Corbigfiy
' de tenir la main a` l'exe?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
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? DE
L'ALLEMAGNE
'
M AD A MENDIE STAE? L- ? -'
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRE`RES,
DE L'INSTITUT,
Bl'B JiCot , 56.
1847.
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? /
1887, Jun>> 2.
C? Mft of
Dr. S. A,
Boston.
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? PREFACE.
Ce>> <<octobre 1815.
Eu 1810, je donnai le manuscrit de cet ouvrage sur l'Al-
lemagne au libraire qui avait imprime? Corinne. Comme j'y
manifestais les me^mes opinions, et que j'y gardais le me^me
silence sur le gouvernement actuel des Franc? ais que dans
mes e? crits pre? ce? dents, je me flattai qu'il me serait aussi per-
mis de le publier: toutefois, peu de jours apre`s l'envoi de
mon manuscrit, il parut un de? cret sur la liberte? de la presse
d'une nature tre`s-singulie`re; il y e? tait dit, << qu'aucun ou-
<< vrage ne pourrait e^tre imprime? sans avoir e? te? examine? par
des censeurs. >> Soit ; on e? tait accoutume? en France, sous
l'ancien re? gime, a` se soumettre a` la censure; l'esprit public
marchait alors dans le sens de la liberte? , et rendait une telle
ge^ne peu redoutable; mais un petit article a` la fin du nou-
veau re? glement, disait que << lorsque les censeurs auraient
<< examine? un ouvrage et permis sa publication, les libraires
<< seraient en effet autorise? s a` l'imprimer; mais que le mi-
<< nistre de la police aurait alors le droit de le supprimer
<< tout entier, s'il le jugeait convenable. >> Ce qui veut dire,
que telles ou telles formes seraient adopte? es, jusqu'a` ce qu'on
jugea^t a` propos de ne plus les suivre: une loi n'e? tait pas
ne? cessaire pour de? cre? ter l'absence des lois, il valait mieux
s'en tenir au simple fait du pouvoir absolu. Mon libraire cependant prit sur lui la responsabilite? de la
publication de mon livre, en le soumettant a` la censure, et
notre accord fut ainsi conclu. Je vins a` quarante lieues de
Paris pour suivre l'impression de cet ouvrage, et c'est
la` que pour la dernie`re fois j'ai respire? l'air de France. Je
m'e? tais interdit dans ce livre, comme on le verra, toute re? -
VAD. DE STAEL. 1
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? J PRE? FACE.
flexion sur l'e? tat politique de l'Allemagne; je me supposais a` cinquante anne? es du temps pre? sent, mais le temps pre? sent
ne permet pas qu'on l'oublie. Plusieurs censeurs examine`-
rent mon manuscrit ; ils supprime`rent les diverses phrases
que j'ai re? tablies, en les de? signant par des notes; enfin, a`
ces phrases pre`s, ils permirent l'impression du livre tel que
je le publie maintenant, car je n'ai cru devoir y rien changer.
Il me semble curieux de montrer quel est un ouvrage qui
peut attirer maintenant en France sur la te^te de son auteur
la perse? cution la plus cruelle.
Au moment ou` cet ouvrage allait parai^tre, et lorsqu'on
avait de? ja` tire? les dix mille exemplaires de la premie`re e? di-
tion, le ministre de la police,connu sous le nom du ge? ne? -
ral Savary, envoya ses gendarmes chez le libraire, avec or-
dre de mettre en pie`ces toute l'e? dition, et d'e? tablir des sen-
tinelles aux diverses issues du magasin, dans la crainte qu'un
seul exemplaire de ce dangereux e? crit ne pu^t s'e? chapper.
Un commissaire de police fut charge? de surveiller cette ex-
pe? dition , dans laquelle le ge? ne? ral Savary obtint aise? ment la victoire; et ce pauvre commissaire est, dit-on, mort des fatigues qu'ila e? prouve? es, en s'assurant avec trop de de? tail de
la destruction d'un si grand nombre de volumes, ou pluto^t
de leur transformation en un carton parfaitement blanc,
sur lequel aucune trace de la raison humaine n'est reste? e;
la valeur intrinse`que de ce carton, estime? e a` vingt louis, est
le seul de? dommagement que le libraire ait obtenu du ge? ne? -
ral ministre. Au moment ou` l'on ane? antissait mon livre a` Paris, je
rec? us a` la campagne l'ordre delivrer la copie sur laquelle
on l'avait imprime? , et de quitter la France dans les vingt-quatre heures. Je ne connais gue`re que les conscrits , a` qui
vingt-quatre heures suffisent pour se mettre en voyage;
j'e? crivis donc au ministre de la police qu'il me fallait huit
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? PRE? FACE. 3
jours pour faire venir de l'argent et ma voiture. Voici la
lettre qu'il me re? pondit:
POLICE GE? NE? RALE.
CARINET DU MINISTRE.
Paris, 3 octobre ICI9.
<< J'ai rec? u,madame, la lettre que vous m'avez fait l'hon-
<< neur de m'e? crire. Monsieur votre fils a du^ vous apprendre
<< que je ne voyais pas d'inconve? nient a`ce que vous retar-
<< dassiez votre de? part de sept a` huit jours :je de? sire qu'ils
? suffisent aux arrangements qui vous restent a` prendre,
<< parce que je ne puis vous en accorder davantage.
<< II ne faut point rechercher la cause de l'ordre que je
? vous ai signifie? , dans le silence que vous avez garde? a` l'e? -
? gard de l'empereur dans votre dernier ouvrage, ce serait
<< une erreur; il ne pouvait pas y trouver de place qui fu^t
"digne de lui; mais votre exil est une conse? quence naturelle
? de la marche que vous suivez constamment depuis plu-
<< sieurs anne? es. Il m'a paru que l'air de ce pays-ci ne vous
? convenait point, et nous n'en sommes pas encore re? duits
<< a` chercher des mode`les dans les peuples que vous admirez.
? Votre dernier ouvrage n'est point franc? ais ; c'est moi
? i^iui en ai arre^te? l'impression. Je regrette la perte qu'il va
faire e? prouver au libraire, mais il ne m'est pas possible de
? le laisser parai^tre.
* Vous savez, madame, qu'il ne vous avait e? te? permis de
<< sortir de Coppet que parce que vous aviez exprime? le de? sir
? de passer en Ame? rique. Si mon pre? de? cesseur vous a laisse
<< habiter le de? partement de Loir-et-Cher, vous n'avez pas
? du^ regarder cette tole? rance comme une re? vocation des dis-
<< positions qui avaient e? te? arre^te? es a` votre e? gard. Aujour-
'd'hui vous m'obligez a` les faire exe? cuter strictement, t-t
<< il ne faut vous en prendre qu'a` vous-me^me.
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? 4 PRE? FACE.
<<Je mande a` M.
Corbigfiy ' de tenir la main a` l'exe? cu-
<< tiou de l'ordre que je lui ai donne? , lorsque le de? lai que je
vous accorde sera expire? .
<< Je suis aux regrets, madame, que vous m'ayez cou-
<< traint de commencer ma correspondance avec vous par une
<< mesure de rigueur ; il m'aurait e? te? plus agre? able de n'avoir
<< qu'a` vous offrir des te? moignages de la haute conside? ration
<< avec laquelle j'ai l'honneur d'e^tre,
<< MADAME,
<< Votre tre`s-humble et tre`s-obe? issant serviteur,
<<Signe? LE DUC DE ROV1GO.
Madame de Stae? l.
<< P. S. J'ai des raisons, madame, pour vous indiquer les
<< ports de Lorient, la Rochelle, Bordeaux et Rochefort,
<< comme e? tant les seuls ports dans lesquels vous pouvez
<< vous embarquer; je vous invite a` me faire connai^tre celui
<< que vous aurez choisi1. >>
J'ajouterai quelques re? flexions a` cette lettre, de? ja`, ce me
semble, assez curieuse par elle-me^me. -- II m'a paru, dit
le ge? ne? ral Savary, que l'air de ce pays ne vous convenait
pas; quelle gracieuse manie`re d'annoncer a` une femme alors,
he? las! me`re de trois enfants, a` la fille d'un homme qui a
servi la France avec tant de foi, qu'on la bannit, a` jamais ,
du lieu de sa naissance, sans qu'il lui soit permis de re? -
clamer d'aucune manie`re contre une peine re? pute? e la plus
cruelle, apre`s la condamnation a` mort! Il existe un vaude-
ville franc? ais dans lequel un huissier, se vantant de sa po-
litesse envers ceux qu'il conduit en prison, dit:
Aussi je suis aime? de tous ceux que j'arre^te. Je ne sais si telle e? tait l'intention du ge? ne? ral Savary.
1 Pre? fet de Loir-et-Cher.
1 Le but ile ce post-scriptum e? tait ile m'interdire les ports de la Manche.
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? II ajoute que les Franc? ais n'en sont pas re? duits a` pren-
dre pour mode`les les peuples que j'admire. Ces peuples,
ce sont les Anglais d'abord, et, a` plusieurs e? gards, les Alle-
mands. Toutefois je ne crois pas qu'on puisse m'accuser de
ne pas aimer la France. Je n'ai que trop montre? le regret
d'un se? jour ou` je conserve tant d'objets d'affection, ou` ceux
qui me sont chers me plaisent tant! Mais de cet attache-
ment peut-e^tre trop vif pour une contre? e si brillante et pour
ses spirituels habitants, il ne s'ensuivait point qu'il du^t m'e^-
tre interdit d'admirer l'Angleterre. On l'a vue, comme un
chevalier arme? pour la de? fense de l'ordre social, pre? server
l'Europe pendant dix anne? es de l'anarchie, et pendant dix
autres du despotisme. Son heureuse constitution fut, au
commencement de la re? volution, le but des espe? rances et
des efforts des Franc? ais; mon a^me en est reste? e ou` la leur
e? tait alors.
A mon retour dans la terre de mon pe`re, le pre? fet de Ge-
ne`ve me de? fendit de m'en e? loigner a` plus de quatre lieues.
Je me permis un jour d'aller jusqu'a` dix, dans le simple
but d'une promenade; aussito^t les gendarmes coururent
apre`s moi, l'on de? fendit aux mai^tres de poste de me donner
des chevaux, et l'on eu^t dit que le salut de l'E? tat de? pendait
d'une aussi faible existence que la mienne. Je me re? signai
cependant encore a` cet emprisonnement dans toute sa ri-
gueur, quand un dernier coup me le rendit tout a` fait insup-
portable. Quelques-uns de mes amis furent exile? s, parce
qu'ils avaient eu la ge? ne? rosite? devenir me voir; c'en otait
trop : porter*avec soi la contagion du malheur, ne pas oser
se rapprocher de ceux qu'on aime, craindre de leur e? crire,
de prononcer leur nom, e^tre l'objet tour a` tour, ou des preu-
ves d'affection qui font trembler pour ceux qui vous les
donnent, ou des bassesses raffine? es que la terreur inspire,
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? 6 PREFACE,
c'e? tait une situation a` laquelle il fallait se soustraire, si
l'on voulait encore vivre!
On me disait, pour adoucir mon chagrin, que ces perse? -
cutions continuelles e? taient une preuve de l'importance qu'on
attachait a` moi; j'aurais pu re? pondre que je n'avais me? rite?
NI cet exce? s d'honneur, ni cette indignite? .
Mais je ne me laissai point aller aux consolations donne? es a`
mou amour-propre, car je savais qu'il n'est personne mainte-
nant en France, depuis les plus grands jusqu'aux plus petits,
qui ne puisse e^tre trouve? digne d'e^tre rendu malheureux. On
me tourmenta dans tous les inte? re^ts de ma vie, dans tous
les points sensibles de mon caracte`re, et l'autorite? condes-
cendit a` se donner la peine de me bien connai^tre pour mieux
me faire souffrir. Ne pouvant donc de? sarmer cette autorite?
par le simple sacrifice de mon talent, et re? solue a` ne lui en
pas offrir le servage, je crus sentir au fond de mon coeur ce
que m'aurait conseille? mon pe`re, et je partis.
Il m'importe, je le crois, de faire connai^tre au public ce
livre calomnie? , ce livre, source de tant de peines : et quoi-
que le ge? ne? ral Savary m'ait de? clare? dans sa lettre que mon
ouvrage n'e? tait pas franc? ais, comme je me garde bien devoir en lui le repre? sentant de la France, c'est aux Franc? ais
tels que je les ai connus, que j'adresserai avec confiance un
e? crit ou` j'ai ta^che? , selon mes forces, de relever la gloire des travaux de l'esprit humain. L'Allemagne, par sa situation ge? ographique, peut e^tre
conside? re? e comme le coeur de l'Europe, et la grande asso-
ciation continentale ne saurait retrouver son inde? pendance
que par celle de ce pays. La diffe? rence des langues, les li-
mites naturelles, les souvenirs d'une me^me histoire, tout
contribue a` cre? er parmi les hommes ces grands individus
qu'on appelle des nations; de certaines proportions leur sont
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? PUEFACE. 7
ne? cessaires pour exister, de certaines qualite? s les distinguent;
et si l'Allemagne e? tait re? unie a` la France, il s'ensuivrait
aussi que la France serait re? unie a` l'Allemagne, et que les
Franc? ais de Hambourg, comme les Franc? ais de Rome,
alte? reraient par degre? s le caracte`redes compatriotes de
Henri IV: les vaincus, a` la longue, modifieraient les vain-
queurs, et tous finiraient par y perdre.
J'ai dit dans mon ouvrage que les Allemands n'e? taient
pas une nation, et certes ils donnent au monde maintenant
d'he? roi? ques de? mentis a` cette crainte. Mais ne voit-on pas
cependant quelques pays germaniques s'exposer, en combat-
tant contre leurs compatriotes, au me? pris de leurs allie? s
me^mes, les Franc? ais? Ces auxiliaires, dont on he? site a` pro-
noncer le nom, comme s'il e? tait temps encore de le cacher a` la poste? rite? , ces auxiliaires, dis-je, ne sont conduits ni par
l'opinion ni me^me par l'inte? re^t, encore moins par l'honneur;
mais une peur impre? voyante a pre? cipite? leurs gouvernements
vers le plus fort, sans re? fle? chir qu'ils e? taient eux-me^mes la
cause de cette force devant laquelle ils se prosternaient.
Les Espagnols, a` qui l'on, peu. t appliquer ce beau vers an-
glais de Southey:
And those \vho sut'tcr bravely save mankind,
et ceux qui souffrent bravement sauvent Cespe`ce hu-
maine i les Espagnols se sont vus re? duits a` ne posse? der que
Cadix, et ils n'auraient pas plus consenti alors au joug des
e? trangers, que depuis qu'ils ont atteint la barrie`re des Pyre? -
ne? es, et qu'ils sont de? fendus par le caracte`re antique et le
ge? nie moderne de lord Wellington. Majs pour accomplir ces
grandes choses, il fallait une perse? ve? rance que l'e? ve? nement
ne saurait de? courager. Les Allemands ont eu souvent le tort
dese laisser convaincre par les revers. Les individus doivent
se re? signer a` la destine? e, mais jamais les nations; car ce
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?
? ? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE
L'ALLEMAGNE
'
M AD A MENDIE STAE? L- ? -'
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRE`RES,
DE L'INSTITUT,
Bl'B JiCot , 56.
1847.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? /
1887, Jun>> 2.
C? Mft of
Dr. S. A,
Boston.
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? PREFACE.
Ce>> <<octobre 1815.
Eu 1810, je donnai le manuscrit de cet ouvrage sur l'Al-
lemagne au libraire qui avait imprime? Corinne. Comme j'y
manifestais les me^mes opinions, et que j'y gardais le me^me
silence sur le gouvernement actuel des Franc? ais que dans
mes e? crits pre? ce? dents, je me flattai qu'il me serait aussi per-
mis de le publier: toutefois, peu de jours apre`s l'envoi de
mon manuscrit, il parut un de? cret sur la liberte? de la presse
d'une nature tre`s-singulie`re; il y e? tait dit, << qu'aucun ou-
<< vrage ne pourrait e^tre imprime? sans avoir e? te? examine? par
des censeurs. >> Soit ; on e? tait accoutume? en France, sous
l'ancien re? gime, a` se soumettre a` la censure; l'esprit public
marchait alors dans le sens de la liberte? , et rendait une telle
ge^ne peu redoutable; mais un petit article a` la fin du nou-
veau re? glement, disait que << lorsque les censeurs auraient
<< examine? un ouvrage et permis sa publication, les libraires
<< seraient en effet autorise? s a` l'imprimer; mais que le mi-
<< nistre de la police aurait alors le droit de le supprimer
<< tout entier, s'il le jugeait convenable. >> Ce qui veut dire,
que telles ou telles formes seraient adopte? es, jusqu'a` ce qu'on
jugea^t a` propos de ne plus les suivre: une loi n'e? tait pas
ne? cessaire pour de? cre? ter l'absence des lois, il valait mieux
s'en tenir au simple fait du pouvoir absolu. Mon libraire cependant prit sur lui la responsabilite? de la
publication de mon livre, en le soumettant a` la censure, et
notre accord fut ainsi conclu. Je vins a` quarante lieues de
Paris pour suivre l'impression de cet ouvrage, et c'est
la` que pour la dernie`re fois j'ai respire? l'air de France. Je
m'e? tais interdit dans ce livre, comme on le verra, toute re? -
VAD. DE STAEL. 1
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? J PRE? FACE.
flexion sur l'e? tat politique de l'Allemagne; je me supposais a` cinquante anne? es du temps pre? sent, mais le temps pre? sent
ne permet pas qu'on l'oublie. Plusieurs censeurs examine`-
rent mon manuscrit ; ils supprime`rent les diverses phrases
que j'ai re? tablies, en les de? signant par des notes; enfin, a`
ces phrases pre`s, ils permirent l'impression du livre tel que
je le publie maintenant, car je n'ai cru devoir y rien changer.
Il me semble curieux de montrer quel est un ouvrage qui
peut attirer maintenant en France sur la te^te de son auteur
la perse? cution la plus cruelle.
Au moment ou` cet ouvrage allait parai^tre, et lorsqu'on
avait de? ja` tire? les dix mille exemplaires de la premie`re e? di-
tion, le ministre de la police,connu sous le nom du ge? ne? -
ral Savary, envoya ses gendarmes chez le libraire, avec or-
dre de mettre en pie`ces toute l'e? dition, et d'e? tablir des sen-
tinelles aux diverses issues du magasin, dans la crainte qu'un
seul exemplaire de ce dangereux e? crit ne pu^t s'e? chapper.
Un commissaire de police fut charge? de surveiller cette ex-
pe? dition , dans laquelle le ge? ne? ral Savary obtint aise? ment la victoire; et ce pauvre commissaire est, dit-on, mort des fatigues qu'ila e? prouve? es, en s'assurant avec trop de de? tail de
la destruction d'un si grand nombre de volumes, ou pluto^t
de leur transformation en un carton parfaitement blanc,
sur lequel aucune trace de la raison humaine n'est reste? e;
la valeur intrinse`que de ce carton, estime? e a` vingt louis, est
le seul de? dommagement que le libraire ait obtenu du ge? ne? -
ral ministre. Au moment ou` l'on ane? antissait mon livre a` Paris, je
rec? us a` la campagne l'ordre delivrer la copie sur laquelle
on l'avait imprime? , et de quitter la France dans les vingt-quatre heures. Je ne connais gue`re que les conscrits , a` qui
vingt-quatre heures suffisent pour se mettre en voyage;
j'e? crivis donc au ministre de la police qu'il me fallait huit
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? PRE? FACE. 3
jours pour faire venir de l'argent et ma voiture. Voici la
lettre qu'il me re? pondit:
POLICE GE? NE? RALE.
CARINET DU MINISTRE.
Paris, 3 octobre ICI9.
<< J'ai rec? u,madame, la lettre que vous m'avez fait l'hon-
<< neur de m'e? crire. Monsieur votre fils a du^ vous apprendre
<< que je ne voyais pas d'inconve? nient a`ce que vous retar-
<< dassiez votre de? part de sept a` huit jours :je de? sire qu'ils
? suffisent aux arrangements qui vous restent a` prendre,
<< parce que je ne puis vous en accorder davantage.
<< II ne faut point rechercher la cause de l'ordre que je
? vous ai signifie? , dans le silence que vous avez garde? a` l'e? -
? gard de l'empereur dans votre dernier ouvrage, ce serait
<< une erreur; il ne pouvait pas y trouver de place qui fu^t
"digne de lui; mais votre exil est une conse? quence naturelle
? de la marche que vous suivez constamment depuis plu-
<< sieurs anne? es. Il m'a paru que l'air de ce pays-ci ne vous
? convenait point, et nous n'en sommes pas encore re? duits
<< a` chercher des mode`les dans les peuples que vous admirez.
? Votre dernier ouvrage n'est point franc? ais ; c'est moi
? i^iui en ai arre^te? l'impression. Je regrette la perte qu'il va
faire e? prouver au libraire, mais il ne m'est pas possible de
? le laisser parai^tre.
* Vous savez, madame, qu'il ne vous avait e? te? permis de
<< sortir de Coppet que parce que vous aviez exprime? le de? sir
? de passer en Ame? rique. Si mon pre? de? cesseur vous a laisse
<< habiter le de? partement de Loir-et-Cher, vous n'avez pas
? du^ regarder cette tole? rance comme une re? vocation des dis-
<< positions qui avaient e? te? arre^te? es a` votre e? gard. Aujour-
'd'hui vous m'obligez a` les faire exe? cuter strictement, t-t
<< il ne faut vous en prendre qu'a` vous-me^me.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 4 PRE? FACE.
<<Je mande a` M.
Corbigfiy ' de tenir la main a` l'exe? cu-
<< tiou de l'ordre que je lui ai donne? , lorsque le de? lai que je
vous accorde sera expire? .
<< Je suis aux regrets, madame, que vous m'ayez cou-
<< traint de commencer ma correspondance avec vous par une
<< mesure de rigueur ; il m'aurait e? te? plus agre? able de n'avoir
<< qu'a` vous offrir des te? moignages de la haute conside? ration
<< avec laquelle j'ai l'honneur d'e^tre,
<< MADAME,
<< Votre tre`s-humble et tre`s-obe? issant serviteur,
<<Signe? LE DUC DE ROV1GO.
Madame de Stae? l.
<< P. S. J'ai des raisons, madame, pour vous indiquer les
<< ports de Lorient, la Rochelle, Bordeaux et Rochefort,
<< comme e? tant les seuls ports dans lesquels vous pouvez
<< vous embarquer; je vous invite a` me faire connai^tre celui
<< que vous aurez choisi1. >>
J'ajouterai quelques re? flexions a` cette lettre, de? ja`, ce me
semble, assez curieuse par elle-me^me. -- II m'a paru, dit
le ge? ne? ral Savary, que l'air de ce pays ne vous convenait
pas; quelle gracieuse manie`re d'annoncer a` une femme alors,
he? las! me`re de trois enfants, a` la fille d'un homme qui a
servi la France avec tant de foi, qu'on la bannit, a` jamais ,
du lieu de sa naissance, sans qu'il lui soit permis de re? -
clamer d'aucune manie`re contre une peine re? pute? e la plus
cruelle, apre`s la condamnation a` mort! Il existe un vaude-
ville franc? ais dans lequel un huissier, se vantant de sa po-
litesse envers ceux qu'il conduit en prison, dit:
Aussi je suis aime? de tous ceux que j'arre^te. Je ne sais si telle e? tait l'intention du ge? ne? ral Savary.
1 Pre? fet de Loir-et-Cher.
1 Le but ile ce post-scriptum e? tait ile m'interdire les ports de la Manche.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? II ajoute que les Franc? ais n'en sont pas re? duits a` pren-
dre pour mode`les les peuples que j'admire. Ces peuples,
ce sont les Anglais d'abord, et, a` plusieurs e? gards, les Alle-
mands. Toutefois je ne crois pas qu'on puisse m'accuser de
ne pas aimer la France. Je n'ai que trop montre? le regret
d'un se? jour ou` je conserve tant d'objets d'affection, ou` ceux
qui me sont chers me plaisent tant! Mais de cet attache-
ment peut-e^tre trop vif pour une contre? e si brillante et pour
ses spirituels habitants, il ne s'ensuivait point qu'il du^t m'e^-
tre interdit d'admirer l'Angleterre. On l'a vue, comme un
chevalier arme? pour la de? fense de l'ordre social, pre? server
l'Europe pendant dix anne? es de l'anarchie, et pendant dix
autres du despotisme. Son heureuse constitution fut, au
commencement de la re? volution, le but des espe? rances et
des efforts des Franc? ais; mon a^me en est reste? e ou` la leur
e? tait alors.
A mon retour dans la terre de mon pe`re, le pre? fet de Ge-
ne`ve me de? fendit de m'en e? loigner a` plus de quatre lieues.
Je me permis un jour d'aller jusqu'a` dix, dans le simple
but d'une promenade; aussito^t les gendarmes coururent
apre`s moi, l'on de? fendit aux mai^tres de poste de me donner
des chevaux, et l'on eu^t dit que le salut de l'E? tat de? pendait
d'une aussi faible existence que la mienne. Je me re? signai
cependant encore a` cet emprisonnement dans toute sa ri-
gueur, quand un dernier coup me le rendit tout a` fait insup-
portable. Quelques-uns de mes amis furent exile? s, parce
qu'ils avaient eu la ge? ne? rosite? devenir me voir; c'en otait
trop : porter*avec soi la contagion du malheur, ne pas oser
se rapprocher de ceux qu'on aime, craindre de leur e? crire,
de prononcer leur nom, e^tre l'objet tour a` tour, ou des preu-
ves d'affection qui font trembler pour ceux qui vous les
donnent, ou des bassesses raffine? es que la terreur inspire,
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? 6 PREFACE,
c'e? tait une situation a` laquelle il fallait se soustraire, si
l'on voulait encore vivre!
On me disait, pour adoucir mon chagrin, que ces perse? -
cutions continuelles e? taient une preuve de l'importance qu'on
attachait a` moi; j'aurais pu re? pondre que je n'avais me? rite?
NI cet exce? s d'honneur, ni cette indignite? .
Mais je ne me laissai point aller aux consolations donne? es a`
mou amour-propre, car je savais qu'il n'est personne mainte-
nant en France, depuis les plus grands jusqu'aux plus petits,
qui ne puisse e^tre trouve? digne d'e^tre rendu malheureux. On
me tourmenta dans tous les inte? re^ts de ma vie, dans tous
les points sensibles de mon caracte`re, et l'autorite? condes-
cendit a` se donner la peine de me bien connai^tre pour mieux
me faire souffrir. Ne pouvant donc de? sarmer cette autorite?
par le simple sacrifice de mon talent, et re? solue a` ne lui en
pas offrir le servage, je crus sentir au fond de mon coeur ce
que m'aurait conseille? mon pe`re, et je partis.
Il m'importe, je le crois, de faire connai^tre au public ce
livre calomnie? , ce livre, source de tant de peines : et quoi-
que le ge? ne? ral Savary m'ait de? clare? dans sa lettre que mon
ouvrage n'e? tait pas franc? ais, comme je me garde bien devoir en lui le repre? sentant de la France, c'est aux Franc? ais
tels que je les ai connus, que j'adresserai avec confiance un
e? crit ou` j'ai ta^che? , selon mes forces, de relever la gloire des travaux de l'esprit humain. L'Allemagne, par sa situation ge? ographique, peut e^tre
conside? re? e comme le coeur de l'Europe, et la grande asso-
ciation continentale ne saurait retrouver son inde? pendance
que par celle de ce pays. La diffe? rence des langues, les li-
mites naturelles, les souvenirs d'une me^me histoire, tout
contribue a` cre? er parmi les hommes ces grands individus
qu'on appelle des nations; de certaines proportions leur sont
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? PUEFACE. 7
ne? cessaires pour exister, de certaines qualite? s les distinguent;
et si l'Allemagne e? tait re? unie a` la France, il s'ensuivrait
aussi que la France serait re? unie a` l'Allemagne, et que les
Franc? ais de Hambourg, comme les Franc? ais de Rome,
alte? reraient par degre? s le caracte`redes compatriotes de
Henri IV: les vaincus, a` la longue, modifieraient les vain-
queurs, et tous finiraient par y perdre.
J'ai dit dans mon ouvrage que les Allemands n'e? taient
pas une nation, et certes ils donnent au monde maintenant
d'he? roi? ques de? mentis a` cette crainte. Mais ne voit-on pas
cependant quelques pays germaniques s'exposer, en combat-
tant contre leurs compatriotes, au me? pris de leurs allie? s
me^mes, les Franc? ais? Ces auxiliaires, dont on he? site a` pro-
noncer le nom, comme s'il e? tait temps encore de le cacher a` la poste? rite? , ces auxiliaires, dis-je, ne sont conduits ni par
l'opinion ni me^me par l'inte? re^t, encore moins par l'honneur;
mais une peur impre? voyante a pre? cipite? leurs gouvernements
vers le plus fort, sans re? fle? chir qu'ils e? taient eux-me^mes la
cause de cette force devant laquelle ils se prosternaient.
Les Espagnols, a` qui l'on, peu. t appliquer ce beau vers an-
glais de Southey:
And those \vho sut'tcr bravely save mankind,
et ceux qui souffrent bravement sauvent Cespe`ce hu-
maine i les Espagnols se sont vus re? duits a` ne posse? der que
Cadix, et ils n'auraient pas plus consenti alors au joug des
e? trangers, que depuis qu'ils ont atteint la barrie`re des Pyre? -
ne? es, et qu'ils sont de? fendus par le caracte`re antique et le
ge? nie moderne de lord Wellington. Majs pour accomplir ces
grandes choses, il fallait une perse? ve? rance que l'e? ve? nement
ne saurait de? courager. Les Allemands ont eu souvent le tort
dese laisser convaincre par les revers. Les individus doivent
se re? signer a` la destine? e, mais jamais les nations; car ce
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