401) DE LA
PHILOSOPHIE
FRANC?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
hathitrust.
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? DE LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE. 397
CHAPITRE III.
De la philosophie franc? aise.
Descartes a e? te? pendant longtemps le chef de la philosophie
franc? aise; et si sa physique n'avait pas e? te? reconnue pour mau-
vaise, peut-e^tre sa me? taphysique aurait-elle conserve? un as-
cendant plus durable. Bossuet, Fe? nelon, Pascal, tous les
grands hommes du sie`cle de Louis XIV avaient adopte? l'ide? a-
lisme de Descartes: et ce syste`me s'accordait beaucoup mieux
avec le catholicisme que la philosophie purement expe? rimen-
tale; car il parai^t singulie`rement difficile de re? unir la foi aux
dogmes les plus mystiques avec l'empire souverain des sensa-
tions sur l'a^me.
Parmi les me? taphysiciens franc? ais qui ont professe? la doc-
trine de Locke, il faut compter au premier rang Condillac, que
son e? tat de pre^tre obligeait a` des me? nagements envers la reli-
gion, et Bonnet, qui, naturellement religieux, vivait a` Gene`ve,
dans un pays ou` les lumie`res et la pie? te? sont inse? parables. Ces
deux philosophes, Bonnet surtout, ont e? tabli des exceptions,
en faveur de la re? ve? lation; mais il me semble qu'une des cau-
ses de l'affaiblissement du respect pour la religion, c'est de l'a-
voir mise a` part de toutes les sciences, comme si la philosophie,
le raisonnement, enfin tout ce qui est estime? dans les affaires
terrestres, ne pouvait s'appliquer a` la religion: une ve? ne? ration
de? risoire l'e? carte de tous les inte? re^ts de la vie; c'est pour ainsi dire la reconduire hors du cercle de l'esprit humain a` force de
re? ve? rences. Dans tous les pays ou` re`gne une croyance religieuse,
elle est le centre des ide? es, et la philosophie consiste a` trouver
l'interpre? tation raisonne? e des ve? rite? s divines.
Lorsque Descartes e? crivit, la philosophie de Bacon n'avait
pas encore pe? ne? tre? en France, et l'on e? tait encore au me^me
point d'ignorance et de superstition scolastique qu'a` l'e? poque ou`
le grand penseur de l'Angleterre publia ses ouvrages. Il y a deux
manie`res de redresser les pre? juge? s des hommes : le recours a` l'ex-
pe? rience, et l'appel a` la re? flexion. Bacon prit le premier moyen, MADAME DE 6TAKL. 34
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? 398 I>H LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
Descartes le second; l'un rendit d'immenses services aux scien-
ces; l'autre a` la pense? e, qui est la source de toutes les sciences.
Bacon e? tait un homme d'un beaucoup plus grand ge? nie et
d'une instruction plus vaste encore que Descartes: il a su fon-
der sa philosophie dans le monde mate? riel; celle de Descartes
fut de? cre? dite? e parles savants,qui attaque`rent avec succe`s ses
opinions sur le syste`me du monde. Il pouvait raisonner juste
dans l'examen de l'a^me, et se tromper par rapport aux lois phy-
siques de l'univers; mais les jugements des hommes e? tant pres-
que tous fonde? s sur une aveugle et rapide confiance dans les
analogies, l'on a cru que celui qui observait si mal au dehors
ne s'entendait pas mieux a` ce qui se passe en dedans de nous-
me^mes. Descartes a dans sa manie`re d'e? crire, une simplicite?
pleine de bonhomie qui inspire de la confiance, et la force de
son ge? nie ne saurait e^tre conteste? e. Ne? anmoins, quand on le
compare, soit aux philosophes allemands, soit a` Platon, on ne
peut trouver dans ses ouvrages ni la the? orie de l'ide? alisme dans
toute son abstraction, ni l'imagination poe? tique qui en fait la
beaute? . Un rayon lumineux cependant avait traverse? l'esprit de
Descartes, et c'est a` lui qu'appartient la gloire d'avoir dirige? la
philosophie moderne de son temps vers le de? veloppement inte? -
rieur de l'a^me. Il produisit une grande sensation en appelant
toutes les ve? rite? s rec? ues a` l'examen de la re? flexion; on admira ces
axiomes: Je pense, donc j'existe, donc j'ai un Cre? ateur,
source parfaite de mes incomple`tes faculte? s; tout peut se
re? voquer en doute au dehors de nous, le vrai n'est que dans
notre a^me, et c'est elle qui en est le juge supre^me.
Le doute universel est l'a b f. de la philosophie; chaque
homme recommence a` raisonner avec ses propreslumie`res, quand
il veut remonter aux principes des choses; mais l'autorite? d'A-
ristote avait tellement introduit les formes dogmatiques en Eu-
rope, qu'on fut e? tonne? de la hardiesse de Descartes, qui soumet-
tait toutes les opinions au jugement naturel. Les e? crivains de Port-Royal furent forme? s a` son e? cole; aussi
les Franc? ais ont-ils eu, dans le dix-septie`me sie`cle, des penseurs
plus se? ve`res que dans le dix-huitie`me. A co^te? de la gra^ce et du
charme de l'esprit, une certaine gravite? dans le caracte`re annon-
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? DE LA PHILOSOPHIE FII^AiXC? AISE. 3&9
i? ait l'influence que devait exercer une philosophie qui attribuait
toutes nos ide? es a` la puissance de la re? flexion.
Malebranche, le premier disciple de Descartes, est un homme
doue? du ge? nie de l'a^me a` un e? minent degre? : l'on s'est plu a` le
conside? rer, dans le dix-huitie`me sie`cle, comme un re^veur, et
l'on est perdu en France quand on a la re? putation de re^veur:
car elle emporte avec elle l'ide? e qu'on n'est utile a` rien, ce qui
de? plai^t singulie`rement a`tout ce qu'on appelle les gens raisonna-
bles; mais ce mot d'utilite? est-il assez noble pour s'appliquer aux
besoins de l'a^me?
Les e? crivains franc? ais du dix-huitie`me sie`cle s'entendaient
mieux a` la liberte? politique; ceux du dix-septie`me a` la liberte? mo-
rale. Les philosophes du dix-huitie`me e? taient des combattants;
ceux du dix-septie`me des solitaires. Sous un gouvernement ab-
solu, tel quecelui de Louis XIV, l'inde? pendance ne trouve
d'asile que dans la me? ditation; sous les re`gnes anarchiques du
dernier sie`cle, les hommes de lettres e? taient anime? s par le de? sir
de conque? rir le gouvernement de leur pays aux principes et aux
ide? es libe? rales dont l'Angleterre donnait un si bel exemple. Les
e? crivains qui n'ont pas de? passe? ce but sont tre`s-dignes de l'estime
de leurs concitoyens; mais il n'en est pas moins vrai que les ou-
vrages compose? s dans le dix-septie`me sie`cle sont plus philosophi-
ques, a` beaucoup d'e? gards, que ceux qui ont e? te? publie? s depuis;
car la philosophie consiste surtout dans l'e? tude et la connais-
sance de notre e^tre intellectuel.
Les philosophes du dix-huitie`me sie`cle se sont plus occupe? s
de la politique sociale que de la nature primitive de l'homme;
les philosophes du dix-septie`me, par cela seul qu'ils e? taient reli-
gieux, en savaient plus sur le fond du coeur. Les philosophes,
pendant le de? clin de la monarchie franc? aise, ont excite? la pen-
se? e au dehors, accoutume? s qu'ils e? taient a` s'en servir comme
d'une arme; les philosophes, sous l'empire de Louis XIV, se
sont attache? s davantage a` la me? taphysique ide? aliste, parce que
le recueillement leur e? tait plus habituel et plus ne? cessaire. Il
faudrait, pour que le ge? nie franc? ais atteigni^t au plus haut degre?
de perfection, apprendre des e? crivains du dix-huitie`me sie`cle a`
tirer parti de ses faculte? s, et des e? crivains du dix-septie`me a` en
connai^tre la source.
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401) DE LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
Descaries, Pascal et Malebranche ont beaucoup plus de rap-
port avec les philosophes allemands que les e? crivains du dix -
huitie`me sie`cle; mais Malebranche et les Allemands diffe`rent
en ceci, que l'un donne comme article de foi ce que les autres
re? duisent en the? orie scientifique; l'un cherche a` reve^tir de formes
dogmatiques ce que l'imagination lui inspire, parce qu'il a peur
d'e^tre accuse? d'exaltation; tandis que les autres, e? crivant a` la fin
d'un sie`cle ou` l'on atout analyse? , se savent enthousiastes, et
s'attachent seulement a` prouver que l'enthousiasme est d'accord
avec la raison.
Si les Franc? ais avaient suivi la direction me? taphysique de leurs
grands hommes du dix-septie`me sie`cle, ils auraient aujourd'hui
les me^mes opinions que les Allemands; car Leibnitz est, dans
la route philosophique, le successeur naturel de Descartes et de
Malebranche, et Kantle successeur naturel de Leibnitz.
L'Angleterre influa beaucoup sur les e? crivains du dix-huitie`me
sie`cle: l'admiration qu'ils ressentaient pour ce pays leur inspira
le de? sir d'introduire en France sa philosophie et sa liberte? . La
philosophie des Anglais n'e? tait sans danger qu'avec leurs senti-
ments religieux, et leur liberte? , qu'avec leur obe? issance aux lois.
Au sein d'une nation ou` Newton et Clarke ne prononc? aient
jamais le nom de Dieu sans s'incliner, les syste`mes me? taphysi-
ques, fussent-ils errone? s, ne pouvaient e^tre funestes. Ce qui
manque en France, en tout genre, c'est le sentiment et l'habi-
tude du respect, et l'on y passe bien vite de l'examen qui peut
e? clairer a` l'ironie qui re? duit tout en poussie`re.
Il me semble qu'on pourrait marquer dans le dix-huitie`me
sie`cle, en France, deux e? poques parfaitement distinctes, celle
dans laquelle l'influence de l'Angleterre s'est fait sentir, et celle
ou` les esprits se sont pre? cipite? s dans la destruction: alors les
lumie`res se sont change? es en incendie, et la philosophie, ma-
gicienne irrite? e, a consume? le palais ou` elle avait e? tale? ses pro-
diges.
En politique, Montesquieu appartient a` la premie`re e? poque,
Raynal a` la seconde; en religion, les e? crits de Voltaire, qui
avaient la tole? rance pour but, sont inspire? s par l'esprit de la
premie`re moitie? du sie`cle; mais sa mise? rable et vaniteuse irre? -
ligion a fle? tri la seconde. Enfin, en me? taphysique, Condillac et
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? DE LA PHILOSOPHIE FJUHCAISE. 401
Helve? tius, quoiqu'ils fussent contemporains, portent aussi l'un
et l'autre l'empreinte de ces deux e? poques si diffe? rentes; car,
bien que le syste`me entier de la philosophie des sensations soit
mauvais dans son principe, cependant les conse? quences qu'Hel-
ve? tius en a tire? es ne doivent pas e^tre impute? es a` Condillac; il
e? tait bien loin d'y donner son assentiment.
Condillac a rendu la me? taphysique expe? rimentale plus claire
et plus frappante qu'elle ne l'est dans Locke ; il l'a mise ve? ritable-
ment a` la porte? e de tout le monde; il dit avec Locke que l'a^me
ne peut avoir aucune ide? e qui ne lui vienne par les sensations;
il attribue a` nos besoins l'origine des connaissances et du lan-
gage; aux mots, celle de la re? flexion ; et, nous faisant ainsi rece-
voir le de? veloppement entier de notre e^tre moral par les objets
exte? rieurs, il explique la nature humaine, comme une science
positive, d'une manie`re nette, rapide, et, sous quelques rap-
ports, incontestable; car, si l'on ne sentait en soi ni des
croyances natives du coeur, ni une conscience inde? pendante de
l'expe? rience, ni un esprit cre? ateur, dans toute la force de ce
terme, on pourrait assez se contenter de cette de? finition me? cani-
que de l'a^me humaine. Il est naturel d'e^tre se? duit par la solution
facile du plus grand des proble`mes; mais cette apparente sim-
plicite? n'existe que dans la me? thode; l'objet auquel on pre? tend
l'appliquer n'en reste pas moins d'une immensite? inconnue, et
l'e? nigme de nous-me^mes de? vore, comme le sphinx, les milliers
de syste`mes qui pre? tendent a` la gloire d'en avoir devine? le mot. L'ouvrage de Condillac ne devrait e^tre conside? re? que comme
un livre de plus sur un sujet ine? puisable, si l'influence de ce li-
vre n'avait pas e? te? funeste. Helve? tius, qui tire de la philosophie
des sensations toutes les conse? quences directes qu'elle peut per-
mettre, affirme que si l'homme avait les mains faites comme le
pied d'un cheval, il n'aurait que l'intelligence d'un cheval. Certes,
s'il en e? tait ainsi, il serait bien injuste de nous attribuer le tort
ou le me? rite de nos actions; car la diffe? rence qui peut exister
entre les diverses organisations des individus, autoriserait et
motiverait bien celle qui se trouve entre leurs caracte`res.
Aux opinions d'Helve? tius succe? de`rent celles du Syste`me de
la Salure, qui tendaient a` l'ane? antissement de la Divinite? dans
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? 402 >>B LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
l'univers, et du libre arbitre dans l'homme. Locke, Coudillac
Helve? tius, et le malheureux auteur du Syste`me de la Nature,
ont marche? progressivement dans la me^me route; les premiers
pas e? taient innocents :ni Locke, ni Condillac n'ont connu les
dangers des principes de leur philosophie; mais biento^t ce grain
noir, qui se remarquait a` peine sur l'horizon intellectuel, s'est
e? tendu jusqu'au point de replonger l'univers et l'homme dans
les te? ne`bres.
Les objets exte? rieurs e? taient, disait-on, le mobile de toutes nos
impressions; rien ne semblait donc plus doux que de se livrer au
monde physique, et de s'inviter-comme convive a` la fe^te de la na-
ture; mais par degre? s la source inte? rieure s'est tarie, et jusqu'a`
l'imagination qu'il faut pour le luxe et pour les plaisirs, va se
fle? trissant a` tel point, qu'on n'aura biento^t plus me^me assez
d'a^me pour gou^ter un bonheur quelconque, si mate? riel qu'il soit.
L'immortalite? de l'a^me et le sentiment du devoir sont des sup-
positions tout a` fait gratuites, dans le syste`me qui fonde toutes
nos ide? es sur nos sensations: car nulle sensation ne nous re? ve`le
l'immortalite? dans la mort. Si les objets exte? rieurs ont seuls
forme? notre conscience, depuis la nourrice qui nous rec? oit dans
ses bras jusqu'au dernier acte d'une vieillesse avance? e, toutes les
impressions s'enchai^nent tellement l'une a` l'autre, qu'on ne peut
en accuser avec e? quite? la pre? tendue volonte? , qui n'est qu'une fa-
talite? de plus.
Je ta^cherai de montrer, dans la seconde partie de cette section,
que la morale fonde? e sur l'inte? re^t, si fortement pre? cite? e par les
e? crivains franc? ais du dernier sie`cle, est dans une connexion intime avec la me? taphysique qui attribue toutes nos ide? es a` nos
sensations, et que les conse? quences de l'une sont aussi mauvaises
dans la pratique que celles de l'autre dans la the? orie. Ceux qui
ont pu lire les ouvrages licencieux qui ont e? te? publie? s en France
vers la fin du dix-huitie`me sie`cle, attesteront que quand les au-
teurs de ces coupables e? crits veulent s'appuyer d'une espe`ce de
raisonnement, ils en appellent tous a` l'influence du physique sur
le moral; ils rapportent aux sensations toutes les opinions les
plus condamnables; ils de? veloppent enfin, sous toutes les for-
mes, la doctrine qui de? truit le libre arbitre et la conscience.
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? 1)1} l'EUSIFLAGE. 402
On ne saurait nier, dira-t-on peut-e^tre, que cette doctrine ne
soit avilissante; mais ne? anmoins, si elle est vraie, faut-il la re-
pousser et s'aveugler a` dessein? Certes, ils auraient fait une de? -
plorable de? couverte, ceux qui auraient de? tro^ne? notre a^me, con-
damne? l'esprit a` s'immoler lui-me^me, en employant ses faculte? s
a` de? montrer que les lois communes a` tout ce qui est physique lui
conviennent; mais, gra^ce a` Dieu, et cette expression est ici bien place? e, gra^ce a` Dieu, dis-je, ce syste`me est tout a` fait faux dans
son principe, et le parti qu'en ont tire? ceux qui soutenaient
la cause de l'immoralite? est une preuve de plus des erreurs qu'il
renferme.
Si la plupart des hommes corrompus se sont appuye? s sur la
philosophie mate? rialiste, lorsqu'ils ont voulu s'avilir me? thodi-
quement et mettre leurs actions enthe? orie, c'estqu'ils croyaient,
en soumettant l'a^me aux sensations, se de? livrer ainsi de la res-
ponsabilite? de leur conduite. Un e^tre vertueux, convaincu de ce
syste`me, en serait profonde? ment afflige? , car il craindrait sans
cesse que l'influence toute-puissante des objets exte? rieurs n'al-
te? ra^t la purete? de son a^me et la force de ses re? solutions. Mais
quand on voit des hommes se re? jouir, en proclamant qu'ils sont
en tout l'oeuvre des circonstances, et que ces circonstances sont
combine? es par le hasard, on fre?
? DE LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE. 397
CHAPITRE III.
De la philosophie franc? aise.
Descartes a e? te? pendant longtemps le chef de la philosophie
franc? aise; et si sa physique n'avait pas e? te? reconnue pour mau-
vaise, peut-e^tre sa me? taphysique aurait-elle conserve? un as-
cendant plus durable. Bossuet, Fe? nelon, Pascal, tous les
grands hommes du sie`cle de Louis XIV avaient adopte? l'ide? a-
lisme de Descartes: et ce syste`me s'accordait beaucoup mieux
avec le catholicisme que la philosophie purement expe? rimen-
tale; car il parai^t singulie`rement difficile de re? unir la foi aux
dogmes les plus mystiques avec l'empire souverain des sensa-
tions sur l'a^me.
Parmi les me? taphysiciens franc? ais qui ont professe? la doc-
trine de Locke, il faut compter au premier rang Condillac, que
son e? tat de pre^tre obligeait a` des me? nagements envers la reli-
gion, et Bonnet, qui, naturellement religieux, vivait a` Gene`ve,
dans un pays ou` les lumie`res et la pie? te? sont inse? parables. Ces
deux philosophes, Bonnet surtout, ont e? tabli des exceptions,
en faveur de la re? ve? lation; mais il me semble qu'une des cau-
ses de l'affaiblissement du respect pour la religion, c'est de l'a-
voir mise a` part de toutes les sciences, comme si la philosophie,
le raisonnement, enfin tout ce qui est estime? dans les affaires
terrestres, ne pouvait s'appliquer a` la religion: une ve? ne? ration
de? risoire l'e? carte de tous les inte? re^ts de la vie; c'est pour ainsi dire la reconduire hors du cercle de l'esprit humain a` force de
re? ve? rences. Dans tous les pays ou` re`gne une croyance religieuse,
elle est le centre des ide? es, et la philosophie consiste a` trouver
l'interpre? tation raisonne? e des ve? rite? s divines.
Lorsque Descartes e? crivit, la philosophie de Bacon n'avait
pas encore pe? ne? tre? en France, et l'on e? tait encore au me^me
point d'ignorance et de superstition scolastique qu'a` l'e? poque ou`
le grand penseur de l'Angleterre publia ses ouvrages. Il y a deux
manie`res de redresser les pre? juge? s des hommes : le recours a` l'ex-
pe? rience, et l'appel a` la re? flexion. Bacon prit le premier moyen, MADAME DE 6TAKL. 34
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? 398 I>H LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
Descartes le second; l'un rendit d'immenses services aux scien-
ces; l'autre a` la pense? e, qui est la source de toutes les sciences.
Bacon e? tait un homme d'un beaucoup plus grand ge? nie et
d'une instruction plus vaste encore que Descartes: il a su fon-
der sa philosophie dans le monde mate? riel; celle de Descartes
fut de? cre? dite? e parles savants,qui attaque`rent avec succe`s ses
opinions sur le syste`me du monde. Il pouvait raisonner juste
dans l'examen de l'a^me, et se tromper par rapport aux lois phy-
siques de l'univers; mais les jugements des hommes e? tant pres-
que tous fonde? s sur une aveugle et rapide confiance dans les
analogies, l'on a cru que celui qui observait si mal au dehors
ne s'entendait pas mieux a` ce qui se passe en dedans de nous-
me^mes. Descartes a dans sa manie`re d'e? crire, une simplicite?
pleine de bonhomie qui inspire de la confiance, et la force de
son ge? nie ne saurait e^tre conteste? e. Ne? anmoins, quand on le
compare, soit aux philosophes allemands, soit a` Platon, on ne
peut trouver dans ses ouvrages ni la the? orie de l'ide? alisme dans
toute son abstraction, ni l'imagination poe? tique qui en fait la
beaute? . Un rayon lumineux cependant avait traverse? l'esprit de
Descartes, et c'est a` lui qu'appartient la gloire d'avoir dirige? la
philosophie moderne de son temps vers le de? veloppement inte? -
rieur de l'a^me. Il produisit une grande sensation en appelant
toutes les ve? rite? s rec? ues a` l'examen de la re? flexion; on admira ces
axiomes: Je pense, donc j'existe, donc j'ai un Cre? ateur,
source parfaite de mes incomple`tes faculte? s; tout peut se
re? voquer en doute au dehors de nous, le vrai n'est que dans
notre a^me, et c'est elle qui en est le juge supre^me.
Le doute universel est l'a b f. de la philosophie; chaque
homme recommence a` raisonner avec ses propreslumie`res, quand
il veut remonter aux principes des choses; mais l'autorite? d'A-
ristote avait tellement introduit les formes dogmatiques en Eu-
rope, qu'on fut e? tonne? de la hardiesse de Descartes, qui soumet-
tait toutes les opinions au jugement naturel. Les e? crivains de Port-Royal furent forme? s a` son e? cole; aussi
les Franc? ais ont-ils eu, dans le dix-septie`me sie`cle, des penseurs
plus se? ve`res que dans le dix-huitie`me. A co^te? de la gra^ce et du
charme de l'esprit, une certaine gravite? dans le caracte`re annon-
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? DE LA PHILOSOPHIE FII^AiXC? AISE. 3&9
i? ait l'influence que devait exercer une philosophie qui attribuait
toutes nos ide? es a` la puissance de la re? flexion.
Malebranche, le premier disciple de Descartes, est un homme
doue? du ge? nie de l'a^me a` un e? minent degre? : l'on s'est plu a` le
conside? rer, dans le dix-huitie`me sie`cle, comme un re^veur, et
l'on est perdu en France quand on a la re? putation de re^veur:
car elle emporte avec elle l'ide? e qu'on n'est utile a` rien, ce qui
de? plai^t singulie`rement a`tout ce qu'on appelle les gens raisonna-
bles; mais ce mot d'utilite? est-il assez noble pour s'appliquer aux
besoins de l'a^me?
Les e? crivains franc? ais du dix-huitie`me sie`cle s'entendaient
mieux a` la liberte? politique; ceux du dix-septie`me a` la liberte? mo-
rale. Les philosophes du dix-huitie`me e? taient des combattants;
ceux du dix-septie`me des solitaires. Sous un gouvernement ab-
solu, tel quecelui de Louis XIV, l'inde? pendance ne trouve
d'asile que dans la me? ditation; sous les re`gnes anarchiques du
dernier sie`cle, les hommes de lettres e? taient anime? s par le de? sir
de conque? rir le gouvernement de leur pays aux principes et aux
ide? es libe? rales dont l'Angleterre donnait un si bel exemple. Les
e? crivains qui n'ont pas de? passe? ce but sont tre`s-dignes de l'estime
de leurs concitoyens; mais il n'en est pas moins vrai que les ou-
vrages compose? s dans le dix-septie`me sie`cle sont plus philosophi-
ques, a` beaucoup d'e? gards, que ceux qui ont e? te? publie? s depuis;
car la philosophie consiste surtout dans l'e? tude et la connais-
sance de notre e^tre intellectuel.
Les philosophes du dix-huitie`me sie`cle se sont plus occupe? s
de la politique sociale que de la nature primitive de l'homme;
les philosophes du dix-septie`me, par cela seul qu'ils e? taient reli-
gieux, en savaient plus sur le fond du coeur. Les philosophes,
pendant le de? clin de la monarchie franc? aise, ont excite? la pen-
se? e au dehors, accoutume? s qu'ils e? taient a` s'en servir comme
d'une arme; les philosophes, sous l'empire de Louis XIV, se
sont attache? s davantage a` la me? taphysique ide? aliste, parce que
le recueillement leur e? tait plus habituel et plus ne? cessaire. Il
faudrait, pour que le ge? nie franc? ais atteigni^t au plus haut degre?
de perfection, apprendre des e? crivains du dix-huitie`me sie`cle a`
tirer parti de ses faculte? s, et des e? crivains du dix-septie`me a` en
connai^tre la source.
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401) DE LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
Descaries, Pascal et Malebranche ont beaucoup plus de rap-
port avec les philosophes allemands que les e? crivains du dix -
huitie`me sie`cle; mais Malebranche et les Allemands diffe`rent
en ceci, que l'un donne comme article de foi ce que les autres
re? duisent en the? orie scientifique; l'un cherche a` reve^tir de formes
dogmatiques ce que l'imagination lui inspire, parce qu'il a peur
d'e^tre accuse? d'exaltation; tandis que les autres, e? crivant a` la fin
d'un sie`cle ou` l'on atout analyse? , se savent enthousiastes, et
s'attachent seulement a` prouver que l'enthousiasme est d'accord
avec la raison.
Si les Franc? ais avaient suivi la direction me? taphysique de leurs
grands hommes du dix-septie`me sie`cle, ils auraient aujourd'hui
les me^mes opinions que les Allemands; car Leibnitz est, dans
la route philosophique, le successeur naturel de Descartes et de
Malebranche, et Kantle successeur naturel de Leibnitz.
L'Angleterre influa beaucoup sur les e? crivains du dix-huitie`me
sie`cle: l'admiration qu'ils ressentaient pour ce pays leur inspira
le de? sir d'introduire en France sa philosophie et sa liberte? . La
philosophie des Anglais n'e? tait sans danger qu'avec leurs senti-
ments religieux, et leur liberte? , qu'avec leur obe? issance aux lois.
Au sein d'une nation ou` Newton et Clarke ne prononc? aient
jamais le nom de Dieu sans s'incliner, les syste`mes me? taphysi-
ques, fussent-ils errone? s, ne pouvaient e^tre funestes. Ce qui
manque en France, en tout genre, c'est le sentiment et l'habi-
tude du respect, et l'on y passe bien vite de l'examen qui peut
e? clairer a` l'ironie qui re? duit tout en poussie`re.
Il me semble qu'on pourrait marquer dans le dix-huitie`me
sie`cle, en France, deux e? poques parfaitement distinctes, celle
dans laquelle l'influence de l'Angleterre s'est fait sentir, et celle
ou` les esprits se sont pre? cipite? s dans la destruction: alors les
lumie`res se sont change? es en incendie, et la philosophie, ma-
gicienne irrite? e, a consume? le palais ou` elle avait e? tale? ses pro-
diges.
En politique, Montesquieu appartient a` la premie`re e? poque,
Raynal a` la seconde; en religion, les e? crits de Voltaire, qui
avaient la tole? rance pour but, sont inspire? s par l'esprit de la
premie`re moitie? du sie`cle; mais sa mise? rable et vaniteuse irre? -
ligion a fle? tri la seconde. Enfin, en me? taphysique, Condillac et
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? DE LA PHILOSOPHIE FJUHCAISE. 401
Helve? tius, quoiqu'ils fussent contemporains, portent aussi l'un
et l'autre l'empreinte de ces deux e? poques si diffe? rentes; car,
bien que le syste`me entier de la philosophie des sensations soit
mauvais dans son principe, cependant les conse? quences qu'Hel-
ve? tius en a tire? es ne doivent pas e^tre impute? es a` Condillac; il
e? tait bien loin d'y donner son assentiment.
Condillac a rendu la me? taphysique expe? rimentale plus claire
et plus frappante qu'elle ne l'est dans Locke ; il l'a mise ve? ritable-
ment a` la porte? e de tout le monde; il dit avec Locke que l'a^me
ne peut avoir aucune ide? e qui ne lui vienne par les sensations;
il attribue a` nos besoins l'origine des connaissances et du lan-
gage; aux mots, celle de la re? flexion ; et, nous faisant ainsi rece-
voir le de? veloppement entier de notre e^tre moral par les objets
exte? rieurs, il explique la nature humaine, comme une science
positive, d'une manie`re nette, rapide, et, sous quelques rap-
ports, incontestable; car, si l'on ne sentait en soi ni des
croyances natives du coeur, ni une conscience inde? pendante de
l'expe? rience, ni un esprit cre? ateur, dans toute la force de ce
terme, on pourrait assez se contenter de cette de? finition me? cani-
que de l'a^me humaine. Il est naturel d'e^tre se? duit par la solution
facile du plus grand des proble`mes; mais cette apparente sim-
plicite? n'existe que dans la me? thode; l'objet auquel on pre? tend
l'appliquer n'en reste pas moins d'une immensite? inconnue, et
l'e? nigme de nous-me^mes de? vore, comme le sphinx, les milliers
de syste`mes qui pre? tendent a` la gloire d'en avoir devine? le mot. L'ouvrage de Condillac ne devrait e^tre conside? re? que comme
un livre de plus sur un sujet ine? puisable, si l'influence de ce li-
vre n'avait pas e? te? funeste. Helve? tius, qui tire de la philosophie
des sensations toutes les conse? quences directes qu'elle peut per-
mettre, affirme que si l'homme avait les mains faites comme le
pied d'un cheval, il n'aurait que l'intelligence d'un cheval. Certes,
s'il en e? tait ainsi, il serait bien injuste de nous attribuer le tort
ou le me? rite de nos actions; car la diffe? rence qui peut exister
entre les diverses organisations des individus, autoriserait et
motiverait bien celle qui se trouve entre leurs caracte`res.
Aux opinions d'Helve? tius succe? de`rent celles du Syste`me de
la Salure, qui tendaient a` l'ane? antissement de la Divinite? dans
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? 402 >>B LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
l'univers, et du libre arbitre dans l'homme. Locke, Coudillac
Helve? tius, et le malheureux auteur du Syste`me de la Nature,
ont marche? progressivement dans la me^me route; les premiers
pas e? taient innocents :ni Locke, ni Condillac n'ont connu les
dangers des principes de leur philosophie; mais biento^t ce grain
noir, qui se remarquait a` peine sur l'horizon intellectuel, s'est
e? tendu jusqu'au point de replonger l'univers et l'homme dans
les te? ne`bres.
Les objets exte? rieurs e? taient, disait-on, le mobile de toutes nos
impressions; rien ne semblait donc plus doux que de se livrer au
monde physique, et de s'inviter-comme convive a` la fe^te de la na-
ture; mais par degre? s la source inte? rieure s'est tarie, et jusqu'a`
l'imagination qu'il faut pour le luxe et pour les plaisirs, va se
fle? trissant a` tel point, qu'on n'aura biento^t plus me^me assez
d'a^me pour gou^ter un bonheur quelconque, si mate? riel qu'il soit.
L'immortalite? de l'a^me et le sentiment du devoir sont des sup-
positions tout a` fait gratuites, dans le syste`me qui fonde toutes
nos ide? es sur nos sensations: car nulle sensation ne nous re? ve`le
l'immortalite? dans la mort. Si les objets exte? rieurs ont seuls
forme? notre conscience, depuis la nourrice qui nous rec? oit dans
ses bras jusqu'au dernier acte d'une vieillesse avance? e, toutes les
impressions s'enchai^nent tellement l'une a` l'autre, qu'on ne peut
en accuser avec e? quite? la pre? tendue volonte? , qui n'est qu'une fa-
talite? de plus.
Je ta^cherai de montrer, dans la seconde partie de cette section,
que la morale fonde? e sur l'inte? re^t, si fortement pre? cite? e par les
e? crivains franc? ais du dernier sie`cle, est dans une connexion intime avec la me? taphysique qui attribue toutes nos ide? es a` nos
sensations, et que les conse? quences de l'une sont aussi mauvaises
dans la pratique que celles de l'autre dans la the? orie. Ceux qui
ont pu lire les ouvrages licencieux qui ont e? te? publie? s en France
vers la fin du dix-huitie`me sie`cle, attesteront que quand les au-
teurs de ces coupables e? crits veulent s'appuyer d'une espe`ce de
raisonnement, ils en appellent tous a` l'influence du physique sur
le moral; ils rapportent aux sensations toutes les opinions les
plus condamnables; ils de? veloppent enfin, sous toutes les for-
mes, la doctrine qui de? truit le libre arbitre et la conscience.
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? 1)1} l'EUSIFLAGE. 402
On ne saurait nier, dira-t-on peut-e^tre, que cette doctrine ne
soit avilissante; mais ne? anmoins, si elle est vraie, faut-il la re-
pousser et s'aveugler a` dessein? Certes, ils auraient fait une de? -
plorable de? couverte, ceux qui auraient de? tro^ne? notre a^me, con-
damne? l'esprit a` s'immoler lui-me^me, en employant ses faculte? s
a` de? montrer que les lois communes a` tout ce qui est physique lui
conviennent; mais, gra^ce a` Dieu, et cette expression est ici bien place? e, gra^ce a` Dieu, dis-je, ce syste`me est tout a` fait faux dans
son principe, et le parti qu'en ont tire? ceux qui soutenaient
la cause de l'immoralite? est une preuve de plus des erreurs qu'il
renferme.
Si la plupart des hommes corrompus se sont appuye? s sur la
philosophie mate? rialiste, lorsqu'ils ont voulu s'avilir me? thodi-
quement et mettre leurs actions enthe? orie, c'estqu'ils croyaient,
en soumettant l'a^me aux sensations, se de? livrer ainsi de la res-
ponsabilite? de leur conduite. Un e^tre vertueux, convaincu de ce
syste`me, en serait profonde? ment afflige? , car il craindrait sans
cesse que l'influence toute-puissante des objets exte? rieurs n'al-
te? ra^t la purete? de son a^me et la force de ses re? solutions. Mais
quand on voit des hommes se re? jouir, en proclamant qu'ils sont
en tout l'oeuvre des circonstances, et que ces circonstances sont
combine? es par le hasard, on fre?
