Jadis il suffisait
de la nature pour instruire l'homme, et de?
de la nature pour instruire l'homme, et de?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
ner-
gie dans l'immoralite? . Les philosophes allemands, et gloire leur
en soit rendue, ont e? te? les premiers, dans le dix-huitie`me sie`-
cle, qui aient mis l'esprit fort du co^te? de la foi, le ge? nie du co^te?
de la morale, et le caracte`re du co^te? du devoir.
CHAPITRE XXI.
De l'ignorance et de la frivolite? d'esprit, dans leurs rapports avec la morale.
L'ignorance, telle qu'elle existait il y a quelques sie`cles, res-
pectait les lumie`res et de? sirait d'en acque? rir; l'ignorance de
notre temps est de? daigneuse, et cherche a` tourner en ridicule
les travaux et les me? ditations des hommes e? claire? s. L'esprit
philosophique a re? pandu dans presque toutes les classes une
certaine facilite? de raisonnement, qui sert a` de? crier tout ce
qu'il y a de grand et de se? rieux dins l-i nature humaine, et
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? DE LIGNORANCE. 50! )
nous en sommes a` cette e? poque de la civilisation ou` toutes les
belles choses de l'a^me tombent en poussie`re.
Quand les barbares du Nord s'empare`rent des plus fertiles
contre? es de l'Europe, ils y apporte`rent des vertus farouches et
ma^les; et, cherchant a` se perfectionner eux-me^mes, ils deman-
daient au Midi le soleil, les arts et les sciences. Mais les barba-
res police? s n'estiment que l'habilete? dans les affaires de ce
monde, et ne s'instruisent que juste ce qu'il faut pour se jouer
par quelques phrases du recueillement de toute une vie.
Ceux qui nient la perfectibilite? de l'esprit humain pre? tendent
qu'en toutes choses les progre`s et la de? cadence se suivent tour a`
tour, et que la roue de la pense? e tourne comme celle de la for-
tune. Quel triste spectacle que ces ge? ne? rations s'occupant sur
la terre, comme Sisyphe dans les enfers, a` des travaux constam-
ment inutiles! Et que serait donc la destine? e dela race humaine,
si elle ressemblait au supplice le plus cruel que l'imagination
des poetes ait conc? u ? Mais il n'en est pas ainsi, et l'on peut aper-
cevoir un dessein toujours le me^me, toujours suivi, toujours
progressif, dans l'histoire de l'homme.
Lalutte entre les inte? re^ts de ce monde et les sentiments e? leve? s
a existe? detout temps, dans les nations comme dans les individus.
La superstition met quelquefois les hommes e? claire? s du parti de
l'incre? dulite? , et quelquefois, au contraire, ce sont les lumie`res
me^mes qui e? veillent toutes les croyances du coeur. Maintenant,
les philosophes se re? fugient dans la religion, pour trouver en elle
la source des conceptions hautes et des sentiments de? sinte? resse? s;
a` cette e? poque, pre? pare? e par les sie`cles, l'alliance de la philoso-
phie et de la religion peut e^tre intime et since`re. Les ignorants
ne sont plus , comme jadis, des hommes ennemis du doute, et
de? cide? s a` repousser toutes les fausses lueurs qui troubleraient
leurs espe? rances religieuses et leur de? vouement chevaleresque;
les ignorants de nos jours sont incre? dules, le? gers, superficiels;
ils savent tout ce que l'e? goi? sme a besoin de savoir, et leur igno-
rance ne porte que sur ces e? tudes sublimes qui font nai^tre dans
l'a^me un sentiment d'admiration pour la nature et pour la Di-
vinite? .
Les occupations guerrie`res remplissaient jadis la vie desno<<3.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 510 DE L IGNORANCE.
bles, et formaient leur esprit par l'action; mais lorsque, de nos
jours, les hommes de la premie`re classe n'ont aucune fonction
dans l'E? tat, et n'e? tudient profonde? ment aucune science, toute
l'activite? de leur esprit, qui devrait e^tre employe? e dans le cercle
des affaires ou des travaux intellectuels, se dirige sur l'observa-
tion des manie`res et la connaissance des anecdotes.
Les jeunes gens, a` peine sortis de l'e? cole, se ha^tent de prendre
possession de l'oisivete? comme de la robe virile; les hommes et
les femmes s'e? pient les uns les autres dans les moindres de? tails;
non pas pre? cise? ment par me? chancete? , mais pour avoir quelque
chose a` dire quand ils n'ont rien a` penser. Ce genre de causti-
cite? journalie`re de? truit la bienveillance et la loyaute? . On n'est
pas content de soi-me^me quand on abuse de l'hospitalite? donne? e
ou rec? ue pour critiquer ceux avec qui l'on passe sa vie, et l'on
empe^che ainsi toute affection profonde de nai^tre ou de subsister;
car en e? coutant des moqueries sur ceux qui nous sont chers, on
fle? trit ce que l'affection a de pur et d'exalte? : les sentiments dans
lesquels on n'est pas d'une ve? rite? parfaite, font plus de mal que
l'indiffe? rence.
Chacun a en soi un co^te? ridicule; il n'y a que de loin qu'un
caracte`re semble complet; mais ce qui faitl'existence individuelle
e? tant toujours une singularite? quelconque, cette singularite? pre^te
a` la plaisanterie : aussi, l'homme qui la craint avant tout cher-
che-t-il , autant qu'il est possible, a` faire disparai^tre en lui ce qui
pourrait le signaler de quelque manie`re, soit en bien, soit en mal.
Cette nature efface? e, de quelque bon gou^t qu'elle paraisse, a bien
aussi ses ridicules; mais peu de gens ont l'esprit assez fin pour
les saisir.
La moquerie a cela de particulier, qu'elle nuit essentiellement
a` ce qui est bon, mais point a` ce qui est fort. La puissance a
quelque chose d'a^pre et de triomphant qui tue le ridicule; d'ail-
leurs, les esprits frivoles respectent te prudence de la chair, selon
l'expression d'un moraliste du seizie`me sie`cle; et l'on est e? tonne?
de trouver toute la profondeur de l'inte? re^t personnel dans ces
hommes qui semblaient incapables de suivre une ide? e ou un sen-
timent, quand il n'en pouvait rien re? sulter d'avantageux pour
leurs calculs de fortune ou de vanite? .
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? i>e L'IGNORANCE. ,sil
La frivolite? d'esprit ne porte point a` ne? gliger les affaires de ce
monde. On trouve, au contraire, une bien plus noble insou-
ciance a` cet e? gard dans les caracte`res se? rieux que dans les hom-
mes d'une nature le? ge`re; car la le? ge`rete? de ceux-ci ne consiste
le plus souvent qu'a` de? daigner les ide? es ge? ne? rales, pour mieux
s'occuper de ce qui ne concerne qu'eux-me^mes.
Il y a quelquefois de la me? chancete? dans les gens d'esprit; mais
le ge? nie est presque toujours plein de bonte? . La me? chancete?
vient, non pas de ce qu'on a trop d'esprit, mais de ce qu'on n'en
a pas assez. Si l'on pouvait parler sur les ide? es, on laisserait en
paix les personnes; si l'on se croyait assure? de l'emporter sur les
autres par ses talents naturels, on ne chercherait pas a` niveler le
parterre sur lequel on veut dominer. Il y a des me? diocrite? s d'tlme
de? guise? es en esprits piquants et malicieux ; mais la vraie supe? riorite?
est rayonnante de bons sentiments comme de hautes pense? es.
L'habitude des occupations intellectuelles inspire une bien-
veillance e? claire? e pour les hommes et pour les choses; on ne
tient plus a` soi comme a` un e^tre privile? gie? : quand on en sait
beaucoup sur la destine? e humaine, on ne s'irrite plus de chaque
circonstance comme d'une chose sans exemple , et la justice n'e? -
tant que l'habitude de conside? rer les rapports des e^tres entre
eux sous un point de vue ge? ne? ral, l'e? tendue de l'esprit sert a`
nous de? tacher des calculs personnels. On a plane? sur sa propre
existence comme sur celle des autres, quand on s'est livre? a` la
contemplation de l'univers.
Un des grands inconve? nients aussi de l'ignorance, dans les
temps actuels, c'est qu'elle rend tout a` fait incapable d'avoir
une opinion a` soi sur la plupart des objets qui exigent de la re? -
flexion; en conse? quence, lorsque telle ou telle manie`re de voir
est mise en honneur par l'ascendant des circonstances, la plu-
part des hommes croient que ces mots: tout le monde pense
oufait ainsi, doivent tenir a` chacun lieu de raison et de
conscience.
Dans la classe oisive de la socie? te? , il est presque impossible
d'avoir de l'a^me sans que l'esprit soit cultive? .
Jadis il suffisait
de la nature pour instruire l'homme, et de? velopper son imagina-
tion; mais depuis que la pense? e, cette ombre efface? e du senti-
ment, a change? tout en abstractions, il faut beaucoup savoir
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 512 DE L'IGNOBANCE.
pour bien sentir. Ce n'est plus entre les e? lans de l'a^me livre? e a`
elle-me^me, ou les e? tudes philosophiques qu'il faut choisir, mais
c'est entre le murmure importun d'une socie? te? commune et fri-
vole, et le langage que les beaux ge? nies ont tenu de sie`cle en sie`-
cle jusqu'a` nos jours.
Comment pourrait-on, sans la connaissance des langues, sans
l'habitude de la lecture, communiquer avec ces hommes qui ne
sont plus, et que nous sentons si bien nos amis, nos concitoyens,
nos allie? s? Il faut e^tre me? diocre de coeur pour se refuser a` de si
nobles plaisirs. Ceux-la` seulement qui remplissent leur vie de
bonnes oeuvres, peuvent se passer de toute e? tude : l'ignorance,
dans les hommes oisifs, prouve autant la se? cheresse de l'a^me
que la le? ge`rete? de l'esprit.
Enfin, il reste encore une chose vraiment belle et morale, dont
l'ignorance et la frivolite? ne peuvent jouir, c'est l'association de
tous les hommes qui pensent, d'un bout de l'Europe a` l'autre.
Souvent ils n'ont entre eux aucune relation; ils sont disperse? s
souvent a` de grandes distances l'un de l'autre; mais quand ils
se rencontrent, un mot suffit pour qu'ils se reconnaissent. Ce
n'est pas telle religion, telle opinion, tel genre d'e? tude, c'est le
culte de la ve? rite? qui les re? unit. Tanto^t, comme les mineurs, ils
creusent jusqu'au fond de la terre, pour pe? ne? trer, au sein de l'e? -
ternelle nuit, les myste`res du monde te? ne? breux; tanto^t ils s'e? le`-
vent au sommet du Chimboraco, pour de? couvrir au point le
plus e? leve? du globe quelques phe? nome`nes inconnus; tanto^t ils
e? tudient les langues de l'Orient, pour y chercher l'histoire pri-
mitive de l'homme; tanto^t ils vont a` Je? rusalem pour faire sortir
des ruines saintes une e? tincelle qui ranime la religion et la poe? -
sie; enfin, ils sont vraiment le peuple de Dieu, ces hommes qui
ne de? sespe`rent pas encore de la race humaine, et veulent lui
conserver l'empire de la pense? e.
Les Allemands me? ritent a` cet e? gard une reconnaissance par-
ticulie`re; c'est une honte parmi eux que l'ignorance etl'insou-
ciance sur tout ce qui tient a` la litte? rature et aux beaux-arts, et
leur exemple prouve que, de nos jours, la culture de l'esprit con-
serve dans les classes inde? pendantes des sentiments et des prin-
cipes.
La direction de la litte? rature et de la philosophie n'a pas e? te?
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? DE L IGNORANCE. 513
bonne en France, dans la dernie`re partie du dix-huitie`me sie`cle;
mais, si l'on peut s'exprimer ainsi, la direction de l'ignorance
est encore plus redoutable; car aucun livre ne fait du mal a` celui
qui les lit tous. Si les oisifs du monde, au contraire, s'occupent
quelques instants, l'ouvrage qu'ils rencontrent fait e? ve? nement
dans leur te^te, comme l'arrive? e d'un e? tranger dans un de? sert; et
lorsque cet ouvrage contient des sophismes dangereux, ils n'ont
point d'arguments a` y opposer. La de? couverte de l'imprimerie
est vraiment funeste pour ceux qui ne lisent qu'a` demi, ou par
hasard; car le savoir, comme la lance de Te? le`phe, doit gue? rir
les blessures qu'il a faites.
L'ignorance, au milieu des raffinements de la socie? te? , est le
plus odieux de tous les me? langes : elle rend, a` quelques e? gards,
semblable aux gens du peuple, qui n'estiment que l'adresse et
la ruse ; elle porte a` ne chercher que le bien-e^tre et les jouissances
physiques, a` se servir d'un peu d'esprit pour tuer beaucoup
d'a^me; a` s'applaudir de ce qu'on ne sait pas, a` se vanter de ce
qu'on n'e? prouve pas; enfin, a` combiner les bornes de l'intelli-
gence avec la durete? du coeur, de fac? on qu'il n'y ait plus rien a`
faire de ce regard tourne? vers le ciel, qu'Ovide a ce? le? bre? comme
le plus noble attribut de la nature humaine:
Os homini sublime dedit; coelunique tueri
Jussit, et erectos ad sidcra to^liere vultus.
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? 514 CONSIDE? RATIONS GE? NE? RALES
QUATRIE`ME PARTIE.
LA RELIGION ET L'ENTHOUSIASME.
CHAPITRE PREMIER.
Conside? rations ge? ne? rales sur la religion en Allemagne.
Les nations de race germanique sont toutes naturellement re-
ligieuses; et le ze`le de ce sentiment a fait nai^tre plusieurs guer-
res dans leur sein. Cependant, en Allemagne surtout, l'on est
plus porte? a` l'enthousiasme qu'au fanatisme. L'esprit de secte
doit se manifester sous diverses formes, dans un pays ou` l'acti-
vite? de la pense? e est la premie`re de toutes; mais d'ordinaire
l'on n'y me^le pas les discussions the? ologiques aux passions hu-
maines; et les diverses opinions, en fait de religion, ne sortent
pas de ce monde ide? al ou` re`gne une paix sublime.
Pendant longtemps on s'est occupe? , comme je le montrerai
dans le chapitre suivant, de l'examen des dogmes du christia-
nisme; mais depuis vingt ans, depuis que les e? crits de Kant
ont fortement influe? sur les esprits, il s'est e? tabli dans la ma-
nie`re de concevoir la religion, une liberte? et une grandeur qui
n'exigent ni ne rejettent aucune forme de culte en particulier,
mais qui font des choses ce? lestes le principe dominant de l'exis-
tence.
Plusieurs personnes trouvent que la religion des Allemands est
trop vague, et qu'il vaut mieux se rallier sous l'e? tendard d'un culte plus positif et plus se? ve`re. Lessingdit, dans son Essai sur
l'e? ducation du genre humain, que les re? ve? lations religieuses
ont toujours e? te? proportionne? es aux lumie`res qui existaient a` l'e? -
poque ou` ces re? ve? lations ont paru. L'ancien Testament, l'E? van-
gile, et, sous plusieurs rapports, la re? formation, e? taient, selon
leur temps, parfaitement en harmonie avec les progre`s des es-
prits; et peut-e^tre sommes-nous a` la veille d'un de? veloppement
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? SUR LA RELIGION. 515
du christianisme, qui rassemblera dans un me^me foyer tous les
rayons e? pars, et qui nous fera trouver dans la religion plus que
la morale, plus quele bonheur, plus que la philosophie, plus que
le sentiment me^me, puisque chacun de ces biens sera multiplie?
par sa re? union avec les autres.
Quoi qu'il en soit, il est peut-e^tre inte? ressant de connai^tre sous
quel point de vue la religion est conside? re? e en Allemagne, et com-
ment on a trouve? le moyen d'y rattacher tout le syste`me litte? raire et philosophique dont j'ai trace? l'esquisse. C'est une chose
imposante que cet ensemble de pense? es qui de? veloppe a` nos yeux
l'ordre moral tout entier, et donne a` cet e? difice sublime le de? -
vouement pour base, et la Divinite? pour fai^te.
C'est au sentiment de l'infini que la plupart des e? crivains alle-
mands rapportent toutes les ide? es religieuses. L'on demande s'il
est possible de concevoir l'infini; cependant, ne le conc? oit-on pas,
au moins d'une manie`re ne? gative, lorsque, dans les mathe? mati-
ques , on ne peut supposer aucun terme a` la dure? e ni a` l'e? tendue?
Cet infini consiste dans l'absence des bornes; mais le sentiment
de l'infini, tel que l'imagination et le coeur l'e? prouvent, est posi-
tif et cre? ateur.
L'enthousiasme que le beau ide? al nous fait e? prouver, cette
e? motion pleine de trouble et de purete? tout ensemble, c'est le
sentiment de l'infini qui l'excite. Nous nous sentons comme de? ga-
ge? s, par l'admiration, des entraves de la destine? e humaine, et il
nous semble qu'on nous re? ve`le des secrets merveilleux, pour
affranchir l'a^me a` jamais dela langueur et du de? clin. Quand
nous contemplons le ciel e? toile? , ou` des e? tincelles de lumie`re sont
des univers comme le no^tre, ou` la poussie`re brillante de la voie
lacte? e trace avec des mondes une route dans le firmament, notre
pense? e se perd dans l'infini, notre coeur bat pour l'inconnu,
pour l'immense, et nous sentons que ce n'est qu'au dela` des ex-
pe?
gie dans l'immoralite? . Les philosophes allemands, et gloire leur
en soit rendue, ont e? te? les premiers, dans le dix-huitie`me sie`-
cle, qui aient mis l'esprit fort du co^te? de la foi, le ge? nie du co^te?
de la morale, et le caracte`re du co^te? du devoir.
CHAPITRE XXI.
De l'ignorance et de la frivolite? d'esprit, dans leurs rapports avec la morale.
L'ignorance, telle qu'elle existait il y a quelques sie`cles, res-
pectait les lumie`res et de? sirait d'en acque? rir; l'ignorance de
notre temps est de? daigneuse, et cherche a` tourner en ridicule
les travaux et les me? ditations des hommes e? claire? s. L'esprit
philosophique a re? pandu dans presque toutes les classes une
certaine facilite? de raisonnement, qui sert a` de? crier tout ce
qu'il y a de grand et de se? rieux dins l-i nature humaine, et
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LIGNORANCE. 50! )
nous en sommes a` cette e? poque de la civilisation ou` toutes les
belles choses de l'a^me tombent en poussie`re.
Quand les barbares du Nord s'empare`rent des plus fertiles
contre? es de l'Europe, ils y apporte`rent des vertus farouches et
ma^les; et, cherchant a` se perfectionner eux-me^mes, ils deman-
daient au Midi le soleil, les arts et les sciences. Mais les barba-
res police? s n'estiment que l'habilete? dans les affaires de ce
monde, et ne s'instruisent que juste ce qu'il faut pour se jouer
par quelques phrases du recueillement de toute une vie.
Ceux qui nient la perfectibilite? de l'esprit humain pre? tendent
qu'en toutes choses les progre`s et la de? cadence se suivent tour a`
tour, et que la roue de la pense? e tourne comme celle de la for-
tune. Quel triste spectacle que ces ge? ne? rations s'occupant sur
la terre, comme Sisyphe dans les enfers, a` des travaux constam-
ment inutiles! Et que serait donc la destine? e dela race humaine,
si elle ressemblait au supplice le plus cruel que l'imagination
des poetes ait conc? u ? Mais il n'en est pas ainsi, et l'on peut aper-
cevoir un dessein toujours le me^me, toujours suivi, toujours
progressif, dans l'histoire de l'homme.
Lalutte entre les inte? re^ts de ce monde et les sentiments e? leve? s
a existe? detout temps, dans les nations comme dans les individus.
La superstition met quelquefois les hommes e? claire? s du parti de
l'incre? dulite? , et quelquefois, au contraire, ce sont les lumie`res
me^mes qui e? veillent toutes les croyances du coeur. Maintenant,
les philosophes se re? fugient dans la religion, pour trouver en elle
la source des conceptions hautes et des sentiments de? sinte? resse? s;
a` cette e? poque, pre? pare? e par les sie`cles, l'alliance de la philoso-
phie et de la religion peut e^tre intime et since`re. Les ignorants
ne sont plus , comme jadis, des hommes ennemis du doute, et
de? cide? s a` repousser toutes les fausses lueurs qui troubleraient
leurs espe? rances religieuses et leur de? vouement chevaleresque;
les ignorants de nos jours sont incre? dules, le? gers, superficiels;
ils savent tout ce que l'e? goi? sme a besoin de savoir, et leur igno-
rance ne porte que sur ces e? tudes sublimes qui font nai^tre dans
l'a^me un sentiment d'admiration pour la nature et pour la Di-
vinite? .
Les occupations guerrie`res remplissaient jadis la vie desno<<3.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 510 DE L IGNORANCE.
bles, et formaient leur esprit par l'action; mais lorsque, de nos
jours, les hommes de la premie`re classe n'ont aucune fonction
dans l'E? tat, et n'e? tudient profonde? ment aucune science, toute
l'activite? de leur esprit, qui devrait e^tre employe? e dans le cercle
des affaires ou des travaux intellectuels, se dirige sur l'observa-
tion des manie`res et la connaissance des anecdotes.
Les jeunes gens, a` peine sortis de l'e? cole, se ha^tent de prendre
possession de l'oisivete? comme de la robe virile; les hommes et
les femmes s'e? pient les uns les autres dans les moindres de? tails;
non pas pre? cise? ment par me? chancete? , mais pour avoir quelque
chose a` dire quand ils n'ont rien a` penser. Ce genre de causti-
cite? journalie`re de? truit la bienveillance et la loyaute? . On n'est
pas content de soi-me^me quand on abuse de l'hospitalite? donne? e
ou rec? ue pour critiquer ceux avec qui l'on passe sa vie, et l'on
empe^che ainsi toute affection profonde de nai^tre ou de subsister;
car en e? coutant des moqueries sur ceux qui nous sont chers, on
fle? trit ce que l'affection a de pur et d'exalte? : les sentiments dans
lesquels on n'est pas d'une ve? rite? parfaite, font plus de mal que
l'indiffe? rence.
Chacun a en soi un co^te? ridicule; il n'y a que de loin qu'un
caracte`re semble complet; mais ce qui faitl'existence individuelle
e? tant toujours une singularite? quelconque, cette singularite? pre^te
a` la plaisanterie : aussi, l'homme qui la craint avant tout cher-
che-t-il , autant qu'il est possible, a` faire disparai^tre en lui ce qui
pourrait le signaler de quelque manie`re, soit en bien, soit en mal.
Cette nature efface? e, de quelque bon gou^t qu'elle paraisse, a bien
aussi ses ridicules; mais peu de gens ont l'esprit assez fin pour
les saisir.
La moquerie a cela de particulier, qu'elle nuit essentiellement
a` ce qui est bon, mais point a` ce qui est fort. La puissance a
quelque chose d'a^pre et de triomphant qui tue le ridicule; d'ail-
leurs, les esprits frivoles respectent te prudence de la chair, selon
l'expression d'un moraliste du seizie`me sie`cle; et l'on est e? tonne?
de trouver toute la profondeur de l'inte? re^t personnel dans ces
hommes qui semblaient incapables de suivre une ide? e ou un sen-
timent, quand il n'en pouvait rien re? sulter d'avantageux pour
leurs calculs de fortune ou de vanite? .
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? i>e L'IGNORANCE. ,sil
La frivolite? d'esprit ne porte point a` ne? gliger les affaires de ce
monde. On trouve, au contraire, une bien plus noble insou-
ciance a` cet e? gard dans les caracte`res se? rieux que dans les hom-
mes d'une nature le? ge`re; car la le? ge`rete? de ceux-ci ne consiste
le plus souvent qu'a` de? daigner les ide? es ge? ne? rales, pour mieux
s'occuper de ce qui ne concerne qu'eux-me^mes.
Il y a quelquefois de la me? chancete? dans les gens d'esprit; mais
le ge? nie est presque toujours plein de bonte? . La me? chancete?
vient, non pas de ce qu'on a trop d'esprit, mais de ce qu'on n'en
a pas assez. Si l'on pouvait parler sur les ide? es, on laisserait en
paix les personnes; si l'on se croyait assure? de l'emporter sur les
autres par ses talents naturels, on ne chercherait pas a` niveler le
parterre sur lequel on veut dominer. Il y a des me? diocrite? s d'tlme
de? guise? es en esprits piquants et malicieux ; mais la vraie supe? riorite?
est rayonnante de bons sentiments comme de hautes pense? es.
L'habitude des occupations intellectuelles inspire une bien-
veillance e? claire? e pour les hommes et pour les choses; on ne
tient plus a` soi comme a` un e^tre privile? gie? : quand on en sait
beaucoup sur la destine? e humaine, on ne s'irrite plus de chaque
circonstance comme d'une chose sans exemple , et la justice n'e? -
tant que l'habitude de conside? rer les rapports des e^tres entre
eux sous un point de vue ge? ne? ral, l'e? tendue de l'esprit sert a`
nous de? tacher des calculs personnels. On a plane? sur sa propre
existence comme sur celle des autres, quand on s'est livre? a` la
contemplation de l'univers.
Un des grands inconve? nients aussi de l'ignorance, dans les
temps actuels, c'est qu'elle rend tout a` fait incapable d'avoir
une opinion a` soi sur la plupart des objets qui exigent de la re? -
flexion; en conse? quence, lorsque telle ou telle manie`re de voir
est mise en honneur par l'ascendant des circonstances, la plu-
part des hommes croient que ces mots: tout le monde pense
oufait ainsi, doivent tenir a` chacun lieu de raison et de
conscience.
Dans la classe oisive de la socie? te? , il est presque impossible
d'avoir de l'a^me sans que l'esprit soit cultive? .
Jadis il suffisait
de la nature pour instruire l'homme, et de? velopper son imagina-
tion; mais depuis que la pense? e, cette ombre efface? e du senti-
ment, a change? tout en abstractions, il faut beaucoup savoir
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? 512 DE L'IGNOBANCE.
pour bien sentir. Ce n'est plus entre les e? lans de l'a^me livre? e a`
elle-me^me, ou les e? tudes philosophiques qu'il faut choisir, mais
c'est entre le murmure importun d'une socie? te? commune et fri-
vole, et le langage que les beaux ge? nies ont tenu de sie`cle en sie`-
cle jusqu'a` nos jours.
Comment pourrait-on, sans la connaissance des langues, sans
l'habitude de la lecture, communiquer avec ces hommes qui ne
sont plus, et que nous sentons si bien nos amis, nos concitoyens,
nos allie? s? Il faut e^tre me? diocre de coeur pour se refuser a` de si
nobles plaisirs. Ceux-la` seulement qui remplissent leur vie de
bonnes oeuvres, peuvent se passer de toute e? tude : l'ignorance,
dans les hommes oisifs, prouve autant la se? cheresse de l'a^me
que la le? ge`rete? de l'esprit.
Enfin, il reste encore une chose vraiment belle et morale, dont
l'ignorance et la frivolite? ne peuvent jouir, c'est l'association de
tous les hommes qui pensent, d'un bout de l'Europe a` l'autre.
Souvent ils n'ont entre eux aucune relation; ils sont disperse? s
souvent a` de grandes distances l'un de l'autre; mais quand ils
se rencontrent, un mot suffit pour qu'ils se reconnaissent. Ce
n'est pas telle religion, telle opinion, tel genre d'e? tude, c'est le
culte de la ve? rite? qui les re? unit. Tanto^t, comme les mineurs, ils
creusent jusqu'au fond de la terre, pour pe? ne? trer, au sein de l'e? -
ternelle nuit, les myste`res du monde te? ne? breux; tanto^t ils s'e? le`-
vent au sommet du Chimboraco, pour de? couvrir au point le
plus e? leve? du globe quelques phe? nome`nes inconnus; tanto^t ils
e? tudient les langues de l'Orient, pour y chercher l'histoire pri-
mitive de l'homme; tanto^t ils vont a` Je? rusalem pour faire sortir
des ruines saintes une e? tincelle qui ranime la religion et la poe? -
sie; enfin, ils sont vraiment le peuple de Dieu, ces hommes qui
ne de? sespe`rent pas encore de la race humaine, et veulent lui
conserver l'empire de la pense? e.
Les Allemands me? ritent a` cet e? gard une reconnaissance par-
ticulie`re; c'est une honte parmi eux que l'ignorance etl'insou-
ciance sur tout ce qui tient a` la litte? rature et aux beaux-arts, et
leur exemple prouve que, de nos jours, la culture de l'esprit con-
serve dans les classes inde? pendantes des sentiments et des prin-
cipes.
La direction de la litte? rature et de la philosophie n'a pas e? te?
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? DE L IGNORANCE. 513
bonne en France, dans la dernie`re partie du dix-huitie`me sie`cle;
mais, si l'on peut s'exprimer ainsi, la direction de l'ignorance
est encore plus redoutable; car aucun livre ne fait du mal a` celui
qui les lit tous. Si les oisifs du monde, au contraire, s'occupent
quelques instants, l'ouvrage qu'ils rencontrent fait e? ve? nement
dans leur te^te, comme l'arrive? e d'un e? tranger dans un de? sert; et
lorsque cet ouvrage contient des sophismes dangereux, ils n'ont
point d'arguments a` y opposer. La de? couverte de l'imprimerie
est vraiment funeste pour ceux qui ne lisent qu'a` demi, ou par
hasard; car le savoir, comme la lance de Te? le`phe, doit gue? rir
les blessures qu'il a faites.
L'ignorance, au milieu des raffinements de la socie? te? , est le
plus odieux de tous les me? langes : elle rend, a` quelques e? gards,
semblable aux gens du peuple, qui n'estiment que l'adresse et
la ruse ; elle porte a` ne chercher que le bien-e^tre et les jouissances
physiques, a` se servir d'un peu d'esprit pour tuer beaucoup
d'a^me; a` s'applaudir de ce qu'on ne sait pas, a` se vanter de ce
qu'on n'e? prouve pas; enfin, a` combiner les bornes de l'intelli-
gence avec la durete? du coeur, de fac? on qu'il n'y ait plus rien a`
faire de ce regard tourne? vers le ciel, qu'Ovide a ce? le? bre? comme
le plus noble attribut de la nature humaine:
Os homini sublime dedit; coelunique tueri
Jussit, et erectos ad sidcra to^liere vultus.
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? 514 CONSIDE? RATIONS GE? NE? RALES
QUATRIE`ME PARTIE.
LA RELIGION ET L'ENTHOUSIASME.
CHAPITRE PREMIER.
Conside? rations ge? ne? rales sur la religion en Allemagne.
Les nations de race germanique sont toutes naturellement re-
ligieuses; et le ze`le de ce sentiment a fait nai^tre plusieurs guer-
res dans leur sein. Cependant, en Allemagne surtout, l'on est
plus porte? a` l'enthousiasme qu'au fanatisme. L'esprit de secte
doit se manifester sous diverses formes, dans un pays ou` l'acti-
vite? de la pense? e est la premie`re de toutes; mais d'ordinaire
l'on n'y me^le pas les discussions the? ologiques aux passions hu-
maines; et les diverses opinions, en fait de religion, ne sortent
pas de ce monde ide? al ou` re`gne une paix sublime.
Pendant longtemps on s'est occupe? , comme je le montrerai
dans le chapitre suivant, de l'examen des dogmes du christia-
nisme; mais depuis vingt ans, depuis que les e? crits de Kant
ont fortement influe? sur les esprits, il s'est e? tabli dans la ma-
nie`re de concevoir la religion, une liberte? et une grandeur qui
n'exigent ni ne rejettent aucune forme de culte en particulier,
mais qui font des choses ce? lestes le principe dominant de l'exis-
tence.
Plusieurs personnes trouvent que la religion des Allemands est
trop vague, et qu'il vaut mieux se rallier sous l'e? tendard d'un culte plus positif et plus se? ve`re. Lessingdit, dans son Essai sur
l'e? ducation du genre humain, que les re? ve? lations religieuses
ont toujours e? te? proportionne? es aux lumie`res qui existaient a` l'e? -
poque ou` ces re? ve? lations ont paru. L'ancien Testament, l'E? van-
gile, et, sous plusieurs rapports, la re? formation, e? taient, selon
leur temps, parfaitement en harmonie avec les progre`s des es-
prits; et peut-e^tre sommes-nous a` la veille d'un de? veloppement
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? SUR LA RELIGION. 515
du christianisme, qui rassemblera dans un me^me foyer tous les
rayons e? pars, et qui nous fera trouver dans la religion plus que
la morale, plus quele bonheur, plus que la philosophie, plus que
le sentiment me^me, puisque chacun de ces biens sera multiplie?
par sa re? union avec les autres.
Quoi qu'il en soit, il est peut-e^tre inte? ressant de connai^tre sous
quel point de vue la religion est conside? re? e en Allemagne, et com-
ment on a trouve? le moyen d'y rattacher tout le syste`me litte? raire et philosophique dont j'ai trace? l'esquisse. C'est une chose
imposante que cet ensemble de pense? es qui de? veloppe a` nos yeux
l'ordre moral tout entier, et donne a` cet e? difice sublime le de? -
vouement pour base, et la Divinite? pour fai^te.
C'est au sentiment de l'infini que la plupart des e? crivains alle-
mands rapportent toutes les ide? es religieuses. L'on demande s'il
est possible de concevoir l'infini; cependant, ne le conc? oit-on pas,
au moins d'une manie`re ne? gative, lorsque, dans les mathe? mati-
ques , on ne peut supposer aucun terme a` la dure? e ni a` l'e? tendue?
Cet infini consiste dans l'absence des bornes; mais le sentiment
de l'infini, tel que l'imagination et le coeur l'e? prouvent, est posi-
tif et cre? ateur.
L'enthousiasme que le beau ide? al nous fait e? prouver, cette
e? motion pleine de trouble et de purete? tout ensemble, c'est le
sentiment de l'infini qui l'excite. Nous nous sentons comme de? ga-
ge? s, par l'admiration, des entraves de la destine? e humaine, et il
nous semble qu'on nous re? ve`le des secrets merveilleux, pour
affranchir l'a^me a` jamais dela langueur et du de? clin. Quand
nous contemplons le ciel e? toile? , ou` des e? tincelles de lumie`re sont
des univers comme le no^tre, ou` la poussie`re brillante de la voie
lacte? e trace avec des mondes une route dans le firmament, notre
pense? e se perd dans l'infini, notre coeur bat pour l'inconnu,
pour l'immense, et nous sentons que ce n'est qu'au dela` des ex-
pe?