une ni l'autre , ces sentiments deviennent ne? cessairement beau-
coup plus forts : c'est me^ler dans l'art de peindre ce que nous
voyons tous les jours a` ce que nous ne voyons jamais , et ce qui
nous est connu nous fait croire a` ce qui nous e? tonne.
Goethe s'est essaye? aussi dans ces sujets, qui effrayent a` la
fois les enfants et les hommes; mais il y a mis des vues profon-
des , et qui donnent pour longtemps a` penser. Te vais ta^cher de
rendre compte de celle de ses poe? sies de revenants, la Fiance? e
fie Corinthe, qui a le plus de re? putation en Allemagne. Je ne
voudrais assure? ment de? fendre en aucune manie`re ni le but de
cette fiction, ni la fiction en elle-me^me; mais il me semble dif-
ficile de n'e^tre pas frappe? de l'imagination qu'elle suppose.
Deux amis, l'un d'Athe`nes et l'autre de Corinthe, ont re? solu
d'unir ensemble leur fils et leur fille. Le jeune homme part pour
aller voir a` Corinthe celle qui lui est promise , et qu'il ne con-
nai^t pas encore : c'e? tait au moment ou` le christianisme com-
mencait a` s'e? tablir. La famille de l'Athe? nien a garde? son an-
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? DE LA POESIE ALLEMANDE. 175
tienne religion ; celle du Corinthien adopte la croyance nouvelle;
et la me`re, pendant une longue maladie, a consacre? sa fille aux
autels. La soeur cadette est destine? e a` remplacer sa soeur ai^ne? e
qu'on a faite religieuse.
Le jeune homme arrive tard dans la maison, toute la famille
est endormie ; les valets apportent a` souper dans son apparte-
ment , et l'y laissent seul; peu de temps apre`s, un ho^te singulier
entre chez lui; il voit s'avancer jusqu'au milieu de la chambre
une jeune fille reve^tue d'un voile et d'un habit blanc, le front
ceint d'un ruban noir et or, et quand elle aperc? oit le jeune homme,
elle recule intimide? e, et s'e? crie, en e? levant au ciel ses blanches
mains : -- He? las ! suis-je donc devenue de? ja` si e? trange`re a` la mai-
son , dans l'e? troite cellule ou` je suis renferme? e , que j'ignore l'ar-
rive? e d'un nouvel ho^te ? --
Elle veut s'enfuir , le jeune homme la retient ; il apprend que
c'est elle qui lui e? tait destine? e pour e? pouse. Leurs pe`res avaient
jure? de les unir ; tout autre serment lui parai^t nul. -- Reste,
mon enfant, lui-dit-il; reste, et ne sois pas si pa^le d'effroi; par-
tage avec moi les dons de Ge? re`s et de Bacchus ; tu ame`nes l'a-
mour, et biento^t nous e? prouverons combien nos dieux sont fa-
vorables aux plaisirs. Le jeune homme conjure la jeune fille de
se donner a` lui.
<< Je n'appartiens plus a` la joie , lui re? pond-elle, le dernier
<< pas est accompli; la troupe brillante de nos dieux a disparu ,
<< et dans cette maison silencieuse, on n'adore plus qu'un E^tre
<< invisible dans le ciel, et qu'un Dieu mourant sur la croix. On
<< ne sacrifie plus des taureaux ni des brebis; mais on m'a choi-
<< sie pour victime humaine; ma jeunesse et la nature furent im-
<< mole? es aux autels: e? loigne-toi, jeune homme, e? loigne-toi;
"blanche comme la neige, et glace? e comme elle, est la mai^-
<< tresse infortune? e que ton coeur s'est choisie. >>
A l'heure de minuit, qu'on appelle l'heure des spectres, la
jeune fllle semble plus a` l'aise; elle boit avidement d'un vin cou-
leur de sang, semblable a` celui que prenaient les ombres, dans
l'Odysse? e, pour se retracer leurs souvenirs; mais elle refuse obs-
tine? ment le moindre morceau de pain : elle donne une chai^ne
d'or a` celui dont elle devait e^tre l'e? pouse, et lui demande une
boucle de ses cheveux ; le jeune homme , que ravit la beaute? de
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 176 DE LA POE? SIE ALLEMANDE.
la jeune fille, la serre dans ses bras avec transport, mais il ne sent
point de coeur battre dans son sein, ses membres sont glace? s. --N'importe, s'e? crie-t-il, je saurai te ranimer, quand le tombeau
me^me t'aurait envoye? e vers moi. --
Et alors commence la sce`ne la plus extraordinaire que l'ima-
gination en de? lire ait pu se figurer; un me? lange d'amour et d'ef-
froi, une union redoutable de la mort etde la vie. Il y a comme
une volupte? fune`bre dans ce tableau, ou` l'amour fait alliance
avec la tombe, ou` la beaute? me^me ne semble qu'une apparition
effrayante.
Enfin , la me`re arrive, et, convaincue qu'une de ses esclaves
s'est introduite chez l'e? tranger, elle veut se livrer a` son juste
courroux; mais tout a`coup la jeune fille grandit jusqu'a` la vou^te comme une ombre, et reproche a` sa me`re d'avoir cause? sa mort,
en lui faisant prendre le voile. -- << Oh! ma me`re , ma me`re ,
n s'e? crie-t-elle d'une voix sombre , pourquoi troublez-vous cette
<< belle nuit de l'hymen? n'e? tait-ce pas assez que, si jeune, vous
m'eussiez fait couvrir d'un linceul et porter dans le tombeau?
<< Une male? diction funeste m'a pousse?
e hors de ma froide de-
<< meure; les chants murmure? s par vos pre^tres n'ont pas sou-
<< lage? mon coeur ; le sel et l'eau n'ont point apaise? ma jeunesse:
<< ah ! la terre elle-me^me ne refroidit point l'amour.
<< Ce jeune homme me fut promis quand le temple serein de
" Ve? nus n'e? tait point encore renverse? . Ma me`re , deviez-vous
<< manquera votre parole, pour obe? ir a` des voeux insense? s ? Au-
? cun dieu n'a rec? u vos serments quand vous avez jure? de refu-
<< ser l'hymen a` votre fille. Et toi, beau jeune homme, mainte-
<<nant tu ne peux plus vivre; tu languiras dans ces me^mes lieux
ou` tu as rec? u ma chai^ne, ou` j'ai pris une boucle de ta cheve-
<< lure : demain tes cheveux blanchiront, et tu ne retrouveras ta
<< jeunesse que dans l'empire des ombres.
<< E? coute au moins, ma me`re, la prie`re dernie`re que je t'a-
<< dresse : ordonne qu'un bu^cher soit pre? pare? ; fais ouvrir le cer-
<<cueil e? troit qui me renferme; conduis les amants au repos a`
travers les flammes; et quand l'e? tincelle brillera, et quand
<< les cendres seront bru^lantes, nous nous ha^terons d'aller en-
<<semble rejoindre nos anciens dieux. >> Sans doute un gou^t pur et se? ve`re doit bla^mer beaucouri de
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? HE LA POE? SIE ALLEMANDE. 177
choses dans cette pie`ce; mais quand on la lit dans l'original, il
est impossible de ne pas admirer l'art avec lequel chaque mot
produit une terreur croissante : chaque mot indique , sans l'ex-
pliquer , l'horrible merveilleux de cette situation. Une histoire,
dont rien ne peut donner l'ide? e , est peinte avec des de? tails frap-
pants et naturels, comme s'il s'agissait de quelque chose qui fu^t
arrive? ; et la curiosite? est constamment excite? e, sans qu'on vou-
lu^t sacrifier une seule circonstance pour qu'elle fu^t plus to^t satis-
faite.
Ne? anmoins cette pie`ce est la seule, parmi les poe? sies de? tache? es
des auteurs ce? le`bres de l'Allemagne, contre laquelle le gou^t
franc? ais eu^t quelque chose a` redire : dans toutes les autres, les
deux nations paraissent d'accord. Le poete Jacobi a presque dans
ses vers le piquant et la le? ge`rete? de Gresset. Mattisson a donne? a`
la poe? sie descriptive, dont les traits e? taient souvent trop-vagues,
le caracte`re d'un tableau aussi frappant par le coloris que par
la ressemblance. Le charme pe? ne? trant des poe? sies de Salis fait
aimer leur auteur, comme si l'on e? tait de ses amis, Tiedge est
un poete moral et pur, dont les e? crits portent l'a^me au senti-
ment le plus religieux. Enfin, une foule de poetes devraient en-
core e^tre cite? s , s'il e? tait possible d'indiquer tous les noms di-
gnes de louange, dans un pays ou` la poe? sie est si naturelle a` tous
les esprits cultive? s.
A W. Schlegel, dont les opinions litte? raires ont fait tant de
bruit en Allemagne, ne se permet pas dans ses poe? sies la moindre
<<pression , la moindre nuance que la the? orie du gou^t le plus
se? ve`re pu^t attaquer. Ses e? le? gies sur la mort d'une jeune per-
sonne, ses stances sur l'union de l'E? glise avec les beaux-arts ,
son e? le? gie sur Rome, sont e? crites avec la de? licatesse et la no-
Messe la plus soutenue. On n'en pourra juger que bien impar-
faitement par les deux exemples que je vais citer; ils serviront
du moins a` faire connai^tre le caracte`re de ce poete. L'ide? e du
sonnet, f Attachement a` la Terre, m'a paru pleine de charme.
<< Souvent l'a^me, fortifie? e par la contemplation des choses
? divines, voudrait de? ployer ses ailes vers le ciel. Dans le cercle
1 e? troit qu'elle parcourt, son activite? lui semble vaine, et sa
? science du de? lire; un de? sir invincible la presse de s'e? lancer
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? 178 DK LA. POESIE ALLEMANDE.
<< vers des re? gions e? leve? es, vers des sphe`res plus libres; elle
<< croit qu'au terme de sa carrie`re, un rideau va se lever pour lui
<< de? couvrir des sce`nes de lumie`re ; mais quand la mort touch e
<< son corps pe? rissable, elle jette un regard en arrie`re , vers les
<< plaisirs terrestres et vers ses compagnes mortelles. Ainsi,
<< lorsque jadis Proserpine fut enleve? e dans les bras de Pluton ,
<< loin des prairies de la Sicile, enfantine dans ses plaintes, elle
a pleurait pour les fleurs qui s'e? chappaient de son sein. >>
La pie`ce de vers suivante doit perdre encore plus a` la traduc-
tion que le sonnet ; elle est intitule? e Me? lodies de la fie : le
cygne y est mis en opposition avec l'aigle, l'un comme l'em-
ble`me de l'existence contemplative , l'autre comme l'image de
l'existence active : le rhythme du vers change quand le cygne
pirle et quand l'aigle lui re? pond, et les chants de tous les deux
sont pourtant renferme? s dans la me^me stauce ou` la rime les
re? unit : les ve? ritaWes beaute? s de l'harmonie se trouvent aussi
dans cette pie`ce , non l'harmonie imitative, mais la musique
inte? rieure de l'a^me. L'e? motion la trouve sans re? fle? chir, et le
talent qui re? fle? chit en fait de la poe? sie.
<< Le cygne. Ma vie tranquille se passe sur les ondes ; elle n'y
<< trace que de le? gers sillons qui se perdent au loin, etles flots a`
<< peine agite? s re? pe`tent, comme un miroir pur, mon image sans
<< l'alte? rer.
<< /. ' aigle. Les rochers escarpe? s sont ma demeure : je plane
? dans les airs au milieu de l'orage; a` la chasse , dans les coni -
<< bats, dans les dangers, je me fie a` mon vol audacieux.
<< Le cygne. L'azur du ciel serein me re? jouit, le parfum des
<< plantes m'attire doucement vers le rivage, quand au coucher
<< du soleil je balance mes ailes blanches sur les vagues pour-
<< pre? es.
<< L'aigle. . Te triomphe dans la tempe^te, quand elle de? racine
<< les che^nes des fore^ts, et je demande au tonnerre si c'est avec
<< plaisir qu'il ane? antit.
<< Le cygne. Invite? par le regard d'Apollon, j'ose aussi me
<< baigner dans les flots de l'harmonie ; et, reposant a` ses pieds,
<< j'e? coute les chants qui retentissent dans la valle? e de Tempe? .
<< L'aigle. Je re? side sur le tro^ne me^me de Jupiter; il me fait
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? DU GOUT. 179
? signe , et je vais lui chercher la foudre; et pendant mon som-
? meil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain
? de l'univers.
<< Le cygne. Mes regards prophe? tiques contemplent souvent
<< les e? toiles et la vou^te azure? e qui se re? fle? chit dans les flots, et
<< le regret le plus intime m'appelle vers ma patrie, dans le pays
> des cieux.
<< L'aigle. De`s mes jeunes anne? es, c'est avec de? lices que dans
<< mon vol j'ai fixe? le soleil immortel; je ne puis m'abaisser a` la
? poussie`re terrestre, je me sens l'allie? des dieux.
<< Le cygne. Une douce vie ce`de volontiers a` la mort ; quand
<< elle viendra me de? gager de mes liens , et rendre a` ma voix sa
? me? lodie, mes chants, jusqu'a` mon dernier souffle , ce? le? bre-
<< ront l'instant solennel.
<< L'aigle. L'a^me, comme un phe? nix brillant, s'e? le`ve du
<< bu^cher, libre et de? voile? e ; elle salue sa destine? e divine ; le flam-
<< beau de la mort la rajeunit ". >>
C'est une chose digne d'e^tre observe? e, que le gou^t des nations,
en ge? ne?
ges, tous les bruits, en rapport avec la situation de l'a^me , sont
merveilleusement exprime? s par la poe? sie: les syllabes, les rimes,
tout l'art des paroles et de leurs sons est employe? pour exciter la
terreur. La rapidite? des pas du cheval semble plus solennelle et
plus lugubre que la lenteur me^me d'une marche fune`bre. L'e? ner-
gie avec laquelle le chevalier ha^te sa course, cette pe? tulance de
ia mort cause un trouble inexprimable ; et l'on se croit emporte?
par le fanto^me, comme la malheureuse qu'il entrai^ne avec lui
dans l'abi^me.
11 y a quatre traductions de la romance de Le? nore en anglais;
mais la premie`re de toutes, sans comparaison, c'est celle de
M. Spencer, le poe`te anglais qui connai^t le mieux le ve? ritable esprit
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA POE? SIE ALLEMANDE. 17:',
des langues e? trange`res. L'analogie de l'anglais avec l'allemand
permet d'y faire sentir en entier l'originalite? du style et de la
versification de Burger ; et non-seulement on peut retrouver dans
la traduction le? s me^mes ide? es que dans l'original, mais aussi les
me^mes sensations; et rien n'est plus ne? cessaire pour connai^tre
un ouvrage des beaux-arts. Il serait difficile d'obtenir le me^me
re? sultat en francais, ou` rien de bizarre n'est naturel.
Bu`rger a fait une autre romance moins ce? le`bre, mais aussi
tre`s-originale, intitule? e : le fe? roce Chasseur. Suivi de ses valets
et de sa meute nombreuse, il part pour la chasse un dimanche,
au moment ou` les cloches du village annoncent le service divin.
Un chevalier, dont l'armure est blanche, se pre? sente a` lui, et le
conjure de ne pas profaner le jour du Seigneur ; un autre cheva-
her, reve^tu d'armes noires, lui fait honte de se soumettre a` des
pre? juge? s qui ne conviennent qu'aux vieillards et aux enfants : le
chasseur ce`de aux mauvaises inspirations ; il part, et arrive pre`s
du champ d'une pauvre veuve; elle se jette a` ses pieds pour le
supplier de ne pas de? vaster la moisson, en traversant les ble? s
avec sa suite ; le chevalier aux armes blanches supplie le chas-
seur d'e? couter la pitie? ; le chevalier noir se moque de ce pue? ril
sentiment-, le chasseur prend la fe? rocite? pour de l'e? nergie, et ses
chevaux foulent aux pieds l'espoir 'du pauvre et de l'orphelin.
Enfin, le cerf poursuivi se re? fugie dans la cabane d'un vieil er-
mite; le chasseur veut y mettre le feu pour eu faire sortir sa
proie ; l'ermite embrasse ses genoux, il veut attendrir le furieux
qui menace son humble demeure ; une dernie`re fois, le bon ge? nie,
sous la forme du chevalier blanc, parle encore ; le mauvais ge? -
nie , sous celle du chevalier noir, triomphe; le chasseur tue
l'ermite, et tout a` coup il est change? en fanto^me, et sa propre
meute veut le de? vorer. Une superstition populaire a donne? lieu
a` cette romance: l'on pre? tend qu'a` minuit, dans de certaines
saisons de l'anne? e, ou voit au-dessus de la fore^t ou` cet e? ve? ne-
ment doit s'e^tre passe? , un chasseur dans les nuages, poursuiti
jusqu'au jour par ses chiens furieux.
Ce qu'il y a de vraiment beau dans cette poe? sie de Bu`rger, c'est
la peinture de l'ardente volonte? du chasseur : elle e? tait d'abord
innocente, comme toutes les (acuite? s de l'a^me; mais elle se de-
1"'.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 174 DE LA POE? SIE ALLEMANDE.
prave toujours de plus en plus, chaque fois qu'il re? siste a` sa cons-
cience, et ce`de a` ses passions. Il n'avait d'abord que l'enivrement
de la force; il arrive enfin a` celui du crime, et la terre ne peut
plus le porter. Les bons et les mauvais penchants de l'homme
sont tre`s-bien caracte? rise? s par les deux chevaliers blanc et noir;
les mots, toujours les me^mes, que le chevalier blanc prononce
pour arre^ter le chasseur, sont aussi tre`s-inge? nieusement combi-
ne? s. Les anciens et les poetes du moyen a^ge ont parfaitement
connu l'effroi que cause, dans de certaines circonstances, le re-
tour des me^mes paroles ; il semble qu'on re? veille ainsi le senti-
ment de l'inflexible ne? cessite? . Les ombres, les oracles, toutes
les puissances surnaturelles, doivent e^tre monotones ; ce qui est
immuable est uniforme; et c'est un grand art, dans certaines fic-
tions , que d'imiter, par les paroles, la fixite? solennelle que l'i-
magination se repre? sente dans l'empire des te? ne`bres et de la
mort.
On remarque aussi dans Bu`rger une certaine familiarite?
d'expression qui ne nuit point a` la dignite? de la poe? sie, et qui
eu augmente singulie`rement l'effet. Quand on parvient a` rap-
procher de nous la terreur ou l'admiration, sans affaiblir ni
l'une ni l'autre , ces sentiments deviennent ne? cessairement beau-
coup plus forts : c'est me^ler dans l'art de peindre ce que nous
voyons tous les jours a` ce que nous ne voyons jamais , et ce qui
nous est connu nous fait croire a` ce qui nous e? tonne.
Goethe s'est essaye? aussi dans ces sujets, qui effrayent a` la
fois les enfants et les hommes; mais il y a mis des vues profon-
des , et qui donnent pour longtemps a` penser. Te vais ta^cher de
rendre compte de celle de ses poe? sies de revenants, la Fiance? e
fie Corinthe, qui a le plus de re? putation en Allemagne. Je ne
voudrais assure? ment de? fendre en aucune manie`re ni le but de
cette fiction, ni la fiction en elle-me^me; mais il me semble dif-
ficile de n'e^tre pas frappe? de l'imagination qu'elle suppose.
Deux amis, l'un d'Athe`nes et l'autre de Corinthe, ont re? solu
d'unir ensemble leur fils et leur fille. Le jeune homme part pour
aller voir a` Corinthe celle qui lui est promise , et qu'il ne con-
nai^t pas encore : c'e? tait au moment ou` le christianisme com-
mencait a` s'e? tablir. La famille de l'Athe? nien a garde? son an-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA POESIE ALLEMANDE. 175
tienne religion ; celle du Corinthien adopte la croyance nouvelle;
et la me`re, pendant une longue maladie, a consacre? sa fille aux
autels. La soeur cadette est destine? e a` remplacer sa soeur ai^ne? e
qu'on a faite religieuse.
Le jeune homme arrive tard dans la maison, toute la famille
est endormie ; les valets apportent a` souper dans son apparte-
ment , et l'y laissent seul; peu de temps apre`s, un ho^te singulier
entre chez lui; il voit s'avancer jusqu'au milieu de la chambre
une jeune fille reve^tue d'un voile et d'un habit blanc, le front
ceint d'un ruban noir et or, et quand elle aperc? oit le jeune homme,
elle recule intimide? e, et s'e? crie, en e? levant au ciel ses blanches
mains : -- He? las ! suis-je donc devenue de? ja` si e? trange`re a` la mai-
son , dans l'e? troite cellule ou` je suis renferme? e , que j'ignore l'ar-
rive? e d'un nouvel ho^te ? --
Elle veut s'enfuir , le jeune homme la retient ; il apprend que
c'est elle qui lui e? tait destine? e pour e? pouse. Leurs pe`res avaient
jure? de les unir ; tout autre serment lui parai^t nul. -- Reste,
mon enfant, lui-dit-il; reste, et ne sois pas si pa^le d'effroi; par-
tage avec moi les dons de Ge? re`s et de Bacchus ; tu ame`nes l'a-
mour, et biento^t nous e? prouverons combien nos dieux sont fa-
vorables aux plaisirs. Le jeune homme conjure la jeune fille de
se donner a` lui.
<< Je n'appartiens plus a` la joie , lui re? pond-elle, le dernier
<< pas est accompli; la troupe brillante de nos dieux a disparu ,
<< et dans cette maison silencieuse, on n'adore plus qu'un E^tre
<< invisible dans le ciel, et qu'un Dieu mourant sur la croix. On
<< ne sacrifie plus des taureaux ni des brebis; mais on m'a choi-
<< sie pour victime humaine; ma jeunesse et la nature furent im-
<< mole? es aux autels: e? loigne-toi, jeune homme, e? loigne-toi;
"blanche comme la neige, et glace? e comme elle, est la mai^-
<< tresse infortune? e que ton coeur s'est choisie. >>
A l'heure de minuit, qu'on appelle l'heure des spectres, la
jeune fllle semble plus a` l'aise; elle boit avidement d'un vin cou-
leur de sang, semblable a` celui que prenaient les ombres, dans
l'Odysse? e, pour se retracer leurs souvenirs; mais elle refuse obs-
tine? ment le moindre morceau de pain : elle donne une chai^ne
d'or a` celui dont elle devait e^tre l'e? pouse, et lui demande une
boucle de ses cheveux ; le jeune homme , que ravit la beaute? de
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? 176 DE LA POE? SIE ALLEMANDE.
la jeune fille, la serre dans ses bras avec transport, mais il ne sent
point de coeur battre dans son sein, ses membres sont glace? s. --N'importe, s'e? crie-t-il, je saurai te ranimer, quand le tombeau
me^me t'aurait envoye? e vers moi. --
Et alors commence la sce`ne la plus extraordinaire que l'ima-
gination en de? lire ait pu se figurer; un me? lange d'amour et d'ef-
froi, une union redoutable de la mort etde la vie. Il y a comme
une volupte? fune`bre dans ce tableau, ou` l'amour fait alliance
avec la tombe, ou` la beaute? me^me ne semble qu'une apparition
effrayante.
Enfin , la me`re arrive, et, convaincue qu'une de ses esclaves
s'est introduite chez l'e? tranger, elle veut se livrer a` son juste
courroux; mais tout a`coup la jeune fille grandit jusqu'a` la vou^te comme une ombre, et reproche a` sa me`re d'avoir cause? sa mort,
en lui faisant prendre le voile. -- << Oh! ma me`re , ma me`re ,
n s'e? crie-t-elle d'une voix sombre , pourquoi troublez-vous cette
<< belle nuit de l'hymen? n'e? tait-ce pas assez que, si jeune, vous
m'eussiez fait couvrir d'un linceul et porter dans le tombeau?
<< Une male? diction funeste m'a pousse?
e hors de ma froide de-
<< meure; les chants murmure? s par vos pre^tres n'ont pas sou-
<< lage? mon coeur ; le sel et l'eau n'ont point apaise? ma jeunesse:
<< ah ! la terre elle-me^me ne refroidit point l'amour.
<< Ce jeune homme me fut promis quand le temple serein de
" Ve? nus n'e? tait point encore renverse? . Ma me`re , deviez-vous
<< manquera votre parole, pour obe? ir a` des voeux insense? s ? Au-
? cun dieu n'a rec? u vos serments quand vous avez jure? de refu-
<< ser l'hymen a` votre fille. Et toi, beau jeune homme, mainte-
<<nant tu ne peux plus vivre; tu languiras dans ces me^mes lieux
ou` tu as rec? u ma chai^ne, ou` j'ai pris une boucle de ta cheve-
<< lure : demain tes cheveux blanchiront, et tu ne retrouveras ta
<< jeunesse que dans l'empire des ombres.
<< E? coute au moins, ma me`re, la prie`re dernie`re que je t'a-
<< dresse : ordonne qu'un bu^cher soit pre? pare? ; fais ouvrir le cer-
<<cueil e? troit qui me renferme; conduis les amants au repos a`
travers les flammes; et quand l'e? tincelle brillera, et quand
<< les cendres seront bru^lantes, nous nous ha^terons d'aller en-
<<semble rejoindre nos anciens dieux. >> Sans doute un gou^t pur et se? ve`re doit bla^mer beaucouri de
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? HE LA POE? SIE ALLEMANDE. 177
choses dans cette pie`ce; mais quand on la lit dans l'original, il
est impossible de ne pas admirer l'art avec lequel chaque mot
produit une terreur croissante : chaque mot indique , sans l'ex-
pliquer , l'horrible merveilleux de cette situation. Une histoire,
dont rien ne peut donner l'ide? e , est peinte avec des de? tails frap-
pants et naturels, comme s'il s'agissait de quelque chose qui fu^t
arrive? ; et la curiosite? est constamment excite? e, sans qu'on vou-
lu^t sacrifier une seule circonstance pour qu'elle fu^t plus to^t satis-
faite.
Ne? anmoins cette pie`ce est la seule, parmi les poe? sies de? tache? es
des auteurs ce? le`bres de l'Allemagne, contre laquelle le gou^t
franc? ais eu^t quelque chose a` redire : dans toutes les autres, les
deux nations paraissent d'accord. Le poete Jacobi a presque dans
ses vers le piquant et la le? ge`rete? de Gresset. Mattisson a donne? a`
la poe? sie descriptive, dont les traits e? taient souvent trop-vagues,
le caracte`re d'un tableau aussi frappant par le coloris que par
la ressemblance. Le charme pe? ne? trant des poe? sies de Salis fait
aimer leur auteur, comme si l'on e? tait de ses amis, Tiedge est
un poete moral et pur, dont les e? crits portent l'a^me au senti-
ment le plus religieux. Enfin, une foule de poetes devraient en-
core e^tre cite? s , s'il e? tait possible d'indiquer tous les noms di-
gnes de louange, dans un pays ou` la poe? sie est si naturelle a` tous
les esprits cultive? s.
A W. Schlegel, dont les opinions litte? raires ont fait tant de
bruit en Allemagne, ne se permet pas dans ses poe? sies la moindre
<<pression , la moindre nuance que la the? orie du gou^t le plus
se? ve`re pu^t attaquer. Ses e? le? gies sur la mort d'une jeune per-
sonne, ses stances sur l'union de l'E? glise avec les beaux-arts ,
son e? le? gie sur Rome, sont e? crites avec la de? licatesse et la no-
Messe la plus soutenue. On n'en pourra juger que bien impar-
faitement par les deux exemples que je vais citer; ils serviront
du moins a` faire connai^tre le caracte`re de ce poete. L'ide? e du
sonnet, f Attachement a` la Terre, m'a paru pleine de charme.
<< Souvent l'a^me, fortifie? e par la contemplation des choses
? divines, voudrait de? ployer ses ailes vers le ciel. Dans le cercle
1 e? troit qu'elle parcourt, son activite? lui semble vaine, et sa
? science du de? lire; un de? sir invincible la presse de s'e? lancer
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? 178 DK LA. POESIE ALLEMANDE.
<< vers des re? gions e? leve? es, vers des sphe`res plus libres; elle
<< croit qu'au terme de sa carrie`re, un rideau va se lever pour lui
<< de? couvrir des sce`nes de lumie`re ; mais quand la mort touch e
<< son corps pe? rissable, elle jette un regard en arrie`re , vers les
<< plaisirs terrestres et vers ses compagnes mortelles. Ainsi,
<< lorsque jadis Proserpine fut enleve? e dans les bras de Pluton ,
<< loin des prairies de la Sicile, enfantine dans ses plaintes, elle
a pleurait pour les fleurs qui s'e? chappaient de son sein. >>
La pie`ce de vers suivante doit perdre encore plus a` la traduc-
tion que le sonnet ; elle est intitule? e Me? lodies de la fie : le
cygne y est mis en opposition avec l'aigle, l'un comme l'em-
ble`me de l'existence contemplative , l'autre comme l'image de
l'existence active : le rhythme du vers change quand le cygne
pirle et quand l'aigle lui re? pond, et les chants de tous les deux
sont pourtant renferme? s dans la me^me stauce ou` la rime les
re? unit : les ve? ritaWes beaute? s de l'harmonie se trouvent aussi
dans cette pie`ce , non l'harmonie imitative, mais la musique
inte? rieure de l'a^me. L'e? motion la trouve sans re? fle? chir, et le
talent qui re? fle? chit en fait de la poe? sie.
<< Le cygne. Ma vie tranquille se passe sur les ondes ; elle n'y
<< trace que de le? gers sillons qui se perdent au loin, etles flots a`
<< peine agite? s re? pe`tent, comme un miroir pur, mon image sans
<< l'alte? rer.
<< /. ' aigle. Les rochers escarpe? s sont ma demeure : je plane
? dans les airs au milieu de l'orage; a` la chasse , dans les coni -
<< bats, dans les dangers, je me fie a` mon vol audacieux.
<< Le cygne. L'azur du ciel serein me re? jouit, le parfum des
<< plantes m'attire doucement vers le rivage, quand au coucher
<< du soleil je balance mes ailes blanches sur les vagues pour-
<< pre? es.
<< L'aigle. . Te triomphe dans la tempe^te, quand elle de? racine
<< les che^nes des fore^ts, et je demande au tonnerre si c'est avec
<< plaisir qu'il ane? antit.
<< Le cygne. Invite? par le regard d'Apollon, j'ose aussi me
<< baigner dans les flots de l'harmonie ; et, reposant a` ses pieds,
<< j'e? coute les chants qui retentissent dans la valle? e de Tempe? .
<< L'aigle. Je re? side sur le tro^ne me^me de Jupiter; il me fait
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? DU GOUT. 179
? signe , et je vais lui chercher la foudre; et pendant mon som-
? meil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain
? de l'univers.
<< Le cygne. Mes regards prophe? tiques contemplent souvent
<< les e? toiles et la vou^te azure? e qui se re? fle? chit dans les flots, et
<< le regret le plus intime m'appelle vers ma patrie, dans le pays
> des cieux.
<< L'aigle. De`s mes jeunes anne? es, c'est avec de? lices que dans
<< mon vol j'ai fixe? le soleil immortel; je ne puis m'abaisser a` la
? poussie`re terrestre, je me sens l'allie? des dieux.
<< Le cygne. Une douce vie ce`de volontiers a` la mort ; quand
<< elle viendra me de? gager de mes liens , et rendre a` ma voix sa
? me? lodie, mes chants, jusqu'a` mon dernier souffle , ce? le? bre-
<< ront l'instant solennel.
<< L'aigle. L'a^me, comme un phe? nix brillant, s'e? le`ve du
<< bu^cher, libre et de? voile? e ; elle salue sa destine? e divine ; le flam-
<< beau de la mort la rajeunit ". >>
C'est une chose digne d'e^tre observe? e, que le gou^t des nations,
en ge? ne?
