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Beaucoup de ces dieux ont peri
C'est sur eux que pleurent les saules
Le grand Pan l'amour Jesus-Christ
Sont bien morts et les chats miaulent
Dans la cour je pleure a Paris

Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes

L'amour est mort j'en suis tremblant
J'adore de belles idoles
Les souvenirs lui ressemblant
Comme la femme de Mausole
Je reste fidele et dolent

Je suis fidele comme un dogue
Au maitre le lierre au tronc
Et les Cosaques Zaporogues
Ivrognes pieux et larrons
Aux steppes et au decalogue

Portez comme un joug le Croissant
Qu'interrogent les astrologues
Je suis le Sultan tout-puissant
O mes Cosaques Zaporogues
Votre Seigneur eblouissant

Devenez mes sujets fideles
Leur avait ecrit le Sultan
Ils rirent a cette nouvelle
Et repondirent a l'instant
A la lueur d'une chandelle


Reponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople

Plus criminel que Barrabas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzebuth es-tu la-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas a tes sabbats

Poisson pourri de Salonique
Long collier des sommeils affreux
D'yeux arraches a coup de pique
Ta mere fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique

Bourreau de Podolie Amant
Des plaies des ulceres des croutes
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes medicaments


Voie lactee {1}

Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses

Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthere
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amere
Qui a rebute nos destins

Ses regards laissaient une traine
D'etoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirenes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fees marraines

Mais en verite je l'attends
Avec mon coeur avec mon ame
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais reviens cette femme
Je lui dirai Je suis content

Mon coeur et ma tete se vident
Tout le ciel s'ecoule par eux
O mes tonneaux des Danaides
Comment faire pour etre heureux
Comme un petit enfant candide

Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
O marguerite exfoliee
Mon ile au loin ma Desirade
Ma rose mon giroflier

Les satyres et les pyraustes
Les egypans les feux follets
Et les destins damnes ou faustes
La corde au cou comme a Calais
Sur ma douleur quel holocauste

Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon ame et mon corps incertains
Te fuient o bucher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin

Malheur dieu pale aux yeux d'ivoire
Tes pretres fous t'ont-ils pare
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleure
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire

Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
O mon ombre o mon vieux serpent

Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menee souviens-t'en bien
Tenebreuse epouse que j'aime
Tu es a moi en n'etant rien
O mon ombre en deuil de moi-meme

L'hiver est mort tout enneige
On a brule les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le           clair l'Avril leger

Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides

Et moi j'ai le coeur aussi gros
Qu'un cul de dame damascene
O mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept epees hors du fourreau

Sept epees de melancolie
Sans morfil o claires douleurs
Sont dans mon coeur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie


Les sept epees

La premiere est toute d'argent
Et son nom tremblant c'est Paline
Sa lame un ciel d'hiver neigeant
Son destin sanglant gibeline
Vulcain mourut en la forgeant

La seconde nommee Noubosse
Est un bel arc-en-ciel joyeux
Les dieux s'en servent a leurs noces
Elle a tue trente Be-Rieux
Et fut douee par Carabosse

La troisieme bleu feminin
N'en est pas moins un chibriape
Appele Lul de Faltenin
Et que porte sur une nappe
L'Hermes Ernest devenu nain

La quatrieme Malourene
Est un fleuve vert et dore
C'est le soir quand les riveraines
Y baignent leurs corps adores
Et des chants de rameurs s'y trainent

La cinquieme Sainte-Fabeau
C'est la plus belle des quenouilles
C'est un cypres sur un tombeau
Ou les quatre vents s'agenouillent
Et chaque nuit c'est un flambeau

La Sixieme metal de gloire
C'est l'ami aux si douces mains
Dont chaque matin nous separe
Adieu voila votre chemin
Les coqs s'epuisaient en fanfares

Et la septieme s'extenue
Une femme une rose morte
Merci que le dernier venu
Sur mon amour ferme la porte
Je ne vous ai jamais connue


Voie lactee {2}

Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses

Les demons du hasard selon
Le chant du firmament nous menent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente a reculons

Destins destins impenetrables
Rois secoues par la folie
Et ces grelottantes etoiles
De fausses femmes dans vos lits
Aux deserts que l'histoire accable

Luitpold le vieux prince regent
Tuteur de deux royautes folles
Sanglote-t-il en y songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorees de la Saint-Jean

Pres d'un chateau sans chatelaine
La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc et sous l'haleine
Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirene

Un jour le roi dans l'eau d'argent
Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournee au ciel changeant

Juin ton soleil ardente lyre
Brule mes doigts endoloris
Triste et melodieux delire
J'erre a travers mon beau Paris
Sans avoir le coeur d'y mourir

Les dimanches s'y eternisent
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise

Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'electricite
Les tramways feux verts sur l'echine
Musiquent au long des portees
De rails leur folie de machines

Les cafes gonfles de fumee
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumes
De leurs garcons vetus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimee

Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes


LES COLCHIQUES

Le pre est veneneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'ecole viennent avec fracas
Vetus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des meres
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupieres
Qui battent comme les fleurs battent au vent dement

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pre mal fleuri par l'automne


PALAIS

A Max Jacob

Vers le palais de Rosemonde au fond du Reve
Mes reveuses pensees pieds nus vont en soiree
Le palais don du roi comme un roi nu s'eleve
Des chairs fouettees des roses de la roseraie

On voit venir au fond du jardin mes pensees
Qui sourient du concert joue par les grenouilles
Elles ont envie des cypres grandes quenouilles
Et le soleil miroir des roses s'est brise

Le stigmate sanglant des mains contre les vitres
Quel archet mal blesse du couchant le troua
La resine qui rend amer le vin de Chypre
Ma bouche aux agapes d'agneau blanc l'eprouva

Sur les genoux pointus du monarque adultere
Sur le mai de son age et sur son trente et un
Madame Rosemonde roule avec mystere
Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns

Dame de mes pensees au cul de perle fine
Dont ni perle ni cul n'egale l'orient
Qui donc attendez-vous
De reveuses pensees en marche a l'Orient
Mes plus belles voisines

Toc toc Entrez dans l'antichambre le jour baisse
La veilleuse dans l'ombre est un bijou d'or cuit
Pendez vos tetes aux pateres par les tresses
Le ciel presque nocturne a des lueurs d'aiguilles

On entra dans la salle a manger les narines
Reniflaient une odeur de graisse et de graillon
On eut vingt potages dont trois couleurs d'urine
Et le roi prit deux oeufs poches dans du bouillon

Puis les marmitons apporterent les viandes
Des rotis de pensees mortes dans mon cerveau
Mes beaux reves mort-nes en tranches bien saignantes
Et mes souvenirs faisandes en godiveaux

Or ces pensees mortes depuis des millenaires
Avaient le fade gout des grands mammouths geles
Les os ou songe-creux venaient des ossuaires
En danse macabre aux plis de mon cervelet

Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles
Mais nom de Dieu!