s l'un pour l'autre doivent se recon-
nai^tre a` la premie`re vue.
nai^tre a` la premie`re vue.
Madame de Stael - De l'Allegmagne
293
l'esprit, ou de la satie? te? de la raison, il est a` de? sirer que de telles
productions ne se renouvellent pas ; mais quand un ge? nie tel que
celui de Goethe s'affranchit de toutes les entraves, la foule de ses
pense? es est si grande, que de toutes parts elles de? passent et ren-
versent les bornes de l'art.
CHAPITRE XXIV.
Luther, Attila, les Fils de la Valle? e, la Croix sur la Baltique,
le Vingt-Quatre Fe? vrier, par Verner.
Depuis que Schiller est mort, et que Goethe ne compose
plus pour le the? a^tre, le premier des e? crivains dramatiquesde
l'Allemagne, c'est Werner: personne n'a su mieux que lui
re? pandre sur les trage? dies le charme et la dignite? de la poe? sie
lyrique; ne? anmoins ce qui le rend si admirable comme poe`te nuit
a` ses succe`s sur la sce`ne. Ses pie`ces, d'une rare beaute? , si
l'on y cherche seulement des chants, des odes, des pense? es
religieuses et philosophiques, sont extre^mement attaquables,
quand on les juge comme des drames qui peuvent e^tre repre? -
sente? s. Ce n'est pas que Werner n'ait du talent pour le the? a^tre,
et qu'il n'en connaisse me^me les effets beaucoup mieux que la
plupart des e? crivains allemands; mais on dirait qu'il veut pro-
pager un syste`me mystique de religion et d'amour, a` l'aide de
l'art dramatique, et que ses trage? dies sont le moyen dont il se
sert, pluto^t que le but qu'il se propose.
Luther, quoique compose? toujours avec cette intention se-
cre`te, a eu le plus grand succe`s sur le the? a^tre de Berlin. La
re? formation est un e? ve? nement d'une haute importance pour le
monde, et particulie`rement pour l'Allemagne, qui en a e? te?
le berceau. L'audace et l'he? roi? sme re? fle? chi du caracte`re de
Luther font une vive impression, surtout dans le pays ou` la
pense? e remplit a` elle seule toute l'existence: nul sujet ne pou-
vait donc exciter davantage l'attention des Allemands.
Tout ce qui concerne l'effet des nouvelles opinions sur les
esprits est extre^mement bien peintdans la pie`ce de Werner.
L,a sce`ue s'ouvre dans les mines de Saxe, non loin de Wit-
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? 29. | LUTIIER.
temberg, ou` demeurait Luther: lechant des mineurs captive
l'imagination; le refrain de ces chants est toujours un appel a`
la terre exte? rieure, a` l'air libre, au soleil. Ces hommes vul-
gaires, de? ja` saisis par la doctrine de Luther, s'entretiennent de
lui et de la re? formation; et, dans leurs souterrains obscurs,
ils s'occupent de la liberte? de conscience, de l'examen de la
ve? rite? ; enfin, de cet autre jour, de cette autre lumie`re qui doit
pe? ne? trer dans les te? ne`bres de l'ignorance.
Dans le second acte, les agents de l'e? lecteur de Saxe vien-
nent ouvrir la porte des couvents aux religieuses. Cette sce`ne,
qui pouvait e^tre comique, est traite? e avec une solennite? tou-
chante. Werner comprend avec son a^me tous les cultes chie? -
tiens ; et s'il conc? oit bien la noble simplicite? du protestantisme,
il sait aussi ce que les voeux au pied de la croix ont de se? ve`re
et de sacre? . L'abbesse du couvent, en de? posant le voile qui a
couvert ses cheveux noirs dans sa jeunesse, et qui cache main-
tenant ses cheveux blanchis, e? prouve un sentiment d'effroi,
touchant et naturel; et des vers harmonieux et purs comme la
solitude religieuse expriment son attendrissement. Parmi ces
religieuses, il y a la femme qui doit s'unir a` Luther, et c'est
dans ce moment la plus oppose? e de toutes a` son influence.
Au nombre des beaute? s de cet acte, il faut compter le por-
trait de Charles-Quint, de ce souverain dont l'a^me s'est lasse? e
de l'empire du monde. Un gentilhomme saxon attache? a` son service s'exprime ainsi sur lui: << Cet homme gigantesque , dit-
<< il, ne rece`le point de coeur dans sa terrible poitrine. La fou-
cidre de la toute-puissance est dans sa main; mais il ne sait
point y joindre l'apothe? ose de l'amour. Il ressemble au jeune
aigle qui tient le globe entier dans l'une de ses griffes, et doit
le de? vorer pour sa nourriture. >> Ce peu de mots annonce di-
gnement Charles-Quint; mais il est plus facile de peindre un tel
homme que de le faire parler lui-me^me.
Luther se fie a` la parole de Charles-Quint, quoique, cent ans
auparavant, au concile de Constance, Jean Hus et Je? ro^me de
Prague aient e? te? bru^le? s vifs , malgre? le sauf-conduit de l'empe-
reur Sigismond. A la veille de se rendre a` \V orras, ou` se tient
la die`te de l'Empire, le courage de Luther faiblit pendant quel-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? LtiTHER. 295
ques instants; il se sent saisi par la terreur et le de? couragement.
Son jeune disciple lui apporte la flu^te dont il avait coutume de
jouer pour ranimer ses esprits abattus; il la prend, et des ac-
cords harmonieux font rentrer dans son coeur toute cette con-
fiance en Dieu, qui est la merveille de l'existence spirituelle. On
dit que ce moment produisit beaucoup d'effet sur le the? a^tre de
Berlin, et cela est facile a` concevoir. Les paroles, quelque
belles qu'elles soient, ne peuvent changer notre disposition
inte? rieure aussi rapidement que la musique; Luther la con-
side? rait comme un art qui appartenait a` la the? ologie, et ser-
vait puissamment a` de? velopper les sentiments religieux dans le
coeur de l'homme.
Le ro^le de Charles-Quint, dans la die`te de Worms, n'est pas
exempt d'affectation, et par conse? quent il manque de grandeur.
L'auteur a voulu mettre en opposition l'orgueil espagnol et la
simplicite? rude des Allemands; mais, outre que Charles-Quint
avait trop de ge? nie pour e^tre exclusivement de tel ou tel pays, il
me semble que Werner aurait du^ se garder de pre? senter un
homme d'une volonte? forte, proclamant ouvertement et surtout
inutilement cette volonte? . Elle se dissipe, pour ainsi dire, en
l'exprimant; et les souverains despotiques ont toujours fait plus
de peur par ce qu'ils cachaient que parce qu'ils laissaient voir.
Werner, a` travers le vague de son imagination, a l'esprit tre`s-
fin et tre`s-observateur; mais il me semble que, dans le ro^le de
Charles-Quint, il a pris des couleurs qui ne sont pas nuance? es
comme la nature.
Un des beaux moments de la pie`ce de Luther, c'est lorsqu'on
voit marcher a` la die`te, d'une part, les e? ve^ques , les cardinaux,
toute la pompe enfin de la religion catholique ; et de l'autre, Lu-
ther, Me? lanchton, et quelques-uns des re? forme? s leurs disciples,
ve^tus de noir, et chantant dans la langue nationale le cantique
qui commence par ces mots: Notre Dieu est notre forteresse.
La magnificence exte? rieure a e? te? vante? e souvent commeun moyen
d'agir sur l'imagination; mais quand le christianisme se montre
dans sa simplicite? pure et vraie, la poe? sie du fond de l'a^me l'em-
porte sur toutes les autres.
L'acte dans lequel se passe le plaidoyer de Luther, eu pre? -
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? LUTHER.
sence de Charles-Quint, des princes de l'Empire et dela die`te de
Worms, commence par le discours de Luther; mais l'on n'en-
tend que sa pe? roraison, parce qu'il est cense? avoir de? ja` dit tout
ce qui concerne sa doctrine. Apre`s qu'il a parle? , l'on recueille
les avis des princes et des de? pute? s sur son proce`s. Les divers in-
te? re^ts qui meuvent les hommes, la peur, le fanatisme, l'ambi-
tion, sont parfaitementcaracte? rise? s dans ces avis. Un des votants,
entre autres, dit beaucoup de bien de Luther et de sa doctrine;
mais il ajoute en me^me temps << que puisque tout le monde af-
<<firme que cela met du trouble dans l'Empire, il opine, bien
qu'a` regret, pour que Luther soit bru^le? >>. On ne peut s'empe^-
cher d'admirer dans les ouvrages de Werner la connaissance
parfaite qu'il a des hommes, et l'on voudrait que, sortant de ses
re^veries, il mi^t plus souvent pied a` terre, pour de? velopper dans
ses e? crits dramatiques son esprit observateur.
Luther est renvoye? par Charles-Quint, et renferme? pendant
quelque temps dans la forteresse de Wartbourg, parce que ses
amis, a` la te^te desquels e? tait l'e? lecteur de Saxe, l'y croyaient
plus en su^rete? . 11 reparai^t enfin dans Wittemberg, ou` il a e? tabli
sa doctrine, ainsi que dans tout le nord de l'Allemagne.
Vers la fin du cinquie`me acte, Luther, au milieu de la nuit,
pre^che dans l'e? glise contre les anciennes erreurs. Il annonce
qu'elles disparai^tront biento^t, et que le nouveau jour de la rai-
son va se lever. Dans ce moment , on vit sur le the? a^tre de Ber-
lin, les cierges s'e? teindre par degre? s, et l'aurore du jour percer
a` travers les vitraux de la cathe? drale gothique.
La pie`ce de Luther est si anime? e, si varie? e, qu'il est aise? de
concevoir comment elle a ravi tous les spectateurs; ne? anmoins
on est souvent distrait de l'ide? e principale par des singularite? s et
des alle? gories qui ne conviennent ni a` un sujet tire? de l'histoire,
ni surtout au the? a^tre.
Catherine, en apercevant Luther, qu'elle de? testait, s'e? crie : --
Voila` mon ide? al! -- et le plus violent amour s'empare d'elle a`
cet instant. Werner croit qu'il y a de la pre? destination dans l'a-
mour, et que les e^tres cre? e?
s l'un pour l'autre doivent se recon-
nai^tre a` la premie`re vue. C'est une tre`s-agre? able doctrine, en
fait de me? taphysique et de madrigal, mais qui ne saurait gue`re
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? ATTILA. J97
e^tre comprise sur la sce`ne; d'ailleurs, il n'y a rien de plus e? trange que cette exclamation sur l'ide? al, adresse? e a` Martin Lu-
ther; car on se le repre? sente comme un gros moine savant et scolastique, a` qui ne convient gue`re l'expression la plus roma-
nesque qu'on puisse empruntera` la the? orie moderne des beaux-arts.
Deux anges, sous la forme d'un jeune homme disciple de Lu-
ther, etd'une jeune fille amie de Catherine, semblent traverser la
pie`ce avec des hyacinthes et des palmes , comme des symboles
dela purete? et de la foi. Ces deux anges disparaissent a` la fin , et
l'imagination les suit dans les airs; mais le pathe? tique est moins
pressant, quand on se sert de tableaux fantastiques pour em-
bellir la situation; c'est un autre genre de plaisir, ce n'est plus
celui qui nai^t des e? motions de l'a^me; car l'attendrissement ne
peut exister sans la sympathie. L'on veut juger, sur la sce`ne,
les personnages comme des e^tres existants; bla^mer, approuver
leurs actions ; les deviner, les comprendre, et se transporter a`
leur place, pour e? prouver tout l'inte? re^t de la vie re? elle, sans en
redouter les dangers.
Les opinions de Werner, sous le rapport de l'amour et de la
religion, ne doivent pas e^tre le? ge`rement examine? es. Ce qu'il
sent est su^rement vrai pour lui: mais comme, dans ce genre
surtout, la manie`re de voir et les impressions de chaque indi-
vidu sont diffe? rentes, il ne faut pas qu'un auteur fasse servir a`
propager ses opinions personnelles un art essentiellement uni-
versel et populaire.
Une autre production de Werner, bien belle et bien originale,
c'est Attila. L'auteur prend l'histoire de ce fle? au de Dieu au
moment de son arrive? e devant Rome. Le premier acte commence
par les ge? missements des femmes et des enfants qui s'e? chap-
pent d'Aquile? e en cendres; et cette exposition en mouvement,
non-seulement excite l'inte? re^t de`s les premiers vers de la pie`ce,
mais donne une ide? e terrible de la puissance d'Attila. C'est un
art ne? cessaire au the? a^tre, que de faire juger les principaux per-
sonnages, pluto^t par l'effet qu'ils produisent sur les autres, que
par un portrait, quelque frappant qu'il puisse e^tre. Un seul
homme, multiplie? par ceux qui lui obe? issent, remplit d'e? pou-
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? 298 ATTILA.
vante l'Asie et l'Europe. Quelle image gigantesque de la volonte?
absolue ce spectacle n'offre-t-il pas!
A co^te? d'Attila est une princesse de Bourgogne, Hildegonde,
qui doit l'e? pouser, et dont il se croit aime? . Cette princesse nour-
rit un profond sentiment de vengeance contre lui, parce qu'il a
tue? son pe`re et son amant. Elle ne veut s'unir a` lui que pour
l'assassiner; et, par un raffinement singulier de haine, elle l'a
soigne? lorsqu'il e? tait blesse? , de peur qu'il ne mouru^t de l'hono-
rable mort des guerriers. Cette femme est peinte comme la de? esse
de la guerre; ses cheveux blonds et sa tunique e? carlate semblent
re? unir en elle l'image de la faiblesse et de la fureur. C'est un
caracte`re myste? rieux, qui a d'abord un grand empire sur l'ima-
gination ; mais quand ce myste`re va toujours croissant; quand
le poe`te laisse supposer qu'une puissance infernale s'est empa- |re? e d'elle, et que non-seulement, a` la fin de la pie`ce, elle im-
mole Attila pendant la nuit de ses noces, mais poignarde a` co^te?
de lui son fils a^ge? de quatorze ans, il n'y a plus de trait de femme
dans cette cre? ature, et l'aversion qu'elle inspire l'emporte sur
l'effroi qu'elle peut causer Ne? anmoins, tout ce ro^le d'Hildegonde
est une invention originale; et, dans un poe`me e? pique, ou` l'on
admettrait les personnages alle? goriques, cette furie, sous des
traits doux, attache? e aux pas d'un tyran, comme la flatterie per-
fide, produirait sans doute un grand effet.
Enfin il parai^t, ce terrible Attila, au milieu des flammes qui
ont consume? la ville d'Aquile? e; il s'assied sur les ruines des
palais qu'il vient de renverser, et semble a` lui seul charge? d'ac-
complir en un jour l'oeuvre des sie`cles. Il a comme une sorte
de superstition envers lui-me^me, il est l'objet de son culte, il
croit en lui, il se regarde comme l'instrument des de? crets du
ciel, et cette conviction me^le un certain syste`me d'e? quite? a` ses
crimes. Il reproche a` ses ennemis leurs fautes, comme s'il n'en
avait pas commis plus qu'eux tous; il est fe? roce, et ne? anmoins
c'est un barbare ge? ne? reux; il est despote, et se montre pourtant
fide`le a` sa promesse; enfin, au milieu des richesses du monde,
il vit comme un soldat, et ne demande a` la terre que la jouis-
sance de la conque? rir. Attila remplit les fonctions dejuge dans la place publique,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? ATTILA. 299
et la` il prononce sur les de? lits porte? s devant son tribunal d'a-
pre`s un instinct naturel, qui va plus au fond des actions que
les lois abstraites dont les de? cisions sont les me^mes pour tous
les cas. Il condamne son ami, coupable de parjure, l'embrasse
en pleurant, mais ordonne qu'a` l'instant il soit de? chire? par des
chevaux: l'ide? e d'une ne? cessite? inflexible le dirige; et sa propre
volonte? lui parai^t a` lui-me^me cette ne? cessite? . Les mouvements
de son a^me ont une sorte de rapidite? et de de? cision qui exclut
toute nuance; il semble que cette a^me se porte, comme une force
physique, irre? sistiblement et tout entie`re dans la direction
qu'elle suit. Enfin on ame`ne devant son tribunal un fratricide;
et comme il a tue? son fre`re, il se trouble, et refuse dejuger le
criminel. Attila, malgre? tous ses forfaits, se croyait charge? d'ac-
complir la justice divine sur la terre, et, pre`s de condamner
un homme pour un attentat pareil a` celui dont sa propre vie a
e? te? souille? e, quelque chose qui tient du remords le saisit au
fond de l'a^me.
Le second acte est une peinture vraiment admirable de la
cour de Valentinien a` Rome. L'auteur met en sce`ne, avec au-
tant de sagacite? que de justesse, la frivolite? du jeune empereur
Valentinien, que le danger de son empire ne de? tourne pas
de ses amusements accoutume? s; l'insolence de l'impe? ratrice-
me`re, qui ne sait pas dompter la moindre de ses haines, quand
il s'agit du bonheur de l'empire, et qui se pre^te a` toutes les bas-
sesses, de`s qu'un danger personnel la menace. Les courtisans,
infatigables dans leurs intrigues, cherchent encore a` se nuire
les uns aux autres, a` la veille de la ruine de tous; et la vieille
Rome est punie par un barbare, de s'e^tre montre? e elle-me^me si
tyrannique envers le monde : ce tableau est d'un poe`te historien
comme Tacite.
Au milieu de ces caracte`res si vrais apparai^t le pape Le? on,
personnage sublime donne? par l'histoire, et la princesse Hono-
ria, dont Attila re? clame l'he? ritage, afin de le lui rendre. Ho-
noria e? prouve en secret un amour passionne? pour le fier con-
que? rant qu'elle n'a jamais vu, mais dont la gloire l'enflamme.
On voit que l'intention de l'auteur a e? te? de faire d'Honoria et
d'Hildegonde le bon et le mauvais ge? nie d'Attila ; et de? ja` l'alle? -
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 300 A1TILA.
gorie qu'on croit entrevoir dans ces personnages refroidit l'inte? -
re^t dramatique qu'ils pourraient inspirer. Cet inte? re^t ne? anmoins
se rele`ve admirablement dans plusieurs sce`nes de la pie`ce,
mais surtout lorsque Attila, apre`s avoir de? faitles troupes de
l'empereur Valentinien, marche a` Rome, et rencontre sur sa
route le pape Le? on, porte? sur un brancard, et pre? ce? de? de la
pompe sacerdotale.
Le? on le somme, au nom de Dieu, de ne pas entrer dans la
ville e? ternelle. Attila ressent tout a` coup une terreur religieuse
jusqu'alors e? trange`re a` son a^me. Il croit voir dans le ciel saint
Pierre qui, l'e? pe? e nue, lui de? fend d'avancer. Cette sce`ne est le
sujet d'un admirable tableau de Raphae? l. D'un co^te? , le plus
grand calme re`gne sur la figure du vieillard sans de? fense, en-
toure? par d'autres vieillards qui se confient, comme lui, a` la
protection de Dieu ; et de l'autre , l'effroi se peint sur la redou-
table figure du roi des Huns; son cheval me^me se cabre a` l'e? -
clat de la lumie`re ce? leste, et les guerriers de l'invincible baissent
les yeux devant les cheveux blancs du saint homme, qui passe
sans crainte au milieu d'eux.
Les paroles du poete expriment tre`s-bien la sublime inten-
tion du peintre; le discours de Le? on est une hymne inspire? e;
et la manie`re dont la conversion du guerrier du Nord est in-
dique? e , me semble aussi vraiment belle. Attila, les yeux tour-
ne? s vers le ciel, et contemplant l'apparition qu'il croit voir,
appelle E? de? con, l'un des chefs de son arme? e, et lui dit:
<< E?
l'esprit, ou de la satie? te? de la raison, il est a` de? sirer que de telles
productions ne se renouvellent pas ; mais quand un ge? nie tel que
celui de Goethe s'affranchit de toutes les entraves, la foule de ses
pense? es est si grande, que de toutes parts elles de? passent et ren-
versent les bornes de l'art.
CHAPITRE XXIV.
Luther, Attila, les Fils de la Valle? e, la Croix sur la Baltique,
le Vingt-Quatre Fe? vrier, par Verner.
Depuis que Schiller est mort, et que Goethe ne compose
plus pour le the? a^tre, le premier des e? crivains dramatiquesde
l'Allemagne, c'est Werner: personne n'a su mieux que lui
re? pandre sur les trage? dies le charme et la dignite? de la poe? sie
lyrique; ne? anmoins ce qui le rend si admirable comme poe`te nuit
a` ses succe`s sur la sce`ne. Ses pie`ces, d'une rare beaute? , si
l'on y cherche seulement des chants, des odes, des pense? es
religieuses et philosophiques, sont extre^mement attaquables,
quand on les juge comme des drames qui peuvent e^tre repre? -
sente? s. Ce n'est pas que Werner n'ait du talent pour le the? a^tre,
et qu'il n'en connaisse me^me les effets beaucoup mieux que la
plupart des e? crivains allemands; mais on dirait qu'il veut pro-
pager un syste`me mystique de religion et d'amour, a` l'aide de
l'art dramatique, et que ses trage? dies sont le moyen dont il se
sert, pluto^t que le but qu'il se propose.
Luther, quoique compose? toujours avec cette intention se-
cre`te, a eu le plus grand succe`s sur le the? a^tre de Berlin. La
re? formation est un e? ve? nement d'une haute importance pour le
monde, et particulie`rement pour l'Allemagne, qui en a e? te?
le berceau. L'audace et l'he? roi? sme re? fle? chi du caracte`re de
Luther font une vive impression, surtout dans le pays ou` la
pense? e remplit a` elle seule toute l'existence: nul sujet ne pou-
vait donc exciter davantage l'attention des Allemands.
Tout ce qui concerne l'effet des nouvelles opinions sur les
esprits est extre^mement bien peintdans la pie`ce de Werner.
L,a sce`ue s'ouvre dans les mines de Saxe, non loin de Wit-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 29. | LUTIIER.
temberg, ou` demeurait Luther: lechant des mineurs captive
l'imagination; le refrain de ces chants est toujours un appel a`
la terre exte? rieure, a` l'air libre, au soleil. Ces hommes vul-
gaires, de? ja` saisis par la doctrine de Luther, s'entretiennent de
lui et de la re? formation; et, dans leurs souterrains obscurs,
ils s'occupent de la liberte? de conscience, de l'examen de la
ve? rite? ; enfin, de cet autre jour, de cette autre lumie`re qui doit
pe? ne? trer dans les te? ne`bres de l'ignorance.
Dans le second acte, les agents de l'e? lecteur de Saxe vien-
nent ouvrir la porte des couvents aux religieuses. Cette sce`ne,
qui pouvait e^tre comique, est traite? e avec une solennite? tou-
chante. Werner comprend avec son a^me tous les cultes chie? -
tiens ; et s'il conc? oit bien la noble simplicite? du protestantisme,
il sait aussi ce que les voeux au pied de la croix ont de se? ve`re
et de sacre? . L'abbesse du couvent, en de? posant le voile qui a
couvert ses cheveux noirs dans sa jeunesse, et qui cache main-
tenant ses cheveux blanchis, e? prouve un sentiment d'effroi,
touchant et naturel; et des vers harmonieux et purs comme la
solitude religieuse expriment son attendrissement. Parmi ces
religieuses, il y a la femme qui doit s'unir a` Luther, et c'est
dans ce moment la plus oppose? e de toutes a` son influence.
Au nombre des beaute? s de cet acte, il faut compter le por-
trait de Charles-Quint, de ce souverain dont l'a^me s'est lasse? e
de l'empire du monde. Un gentilhomme saxon attache? a` son service s'exprime ainsi sur lui: << Cet homme gigantesque , dit-
<< il, ne rece`le point de coeur dans sa terrible poitrine. La fou-
cidre de la toute-puissance est dans sa main; mais il ne sait
point y joindre l'apothe? ose de l'amour. Il ressemble au jeune
aigle qui tient le globe entier dans l'une de ses griffes, et doit
le de? vorer pour sa nourriture. >> Ce peu de mots annonce di-
gnement Charles-Quint; mais il est plus facile de peindre un tel
homme que de le faire parler lui-me^me.
Luther se fie a` la parole de Charles-Quint, quoique, cent ans
auparavant, au concile de Constance, Jean Hus et Je? ro^me de
Prague aient e? te? bru^le? s vifs , malgre? le sauf-conduit de l'empe-
reur Sigismond. A la veille de se rendre a` \V orras, ou` se tient
la die`te de l'Empire, le courage de Luther faiblit pendant quel-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? LtiTHER. 295
ques instants; il se sent saisi par la terreur et le de? couragement.
Son jeune disciple lui apporte la flu^te dont il avait coutume de
jouer pour ranimer ses esprits abattus; il la prend, et des ac-
cords harmonieux font rentrer dans son coeur toute cette con-
fiance en Dieu, qui est la merveille de l'existence spirituelle. On
dit que ce moment produisit beaucoup d'effet sur le the? a^tre de
Berlin, et cela est facile a` concevoir. Les paroles, quelque
belles qu'elles soient, ne peuvent changer notre disposition
inte? rieure aussi rapidement que la musique; Luther la con-
side? rait comme un art qui appartenait a` la the? ologie, et ser-
vait puissamment a` de? velopper les sentiments religieux dans le
coeur de l'homme.
Le ro^le de Charles-Quint, dans la die`te de Worms, n'est pas
exempt d'affectation, et par conse? quent il manque de grandeur.
L'auteur a voulu mettre en opposition l'orgueil espagnol et la
simplicite? rude des Allemands; mais, outre que Charles-Quint
avait trop de ge? nie pour e^tre exclusivement de tel ou tel pays, il
me semble que Werner aurait du^ se garder de pre? senter un
homme d'une volonte? forte, proclamant ouvertement et surtout
inutilement cette volonte? . Elle se dissipe, pour ainsi dire, en
l'exprimant; et les souverains despotiques ont toujours fait plus
de peur par ce qu'ils cachaient que parce qu'ils laissaient voir.
Werner, a` travers le vague de son imagination, a l'esprit tre`s-
fin et tre`s-observateur; mais il me semble que, dans le ro^le de
Charles-Quint, il a pris des couleurs qui ne sont pas nuance? es
comme la nature.
Un des beaux moments de la pie`ce de Luther, c'est lorsqu'on
voit marcher a` la die`te, d'une part, les e? ve^ques , les cardinaux,
toute la pompe enfin de la religion catholique ; et de l'autre, Lu-
ther, Me? lanchton, et quelques-uns des re? forme? s leurs disciples,
ve^tus de noir, et chantant dans la langue nationale le cantique
qui commence par ces mots: Notre Dieu est notre forteresse.
La magnificence exte? rieure a e? te? vante? e souvent commeun moyen
d'agir sur l'imagination; mais quand le christianisme se montre
dans sa simplicite? pure et vraie, la poe? sie du fond de l'a^me l'em-
porte sur toutes les autres.
L'acte dans lequel se passe le plaidoyer de Luther, eu pre? -
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? LUTHER.
sence de Charles-Quint, des princes de l'Empire et dela die`te de
Worms, commence par le discours de Luther; mais l'on n'en-
tend que sa pe? roraison, parce qu'il est cense? avoir de? ja` dit tout
ce qui concerne sa doctrine. Apre`s qu'il a parle? , l'on recueille
les avis des princes et des de? pute? s sur son proce`s. Les divers in-
te? re^ts qui meuvent les hommes, la peur, le fanatisme, l'ambi-
tion, sont parfaitementcaracte? rise? s dans ces avis. Un des votants,
entre autres, dit beaucoup de bien de Luther et de sa doctrine;
mais il ajoute en me^me temps << que puisque tout le monde af-
<<firme que cela met du trouble dans l'Empire, il opine, bien
qu'a` regret, pour que Luther soit bru^le? >>. On ne peut s'empe^-
cher d'admirer dans les ouvrages de Werner la connaissance
parfaite qu'il a des hommes, et l'on voudrait que, sortant de ses
re^veries, il mi^t plus souvent pied a` terre, pour de? velopper dans
ses e? crits dramatiques son esprit observateur.
Luther est renvoye? par Charles-Quint, et renferme? pendant
quelque temps dans la forteresse de Wartbourg, parce que ses
amis, a` la te^te desquels e? tait l'e? lecteur de Saxe, l'y croyaient
plus en su^rete? . 11 reparai^t enfin dans Wittemberg, ou` il a e? tabli
sa doctrine, ainsi que dans tout le nord de l'Allemagne.
Vers la fin du cinquie`me acte, Luther, au milieu de la nuit,
pre^che dans l'e? glise contre les anciennes erreurs. Il annonce
qu'elles disparai^tront biento^t, et que le nouveau jour de la rai-
son va se lever. Dans ce moment , on vit sur le the? a^tre de Ber-
lin, les cierges s'e? teindre par degre? s, et l'aurore du jour percer
a` travers les vitraux de la cathe? drale gothique.
La pie`ce de Luther est si anime? e, si varie? e, qu'il est aise? de
concevoir comment elle a ravi tous les spectateurs; ne? anmoins
on est souvent distrait de l'ide? e principale par des singularite? s et
des alle? gories qui ne conviennent ni a` un sujet tire? de l'histoire,
ni surtout au the? a^tre.
Catherine, en apercevant Luther, qu'elle de? testait, s'e? crie : --
Voila` mon ide? al! -- et le plus violent amour s'empare d'elle a`
cet instant. Werner croit qu'il y a de la pre? destination dans l'a-
mour, et que les e^tres cre? e?
s l'un pour l'autre doivent se recon-
nai^tre a` la premie`re vue. C'est une tre`s-agre? able doctrine, en
fait de me? taphysique et de madrigal, mais qui ne saurait gue`re
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? ATTILA. J97
e^tre comprise sur la sce`ne; d'ailleurs, il n'y a rien de plus e? trange que cette exclamation sur l'ide? al, adresse? e a` Martin Lu-
ther; car on se le repre? sente comme un gros moine savant et scolastique, a` qui ne convient gue`re l'expression la plus roma-
nesque qu'on puisse empruntera` la the? orie moderne des beaux-arts.
Deux anges, sous la forme d'un jeune homme disciple de Lu-
ther, etd'une jeune fille amie de Catherine, semblent traverser la
pie`ce avec des hyacinthes et des palmes , comme des symboles
dela purete? et de la foi. Ces deux anges disparaissent a` la fin , et
l'imagination les suit dans les airs; mais le pathe? tique est moins
pressant, quand on se sert de tableaux fantastiques pour em-
bellir la situation; c'est un autre genre de plaisir, ce n'est plus
celui qui nai^t des e? motions de l'a^me; car l'attendrissement ne
peut exister sans la sympathie. L'on veut juger, sur la sce`ne,
les personnages comme des e^tres existants; bla^mer, approuver
leurs actions ; les deviner, les comprendre, et se transporter a`
leur place, pour e? prouver tout l'inte? re^t de la vie re? elle, sans en
redouter les dangers.
Les opinions de Werner, sous le rapport de l'amour et de la
religion, ne doivent pas e^tre le? ge`rement examine? es. Ce qu'il
sent est su^rement vrai pour lui: mais comme, dans ce genre
surtout, la manie`re de voir et les impressions de chaque indi-
vidu sont diffe? rentes, il ne faut pas qu'un auteur fasse servir a`
propager ses opinions personnelles un art essentiellement uni-
versel et populaire.
Une autre production de Werner, bien belle et bien originale,
c'est Attila. L'auteur prend l'histoire de ce fle? au de Dieu au
moment de son arrive? e devant Rome. Le premier acte commence
par les ge? missements des femmes et des enfants qui s'e? chap-
pent d'Aquile? e en cendres; et cette exposition en mouvement,
non-seulement excite l'inte? re^t de`s les premiers vers de la pie`ce,
mais donne une ide? e terrible de la puissance d'Attila. C'est un
art ne? cessaire au the? a^tre, que de faire juger les principaux per-
sonnages, pluto^t par l'effet qu'ils produisent sur les autres, que
par un portrait, quelque frappant qu'il puisse e^tre. Un seul
homme, multiplie? par ceux qui lui obe? issent, remplit d'e? pou-
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? 298 ATTILA.
vante l'Asie et l'Europe. Quelle image gigantesque de la volonte?
absolue ce spectacle n'offre-t-il pas!
A co^te? d'Attila est une princesse de Bourgogne, Hildegonde,
qui doit l'e? pouser, et dont il se croit aime? . Cette princesse nour-
rit un profond sentiment de vengeance contre lui, parce qu'il a
tue? son pe`re et son amant. Elle ne veut s'unir a` lui que pour
l'assassiner; et, par un raffinement singulier de haine, elle l'a
soigne? lorsqu'il e? tait blesse? , de peur qu'il ne mouru^t de l'hono-
rable mort des guerriers. Cette femme est peinte comme la de? esse
de la guerre; ses cheveux blonds et sa tunique e? carlate semblent
re? unir en elle l'image de la faiblesse et de la fureur. C'est un
caracte`re myste? rieux, qui a d'abord un grand empire sur l'ima-
gination ; mais quand ce myste`re va toujours croissant; quand
le poe`te laisse supposer qu'une puissance infernale s'est empa- |re? e d'elle, et que non-seulement, a` la fin de la pie`ce, elle im-
mole Attila pendant la nuit de ses noces, mais poignarde a` co^te?
de lui son fils a^ge? de quatorze ans, il n'y a plus de trait de femme
dans cette cre? ature, et l'aversion qu'elle inspire l'emporte sur
l'effroi qu'elle peut causer Ne? anmoins, tout ce ro^le d'Hildegonde
est une invention originale; et, dans un poe`me e? pique, ou` l'on
admettrait les personnages alle? goriques, cette furie, sous des
traits doux, attache? e aux pas d'un tyran, comme la flatterie per-
fide, produirait sans doute un grand effet.
Enfin il parai^t, ce terrible Attila, au milieu des flammes qui
ont consume? la ville d'Aquile? e; il s'assied sur les ruines des
palais qu'il vient de renverser, et semble a` lui seul charge? d'ac-
complir en un jour l'oeuvre des sie`cles. Il a comme une sorte
de superstition envers lui-me^me, il est l'objet de son culte, il
croit en lui, il se regarde comme l'instrument des de? crets du
ciel, et cette conviction me^le un certain syste`me d'e? quite? a` ses
crimes. Il reproche a` ses ennemis leurs fautes, comme s'il n'en
avait pas commis plus qu'eux tous; il est fe? roce, et ne? anmoins
c'est un barbare ge? ne? reux; il est despote, et se montre pourtant
fide`le a` sa promesse; enfin, au milieu des richesses du monde,
il vit comme un soldat, et ne demande a` la terre que la jouis-
sance de la conque? rir. Attila remplit les fonctions dejuge dans la place publique,
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? ATTILA. 299
et la` il prononce sur les de? lits porte? s devant son tribunal d'a-
pre`s un instinct naturel, qui va plus au fond des actions que
les lois abstraites dont les de? cisions sont les me^mes pour tous
les cas. Il condamne son ami, coupable de parjure, l'embrasse
en pleurant, mais ordonne qu'a` l'instant il soit de? chire? par des
chevaux: l'ide? e d'une ne? cessite? inflexible le dirige; et sa propre
volonte? lui parai^t a` lui-me^me cette ne? cessite? . Les mouvements
de son a^me ont une sorte de rapidite? et de de? cision qui exclut
toute nuance; il semble que cette a^me se porte, comme une force
physique, irre? sistiblement et tout entie`re dans la direction
qu'elle suit. Enfin on ame`ne devant son tribunal un fratricide;
et comme il a tue? son fre`re, il se trouble, et refuse dejuger le
criminel. Attila, malgre? tous ses forfaits, se croyait charge? d'ac-
complir la justice divine sur la terre, et, pre`s de condamner
un homme pour un attentat pareil a` celui dont sa propre vie a
e? te? souille? e, quelque chose qui tient du remords le saisit au
fond de l'a^me.
Le second acte est une peinture vraiment admirable de la
cour de Valentinien a` Rome. L'auteur met en sce`ne, avec au-
tant de sagacite? que de justesse, la frivolite? du jeune empereur
Valentinien, que le danger de son empire ne de? tourne pas
de ses amusements accoutume? s; l'insolence de l'impe? ratrice-
me`re, qui ne sait pas dompter la moindre de ses haines, quand
il s'agit du bonheur de l'empire, et qui se pre^te a` toutes les bas-
sesses, de`s qu'un danger personnel la menace. Les courtisans,
infatigables dans leurs intrigues, cherchent encore a` se nuire
les uns aux autres, a` la veille de la ruine de tous; et la vieille
Rome est punie par un barbare, de s'e^tre montre? e elle-me^me si
tyrannique envers le monde : ce tableau est d'un poe`te historien
comme Tacite.
Au milieu de ces caracte`res si vrais apparai^t le pape Le? on,
personnage sublime donne? par l'histoire, et la princesse Hono-
ria, dont Attila re? clame l'he? ritage, afin de le lui rendre. Ho-
noria e? prouve en secret un amour passionne? pour le fier con-
que? rant qu'elle n'a jamais vu, mais dont la gloire l'enflamme.
On voit que l'intention de l'auteur a e? te? de faire d'Honoria et
d'Hildegonde le bon et le mauvais ge? nie d'Attila ; et de? ja` l'alle? -
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? 300 A1TILA.
gorie qu'on croit entrevoir dans ces personnages refroidit l'inte? -
re^t dramatique qu'ils pourraient inspirer. Cet inte? re^t ne? anmoins
se rele`ve admirablement dans plusieurs sce`nes de la pie`ce,
mais surtout lorsque Attila, apre`s avoir de? faitles troupes de
l'empereur Valentinien, marche a` Rome, et rencontre sur sa
route le pape Le? on, porte? sur un brancard, et pre? ce? de? de la
pompe sacerdotale.
Le? on le somme, au nom de Dieu, de ne pas entrer dans la
ville e? ternelle. Attila ressent tout a` coup une terreur religieuse
jusqu'alors e? trange`re a` son a^me. Il croit voir dans le ciel saint
Pierre qui, l'e? pe? e nue, lui de? fend d'avancer. Cette sce`ne est le
sujet d'un admirable tableau de Raphae? l. D'un co^te? , le plus
grand calme re`gne sur la figure du vieillard sans de? fense, en-
toure? par d'autres vieillards qui se confient, comme lui, a` la
protection de Dieu ; et de l'autre , l'effroi se peint sur la redou-
table figure du roi des Huns; son cheval me^me se cabre a` l'e? -
clat de la lumie`re ce? leste, et les guerriers de l'invincible baissent
les yeux devant les cheveux blancs du saint homme, qui passe
sans crainte au milieu d'eux.
Les paroles du poete expriment tre`s-bien la sublime inten-
tion du peintre; le discours de Le? on est une hymne inspire? e;
et la manie`re dont la conversion du guerrier du Nord est in-
dique? e , me semble aussi vraiment belle. Attila, les yeux tour-
ne? s vers le ciel, et contemplant l'apparition qu'il croit voir,
appelle E? de? con, l'un des chefs de son arme? e, et lui dit:
<< E?