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ruviens, a longtemps combattu contre les Espagnols; il aimait
Cora,la fille du Soleil, et ne?
ruviens, a longtemps combattu contre les Espagnols; il aimait
Cora,la fille du Soleil, et ne?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
Le sujet de
cette pie`ce, et les moeurs qu'elle repre? sente, sont trop rappro-
che? s de la ve? rite? , et d'une ve? rite? atroce, qui ne devrait point en-
trer dans le cercle des beaux-arts. Ils sont place? s entre le ciel et
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? PIE`CES DU THE? A^TRE ALLEMAND. 30. ',
la terre; et le beau talent de Werner quelquefois s'e? le`ve au-des-
sus, quelquefois descend au-dessous de la re? gion dans laquelle
les fictions doivent rester.
CHAPITRE XXV.
Diverses pie`ces du the? a^tre allemand et danois.
Les ouvrages dramatiques de Kotzebue sont traduits dans
plusieurs langues. Il serait donc superflu de s'occuper a` les faire
connai^tre. Je dirai seulement qu'aucun juge impartial ne peut lui
refuser une intelligence parfaite des effets du the? a^tre : Les deux
Fre`res, Misanthropie et Repentir, lesHusntes, lesCroise? s, Hugo
Gratins, Jeanne de Montfaucon, la mort de Rolla, etc. , exci-
tent l'inte? re^t le plus vif, partout ou` ces pie`ces sont joue? es. Toute-
fois, il faut avouer que Kotzebue ne sait donnera` ses person-
nages , ni la couleur des sie`cles dans lesquels ils ont ve? cu, ni les traits nationaux, ni le caracte`re que l'histoire leur assigne.
Ces personnages, a` quelque pays, a` quelque sie`cle qu'ils appar-
tiennent, se montrent toujours contemporains et compatriotes:
ils ont les me^mes opinions philosophiques, les me^mes moeurs
modernes, et, soit qu'il s'agisse d'un homme de nos jours ou
de la fille du Soleil, l'onne voit jamais dans ces pie`ces qu'un ta-
bleau naturel et pathe? tique du temps pre? sent. Si le talent the? a^-
tral de Kotzebue, unique en Allemagne, pouvait e^tre re? uni avec
le don de peindre les caracte`res tels que l'histoire nous les trans-
met, et si son style poe? tique s'e? levait a` la hauteur des situa-
tions dont il est l'inge? nieux inventeur, le succe`s de ses pie`ces se-
rait aussi durable qu'il est brillant.
Au reste, rien n'est si rare que de trouver dans le me^me
homme les deux faculte? s qui constituent un grand auteur dramatique : l'habilete? dans son me? tier, si l'on peut s'exprimer
ainsi, et le ge? nie dont le point de vue est universel : ce proble`me
est la difficulte? de la nature humaine tout entie`re; et l'on peut
toujours remarquer quels sont, parmi les hommes, ceux en qui
le talent de la conception ou celui de l'exe? cution domine; ceux
qui sont en relation avec tous les temps, ou particulie`rement
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? 306 PIE`CES DO THE? A^TRE ALLEMAND.
propres au leur; cependant, c'est dans la re? union des qualite? s
oppose? es que consistent les phe? nome`nes en tout genre.
La plupart des pie`ces de Kotzebue renferment quelques situa-
tions d'une grande beaute? . Dans les Hussites, lorsque Procope,
successeur de Ziska, met le sie? ge devant Naumbourg, les ma-
gistrats prennent la re? solution d'envoyer tous les enfants de la
ville au camp ennemi, pour demander la gra^ce des habitants.
Ces pauvres enfants doivent aller seuls implorer les fanatiques
soldats, qui n'e? pargnaient ni le sexe ni l'a^ge. Le bourgmestre
offre le premier ses quatre fils, dont le plus a^ge? a douze ans,
pour cette expe? dition pe? rilleuse. La me`re demande qu'au moins
il y en ait un qui reste aupre`s d'elle; le pe`re a l'air d'y consentir,
et il se met a` rappeler successivement les de? fauts de chacun de
ses enfants, afin que la me`re de? clare quels sont ceux qui lui ins-
pirent le moins d'inte? re^t; mais chaque fois qu'il commence a`
en bla^mer un, la me`re assure que c'est celui de tous qu'elle
pre? fe`re, et l'infortune? e est enfin oblige? e de convenir que le cruel
choix est impossible, et qu'il vaut mieux que tous partagent le
me^me sort.
Au second acte, on voit le camp des Hussites : tous ces sol-
dats, dontla figure est si menac? ante, reposent sous leurs tentes.
Un le? ger bruit excite leur attention; ils aperc? oivent dans la plaine
une foule d'enfants qui marchent en troupe, une branche de
che^ne a` la main; ils ne peuvent concevoir ce que cela signifie;
et, prenant leurs lances, ils se placent a` l'entre? e du camp
pour en de? fendre l'approche. Les enfants avancent sans crainte
au-devant des lances, et les Hussites reculent toujours involon-
tairement, irrite? s d'e^tre attendris, et ne comprenant pas eux-me^mes ce qu'ils e? prouvent. Procope sort de sa tente; il se fait
amener le bourgmestre, qui avait suivi de loin les enfants, et
lui ordonne de de? signer ses fils. Le bourgmestre s'y refuse; les
soldats de Procope le saisissent, et, dans cet instant, les quatre
enfants sortent de la foule et se pre? cipitent dans les bras de leur
pe`re. -- Tu les connais tous a` pre? sent, dit le bourgmestre a` Procope : ils se sont nomme? s eux-me^mes. -- La pie`ce finit heu-
reusement, et le troisie`me acte se passe tout en fe? licitations;
mais le second acte est du plus grand inte? re^t tlfe? a`tral.
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? PIECES DU THEATIIE ALLEMAND. 307
Des sce`nes de roman font tout le me? rite de la pie`ce des
Croise? s. Une jeune fille, croyant que son amant avait pe? ri dans
les guerres, s'est faite religieuse a` Je? rusalem, dans un ordre
consacre? a` servirles malades. On ame`ne dans son couvent un
chevalier dangereusement blesse? ; elle vient couverte de son
voile, et, ne levant pas les yeux sur lui, elle se met a` genoux
pour le panser. Le chevalier, dans ce moment de douleur, pro-
nonce le nom de sa mai^tresse; l'infortune? e reconnai^t ainsi son
amant. Il veut l'enlever; l'abbesse du couvent de? couvre son des-
sein et le consentement que la religieuse y a donne? . Elle la con-
damne, dans sa fureur, a` e^tre ensevelie vivante; et le malheu-
reux chevalier, errant vainement autour de l'e? glise, entend
l'orgue et les voix souterraines qui ce? le`brent le service des morts
pour celle qui vit encore et qui l'aime. Cette situation est de? chi-
rante; mais tout finit de me^me heureusement. Les Turcs, con-
duits par le jeune chevalier, viennent de? livrer la religieuse. Un
couvent d'Asie, dans le treizie`me sie`cle, est traite? comme les
Victimes cloi^tre? es, pendant la re? volution de France; et des
maximes douces, mais un peu faciles, terminent la pie`ce a` la
satisfaction de tout le monde.
Kotzebueafaitundrame de l'anecdote de Grotius mis en pri-
son par le prince d'Orange, et de? livre? par ses amis, qui trouvent
le moyen de l'emporter de sa forteresse, cache? dans une caisse
delivres. Il y a des situations tre`s-remarquables dans cette pie`ce:
un jeune officier, amoureux de la fille de Grotius, apprend
d'elle qu'ellecherche a` faire e? vader son pe`re, et lui promet de
la seconder dans ce projet; mais le commandant, son ami,
oblige? de s'e? loigner pour vingt-quatre heures, lui confie les clefs
de la citadelle. Il y a peine de mort contre le commandant
lui-me^me, si le prisonnier s'e? chappe en son absence. Le jeune
lieutenant, responsable de la vie de son ami, empe^che le pe`re
de sa mai^tresse de se sauver, en le forc? ant a` rentrer dans sa
prison, au moment ou` il e? tait pre^t a` monter dans la barque
pre? pare? e pour le de? livrer. Le sacrifice que fait ce jeune lieute-
nant, en s'exposant ainsi a` l'indignation de sa mai^tresse, est
vraiment he? roi? que; lorsque le commandant revient, et que l'of-
ficier n'occupe plus la place de son ami, il trouve le moyen d'at-
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? 308 PIE`CES DU THE? ATRE ALLEMAND.
tirer sur lui, par un noble mensonge, la peine capitale porte? e contre ceux qui ont tente? une seconde fois de faire sauver Gro-
tius,et qui y ont enfin re? ussi. La joie du jeune homme, lorsque
son arre^t de mort lui garantit le retour de l'estime de sa mai^-
tresse, est dela plus touchante beaute? ; mais, a` la fin, il y a
tant de magnanimite? dans Grotius, qui revient se constituer
prisonnier pour sauver le jeune homme, dans le prince d'O-
range, dans la fille, dans l'auteur me^me, qu'on n'a plus qu'a`
dire amen a` tout. On a pris les situations de cette pie`ce dans un
drame franc? ais; mais elles sont attribue? es a` des personnages in-
connus ; et Grotius ni le prince d'Orange n'y sont nomme? s. C'est
tre`s-sagement fait; car il n'y a rien dans l'allemand qui convienne
spe? cialement au caracte`re de ces deux hommes, tels que l'histoire
nous les repre? sente.
Jeanne de Montfaucon e? tant une aventure de chevalerie, de
l'invention deKotzebue, il a e? te? plus libre que dans toute autre
pie`ce de traiter le sujet a` sa manie`re. Une actrice charmante,
madame Unzelmann, jouait le principal ro^le; et la manie`re dont
elle de? fendait son coeur et son cha^teau contre un chevalier dis-
courtois, faisait au the? a^tre une impression tre`s-agre? able. Tour
a` tour guerrie`re et de? sespe? re? e, son casque ou ses cheveux e? pars servaient a` l'embellir; mais les situations de ce genre pre^tent
bien plus a` la pantomime qu'a` la parole, et les mots ne sont la`
que pour achever les gestes.
La Mort de Rolla est d'un me? rite supe? rieur a` tout ce que je
viens de citer; le ce? le`bre She? ridan en a fait une pie`ce intitule? e
Pizarre, qui a eu le plus grand succe`s en Angleterre : un mot
a` la fin de la pie`ce est d'un effet admirable. Rolla, chef des Pe?
-
ruviens, a longtemps combattu contre les Espagnols; il aimait
Cora,la fille du Soleil, et ne? anmoins il a ge? ne? reusement tra-
vaille? a` vaincre les obstacles qui la se? paraient d'Alonzo. Un an
apre`s leur hymen, les Espagnols enle`vent le fils de Cora qui ve-
nait de nai^tre. Rolla s'expose a` tous les pe? rils pour le retrouver;
il le rapporte enfin couvert de sang dans son berceau; Rolla voit
la terreur de la me`re a` cet aspect : << Rassure-toi, lui dit-il ; ce
<< sang-la`, c'est le mien ! >> et il expire.
Quelques e? crivains allemands n'ont pas e? te? justes, ce me
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? PIECES DU THEATHE ALLEMAND. 309
semble , envers le talent dramatique deKotzebue; mais il faut
reconnai^tre les motifs estimables de cette pre? vention : Kotzebue
n'a pas toujours respecte? dans ses pie`ces la vertu se? ve`re et la re-
ligion positive; il s'est permis un tel tort, non par syste`me, ce me
semble, mais pour produire, selon l'occasion, plus d'effet au the? a^-
tre; il n'en est pas moins vrai que des critiques auste`res ont du^
l'en bla^mer. Il parai^t lui-me^me, depuis quelques anne? es, se confor-
mer a` des principes plus re? guliers; et, loin que son talent y perde,
il y a beaucoup gagne? . La hauteur et la fermete? de la pense? e tien-
nent toujours par des liens secrets a` la purete? de la morale.
Kotzebue, et la plupart des auteurs allemands , avaient em-
pruute? de Lessing l'opinion qu'il fallait e? crire en prose pour le
the? a^tre, et rapprocher toujours le plus possible la trage? die du
drame. Goethe et Schiller, parleurs derniers ouvrages, et les
e? crivains de la nouvelle e? cole, ont renverse? ce syste`me; l'on
pourrait pluto^t reprocher a` ces e? crivains l'exce`s contraire, c'est-
a`dire, une poe? sie trop exalte? e, et qui de? tourne l'imagination
de l'effet the? a^tral. Dans les auteurs dramatiques qui, comme
Kotzebue, ont adopte? les principes de Lessing, on trouve pres-
que toujours de la simplicite? et de l'inte? re^t : /Igne`s de Bernait,
Jules de Tarente, don Die? go et Le? onore, ont e? te? repre? sente? s
avec beaucoup de succe`s, et un succe`s me? rite? ; comme ces pie`-
ces sont traduites dans le recueil de Friedel, il est inutile d'en
rien citer. Il me semble que don Die? go et Le? onore, surtout, pour-
raient, avec quelques changements, re? ussir sur le the? a^tre franc? ais.
Il faudrait y conserverla touchante peinturede cet amour profond
et me? lancolique, qui pressent le malheur avant me^me qu'aucun
revers l'annonce. Les E? cossais appellent ces pressentiments du
coeur la seconde vue de l'homme; ils ont tort de l'appeler la se-
conde : c'est la premie`re , et peut-e^tre la seule vraie.
Parmi les trage? dies en prose qui s'e? le`vent au-dessus du genre
du drame, il faut compter quelques essais de Gerstenberg. Il a
imagine? de choisir la mort d'Ugolin pour sujet d'une trage? die;
l'unite? de lieu y est force? e, puisque la pie`ce commence et finit
dans la tour ou` pe? rit Ugolin avec ses trois fils; quant a` l'unite?
de temps, il faut plus de vingt-quatre heures pour mourir de
faim; mais, du reste, l'e? ve? nement est toujours le me^me, et seu-
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? 310 PIE`CES DU THEATRE ALLEMAND.
lement l'horreur croissante en marque le progre`s. Il n'y a rien
de plus sublime dans le Dante que la peinture du malheureux
pe`re, qui a vu pe? rir ses trois enfants a` co^te? de lui, et s'acharne
dans les enfers sur le cra^ne du farouche ennemi dont il fut la
victime; mais cet e? pisode ne saurait e^tre le sujet d'un drame. Il
ne suffit pas d'une catastrophe pourfaire une trage? die ; la pie`ce
de Gerstenberg contient des beaute? s e? nergiques; etle moment
ou` l'on entend murer la prison cause la plus terrible impression
que l'a^me puisse e? prouver; c'est la mort vivante: mais le de? s-
espoir ne peut se soutenir pendant cinq actes; le spectateur
doit en mourir ou se consoler ; et l'on pourrait appliquer a` cette
trage? die ce qu'un spirituel Ame? ricain, M. G. Morris, disait des
Franc? ais en 1790: Ils ont traverse? la liberte? . Traverser le pa-
the? tique, c'est-a`-dire, aller au dela` de l'e? motion que les forces
de l'a^me sont capables de supporter, c'est en manquer l'effet.
Rlinger, connu par d'autres e? crits pleins de profondeur et de
sagacite? , a compose? une trage? die d'un grand inte? re^t, intitule? e les
Jumeaux. La rage qu'e? prouve celui des deux fre`res qui passe
pour le cadet, sa re? volte contre un droit d'ai^nesse, l'effet d'un
instant, est admirablement peinte dans cette pie`ce : quelques
e? crivains ont pre? tendu que c'est a` ce genre de jalousie qu'il faut
attribuer le destin du masque de fer : quoi qu'il en soit, on
comprend tre`s-bien comment la haine que le droit d'ai^nesse
peut exciter doit e^tre plus vive entre des jumeaux. Les deux
fre`res sortent tous les deux a` cheval; on attend leur retour. Le
jour se passe sans qu'ils reparaissent ; mais le soir on aperc? oit de
loin le cheval de l'ai^ne? qui revient seul dans la maison du pe`re:
une circonstance aussi simple ne pourrait gue`re se raconter
dans nos trage? dies, et cependant elle glace le sang dans les
veines : le fre`re a tue? le fre`re; et le pe`re, indigne? , venge la
mort d'un fils sur le dernier qui lui reste. Cette trage? die, pleine
de chaleur et d'e? loquence, ferait, ce me semble, un effet prtfdi-
gieux, s'il s'agissait de personnages ce? le`bres; mais on a dela
peine a` concevoir des passions si violentes pour l'he? ritage d'un
cha^teau sur le bord du Tibre. On ne saurait trop le re? pe? ter, il
faut, pour la trage? die, des sujets historiques ou des traditions
religieuses qui re? veillent de grands souvenirs dans l'a^me des
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? PIECES DU THEATRE ALLEMAND. 3||
spectateurs; car, dans les fictions, comme dans la vie, l'ima-
gination re? clame le passe? , quelque avide qu'elle soit de l'avenir.
Les e? crivains de la nouvelle e? cole litte? raire en Allemagne
ont plus que tous les autres du grandiose dans la manie`re de
concevoir les beaux-arts; et toutes leurs productions, soit qu'elles
re? ussissent ou non sur la sce`ne, sont combine? es d'apre`s des
re? flexions et des pense? es dont l'analyse inte? resse; mais on n'a-
nalyse pas au the? a^tre, et l'on a beau de? montrer que telle pie`ce
devrait re? ussir, si le spectateur reste froid, la bataille dramatique
est perdue; le succe`s, a` quelques exceptions pre`s, est dans les
arts la preuve du talent; le public est presque toujours un juge
de beaucoup d'esprit, quand des circonstances passage`res n'al-
te`rent pas son opinion.
La plupart de ces trage? dies allemandes, que leurs auteurs
me^mes ne destinent point a` la repre? sentation, sont ne? anmoins
de tre`s-beaux poe`mes. L'un des plus remarquables c'est Gene-
vie`ve de Brabant, dont Tieck est l'auteur: l'ancienne le? gende
qui fait vivre cette sainte dix ans dans un de? sert, avec des her-
bes et des fruits, n'ayant pour son enfant d'autres secours que
le lait d'une biche fide`le, est admirablement bien traite? e dans ce
roman dialogue? . La pieuse re? signation de Genevie`ve est peinte
avec les couleurs de la poe? sie sacre? e; et le caracte`re de l'homme
qui l'accuse, apre`s avoir voulu vainement la se? duire, est trace?
de main de mai^tre; ce coupable conserve au milieu de ses cri-
mes une sorte d'imagination poe? tique qui donne a` ses actions,
comme a` ses remords, une originalite? sombre. L'exposition de
cette pie`ce se fait par saint Boniface, qui raconte ce dont il s'a-
git, et de? bute en ces termes: << Je suis saint Boniface , qui viens
ici pour vous dire, etc. >> Ce n'est point par hasard que cette
forme a e? te? choisie par l'auteur ; il montre trop de profondeur
et de finesse dans ses autres e? crits, et en particulier dans l'ou-
vrage me^me qui commence ainsi, pour qu'on ne voie pas claire-
ment qu'il a voulu se faire nai? f comme un contemporain de Ge-
nevie`ve; mais, a` force de pre? tendre ressusciter l'ancien temps,
on arrive a` un certain charlatanisme de simplicite? qui fait rire ,
quelque grave raison qu'on ait d'ailleurs pour e^tre touche? . Sans
doute il faut savoir se transporter dans le sie`cle que l'on veut
peindre; mais il ne faut pas non plus entie`rement oublier le sien.
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? 312 l'UCCES DU THE?
cette pie`ce, et les moeurs qu'elle repre? sente, sont trop rappro-
che? s de la ve? rite? , et d'une ve? rite? atroce, qui ne devrait point en-
trer dans le cercle des beaux-arts. Ils sont place? s entre le ciel et
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? PIE`CES DU THE? A^TRE ALLEMAND. 30. ',
la terre; et le beau talent de Werner quelquefois s'e? le`ve au-des-
sus, quelquefois descend au-dessous de la re? gion dans laquelle
les fictions doivent rester.
CHAPITRE XXV.
Diverses pie`ces du the? a^tre allemand et danois.
Les ouvrages dramatiques de Kotzebue sont traduits dans
plusieurs langues. Il serait donc superflu de s'occuper a` les faire
connai^tre. Je dirai seulement qu'aucun juge impartial ne peut lui
refuser une intelligence parfaite des effets du the? a^tre : Les deux
Fre`res, Misanthropie et Repentir, lesHusntes, lesCroise? s, Hugo
Gratins, Jeanne de Montfaucon, la mort de Rolla, etc. , exci-
tent l'inte? re^t le plus vif, partout ou` ces pie`ces sont joue? es. Toute-
fois, il faut avouer que Kotzebue ne sait donnera` ses person-
nages , ni la couleur des sie`cles dans lesquels ils ont ve? cu, ni les traits nationaux, ni le caracte`re que l'histoire leur assigne.
Ces personnages, a` quelque pays, a` quelque sie`cle qu'ils appar-
tiennent, se montrent toujours contemporains et compatriotes:
ils ont les me^mes opinions philosophiques, les me^mes moeurs
modernes, et, soit qu'il s'agisse d'un homme de nos jours ou
de la fille du Soleil, l'onne voit jamais dans ces pie`ces qu'un ta-
bleau naturel et pathe? tique du temps pre? sent. Si le talent the? a^-
tral de Kotzebue, unique en Allemagne, pouvait e^tre re? uni avec
le don de peindre les caracte`res tels que l'histoire nous les trans-
met, et si son style poe? tique s'e? levait a` la hauteur des situa-
tions dont il est l'inge? nieux inventeur, le succe`s de ses pie`ces se-
rait aussi durable qu'il est brillant.
Au reste, rien n'est si rare que de trouver dans le me^me
homme les deux faculte? s qui constituent un grand auteur dramatique : l'habilete? dans son me? tier, si l'on peut s'exprimer
ainsi, et le ge? nie dont le point de vue est universel : ce proble`me
est la difficulte? de la nature humaine tout entie`re; et l'on peut
toujours remarquer quels sont, parmi les hommes, ceux en qui
le talent de la conception ou celui de l'exe? cution domine; ceux
qui sont en relation avec tous les temps, ou particulie`rement
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 306 PIE`CES DO THE? A^TRE ALLEMAND.
propres au leur; cependant, c'est dans la re? union des qualite? s
oppose? es que consistent les phe? nome`nes en tout genre.
La plupart des pie`ces de Kotzebue renferment quelques situa-
tions d'une grande beaute? . Dans les Hussites, lorsque Procope,
successeur de Ziska, met le sie? ge devant Naumbourg, les ma-
gistrats prennent la re? solution d'envoyer tous les enfants de la
ville au camp ennemi, pour demander la gra^ce des habitants.
Ces pauvres enfants doivent aller seuls implorer les fanatiques
soldats, qui n'e? pargnaient ni le sexe ni l'a^ge. Le bourgmestre
offre le premier ses quatre fils, dont le plus a^ge? a douze ans,
pour cette expe? dition pe? rilleuse. La me`re demande qu'au moins
il y en ait un qui reste aupre`s d'elle; le pe`re a l'air d'y consentir,
et il se met a` rappeler successivement les de? fauts de chacun de
ses enfants, afin que la me`re de? clare quels sont ceux qui lui ins-
pirent le moins d'inte? re^t; mais chaque fois qu'il commence a`
en bla^mer un, la me`re assure que c'est celui de tous qu'elle
pre? fe`re, et l'infortune? e est enfin oblige? e de convenir que le cruel
choix est impossible, et qu'il vaut mieux que tous partagent le
me^me sort.
Au second acte, on voit le camp des Hussites : tous ces sol-
dats, dontla figure est si menac? ante, reposent sous leurs tentes.
Un le? ger bruit excite leur attention; ils aperc? oivent dans la plaine
une foule d'enfants qui marchent en troupe, une branche de
che^ne a` la main; ils ne peuvent concevoir ce que cela signifie;
et, prenant leurs lances, ils se placent a` l'entre? e du camp
pour en de? fendre l'approche. Les enfants avancent sans crainte
au-devant des lances, et les Hussites reculent toujours involon-
tairement, irrite? s d'e^tre attendris, et ne comprenant pas eux-me^mes ce qu'ils e? prouvent. Procope sort de sa tente; il se fait
amener le bourgmestre, qui avait suivi de loin les enfants, et
lui ordonne de de? signer ses fils. Le bourgmestre s'y refuse; les
soldats de Procope le saisissent, et, dans cet instant, les quatre
enfants sortent de la foule et se pre? cipitent dans les bras de leur
pe`re. -- Tu les connais tous a` pre? sent, dit le bourgmestre a` Procope : ils se sont nomme? s eux-me^mes. -- La pie`ce finit heu-
reusement, et le troisie`me acte se passe tout en fe? licitations;
mais le second acte est du plus grand inte? re^t tlfe? a`tral.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? PIECES DU THEATIIE ALLEMAND. 307
Des sce`nes de roman font tout le me? rite de la pie`ce des
Croise? s. Une jeune fille, croyant que son amant avait pe? ri dans
les guerres, s'est faite religieuse a` Je? rusalem, dans un ordre
consacre? a` servirles malades. On ame`ne dans son couvent un
chevalier dangereusement blesse? ; elle vient couverte de son
voile, et, ne levant pas les yeux sur lui, elle se met a` genoux
pour le panser. Le chevalier, dans ce moment de douleur, pro-
nonce le nom de sa mai^tresse; l'infortune? e reconnai^t ainsi son
amant. Il veut l'enlever; l'abbesse du couvent de? couvre son des-
sein et le consentement que la religieuse y a donne? . Elle la con-
damne, dans sa fureur, a` e^tre ensevelie vivante; et le malheu-
reux chevalier, errant vainement autour de l'e? glise, entend
l'orgue et les voix souterraines qui ce? le`brent le service des morts
pour celle qui vit encore et qui l'aime. Cette situation est de? chi-
rante; mais tout finit de me^me heureusement. Les Turcs, con-
duits par le jeune chevalier, viennent de? livrer la religieuse. Un
couvent d'Asie, dans le treizie`me sie`cle, est traite? comme les
Victimes cloi^tre? es, pendant la re? volution de France; et des
maximes douces, mais un peu faciles, terminent la pie`ce a` la
satisfaction de tout le monde.
Kotzebueafaitundrame de l'anecdote de Grotius mis en pri-
son par le prince d'Orange, et de? livre? par ses amis, qui trouvent
le moyen de l'emporter de sa forteresse, cache? dans une caisse
delivres. Il y a des situations tre`s-remarquables dans cette pie`ce:
un jeune officier, amoureux de la fille de Grotius, apprend
d'elle qu'ellecherche a` faire e? vader son pe`re, et lui promet de
la seconder dans ce projet; mais le commandant, son ami,
oblige? de s'e? loigner pour vingt-quatre heures, lui confie les clefs
de la citadelle. Il y a peine de mort contre le commandant
lui-me^me, si le prisonnier s'e? chappe en son absence. Le jeune
lieutenant, responsable de la vie de son ami, empe^che le pe`re
de sa mai^tresse de se sauver, en le forc? ant a` rentrer dans sa
prison, au moment ou` il e? tait pre^t a` monter dans la barque
pre? pare? e pour le de? livrer. Le sacrifice que fait ce jeune lieute-
nant, en s'exposant ainsi a` l'indignation de sa mai^tresse, est
vraiment he? roi? que; lorsque le commandant revient, et que l'of-
ficier n'occupe plus la place de son ami, il trouve le moyen d'at-
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? 308 PIE`CES DU THE? ATRE ALLEMAND.
tirer sur lui, par un noble mensonge, la peine capitale porte? e contre ceux qui ont tente? une seconde fois de faire sauver Gro-
tius,et qui y ont enfin re? ussi. La joie du jeune homme, lorsque
son arre^t de mort lui garantit le retour de l'estime de sa mai^-
tresse, est dela plus touchante beaute? ; mais, a` la fin, il y a
tant de magnanimite? dans Grotius, qui revient se constituer
prisonnier pour sauver le jeune homme, dans le prince d'O-
range, dans la fille, dans l'auteur me^me, qu'on n'a plus qu'a`
dire amen a` tout. On a pris les situations de cette pie`ce dans un
drame franc? ais; mais elles sont attribue? es a` des personnages in-
connus ; et Grotius ni le prince d'Orange n'y sont nomme? s. C'est
tre`s-sagement fait; car il n'y a rien dans l'allemand qui convienne
spe? cialement au caracte`re de ces deux hommes, tels que l'histoire
nous les repre? sente.
Jeanne de Montfaucon e? tant une aventure de chevalerie, de
l'invention deKotzebue, il a e? te? plus libre que dans toute autre
pie`ce de traiter le sujet a` sa manie`re. Une actrice charmante,
madame Unzelmann, jouait le principal ro^le; et la manie`re dont
elle de? fendait son coeur et son cha^teau contre un chevalier dis-
courtois, faisait au the? a^tre une impression tre`s-agre? able. Tour
a` tour guerrie`re et de? sespe? re? e, son casque ou ses cheveux e? pars servaient a` l'embellir; mais les situations de ce genre pre^tent
bien plus a` la pantomime qu'a` la parole, et les mots ne sont la`
que pour achever les gestes.
La Mort de Rolla est d'un me? rite supe? rieur a` tout ce que je
viens de citer; le ce? le`bre She? ridan en a fait une pie`ce intitule? e
Pizarre, qui a eu le plus grand succe`s en Angleterre : un mot
a` la fin de la pie`ce est d'un effet admirable. Rolla, chef des Pe?
-
ruviens, a longtemps combattu contre les Espagnols; il aimait
Cora,la fille du Soleil, et ne? anmoins il a ge? ne? reusement tra-
vaille? a` vaincre les obstacles qui la se? paraient d'Alonzo. Un an
apre`s leur hymen, les Espagnols enle`vent le fils de Cora qui ve-
nait de nai^tre. Rolla s'expose a` tous les pe? rils pour le retrouver;
il le rapporte enfin couvert de sang dans son berceau; Rolla voit
la terreur de la me`re a` cet aspect : << Rassure-toi, lui dit-il ; ce
<< sang-la`, c'est le mien ! >> et il expire.
Quelques e? crivains allemands n'ont pas e? te? justes, ce me
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? PIECES DU THEATHE ALLEMAND. 309
semble , envers le talent dramatique deKotzebue; mais il faut
reconnai^tre les motifs estimables de cette pre? vention : Kotzebue
n'a pas toujours respecte? dans ses pie`ces la vertu se? ve`re et la re-
ligion positive; il s'est permis un tel tort, non par syste`me, ce me
semble, mais pour produire, selon l'occasion, plus d'effet au the? a^-
tre; il n'en est pas moins vrai que des critiques auste`res ont du^
l'en bla^mer. Il parai^t lui-me^me, depuis quelques anne? es, se confor-
mer a` des principes plus re? guliers; et, loin que son talent y perde,
il y a beaucoup gagne? . La hauteur et la fermete? de la pense? e tien-
nent toujours par des liens secrets a` la purete? de la morale.
Kotzebue, et la plupart des auteurs allemands , avaient em-
pruute? de Lessing l'opinion qu'il fallait e? crire en prose pour le
the? a^tre, et rapprocher toujours le plus possible la trage? die du
drame. Goethe et Schiller, parleurs derniers ouvrages, et les
e? crivains de la nouvelle e? cole, ont renverse? ce syste`me; l'on
pourrait pluto^t reprocher a` ces e? crivains l'exce`s contraire, c'est-
a`dire, une poe? sie trop exalte? e, et qui de? tourne l'imagination
de l'effet the? a^tral. Dans les auteurs dramatiques qui, comme
Kotzebue, ont adopte? les principes de Lessing, on trouve pres-
que toujours de la simplicite? et de l'inte? re^t : /Igne`s de Bernait,
Jules de Tarente, don Die? go et Le? onore, ont e? te? repre? sente? s
avec beaucoup de succe`s, et un succe`s me? rite? ; comme ces pie`-
ces sont traduites dans le recueil de Friedel, il est inutile d'en
rien citer. Il me semble que don Die? go et Le? onore, surtout, pour-
raient, avec quelques changements, re? ussir sur le the? a^tre franc? ais.
Il faudrait y conserverla touchante peinturede cet amour profond
et me? lancolique, qui pressent le malheur avant me^me qu'aucun
revers l'annonce. Les E? cossais appellent ces pressentiments du
coeur la seconde vue de l'homme; ils ont tort de l'appeler la se-
conde : c'est la premie`re , et peut-e^tre la seule vraie.
Parmi les trage? dies en prose qui s'e? le`vent au-dessus du genre
du drame, il faut compter quelques essais de Gerstenberg. Il a
imagine? de choisir la mort d'Ugolin pour sujet d'une trage? die;
l'unite? de lieu y est force? e, puisque la pie`ce commence et finit
dans la tour ou` pe? rit Ugolin avec ses trois fils; quant a` l'unite?
de temps, il faut plus de vingt-quatre heures pour mourir de
faim; mais, du reste, l'e? ve? nement est toujours le me^me, et seu-
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? 310 PIE`CES DU THEATRE ALLEMAND.
lement l'horreur croissante en marque le progre`s. Il n'y a rien
de plus sublime dans le Dante que la peinture du malheureux
pe`re, qui a vu pe? rir ses trois enfants a` co^te? de lui, et s'acharne
dans les enfers sur le cra^ne du farouche ennemi dont il fut la
victime; mais cet e? pisode ne saurait e^tre le sujet d'un drame. Il
ne suffit pas d'une catastrophe pourfaire une trage? die ; la pie`ce
de Gerstenberg contient des beaute? s e? nergiques; etle moment
ou` l'on entend murer la prison cause la plus terrible impression
que l'a^me puisse e? prouver; c'est la mort vivante: mais le de? s-
espoir ne peut se soutenir pendant cinq actes; le spectateur
doit en mourir ou se consoler ; et l'on pourrait appliquer a` cette
trage? die ce qu'un spirituel Ame? ricain, M. G. Morris, disait des
Franc? ais en 1790: Ils ont traverse? la liberte? . Traverser le pa-
the? tique, c'est-a`-dire, aller au dela` de l'e? motion que les forces
de l'a^me sont capables de supporter, c'est en manquer l'effet.
Rlinger, connu par d'autres e? crits pleins de profondeur et de
sagacite? , a compose? une trage? die d'un grand inte? re^t, intitule? e les
Jumeaux. La rage qu'e? prouve celui des deux fre`res qui passe
pour le cadet, sa re? volte contre un droit d'ai^nesse, l'effet d'un
instant, est admirablement peinte dans cette pie`ce : quelques
e? crivains ont pre? tendu que c'est a` ce genre de jalousie qu'il faut
attribuer le destin du masque de fer : quoi qu'il en soit, on
comprend tre`s-bien comment la haine que le droit d'ai^nesse
peut exciter doit e^tre plus vive entre des jumeaux. Les deux
fre`res sortent tous les deux a` cheval; on attend leur retour. Le
jour se passe sans qu'ils reparaissent ; mais le soir on aperc? oit de
loin le cheval de l'ai^ne? qui revient seul dans la maison du pe`re:
une circonstance aussi simple ne pourrait gue`re se raconter
dans nos trage? dies, et cependant elle glace le sang dans les
veines : le fre`re a tue? le fre`re; et le pe`re, indigne? , venge la
mort d'un fils sur le dernier qui lui reste. Cette trage? die, pleine
de chaleur et d'e? loquence, ferait, ce me semble, un effet prtfdi-
gieux, s'il s'agissait de personnages ce? le`bres; mais on a dela
peine a` concevoir des passions si violentes pour l'he? ritage d'un
cha^teau sur le bord du Tibre. On ne saurait trop le re? pe? ter, il
faut, pour la trage? die, des sujets historiques ou des traditions
religieuses qui re? veillent de grands souvenirs dans l'a^me des
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? PIECES DU THEATRE ALLEMAND. 3||
spectateurs; car, dans les fictions, comme dans la vie, l'ima-
gination re? clame le passe? , quelque avide qu'elle soit de l'avenir.
Les e? crivains de la nouvelle e? cole litte? raire en Allemagne
ont plus que tous les autres du grandiose dans la manie`re de
concevoir les beaux-arts; et toutes leurs productions, soit qu'elles
re? ussissent ou non sur la sce`ne, sont combine? es d'apre`s des
re? flexions et des pense? es dont l'analyse inte? resse; mais on n'a-
nalyse pas au the? a^tre, et l'on a beau de? montrer que telle pie`ce
devrait re? ussir, si le spectateur reste froid, la bataille dramatique
est perdue; le succe`s, a` quelques exceptions pre`s, est dans les
arts la preuve du talent; le public est presque toujours un juge
de beaucoup d'esprit, quand des circonstances passage`res n'al-
te`rent pas son opinion.
La plupart de ces trage? dies allemandes, que leurs auteurs
me^mes ne destinent point a` la repre? sentation, sont ne? anmoins
de tre`s-beaux poe`mes. L'un des plus remarquables c'est Gene-
vie`ve de Brabant, dont Tieck est l'auteur: l'ancienne le? gende
qui fait vivre cette sainte dix ans dans un de? sert, avec des her-
bes et des fruits, n'ayant pour son enfant d'autres secours que
le lait d'une biche fide`le, est admirablement bien traite? e dans ce
roman dialogue? . La pieuse re? signation de Genevie`ve est peinte
avec les couleurs de la poe? sie sacre? e; et le caracte`re de l'homme
qui l'accuse, apre`s avoir voulu vainement la se? duire, est trace?
de main de mai^tre; ce coupable conserve au milieu de ses cri-
mes une sorte d'imagination poe? tique qui donne a` ses actions,
comme a` ses remords, une originalite? sombre. L'exposition de
cette pie`ce se fait par saint Boniface, qui raconte ce dont il s'a-
git, et de? bute en ces termes: << Je suis saint Boniface , qui viens
ici pour vous dire, etc. >> Ce n'est point par hasard que cette
forme a e? te? choisie par l'auteur ; il montre trop de profondeur
et de finesse dans ses autres e? crits, et en particulier dans l'ou-
vrage me^me qui commence ainsi, pour qu'on ne voie pas claire-
ment qu'il a voulu se faire nai? f comme un contemporain de Ge-
nevie`ve; mais, a` force de pre? tendre ressusciter l'ancien temps,
on arrive a` un certain charlatanisme de simplicite? qui fait rire ,
quelque grave raison qu'on ait d'ailleurs pour e^tre touche? . Sans
doute il faut savoir se transporter dans le sie`cle que l'on veut
peindre; mais il ne faut pas non plus entie`rement oublier le sien.
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? 312 l'UCCES DU THE?