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French - Apollinaire - Alcools
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The Project Gutenberg EBook of Alcools, by Guillaume Apollinaire
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Title: Alcools
Author: Guillaume Apollinaire
Release Date: March 25, 2005 [EBook #15462]
[This file last updated October 31, 2010]
Language: French
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALCOOLS ***
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Guillaume Apollinaire
ALCOOLS
(1898 - 1912)
Table des matieres
Zone
Le pont Mirabeau
La Chanson du Mal-Aime
Aubade chantee a Laetare l'an passe
Beaucoup de ces dieux. . .
Reponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople
Voie lactee {1}
Les sept epees
Voie lactee {2}
Les colchiques
Palais
Chantre
Crepuscule
Annie
La maison des morts
Clotilde
Cortege
Marizibill
Le voyageur
Marie
La blanche neige
Poeme lu au mariage d'Andre Salmon
L'Adieu
Salome
La porte
Merlin et la vieille femme
Saltimbanques
Le larron
Le vent nocturne
Lul de Faltenin
La tzigane
L'ermite
Automne
L'Emigrant de Landor Road
Rosemonde
Le brasier
Je flambe dans le brasier
Descendant des hauteurs
Rhenanes
Nuit rhenane
Mai
La synagogue
Les cloches
La Loreley
Schinderhannes
Rhenane d'automne
Les sapins
Les femmes
Signe
Un soir
La dame
Les fiancailles
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je n'ai plus meme pitie de moi
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Pardonnez-moi mon ignorance
J'observe le repos du dimanche
A la fin les mensonges ne me font plus peur
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Clair de lune
1909
A la Sante
Automne malade
Hotels
Cors de chasse
Vendemiaire
ZONE
A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergere o tour Eiffel le troupeau des ponts bele ce matin
Tu en as assez de vivre dans l'antiquite grecque et romaine
Ici meme les automobiles ont l'air d'etre anciennes
La religion seule est restee toute neuve la religion
Est restee simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n'es pas antique o Christianisme
L'Europeen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenetres observent la honte te retient
D'entrer dans une eglise et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent
tout haut
Voila la poesie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons a 25 centimes pleines d'aventures policieres
Portraits des grands hommes et mille titres divers
J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublie le nom
Neuve et propre du soleil elle etait le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles steno-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirene y gemit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis a la facon des perroquets criaillent
J'aime la grace de cette rue industrielle
Situee a Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des
Ternes
Voila la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant
Ta mere ne t'habille que de bleu et de blanc
Tu es tres pieux et avec le plus ancien de tes camarades Rene
Dalize
Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Eglise
Il est neuf heures le gaz est baisse tout bleu vous sortez du
dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du college
Tandis qu'eternelle et adorable profondeur amethyste
Tourne a jamais la flamboyante gloire du Christ
C'est le beau lys que tous nous cultivons
C'est la torche aux cheveux roux que n'eteint pas le vent
C'est le fils pale et vermeil de la douloureuse mere
C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prieres
C'est la double potence de l'honneur et de l'eternite
C'est l'etoile a six branches
C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il detient le record du monde pour la hauteur
Pupille Christ de l'oeil
Vingtieme pupille des siecles il sait y faire
Et change en oiseau ce siecle comme Jesus monte dans l'air
Les diables dans les abimes levent la tete pour le regarder
Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judee
Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aeroplane
Ils s'ecartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la
Sainte-Eucharistie
Ces pretres qui montent eternellement elevant l'hostie
L'avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles
A tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D'Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
L'oiseau Roc celebre par les conteurs et les poetes
Plane tenant dans les serres le crane d'Adam la premiere tete
L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri
Et d'Amerique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immacule
Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocelle
Le phenix ce bucher qui soi-meme s'engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirenes laissant les perilleux detroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phenix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants pres de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus etre aime
Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastere
Vous avez honte quand vous vous surprenez a dire une priere
Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire petille
Les etincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C'est un tableau pendu dans un sombre musee
Et quelquefois tu vas le regarder de pres
Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantees
C'etait et je voudrais ne pas m'en souvenir c'etait au declin de
la beaute
Entouree de flammes ferventes Notre-Dame m'a regarde a Chartres
Le sang de votre Sacre-Coeur m'a inonde a Montmartre
Je suis malade d'ouir les paroles bienheureuses
L'amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l'image qui te possede te fait survivre dans l'insomnie et dans
l'angoisse
C'est toujours pres de toi cette image qui passe
Maintenant tu es au bord de la Mediterranee
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'annee
Avec tes amis tu te promenes en barque
L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur
Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d'ecrire ton conte en prose
La cetoine qui dort dans le coeur de la rose
Epouvante tu te vois dessine dans les agates de Saint-Vit
Tu etais triste a mourir le jour ou tu t'y vis
Tu ressembles au Lazare affole par le jour
Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont a rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en ecoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tcheques
Te voici a Marseille au milieu des pasteques
Te voici a Coblence a l'hotel du Geant
Te voici a Rome assis sous un neflier du Japon
Te voici a Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et
qui est laide
Elle doit se marier avec un etudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je m'en souviens j'y ai passe trois jours et autant a Gouda
Tu es a Paris chez le juge d'instruction
Comme un criminel on te met en etat d'arrestation
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'age
Tu as souffert de l'amour a vingt et a trente ans
J'ai vecu comme un fou et j'ai perdu mon temps
Tu n'oses plus regarder tes mains et a tous moments je voudrais
sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a epouvante
Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres emigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur etoile comme les rois-mages
Ils esperent gagner de l'argent dans l'Argentine
Et revenir dans leur pays apres avoir fait fortune
Une famille transporte un edredon rouge comme vous transportez
votre coeur
Cet edredon et nos reves sont aussi irreels
Quelques-uns de ces emigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Ecouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue
Et se deplacent rarement comme les pieces aux echecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un cafe a deux sous parmi les malheureux
Tu es la nuit dans un grand restaurant
Ces femmes ne sont pas mechantes elles ont des soucis cependant
Toutes meme la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey
Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercees
J'ai une pitie immense pour les coutures de son ventre
J'humilie maintenant a une pauvre fille au rire horrible ma bouche
Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s'eloigne ainsi qu'une belle Metive
C'est Ferdine la fausse ou Lea l'attentive
Et tu bois cet alcool brulant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi a pied
Dormir parmi tes fetiches d'Oceanie et de Guinee
Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christ inferieurs des obscures esperances
Adieu Adieu
Soleil cou coupe
LE PONT MIRABEAU
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours apres la peine.
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face a face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des eternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Esperance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passe
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
LA CHANSON DU MAL-AIME
A Paul Leautaud
Et je chantais cette romance
En 1903 sans savoir
Que mon amour a la semblance
Du beau Phenix s'il meurt un soir
Le matin voit sa renaissance.
Un soir de demi-brume a Londres
Un voyou qui ressemblait a
Mon amour vint a ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garcon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hebreux moi Pharaon
Que tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimee
Je suis le souverain d'Egypte
Sa soeur-epouse son armee
Si tu n'es pas l'amour unique
Au tournant d'une rue brulant
De tous les feux de ses facades
Plaies du brouillard sanguinolent
Ou se lamentaient les facades
Une femme lui ressemblant
C'etait son regard d'inhumaine
La cicatrice a son cou nu
Sortit saoule d'une taverne
Au moment ou je reconnus
La faussete de l'amour meme
Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Pres d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revint
L'epoux royal de Sacontale
Las de vaincre se rejouit
Quand il la retrouva plus pale
D'attente et d'amour yeux palis
Caressant sa gazelle male
J'ai pense a ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infideles
Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l'enfer se fonde
Qu'un ciel d'oubli s'ouvre a mes voeux
Pour son baiser les rois du monde
Seraient morts les pauvres fameux
Pour elle eussent vendu leur ombre
J'ai hiverne dans mon passe
Revienne le soleil de Paques
Pour chauffer un coeur plus glace
Que les quarante de Sebaste
Moins que ma vie martyrises
Mon beau navire o ma memoire
Avons-nous assez navigue
Dans une onde mauvaise a boire
Avons-nous assez divague
De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'eloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'annee derniere en Allemagne
Et que je ne reverrai plus
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Je me souviens d'une autre annee
C'etait l'aube d'un jour d'avril
J'ai chante ma joie bien-aimee
Chante l'amour a voix virile
Au moment d'amour de l'annee
Aubade chantee a Laetare l'an passe
C'est le printemps viens-t'en Paquette
Te promener au bois joli
Les poules dans la cour caquetent
L'aube au ciel fait de roses plis
L'amour chemine a ta conquete
Mars et Venus sont revenus
Ils s'embrassent a bouches folles
Devant des sites ingenus
Ou sous les roses qui feuillolent
De beaux dieux roses dansent nus
Viens ma tendresse est la regente
De la floraison qui parait
La nature est belle et touchante
Pan sifflote dans la foret
Les grenouilles humides chantent
Beaucoup de ces dieux. . .
Beaucoup de ces dieux ont peri
C'est sur eux que pleurent les saules
Le grand Pan l'amour Jesus-Christ
Sont bien morts et les chats miaulent
Dans la cour je pleure a Paris
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes
L'amour est mort j'en suis tremblant
J'adore de belles idoles
Les souvenirs lui ressemblant
Comme la femme de Mausole
Je reste fidele et dolent
Je suis fidele comme un dogue
Au maitre le lierre au tronc
Et les Cosaques Zaporogues
Ivrognes pieux et larrons
Aux steppes et au decalogue
Portez comme un joug le Croissant
Qu'interrogent les astrologues
Je suis le Sultan tout-puissant
O mes Cosaques Zaporogues
Votre Seigneur eblouissant
Devenez mes sujets fideles
Leur avait ecrit le Sultan
Ils rirent a cette nouvelle
Et repondirent a l'instant
A la lueur d'une chandelle
Reponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople
Plus criminel que Barrabas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzebuth es-tu la-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas a tes sabbats
Poisson pourri de Salonique
Long collier des sommeils affreux
D'yeux arraches a coup de pique
Ta mere fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique
Bourreau de Podolie Amant
Des plaies des ulceres des croutes
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes medicaments
Voie lactee {1}
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthere
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amere
Qui a rebute nos destins
Ses regards laissaient une traine
D'etoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirenes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fees marraines
Mais en verite je l'attends
Avec mon coeur avec mon ame
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais reviens cette femme
Je lui dirai Je suis content
Mon coeur et ma tete se vident
Tout le ciel s'ecoule par eux
O mes tonneaux des Danaides
Comment faire pour etre heureux
Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
O marguerite exfoliee
Mon ile au loin ma Desirade
Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes
Les egypans les feux follets
Et les destins damnes ou faustes
La corde au cou comme a Calais
Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon ame et mon corps incertains
Te fuient o bucher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pale aux yeux d'ivoire
Tes pretres fous t'ont-ils pare
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleure
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
O mon ombre o mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menee souviens-t'en bien
Tenebreuse epouse que j'aime
Tu es a moi en n'etant rien
O mon ombre en deuil de moi-meme
L'hiver est mort tout enneige
On a brule les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'Avril leger
Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides
Et moi j'ai le coeur aussi gros
Qu'un cul de dame damascene
O mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept epees hors du fourreau
Sept epees de melancolie
Sans morfil o claires douleurs
Sont dans mon coeur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie
Les sept epees
La premiere est toute d'argent
Et son nom tremblant c'est Paline
Sa lame un ciel d'hiver neigeant
Son destin sanglant gibeline
Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommee Noubosse
Est un bel arc-en-ciel joyeux
Les dieux s'en servent a leurs noces
Elle a tue trente Be-Rieux
Et fut douee par Carabosse
La troisieme bleu feminin
N'en est pas moins un chibriape
Appele Lul de Faltenin
Et que porte sur une nappe
L'Hermes Ernest devenu nain
La quatrieme Malourene
Est un fleuve vert et dore
C'est le soir quand les riveraines
Y baignent leurs corps adores
Et des chants de rameurs s'y trainent
La cinquieme Sainte-Fabeau
C'est la plus belle des quenouilles
C'est un cypres sur un tombeau
Ou les quatre vents s'agenouillent
Et chaque nuit c'est un flambeau
La Sixieme metal de gloire
C'est l'ami aux si douces mains
Dont chaque matin nous separe
Adieu voila votre chemin
Les coqs s'epuisaient en fanfares
Et la septieme s'extenue
Une femme une rose morte
Merci que le dernier venu
Sur mon amour ferme la porte
Je ne vous ai jamais connue
Voie lactee {2}
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Les demons du hasard selon
Le chant du firmament nous menent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente a reculons
Destins destins impenetrables
Rois secoues par la folie
Et ces grelottantes etoiles
De fausses femmes dans vos lits
Aux deserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince regent
Tuteur de deux royautes folles
Sanglote-t-il en y songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorees de la Saint-Jean
Pres d'un chateau sans chatelaine
La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc et sous l'haleine
Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirene
Un jour le roi dans l'eau d'argent
Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournee au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre
Brule mes doigts endoloris
Triste et melodieux delire
J'erre a travers mon beau Paris
Sans avoir le coeur d'y mourir
Les dimanches s'y eternisent
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'electricite
Les tramways feux verts sur l'echine
Musiquent au long des portees
De rails leur folie de machines
Les cafes gonfles de fumee
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumes
De leurs garcons vetus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimee
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes
LES COLCHIQUES
Le pre est veneneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'ecole viennent avec fracas
Vetus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des meres
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupieres
Qui battent comme les fleurs battent au vent dement
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pre mal fleuri par l'automne
PALAIS
A Max Jacob
Vers le palais de Rosemonde au fond du Reve
Mes reveuses pensees pieds nus vont en soiree
Le palais don du roi comme un roi nu s'eleve
Des chairs fouettees des roses de la roseraie
On voit venir au fond du jardin mes pensees
Qui sourient du concert joue par les grenouilles
Elles ont envie des cypres grandes quenouilles
Et le soleil miroir des roses s'est brise
Le stigmate sanglant des mains contre les vitres
Quel archet mal blesse du couchant le troua
La resine qui rend amer le vin de Chypre
Ma bouche aux agapes d'agneau blanc l'eprouva
Sur les genoux pointus du monarque adultere
Sur le mai de son age et sur son trente et un
Madame Rosemonde roule avec mystere
Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns
Dame de mes pensees au cul de perle fine
Dont ni perle ni cul n'egale l'orient
Qui donc attendez-vous
De reveuses pensees en marche a l'Orient
Mes plus belles voisines
Toc toc Entrez dans l'antichambre le jour baisse
La veilleuse dans l'ombre est un bijou d'or cuit
Pendez vos tetes aux pateres par les tresses
Le ciel presque nocturne a des lueurs d'aiguilles
On entra dans la salle a manger les narines
Reniflaient une odeur de graisse et de graillon
On eut vingt potages dont trois couleurs d'urine
Et le roi prit deux oeufs poches dans du bouillon
Puis les marmitons apporterent les viandes
Des rotis de pensees mortes dans mon cerveau
Mes beaux reves mort-nes en tranches bien saignantes
Et mes souvenirs faisandes en godiveaux
Or ces pensees mortes depuis des millenaires
Avaient le fade gout des grands mammouths geles
Les os ou songe-creux venaient des ossuaires
En danse macabre aux plis de mon cervelet
Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles
Mais nom de Dieu!
Ventre affame n'a pas d'oreilles
Et les convives mastiquaient a qui mieux mieux
Ah! nom de Dieu! qu'ont donc crie ces entrecotes
Ces grands pates ces os a moelle et mirotons
Langues de feu ou sont-elles mes pentecotes
Pour mes pensees de tous pays de tous les temps
CHANTRE
Et l'unique cordeau des trompettes marines
CREPUSCULE
A Mademoiselle Marie Laurencin
Frolee par les ombres des morts
Sur l'herbe ou le jour s'extenue
L'arlequine s'est mise nue
Et dans l'etang mire son corps
Un charlatan crepusculaire
Vante les tours que l'on va faire
Le ciel sans teinte est constelle
D'astres pales comme du lait
Sur les treteaux l'arlequin bleme
Salue d'abord les spectateurs
Des sorciers venus de Boheme
Quelques fees et les enchanteurs
Ayant decroche une etoile
Il la manie a bras tendu
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales
L'aveugle berce un bel enfant
La biche passe avec ses faons
Le nain regarde d'un air triste
Grandir l'arlequin trismegiste
ANNIE
Sur la cote du Texas
Entre Mobile et Galveston il y a
Un grand jardin tout plein de roses
Il contient aussi une villa
Qui est une grande rose
Une femme se promene souvent
Dans le jardin toute seule
Et quand je passe sur la route bordee de tilleuls
Nous nous regardons
Comme cette femme est mennonite
Ses rosiers et ses vetements n'ont pas de boutons
Il en manque deux a mon veston
La dame et moi suivons presque le meme rite
LA MAISON DES MORTS
A Maurice Raynal
S'etendant sur les cotes du cimetiere
La maison des morts l'encadrait comme un cloitre
A l'interieur de ses vitrines
Pareilles a celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimacaient pour l'eternite
Arrive a Munich depuis quinze ou vingt jours
J'etais entre pour la premiere fois et par hasard
Dans ce cimetiere presque desert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposee et vetue le mieux possible
En attendant la sepulture
Soudain
Rapide comme ma memoire
Les yeux ses rallumerent
De cellule vitree en cellule vitree
Le ciel se peupla d'une apocalypse
Vivace
Et la terra plate a l'infini
Comme avant Galilee
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m'accosterent
Avec des mines de l'autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientot moins funebres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se rejouissaient
De voir leurs corps trepasses entre eux et la lumiere
Ils riaient de voir leur ombre et l'observaient
Comme si veritablement
C'eut ete leur vie passee
Alors je les denombrai
Ils etaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient a vue d'oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialite
Tant de tendresse meme
Que les prenant en amitie
Tout a coup
Je les invitai a une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos peches sont absous
Nous quittames le cimetiere
Nous traversames la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts recents
Tous etaient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s'eparpilla
Deux chevau-legers nous joignirent
On leur fit fete
Ils couperent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu'ils distribuerent aux enfants
Plus tard dans un bal champetre
Les couples mains sur les epaules
Danserent au son aigre des cithares
Ils n'avaient pas oublie la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps a autre une cloche
Annoncait qu'un autre tonneau
Allait etre mis en perce
Une morte assise sur un banc
Pres d'un buisson d'epine-vinette
Laissait un etudiant
Agenouille a ses pieds
Lui parler de fiancailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s'il le faut
Votre volonte sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
Repondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l'autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poetiques
De l'humanite
L'etudiant passa une bague
A l'annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fiancailles
Ni le temps ni l'absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous auront une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vetements et dans vos cheveux
Un beau sermon a l'eglise
De longs discours apres le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fiancee
Seront plus beaux plus beaux encore
Helas! la bague etait brisee
Que s'ils etaient d'argent ou d'or
D'emeraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumiere de l'aurore
Que vos regards mon fiance
Auront meilleure odeur encore
Helas! la bague etait brisee
Que le lilas qui vient d'eclore
Que le thym la rose ou qu'un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s'en etant alles
Nous continuames la promenade
Au bord d'un lac
On s'amusa a faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l'eau qui dansait a peine
Des barques etaient amarrees
Dans un havre
On les detacha
Apres que toute la troupe se fut embarquee
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l'avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
Vetue d'une robe jaune
D'un corsage noir
Avec des rubans bleus et d'un chapeau gris
Orne d'une seule petite plume defrisee
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l'insecte nocturne
Aime la lumiere
Trop tard
Repondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour defendu
Je suis mariee
Voyez l'anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques etaient arrivees
A un endroit ou les chevau-legers
Savaient qu'un echo repondait de la rive
On ne se lassait point de l'interroger
Il y eut des questions si extravagantes
Et des reponses tellement pleines d'a-propos
Que c'etait a mourir de rire
Et le mort disait a la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l'eau se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s'entr'aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient a distances inegales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un genevrier parfois
Faisait l'effet d'un fantome
Les enfants dechiraient l'air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se repondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu a peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bientot
Bientot entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quitterent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir
Bientot je restai seul avec ces morts
Qui s'en allaient tout droit
Au cimetiere
Ou
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couches
Immobiles
Et bien vetus
Attendant la sepulture derriere les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s'etait passe
Mais les vivants en gardaient le souvenir
C'etait un bonheur inespere
Et si certain
Qu'ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs egaux
Ou meme quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur genie
Car y a-t-il rien qui vous eleve
Comme d'avoir aime un mort ou une morte
On devient si pur qu'on en arrive
Dans les glaciers de la memoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifie pour la vie
Et l'on n'a plus besoin de personne
CLOTILDE
L'anemone et l'ancolie
Ont pousse dans le jardin
Ou dort la melancolie
Entre l'amour et le dedain
Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaitra
Les deites des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux
CORTEGE
A M. Leon Bailby
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
A la limite ou notre sol brille deja
Baisse ta deuxieme paupiere la terre t'eblouit
Quand tu leves la tete
Et moi aussi de pres je suis sombre et terne
Une brume qui vient d'obscurcir les lanternes
Une main qui tout a coup se pose devant les yeux
Une voute entre vous et toutes les lumieres
Et je m'eloignerai m'illuminant au milieu d'ombres
Et d'alignements d'yeux des astres bien-aimes
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
A la limite ou brille deja ma memoire
Baisse ta deuxieme paupiere
Ni a cause du soleil ni a cause de la terre
Mais pour ce feu oblong dont l'intensite ira s'augmentant
Au point qu'il deviendra un jour l'unique lumiere
Un jour
Un jour je m'attendais moi-meme
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-la que je suis
Moi qui connais les autres
Je les connais par les cinq sens et quelques autres
Il me suffit de voir leur pieds pour pouvoir refaire ces gens a
milliers
De voir leurs pieds paniques un seul de leurs cheveux
De voir leur langue quand il me plait de faire le medecin
Ou leurs enfants quand il me plait de faire le prophete
Les vaisseaux des armateurs la plume de mes confreres
La monnaie des aveugles les mains des muets
Ou bien encore a cause du vocabulaire et non de l'ecriture
Une lettre ecrite par ceux qui ont plus de vingt ans
Il me suffit de sentir l'odeur de leurs eglises
L'odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics
O Corneille Agrippa l'odeur d'un petit chien m'eut suffi
Pour decrire exactement tes concitoyens de Cologne
Leurs rois-mages et la ribambelle ursuline
Qui t'inspirait l'erreur touchant toutes les femmes
Il me suffit de gouter la saveur de laurier qu'on cultive pour que
j'aime ou que je bafoue
Et de toucher les vetements
Pour ne pas douter si l'on est frileux ou non
O gens que je connais
Il me suffit d'entendre le bruit de leurs pas
Pour pouvoir indiquer a jamais la direction qu'ils ont prise
Il me suffit de tous ceux-la pour me croire le droit
De ressusciter les autres
Un jour je m'attendais moi-meme
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Et d'un lyrique pas s'avancaient ceux que j'aime
Parmi lesquels je n'etais pas
Les geants couverts d'algues passaient dans leurs villes
Sous-marines ou les tours seules etaient des iles
Et cette mer avec les clartes de ses profondeurs
Coulait sang de mes veines et fait battre mon coeur
Puis sur cette terre il venait mille peuplades blanches
Dont chaque homme tenait une rose a la main
Et le langage qu'ils inventaient en chemin
Je l'appris de leur bouche et je le parle encore
Le cortege passait et j'y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n'etaient pas moi-meme
Amenaient un a un les morceaux de moi-meme
On me batit peu a peu comme on eleve une tour
Les peuples s'entassaient et je parus moi-meme
Qu'ont forme tous les corps et les choses humaines
Temps passes Trepasses Les dieux qui me formates
Je ne vis que passant ainsi que vous passates
Et detournant mes yeux de ce vide avenir
En moi-meme je vois tout le passe grandir
Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore
Pres du passe luisant demain est incolore
Il est informe aussi pres de ce qui parfait
Presente tout ensemble et l'effort et l'effet
MARIZIBILL
Dans la Haute-Rue a Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte a tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Tres tard dans les brasseries borgnes
Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'etait un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tiree d'un bordel de Changai
Je connais des gens de toutes sortes
Ils n'egalent pas leurs destins
Indecis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal eteints
Leurs coeurs bougent comme leurs portes
LE VOYAGEUR
A Fernand Fleuret
Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fievres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu
Vagues poissons arques fleurs submarines
Une nuit c'etait la mer
Et les fleuves s'y repandaient
Je m'en souviens je m'en souviens encore
Un soir je descendis dans une auberge triste
Aupres de Luxembourg
Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ
Quelqu'un avait un furet
Un autre un herisson
L'on jouait aux cartes
Et toi tu m'avais oublie
Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversames des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journees
O matelots o femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous-en
Deux matelots qui ne s'etaient jamais quittes
Deux matelots qui ne s'etaient jamais parle
Le plus jeune en mourant tomba sur le cote
O vous chers compagnons
Sonneries electriques des gares chant des moissonneuses
Traineau d'un boucher regiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles
Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages
Les cypres projetaient sous la lune leurs ombres
J'ecoutais cette nuit au declin de l'ete
Un oiseau langoureux et toujours irrite
Et le bruit eternel d'un fleuve large et sombre
Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux
Les bords etaient deserts herbus silencieux
Et la montagne a l'autre rive etait tres claire
Alors sans bruit sans qu'on put voir rien de vivant
Contre le mont passerent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l'ombre de leurs lances en avant
Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas a pas sur la montagne claire
Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies
Te souviens-tu du jour ou une vieille abeille tomba dans le feu
C'etait tu t'en souviens a la fin de l'ete
Deux matelots qui ne s'etaient jamais quittes
L'aine portait au cou une chaine de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse
Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
MARIE
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mere-grand
C'est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer a peine
Et mon mal est delicieux
Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un coeur a moi ce coeur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je ou s'en iront tes cheveux
Crepus comme mer qui moutonne
Sais-je ou s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil a ma peine
Il s'ecoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
LA BLANCHE NEIGE
Les anges les anges dans le ciel
L'un est vetu en officier
L'un est vetu en cuisinier
Et les autres chantent
Bel officier couleur du ciel
Le doux printemps longtemps apres Noel
Te medaillera d'un beau soleil
D'un beau soleil
Le cuisinier plume les oies
Ah! tombe neige
Tombe et que n'ai-je
Ma bien-aimee entre mes bras
POEME LU AU MARIAGE D'ANDRE SALMON
Le 13 juillet 1909
En voyant des drapeaux ce matin je ne me suis pas dit
Voila les riches vetements des pauvres
Ni la pudeur democratique veut me voiler sa douleur
Ni la liberte en honneur fait qu'on imite maintenant
Les feuilles o liberte vegetale o seule liberte terrestre
Ni les maisons flambent parce qu'on partira pour ne plus revenir
Ni ces mains agitees travailleront demain pour nous tous
Ni meme on a pendu ceux qui ne savaient pas profiter de la vie
Ni meme on renouvelle le monde en reprenant la Bastille
Je sais que seuls le renouvellent ceux qui sont fondes en poesie
On a pavoise Paris parce que mon ami Andre Salmon s'y marie
Nous nous sommes rencontres dans un caveau maudit
Au temps de notre jeunesse
Fumant tous deux et mal vetus attendant l'aube
Epris epris des memes paroles dont il faudra changer le sens
Trompes trompes pauvres petits et ne sachant pas encore rire
La table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le
dernier regard d'Orphee
Les verres tomberent se briserent
Et nous apprimes a rire
Nous partimes alors pelerins de la perdition
A travers les rues a travers les contrees a travers la raison
Je le revis au bord du fleuve sur lequel flottait Ophelie
Qui blanche flotte encore entre les nenuphars
Il s'en allait au milieu des Hamlets blafards
Sur la flute jouant les airs de la folie
Je le revis pres d'un moujik mourant compter les beatitudes
En admirant la neige semblable aux femmes nues
Je le revis faisant ceci ou cela en l'honneur des memes paroles
Qui changent la face des enfants et je dis toutes ces choses
Souvenir et Avenir parce que mon ami Andre Salmon se marie
Rejouissons-nous non pas parce que notre amitie a ete le fleuve
qui nous a fertilises
Terrains riverains dont l'abondance est la nourriture que tous
esperent
Ni parce que nos verres nous jettent encore une fois le regard
d'Orphee mourant
Ni parce que nous avons tant grandi que beaucoup pourraient
confondre nos yeux et les etoiles
Ni parce que les drapeaux claquent aux fenetres des citoyens qui
sont contents depuis cent ans d'avoir la vie et de menues choses a
defendre
Ni parce que fondes en poesie nous avons des droits sur les
paroles qui forment et defont l'Univers
Ni parce que nous pouvons pleurer sans ridicule et que nous savons
rire
Ni parce que nous fumons et buvons comme autrefois
Rejouissons-nous parce que directeur du feu et des poetes
L'amour qui emplit ainsi que la lumiere
Tout le solide espace entre les etoiles et les planetes
L'amour veut qu'aujourd'hui mon ami Andre Salmon se marie
L'ADIEU
J'ai cueilli ce brin de bruyere
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyere
Et souviens-toi que je t'attends
SALOME
Pour que sourie encore une fois Jean-Baptiste
Sire je danserais mieux que les seraphins
Ma mere dites-moi pourquoi vous etes triste
En robe de comtesse a cote du Dauphin
Mon coeur battait battait tres fort a sa parole
Quand je dansais dans le fenouil en ecoutant
Et je brodais des lys sur une banderole
Destinee a flotter au bout de son baton
Et pour qui voulez-vous qu'a present je la brode
Son baton refleurit sur les bords du Jourdain
Et tous les lys quand vos soldats o roi Herode
L'emmenerent se sont fletris dans mon jardin
Venez tous avec moi la-bas sous les quinconces
Ne pleure pas o joli fou du roi
Prends cette tete au lieu de ta marotte et danse
N'y touchez pas son front ma mere est deja froid
Sire marchez devant trabants marchez derriere
Nous creuserons un trou et l'y enterrerons
Nous planterons des fleurs et danserons en rond
Jusqu'a l'heure ou j'aurai perdu ma jarretiere
Le roi sa tabatiere
L'infante son rosaire
Le cure son breviaire
LA PORTE
La porte de l'hotel sourit terriblement
Qu'est-ce que cela peut me faire o ma maman
D'etre cet employe pour qui seul rien n'existe
Pi-mus couples allant dans la profonde eau triste
Anges frais debarques a Marseille hier matin
J'entends mourir et remourir un chant lointain
Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille
Enfant je t'ai donne ce que j'avais travaille
MERLIN ET LA VIEILLE FEMME
Le soleil ce jour-la s'etalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumiere est ma mere o lumiere sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel
Au carrefour ou nulle fleur sinon la rose
Des vents mais sans epine n'a fleuri l'hiver
Merlin guettait la vie et l'eternelle cause
Qui fait mourir et puis renaitre l'univers
Une vieille sur une mule a chape verte
S'en vint suivant la berge du fleuve en aval
Et l'antique Merlin dans la plaine deserte
Se frappait la poitrine en s'ecriant Rival
O mon etre glace dont le destin m'accable
Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir
Ma Memoire venir et m'aimer ma semblable
Et quel fils malheureux et beau je veux avoir
Son geste fit crouler l'orgueil des cataclysmes
Le soleil en dansant remuait son nombril
Et soudain le printemps d'amour et d'heroisme
Amena par la main un jeune jour d'avril
Les voies qui viennent de l'ouest etaient couvertes
D'ossements d'herbes drues de destins et de fleurs
Des monuments tremblants pres des charognes vertes
Quand les vents apportaient des poils et des malheurs
Laissant sa mule a petits pas s'en vint l'amante
A petits coups le vent defripait ses atours
Puis les pales amants joignant leurs mains dementes
L'entrelacs de leurs doigts fut leur seul laps d'amour
Elle balla mimant un rythme d'existence
Criant Depuis cent ans j'esperais ton appel
Les astres de ta vie influaient sur ma danse
Morgane regardait de haut du mont Gibel
Ah! qu'il fait doux danser quand pour vous se declare
Un mirage ou tout chante et que les vents d'horreur
Feignent d'etre le rire de la lune hilare
Et d'effrayer les fantomes avants-coureurs
J'ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lemures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les beatitudes
Qui toutes ne sont rien qu'un pur effet de l'Art
Je n'ai jamais cueilli que la fleur d'aubepine
Aux printemps finissants qui voulaient defleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D'agneaux mort-nes et d'enfants-dieux qui vont mourir
Et j'ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j'eusse ete tot lasse et l'aubepine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D'un corps de vieille morte en mimant la douleur
Et leurs mains s'elevaient comme un vol de colombes
Clarte sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis Merlin s'en alla vers l'est disant Qu'il monte
Le fils de ma Memoire egale de l'Amour
Qu'il monte de la fange ou soit une ombre d'homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbe de feu sur le chemin de Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel
La dame qui m'attend se nomme Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couche parmi la marjolaine et les pas-d'ane
Je m'eterniserai sous l'aubepine en fleurs
SALTIMBANQUES
A Louis Dumur
Dans la plaine les baladins
S'eloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans eglises
Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en revant
Chaque arbre fruitier se resigne
Quand de tres loin ils lui font signe
Ils ont des poids ronds ou carres
Des tambours des cerceaux dores
L'ours et le singe animaux sages
Quetent des sous sur leur passage
LE LARRON
CHOEUR
Maraudeur etranger malheureux malhabile
Voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits
Mais puisque tu as faim que tu es en exil
Il pleure il est barbare et bon pardonnez-lui
LARRON
Je confesse le vol des fruits doux des fruits murs
Mais ce n'est pas l'exil que je viens simuler
Et sachez que j'attends de moyennes tortures
Injustes si je rends tout ce que j'ai vole
VIEILLARD
Issu de l'ecume des mers comme Aphrodite
Sois docile puisque tu es beau Naufrage
Vois les sages te font des gestes socratiques
Vous parlerez d'amour quand il aura mange
CHOEUR
Maraudeur etranger malhabile et malade
Ton pere fut un sphinx et ta mere une nuit
Qui charma de lueurs Zacinthe et les Cyclades
As-tu feint d'avoir faim quand tu volas les fruits
LARRON
Possesseurs de fruits murs que dirai-je aux insultes
Ouir ta voix ligure en nenie o maman
Puisqu'ils n'eurent enfin la pubere et l'adulte
De pretexte sinon de s'aimer nuitamment
Il y avait des fruits tout ronds comme des ames
Et des amandes de pomme de pin jonchaient
Votre jardin marin ou j'ai laisse mes rames
Et mon couteau punique au pied de ce pecher
Les citrons couleur d'huile et a saveur d'eau froide
Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus
Les oiseaux de leur bec ont blesse vos grenades
Et presque toutes les figues etaient fendues
L'ACTEUR
Il entra dans la salle aux fresques qui figurent
L'inceste solaire et nocturne dans les nues
Assieds-toi la pour mieux ouir les voix ligures
Au son des cinyres des Lydiennes nues
Or les hommes ayant des masques de theatre
Et les femmes ayant des colliers ou pendaient
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Parlaient entre eux le langage de la Chaldee
Les autans langoureux dehors feignaient l'automne
Les convives c'etaient tant de couples d'amants
Qui dirent tour a tour Voleur je te pardonne
Recois d'abord le sel puis le pain de froment
Le brouet qui froidit sera fade a tes levres
Mais l'outre en peau de bouc maintient frais le vin blanc
Par ironie veux-tu qu'on serve un plat de feves
Ou des beignets de fleurs trempes dans du miel blond
Une femme lui dit Tu n'invoques personne
Crois-tu donc au hasard qui coule au sablier
Voleur connais-tu mieux les lois malgre les hommes
Veux-tu le talisman heureux de mon collier
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
Qui donc es-tu toi qui nous vins grace au vent scythe
Il en est tant venu par la route ou la mer
Conquerants egares qui s'eloignaient trop vite
Colonnes de clins d'yeux qui fuyaient aux eclairs
CHOEUR
Un homme begue ayant au front deux jets de flammes
Passa menant un peuple infime pour l'orgueil
De manger chaque jour les cailles et la manne
Et d'avoir vu la mer ouverte comme un oeil
Les puiseurs d'eau barbus coiffes de bandelettes
Noires et blanches contre les maux et les sorts
Revenaient de l'Euphrate et les yeux des chouettes
Attiraient quelquefois les chercheurs de tresors
Cet insecte jaseur o poete barbare
Regagnait chastement a l'heure d'y mourir
La foret precieuse aux oiseaux gemmipares
Aux crapauds que l'azur et les sources murirent
Un triomphe passait gemir sous l'arc-en-ciel
Avec de blemes laures debout dans les chars
Les statues suant les scurriles les agnelles
Et l'angoisse rauque des paonnes et des jars
Les veuves precedaient en egrenant des grappes
Les eveques noir reverant sans le savoir
Au triangle isocele ouvert au mors des chapes
Pallas et chantaient l'hymne a la belle mais noire
Les chevaucheurs nous jeterent dans l'avenir
Les alcancies pleines de cendre ou bien de fleurs
Nous aurons des baisers florentins sans le dire
Mais au jardin ce soir tu vins sage et voleur
Ceux de ta secte adorent-ils un signe obscene
Belphegor le soleil le silence ou le chien
Cette furtive ardeur des serpents qui s'entr'aiment
L'ACTEUR
Et le larron des fruits cria Je suis chretien
CHOEUR
Ah! Ah! les colliers tinteront cherront les masques
Va-t'en va-t'en contre le feu l'ombre prevaut
Ah! Ah! le larron de gauche dans la bourrasque
Rira de toi comme hennissent les chevaux
FEMME
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
CHOEUR
Ah! Ah! nous secouerons toute la nuit les sistres
La voix ligure etait-ce donc un talisman
Et si tu n'es pas de droite tu es sinistre
Comme une tache grise ou le pressentiment
Puisque l'absolu choit la chute est une preuve
Qui double devient triple avant d'avoir ete
Nous avouerons que les grossesses nous emeuvent
Les ventres pourront seuls nier l'aseite
Vois les vases sont pleins d'humides fleurs morales
Va-t'en mais denude puisque tout est a nous
Ouis du choeur des vents les cadences plagales
Et prends l'arc pour tuer l'unicorne ou le gnou
L'ombre equivoque et tendre est le deuil de ta chair
Et sombre elle est humaine et puis la notre aussi
Va-t'en le crepuscule a des lueurs legeres
Et puis aucun de nous ne croirait tes recits
Il brillait et attirait comme la pantaure
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
Et les femmes la nuit feignant d'etre des taures
L'eussent aime comme on l'aima puisqu'en effet
Il etait pale il etait beau comme un roi ladre
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Au lieu du roseau triste et du funebre faix
Que n'alla-t-il vivre a la cour du roi D'Edesse
Maigre et magique il eut scrute le firmament
Pale et magique il eut aime des poetesses
Juste et magique il eut epargne les demons
Va-t'en errer credule et roux avec ton ombre
Soit! la triade est male et tu es vierge et froid
Le tact est relatif mais la vue est oblongue
Tu n'as de signe que le signe de la croix
LE VENT NOCTURNE
Oh! les cimes des pins grincent en se heurtant
Et l'on entend aussi se lamenter l'autan
Et du fleuve prochain a grand'voix triomphales
Les elfes rire au vent ou corner aux rafales
Attys Attys Attys charmant et debraille
C'est ton nom qu'en la nuit les elfes ont raille
Parce qu'un de tes pins s'abat au vent gothique
La foret fuit au loin comme une armee antique
Dont les lances o pins s'agitent au tournant
Les villages eteints meditent maintenant
Comme les vierges les vieillards et les poetes
Et ne s'eveilleront au pas de nul venant
Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaetes
LUL DE FALTENIN
A Louis de Gonzague Frick
Sirenes j'ai rampe vers vos
Grottes tiriez aux mers la langue
En dansant devant leurs chevaux
Puis battiez de vos ailes d'anges
Et j'ecoutais ces choeurs rivaux
Une arme o ma tete inquiete
J'agite un feuillage defleuri
Pour ecarter l'haleine tiede
Qu'exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes
Il y a la-bas la merveille
Au prix d'elle que valez-vous
Le sang jaillit de mes otelles
A mon aspect et je l'avoue
Le meurtre de mon double orgueil
Si les bateliers ont rame
Loin des levres a fleur de l'onde
Mille et mille animaux charmes
Flairent la route a la rencontre
De mes blessures bien-aimees
Leurs yeux etoiles bestiales
Eclairent ma compassion
Qu'importe sagesse egale
Celle des constellations
Car c'est moi seul nuit qui t'etoile
Sirenes enfin je descends
Dans une grotte avide J'aime
Vos yeux Les degres sont glissants
Au loin que vous devenez naines
N'attirez plus aucun passant
Dans l'attentive et bien-apprise
J'ai vu feuilloler nos forets
Mer le soleil se gargarise
Ou les matelots desiraient
Que vergues et mats reverdissent
Je descends et le firmament
S'est change tres vite en meduse
Puisque je flambe atrocement
Que mes bras seuls sont les excuses
Et les torches de mon tourment
Oiseaux tiriez aux mers la langue
Le soleil d'hier m'a rejoint
Les otelles nous ensanglantent
Dans le nid des Sirenes loin
Du troupeau d'etoiles oblongues
LA TZIGANE
La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrees par les nuits
Nous lui dimes adieu et puis
De ce puits sortit l'Esperance
L'amour lourd comme un ours prive
Dansa debout quand nous voulumes
Et l'oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
On sait tres bien que l'on se damne
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu'a predit la tzigane
L'ERMITE
A Felix Feneon
Un ermite dechaux pres d'un crane blanchi
Cria Je vous maudis martyres et detresses
Trop de tentations malgre moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies
Trop d'etoiles s'enfuient quand je dis mes prieres
O chef de morte O vieil ivoire Orbites Trous
Des narines rongees J'ai faim Mes cris s'enrouent
Voici donc pour mon jeune un morceau de gruyere
O Seigneur flagellez les nuees du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c'est le soir les fleurs de jour deja se closent
Et les souris dans l'ombre incantent le plancher
Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre
L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Saigneur faites Seigneur qu'un jour je m'enamoure
J'attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j'attends qu'elle les dresse
Ses mains enamourees devant moi l'Inconnue
Seigneur que t'ai-je fait Vois Je suis unicorne
Pourtant malgre son bel effroi concupiscent
Comme un poupon cheri mon sexe est innocent
D'etre anxieux seul et debout comme une borne
Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui
La robe sans couture eteignez les ardeurs
Au puits vont se noyer tant de tintements d'heures
Quand isochrones choient des gouttes d'eau de pluie
J'ai veille trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sue du sang Christ dans Gethsemani
Crucifie reponds Dis non Moi je le nie
Car j'ai trop espere en vain l'hematidrose
J'ecoutais a genoux toquer les battements
Du coeur le sang roulait toujours en ses arteres
Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaines
Et mon aorte etait avare eperdument
Une goutte tomba Sueur Et sa couleur
Lueur Le sang si rouge et j'ai ri des damnes
Puis enfin j'ai compris que je saignais du nez
A cause des parfums violents de mes fleurs
Et j'ai ri du vieil ange qui n'est point venu
De vol tres indolent me tendre un beau calice
J'ai ri de l'aile grise et j'ote mon cilice
Tisse de crins soyeux par de cruels canuts
Vertuchou Riotant des vulves des papesses
De saintes sans tetons j'irai vers les cites
Et peut-etre y mourir pour ma virginite
Parmi les mains les peaux les mots et les promesses
Malgre les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adore par la mer
En vain j'ai supplie tous les saints aemeres
Aucun n'a consacre mes doux pains sans levain
Et je marche Je fuis o nuit Lilith ulule
Et clame vainement et je vois de grands yeux
S'ouvrir tragiquement O nuit je vois tes cieux
S'etoiler calmement de splendides pilules
Un squelette de reine innocente est pendu
A un long fil d'etoile en desespoir severe
La nuit les bois sont noirs et se meurt l'espoir vert
Quand meurt les jour avec un rale inattendu
Et je marche je fuis o jour l'emoi de l'aube
Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tetins roses comme des lobes
Des corbeaux eployes comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mur
Non loin des bourgs ou des chaumieres sont impures
D'avoir des hiboux morts cloues a leur plafond
Mes kilometres longs Mes tristesses plenieres
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont egare ma route et mes reves poupins
Souvent et j'ai dormi au sol des sapinieres
Enfin O soir pame Au bout de mes chemins
La ville m'apparut tres grave au son des cloches
Et ma luxure meurt a present que j'approche
En entrant j'ai beni les foules des deux mains
Cite j'ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouille de clairieres bleues
Or mes desirs s'en vont tous a la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffe sa cucuphe
Car toutes sont venues m'avouer leurs peches
Et Seigneur je suis saint par le voeu des amantes
Zelotide et Lorie Louise et Diamante
Ont dit Tu peux savoir o toi l'effarouche
Ermite absous nos fautes jamais venielles
O toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos coeurs sache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessencies comme du miel
Et j'absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poetesses nues des fees des formarines
Aucun pauvre desir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s'enlacant
Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lasse au verger pantelant
Plein du rale pompeux des groseillers sanglants
Et de la sainte cruaute des passiflores
AUTOMNE
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant la-bas le paysan chantonne
Une chanson d'amour et d'infidelite
Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'ete
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises
L'EMIGRANT DE LANDOR ROAD
A Andre Billy.
Le chapeau a la main il entra du pied droit
Chez un tailleur tres chic et fournisseur du roi
Ce commercant venait de couper quelques tetes
De mannequins vetus comme il faut qu'on se vete
La foule en tous sens remuait en melant
Des ombres sans amour qui se trainaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumiere
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amerique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent garde dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habille de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'etant deshabilles
Battirent leurs habits puis les lui essayerent
Le vetement d'un lord mort sans avoir paye
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les annees
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchainees
Intercalees dans l'an c'etaient les journees neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indecises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Ocean en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouilles
Des emigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'etaient agenouilles
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient a l'horizon
Un tout petit bouquet flottant a l'aventure
Couvrit l'Ocean d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa memoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changees en poux
Ces tisseuses tetues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirene moderne sans epoux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'a l'aube ont guette de loin avidement
Des cadavres de jours ronges par les etoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
ROSEMONDE
A Andre Derain
Longtemps au pied du perron de
La maison ou entra la dame
Que j'avais suivie pendant deux
Bonnes heures a Amsterdam
Mes doigts jeterent des baisers
Mais le canal etait desert
Le quai aussi et nul ne vit
Comment mes baisers retrouverent
Celle a qui j'ai donne ma vie
Un jour pendant plus de deux heures
Je la surnommai Rosemonde
Voulant pouvoir me rappeler
Sa bouche fleurie en Hollande
Puis lentement je m'en allai
Pour queter la Rose du Monde
LE BRASIER
A Paul-Napoleon Roinard
J'ai jete dans le noble feu
Que je transporte et que j'adore
De vives mains et meme feu
Ce Passe ces tetes de morts
Flamme je fais ce que tu veux
Le galop soudain des etoiles
N'etant que ce qui deviendra
Se meme au hennissement male
Des centaures dans leurs haras
Et des grand'plaintes vegetales
Ou sont ces tetes que j'avais
Ou est le Dieu de ma jeunesse
L'amour est devenu mauvais
Qu'au brasier les flammes renaissent
Mon ame au soleil se devet
Dans la plaine ont pousse des flammes
Nos coeurs pendent aux citronniers
Les tetes coupees qui m'acclament
Et les astres qui ont saigne
Ne sont que des tetes de femmes
Le fleuve epingle sur la ville
T'y fixe comme un vetement
Partant a l'amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles
Je flambe dans le brasier
Je flambe dans le brasier a l'ardeur adorable
Et les mains des croyants m'y rejettent multiple innombrablement
Les membres des intercis flambent aupres de moi
Eloignez du brasier les ossements
Je suffis pour l'eternite a entretenir le feu de mes delices
Et des oiseaux protegent de leurs ailes ma face et le soleil
O Memoire Combien de races qui forlignent
Des Tyndarides aux viperes ardentes de mon bonheur
Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes
Qui etaient immortels et n'etaient pas chanteurs
Voici ma vie renouvelee
De grands vaisseaux passent et repassent
Je trempe une fois encore mes mains dans l'Ocean
Voici le paquebot et ma vie renouvelee
Ses flammes sont immenses
Il n'y a plus rien de commun entre moi
Et ceux qui craignent les brulures
Descendant des hauteurs
Descendant des hauteurs ou pense la lumiere
Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles
L'avenir masque flambe en traversant les cieux
Nous attendons ton bon plaisir o mon amie
J'ose a peine regarder la divine mascarade
Quand bleuira sur l'horizon la Desirade
Au-dela de notre atmosphere s'eleve un theatre
Que construisit le ver Zamir sans instrument
Puis le soleil revint ensoleiller les places
D'une ville marine apparue contremont
Sur les toits se reposaient les colombes basses
Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie
A petits pas Il orra le chant du patre toute la vie
La-haut le theatre est bati avec le feu solide
Comme les astres dont se nourrit le vide
Et voici le spectacle
Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil
Ma tete mes genoux mes coudes vain pentacle
Les flammes ont pousse sur moi comme des feuilles
Des acteurs inhumains claires betes nouvelles
Donnent des ordres aux hommes apprivoises
Terre
O Dechiree que les fleuves ont reprisee
J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries
Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y devorat
RHENANES
Nuit rhenane
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'a leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez pres de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliees
Le Rhin le Rhin est ivre ou les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refleter
La voix chante toujours a en rale-mourir
Ces fees aux cheveux verts qui incantent l'ete
Mon verre s'est brise comme un eclat de rire
Mai
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous etes si jolies mais la barque s'eloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains?
Or des vergers fleuris se figeaient en arriere
Les petales tombes des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimee
Les petales fleuris sont comme ses paupieres
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menes par des tziganes
Suivaient une roulotte trainee par un ane
Tandis que s'eloignait dans les vignes rhenanes
Sur un fifre lointain un air de regiment
Le mai le joli mai a pare les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
La synagogue
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren
Coiffes de feutres verts le matin du sabbat
Vont a la synagogue en longeant le Rhin
Et les coteaux ou les vignes rougissent la-bas
Ils se disputent et crient des choses qu'on ose a peine traduire
Batard concu pendant les regles ou Que le diable entre dans ton
pere
Le vieux Rhin souleve sa face ruisselante et se detourne pour
sourire
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colere
Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer
Tandis que les chretiens passent avec des cigares allumes
Et parce qu'Ottomar et Abraham aiment tous deux
Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu
Pourtant tout a l'heure dans la synagogue l'un apres l'autre
Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau
Parmi les feuillards de la fete des cabanes
Ottomar en chantant sourira a Abraham
Ils dechanteront sans mesure et les voix graves des hommes
Feront gemir un Leviathan au fond du Rhin comme une voix d'automne
Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim
Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim
Les cloches
Mon beau tzigane mon amant
Ecoute les cloches qui sonnent
Nous nous aimions eperdument
Croyant n'etre vus de personne
Mais nous etions bien mal caches
Toutes les cloches a la ronde
Nous ont vus du haut des clochers
Et le disent a tout le monde
Demain Cyprien et Henri
Marie Ursule et Catherine
La boulangere et son mari
Et puis Gertrude ma cousine
Souriront quand je passerai
Je ne saurai plus ou me mettre
Tu seras loin Je pleurerai
J'en mourrai peut-etre
La Loreley
A Jean Seve
A Bacharach il y avait une sorciere blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes a la ronde
Devant son tribunal l'eveque la fit citer
D'avance il l'absolvit a cause de sa beaute
O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardee eveque en ont peri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes O belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcele
Eveque vous riez Priez plutot pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protege
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus la
Mon coeur me fit si mal du jour ou il s'en alla
L'eveque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en demence
Va t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vetue de noir et blanc
Puis ils s'en allerent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau chateau
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
La-haut le vent tordait ses cheveux deroules
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout la-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
Schinderhannes
Dans la foret avec sa bande
Schinderhannes s'est desarme
Le brigand pres de sa brigande
Hennit d'amour au joli mai
Benzel accroupi lit la Bible
Sans voir que son chapeau pointu
A plume d'aigle sert de cible
A Jacob Born le mal foutu
Juliette Blaesius qui rote
Fait semblant d'avoir le hoquet
Hannes pousse une fausse note
Quand Schulz vient portant un baquet
Et s'ecrie en versant des larmes
Baquet plein de vin parfume
Viennent aujourd'hui les gendarmes
Nous aurons bu le vin de mai
Allons Julia la mam'zelle
Bois avec nous ce clair bouillon
D'herbes et de vin de Moselle
Prosit Bandit en cotillon
Cette brigande est bientot soule
Et veut Hannes qui n'en veut pas
Pas d'amour maintenant ma poule
Sers-nous un bon petit repas
Il faut ce soir que j'assassine
Ce riche juif au bord du Rhin
Au clair des torches de resine
La fleur de mai c'est le florin
On mange alors toute la bande
Pete et rit pendant le diner
Puis s'attendrit a l'allemande
Avant d'aller assassiner
Rhenane d'automne
A Toussaint-Luca
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetiere
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n'a chante aujourd'hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons anes
Braillent hi han et se mettent a brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C'est le jour des morts et de toutes leurs ames
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L'air tremble de flammes et de prieres
Le cimetiere est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu'on enterre
ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous mendiants morts saouls de biere
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en priere
Ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de regence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux
Il eteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mere
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupees
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des cheres mortes
Ce sont tes mains coupees
Nous avons tant pleure aujourd'hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetiere plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournames
A nos pieds roulaient des chataignes
Dont les bogues etaient
Comme le coeur blesse de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des chataignes d'automne
Les sapins
Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revetu
Comme des astrologues
Saluent leurs freres abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrines
Par les vieux sapins leurs aines
Qui sont de grands poetes
Ils se savent predestines
A briller plus que des planetes
A briller doucement changes
En etoiles et enneiges
Aux Noels bienheureuses
Fetes des sapins ensonges
Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens
Chantent des noels anciens
Au vent des soirs d'automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne
Des rangees de blancs cherubins
Remplacent l'hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L'ete ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins medecins divagants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l'ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
Les femmes
Dans la maison du vigneron les femmes cousent
Lenchen remplis le poele et mets l'eau du cafe
Dessus -- Le chat s'etire apres s'etre chauffe
- Gertrude et son voisin Martin enfin s'epousent
Le rossignol aveugle essaya de chanter
Mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage
Ce cypres la-bas a l'air du pape en voyage
Sous la neige -- Le facteur vient de s'arreter
Pour causer avec le nouveau maitre d'ecole
- Cet hiver est tres froid le vin sera tres bon
- Le sacristain sourd et boiteux est moribond
- La fille du vieux bourgmestre brode une etole
Pour la fete du cure La foret la-bas
Grace au vent chantait a voix grave de grand orgue
Le songe Herr Traum survint avec sa soeur Frau Sorge
Kaethi tu n'as pas bien raccommode ces bas
- Apporte le cafe le beurre et les tartines
La marmelade le saindoux un pot de lait
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- On dirait que le vent dit des phrases latines
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- Lotte es-tu triste O petit coeur -- Je crois qu'elle aime
- Dieu garde -- Pour ma part je n'aime que moi-meme
- Chut A present grand-mere dit son chapelet
- Il me faut du sucre candi Leni je tousse
- Pierre mene son furet chasser les lapins
Le vent faisait danser en rond tous les sapins
Lotte l'amour rend triste -- Ilse la vie est douce
La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus
Devenaient dans l'obscurite des ossuaires
En neige et replies gisaient la des suaires
Et des chiens aboyaient aux passants morfondus
Il est mort ecoutez La cloche de l'eglise
Sonnait tout doucement la mort du sacristain
Lise il faut attiser le poele qui s'eteint
Les femmes se signaient dans la nuit indecise
Septembre 1901 -- mai 1902
SIGNE
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je deteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaule dit au vent ses douleurs
Mon Automne eternelle o ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une epouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
UN SOIR
Un aigle descendit de ce ciel blanc d'archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez priez pour moi
La ville est metallique et c'est la seule etoile
Noyee dans tes yeux bleus
Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pales
Sur des oiseaux galeux
Et tout ce qui tremblait dans tes yeux de mes songes
Qu'un seul homme buvait
Sous les feux de gaz roux comme la fausse oronge
O vetue ton bras se lovait
Vois l'histrion tire la langue aux attentives
Un fantome s'est suicide
L'apotre au figuier pend et lentement salive
Jouons donc cet amour aux des
Des cloches aux sons clairs annoncaient ta naissance
Vois
Les chemins sont fleuris et les palmes s'avancent
Vers toi
LA DAME
Toc toc Il a ferme sa porte
Les lys du jardin sont fletris
Quel est donc ce mort qu'on emporte
Tu viens de toquer a sa porte
Et trotte trotte
Trotte la petite souris
LES FIANCAILLES
A Picasso
Le printemps laisse errer les fiances parjures
Et laisse feuilloler longtemps les plumes bleues
Que secoue le cypres ou niche l'oiseau bleu
Une Madone a l'aube a pris les eglantines
Elle viendra demain cueillir les giroflees
Pour mettre aux nids des colombes qu'elle destine
Au pigeon qui ce soir semblait le Paraclet
Au petit bois de citronniers s'enamourerent
D'amour que nous aimons les dernieres venues
Les villages lointains sont comme les paupieres
Et parmi les citrons leurs coeurs sont suspendus
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je buvais a pleins verres les etoiles
Un ange a extermine pendant que je dormais
Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries
De faux centurions emportaient le vinaigre
Et les gueux mal blesses par l'epurge dansaient
Etoiles de l'eveil je n'en connais aucune
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas
A la clarte des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux cols sur les flots de jupes mal brossees
Des accouchees masquees fetaient leurs relevailles
La ville cette nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l'amour et la dulie
Et sombre sombre fleuve je me rappelle
Les ombres qui passaient n'etaient jamais jolies
Je n'ai plus meme pitie de moi
Je n'ai plus meme pitie de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais a dire se sont changes en etoiles
Un Icare tente de s'elever jusqu'a chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brule au centre de deux nebuleuses
Qu'ai-je fait aux betes theologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'esperais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan
J'ai eu le courage de regarder en arriere
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les eglises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En meme temps et en toute saison
D'autres jours ont pleure avant de mourir dans des tavernes
Ou d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulatresse qui inventait la poesie
Et les roses de l'electricite s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma memoire
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaitre l'ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j'aime uniquement
Les fleurs a mes yeux redeviennent des flammes
Je medite divinement
Et je souris des etres que je n'ai pas crees
Mais si le temps venait ou l'ombre enfin solide
Se multipliait en realisant la diversite formelle de mon amour
J'admirerais mon ouvrage
J'observe le repos du dimanche
J'observe le repos du dimanche
Et je loue la paresse
Comment comment reduire
L'infiniment petite science
Que m'imposent mes sens
L'un est pareil aux montagnes au ciel
Aux villes a mon amour
Il ressemble aux saisons
Il vit decapite sa tete est le soleil
Et la lune son cou tranche
Je voudrais eprouver une ardeur infinie
Monstre de mon ouie tu rugis et tu pleures
Le tonnerre te sert de chevelure
Et tes griffes repetent le chant des oiseaux
Le toucher monstrueux m'a penetre m'empoisonne
Mes yeux nagent loin de moi
Et les astres intacts sont mes maitres sans epreuve
La bete des fumees a la tete fleurie
Et le monstre le plus beau
Ayant la saveur du laurier se desole
A la fin les mensonges ne me font plus peur
A la fin les mensonges ne me font plus peur
C'est la lune qui cuit comme un oeuf sur le plat
Ce collier de gouttes d'eau va parer la noyee
Voici mon bouquet de fleurs de la Passion
Qui offrent tendrement deux couronnes d'epines
Les rues sont mouillees de la pluie de naguere
Des anges diligents travaillent pour moi a la maison
La lune et la tristesse disparaitront pendant
Toute la sainte journee
Toute la sainte journee j'ai marche en chantant
Une dame penchee a sa fenetre m'a regarde longtemps
M'eloigner en chantant
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Qui dansaient le cou nu au son d'un accordeon
J'ai tout donne au soleil
Tout sauf mon ombre
Les dragues les ballots les sirenes mi-mortes
A l'horizon brumeux s'enfoncaient les trois-mats
Les vents ont expire couronnes d'anemones
O Vierge signe pur du troisieme mois
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Prophetisons ensemble o grand maitre je suis
Le desirable feu qui pour vous se devoue
Et la girande tourne o belle o belle nuit
Liens delies par une libre flamme Ardeur
Que mon souffle eteindra O Morts a quarantaine
Je mire de ma mort la gloire et le malheur
Comme si je visais l'oiseau de la quintaine
Incertitude oiseau feint peint quand vous tombiez
Le soleil et l'amour dansaient dans le village
Et tes enfants galants bien ou mal habilles
Ont bati ce bucher le nid de mon courage
CLAIR DE LUNE
Lune mellifluente aux levres des dements
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui degoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or cache je concois la tres douce aventure
J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons decevants
Et prit son miel lunaire a la rose des vents
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodee d'or
Etait composee de deux panneaux
S'attachant sur l'epaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les levres tres rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle etait decolletee en rond
Et coiffee a la Recamier
Avec de beaux bras nus
N'entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d'ottoman violine
Et en tunique brodee d'or
Decolletee en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d'or
Et trainait ses petits souliers a boucles
Elle etait si belle
Que tu n'aurais pas ose l'aimer
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers enormes
Ou naissaient chaque jour quelques etres nouveaux
Le fer etait leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beaute ne sont que son ecume
Cette femme etait si belle
Qu'elle me faisait peur
A LA SANTE
I
Avant d'entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu'es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d'en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
O mes annees o jeunes filles
II
Non je ne me sens plus la
Moi-meme
Je suis le quinze de la
Onzieme
Le soleil filtre a travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres
Et dansent sur le papier
J'ecoute
Quelqu'un qui frappe du pied
La voute
III
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaine
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
Avec les clefs qu'il fait tinter
Que le geolier aille et revienne
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
IV
Que je m'ennuie entre ces murs tout nus
Et peints de couleurs pales
Une mouche sur le papier a pas menus
Parcourt mes lignes inegales
Que deviendrai-je o Dieu qui connais ma douleur
Toi qui me l'as donnee
Prends en pitie mes yeux sans larmes ma paleur
Le bruit de ma chaise enchainee
Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
L'Amour qui m'accompagne
Prends en pitie surtout ma debile raison
Et ce desespoir qui me gagne
V
Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement
Tu pleureras l'heure ou tu pleures
Qui passera trop vitement
Comme passent toutes les heures
VI
J'ecoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
Le jour s'en va voici que brule
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarte Chere raison
Septembre 1911.
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adore
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neige
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits murs
Au fond du ciel
Des eperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aime
Aux lisieres lointaines
Les cerfs ont brame
Et que j'aime o saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la foret qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille a feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'ecoule
HOTELS
La chambre est veuve
Chacun pour soi
Presence neuve
On paye au mois
Le patron doute
Payera-t-on
Je tourne en route
Comme un toton
Le bruit des fiacres
Mon voisin laid
Qui fume un acre
Tabac anglais
O La Valliere
Qui boite et rit
De mes prieres
Table de nuit
Et tous ensemble
Dans cet hotel
Savons la langue
Comme a Babel
Fermons nos Portes
A double tour
Chacun apporte
Son seul amour
CORS DE CHASSE
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun detail indifferent
Ne rend notre amour pathetique
Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
A sa pauvre Anne allait revant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
VENDEMIAIRE
Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi
Je vivais a l'epoque ou finissaient les rois
Tour a tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismegistes
Que Paris etait beau a la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne ou les pampres
Repandaient leur clarte sur la ville et la-haut
Astres murs becquetes par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l'aube
Un soir passant le long des quais deserts et sombres
En rentrant a Auteuil j'entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvint aussi sur les bords de la Seine
La plainte d'autres voix limpides et lointaines
Et j'ecoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu'eveillait dans la nuit la chanson de Paris
J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde
Je vis alors que deja ivre dans la vigne Paris
Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chanterent
Et Rennes repondit avec Quimper et Vannes
Nous voici o Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil
Se sacrifient pour te desalterer trop avide merveille
Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetieres les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas
Et d'amont en aval nos pensees o rivieres
Les oreilles des ecoles et nos mains rapprochees
Aux doigts allonges nos mains les clochers
Et nous t'apportons aussi cette souple raison
Que le mystere clot comme une porte la maison
Ce mystere courtois de la galanterie
Ce mystere fatal fatal d'une autre vie
Double raison qui est au-dela de la beaute
Et que la Grece n'a pas connue ni l'Orient
Double raison de la Bretagne ou lame a lame
L'ocean chatre peu a peu l'ancien continent
Et les villes du Nord repondirent gaiement
O Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cites ou degoisent et chantent
Les metalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminees a ciel ouvert engrossent les nuees
Comme fit autrefois l'Ixion mecanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Ou les ouvriers nus semblables a nos doigts
Fabriquent du reel a tant par heure
Nous te donnons tout cela
Et Lyon repondit tandis que les anges de Fourvieres
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prieres
Desaltere-toi Paris avec les divines paroles
Que mes levres le Rhone et la Saone murmurent
Toujours le meme culte de sa mort renaissant
Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang
Heureuse pluie o gouttes tiedes o douleur
Un enfant regarde les fenetres s'ouvrir
Et des grappes de tetes a d'ivres oiseaux s'offrit
Les villes du Midi repondirent alors
Noble Paris seule raison qui vis encore
Qui fixes notre humeur selon ta destinee
Et toi qui te retires Mediterranee
Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties
Ces tres hautes amours et leur danse orpheline
Deviendront o Paris le vin pur que tu aimes
Et un rale infini qui venait de Sicile
Signifiait en battement d'ailes ces paroles
Les raisins de nos vignes on les a vendanges
Et ces grappes de morts dont les grains allonges
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif o Paris sous le ciel
Obscurci de nuees fameliques
Que caresse Ixion le createur oblique
Et ou naissent sur la mer tous les corbeaux d'Afrique
O raisins Et ces yeux ternes et en famille
L'avenir et la vie dans ces treilles s'ennuyent
Mais ou est le regard lumineux des sirenes
Il trompa les marins qu'aimaient ces oiseaux-la
Il ne tournera plus sur l'ecueil de Scylla
Ou chantaient les trois voix suaves et sereines
Le detroit tout a coup avait change de face
Visages de la chair de l'onde de tout
Ce que l'on peut imaginer
Vous n'etes que des masques sur des faces masquees
Il souriait jeune nageur entre les rives
Et les noyes flottant sur son onde nouvelle
Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives
Elles dirent adieu au gouffre et a l'ecueil
A leurs pales epoux couches sur les terrasses
Puis ayant pris leur vol vers le brulant soleil
Les suivirent dans l'onde ou s'enfoncent les astres
Lorsque la nuit revint couverte d'yeux ouverts
Errer au site ou l'hydre a siffle cet hiver
Et j'entendis soudain ta voix imperieuse
O Rome
Maudire d'un seul coup mes anciennes pensees
Et le ciel ou l'amour guide les destinees
Les feuillards repousses sur l'arbre de la croix
Et meme la fleur de lys qui meurt au Vatican
Macerent dans le vin que je t'offre et qui a
La saveur du sang pur de celui qui connait
Une autre liberte vegetale dont tu
Ne sais pas que c'est elle la supreme vertu
Une couronne du triregne est tombee sur les dalles
Les hierarques la foulent sous leurs sandales
O splendeur democratique qui palit
Vienne le nuit royale ou l'on tuera les betes
La louve avec l'agneau l'aigle avec la colombe
Une foule de rois ennemis et cruels
Ayant soif comme toi dans la vigne eternelle
Sortiront de la terre et viendront dans les airs
Pour boire de mon vin par deux fois millenaire
La Moselle et le Rhin se joignent en silence
C'est l'Europe qui prie nuit et jour a Coblence
Et moi qui m'attardais sur le quai a Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu'il est temps j'entendis la priere
Qui joignait la limpidite de ces rivieres
O Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord
Tous les grains ont muri pour cette soif terrible
Mes grappes d'hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras a longs traits tout le sang de l'Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c'est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui refletent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la realite chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la priere
Nous menons vers le sel les eaux aventurieres
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflete en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s'elance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence
Les villes repondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines
Et Treves la ville ancienne
A leur voix melait la sienne
L'univers tout entier concentre dans ce vin
Qui contenait les mers les animaux les plantes
Les cites les destins et les astres qui chantent
Les hommes a genoux sur la rive du ciel
Et le docile fer notre bon compagnon
Le feu qu'il faut aimer comme on s'aime soi-meme
Tous les fiers trepasses qui sont un sous mon front
L'eclair qui luit ainsi qu'une pensee naissante
Tous les noms six par six les nombres un a un
Des kilos de papier tordus comme des flammes
Et ceux-la qui sauront blanchir nos ossements
Les bons vers immortels qui s'ennuient patiemment
Des armees rangees en bataille
Des forets de crucifix et mes demeures lacustres
Au bord des yeux de celle que j'aime tant
Les fleurs qui s'ecrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaitrai jamais
Tout cela tout cela change en ce vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors presente
Actions belles journees sommeils terribles
Vegetation Accouplements musiques eternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas desaltere
Mais je connus des lors quelle saveur a l'univers
Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers
Sur le quai d'ou je voyais l'onde couler et dormir les belandres
Ecoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s'il me plait l'univers
Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s'achevait lentement
Les feux rouges des ponts s'eteignaient dans la Seine
Les etoiles mouraient le jour naissait a peine
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Title: Alcools
Author: Guillaume Apollinaire
Release Date: March 25, 2005 [EBook #15462]
[This file last updated October 31, 2010]
Language: French
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALCOOLS ***
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Guillaume Apollinaire
ALCOOLS
(1898 - 1912)
Table des matieres
Zone
Le pont Mirabeau
La Chanson du Mal-Aime
Aubade chantee a Laetare l'an passe
Beaucoup de ces dieux. . .
Reponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople
Voie lactee {1}
Les sept epees
Voie lactee {2}
Les colchiques
Palais
Chantre
Crepuscule
Annie
La maison des morts
Clotilde
Cortege
Marizibill
Le voyageur
Marie
La blanche neige
Poeme lu au mariage d'Andre Salmon
L'Adieu
Salome
La porte
Merlin et la vieille femme
Saltimbanques
Le larron
Le vent nocturne
Lul de Faltenin
La tzigane
L'ermite
Automne
L'Emigrant de Landor Road
Rosemonde
Le brasier
Je flambe dans le brasier
Descendant des hauteurs
Rhenanes
Nuit rhenane
Mai
La synagogue
Les cloches
La Loreley
Schinderhannes
Rhenane d'automne
Les sapins
Les femmes
Signe
Un soir
La dame
Les fiancailles
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je n'ai plus meme pitie de moi
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Pardonnez-moi mon ignorance
J'observe le repos du dimanche
A la fin les mensonges ne me font plus peur
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Clair de lune
1909
A la Sante
Automne malade
Hotels
Cors de chasse
Vendemiaire
ZONE
A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergere o tour Eiffel le troupeau des ponts bele ce matin
Tu en as assez de vivre dans l'antiquite grecque et romaine
Ici meme les automobiles ont l'air d'etre anciennes
La religion seule est restee toute neuve la religion
Est restee simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n'es pas antique o Christianisme
L'Europeen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenetres observent la honte te retient
D'entrer dans une eglise et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent
tout haut
Voila la poesie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons a 25 centimes pleines d'aventures policieres
Portraits des grands hommes et mille titres divers
J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublie le nom
Neuve et propre du soleil elle etait le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles steno-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirene y gemit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis a la facon des perroquets criaillent
J'aime la grace de cette rue industrielle
Situee a Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des
Ternes
Voila la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant
Ta mere ne t'habille que de bleu et de blanc
Tu es tres pieux et avec le plus ancien de tes camarades Rene
Dalize
Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Eglise
Il est neuf heures le gaz est baisse tout bleu vous sortez du
dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du college
Tandis qu'eternelle et adorable profondeur amethyste
Tourne a jamais la flamboyante gloire du Christ
C'est le beau lys que tous nous cultivons
C'est la torche aux cheveux roux que n'eteint pas le vent
C'est le fils pale et vermeil de la douloureuse mere
C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prieres
C'est la double potence de l'honneur et de l'eternite
C'est l'etoile a six branches
C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il detient le record du monde pour la hauteur
Pupille Christ de l'oeil
Vingtieme pupille des siecles il sait y faire
Et change en oiseau ce siecle comme Jesus monte dans l'air
Les diables dans les abimes levent la tete pour le regarder
Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judee
Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aeroplane
Ils s'ecartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la
Sainte-Eucharistie
Ces pretres qui montent eternellement elevant l'hostie
L'avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles
A tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D'Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
L'oiseau Roc celebre par les conteurs et les poetes
Plane tenant dans les serres le crane d'Adam la premiere tete
L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri
Et d'Amerique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immacule
Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocelle
Le phenix ce bucher qui soi-meme s'engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirenes laissant les perilleux detroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phenix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants pres de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus etre aime
Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastere
Vous avez honte quand vous vous surprenez a dire une priere
Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire petille
Les etincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C'est un tableau pendu dans un sombre musee
Et quelquefois tu vas le regarder de pres
Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantees
C'etait et je voudrais ne pas m'en souvenir c'etait au declin de
la beaute
Entouree de flammes ferventes Notre-Dame m'a regarde a Chartres
Le sang de votre Sacre-Coeur m'a inonde a Montmartre
Je suis malade d'ouir les paroles bienheureuses
L'amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l'image qui te possede te fait survivre dans l'insomnie et dans
l'angoisse
C'est toujours pres de toi cette image qui passe
Maintenant tu es au bord de la Mediterranee
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'annee
Avec tes amis tu te promenes en barque
L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur
Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d'ecrire ton conte en prose
La cetoine qui dort dans le coeur de la rose
Epouvante tu te vois dessine dans les agates de Saint-Vit
Tu etais triste a mourir le jour ou tu t'y vis
Tu ressembles au Lazare affole par le jour
Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont a rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en ecoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tcheques
Te voici a Marseille au milieu des pasteques
Te voici a Coblence a l'hotel du Geant
Te voici a Rome assis sous un neflier du Japon
Te voici a Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et
qui est laide
Elle doit se marier avec un etudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je m'en souviens j'y ai passe trois jours et autant a Gouda
Tu es a Paris chez le juge d'instruction
Comme un criminel on te met en etat d'arrestation
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'age
Tu as souffert de l'amour a vingt et a trente ans
J'ai vecu comme un fou et j'ai perdu mon temps
Tu n'oses plus regarder tes mains et a tous moments je voudrais
sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a epouvante
Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres emigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur etoile comme les rois-mages
Ils esperent gagner de l'argent dans l'Argentine
Et revenir dans leur pays apres avoir fait fortune
Une famille transporte un edredon rouge comme vous transportez
votre coeur
Cet edredon et nos reves sont aussi irreels
Quelques-uns de ces emigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Ecouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue
Et se deplacent rarement comme les pieces aux echecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un cafe a deux sous parmi les malheureux
Tu es la nuit dans un grand restaurant
Ces femmes ne sont pas mechantes elles ont des soucis cependant
Toutes meme la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey
Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercees
J'ai une pitie immense pour les coutures de son ventre
J'humilie maintenant a une pauvre fille au rire horrible ma bouche
Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s'eloigne ainsi qu'une belle Metive
C'est Ferdine la fausse ou Lea l'attentive
Et tu bois cet alcool brulant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi a pied
Dormir parmi tes fetiches d'Oceanie et de Guinee
Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christ inferieurs des obscures esperances
Adieu Adieu
Soleil cou coupe
LE PONT MIRABEAU
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours apres la peine.
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face a face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des eternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Esperance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passe
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
LA CHANSON DU MAL-AIME
A Paul Leautaud
Et je chantais cette romance
En 1903 sans savoir
Que mon amour a la semblance
Du beau Phenix s'il meurt un soir
Le matin voit sa renaissance.
Un soir de demi-brume a Londres
Un voyou qui ressemblait a
Mon amour vint a ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garcon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hebreux moi Pharaon
Que tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimee
Je suis le souverain d'Egypte
Sa soeur-epouse son armee
Si tu n'es pas l'amour unique
Au tournant d'une rue brulant
De tous les feux de ses facades
Plaies du brouillard sanguinolent
Ou se lamentaient les facades
Une femme lui ressemblant
C'etait son regard d'inhumaine
La cicatrice a son cou nu
Sortit saoule d'une taverne
Au moment ou je reconnus
La faussete de l'amour meme
Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Pres d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revint
L'epoux royal de Sacontale
Las de vaincre se rejouit
Quand il la retrouva plus pale
D'attente et d'amour yeux palis
Caressant sa gazelle male
J'ai pense a ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infideles
Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l'enfer se fonde
Qu'un ciel d'oubli s'ouvre a mes voeux
Pour son baiser les rois du monde
Seraient morts les pauvres fameux
Pour elle eussent vendu leur ombre
J'ai hiverne dans mon passe
Revienne le soleil de Paques
Pour chauffer un coeur plus glace
Que les quarante de Sebaste
Moins que ma vie martyrises
Mon beau navire o ma memoire
Avons-nous assez navigue
Dans une onde mauvaise a boire
Avons-nous assez divague
De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'eloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'annee derniere en Allemagne
Et que je ne reverrai plus
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Je me souviens d'une autre annee
C'etait l'aube d'un jour d'avril
J'ai chante ma joie bien-aimee
Chante l'amour a voix virile
Au moment d'amour de l'annee
Aubade chantee a Laetare l'an passe
C'est le printemps viens-t'en Paquette
Te promener au bois joli
Les poules dans la cour caquetent
L'aube au ciel fait de roses plis
L'amour chemine a ta conquete
Mars et Venus sont revenus
Ils s'embrassent a bouches folles
Devant des sites ingenus
Ou sous les roses qui feuillolent
De beaux dieux roses dansent nus
Viens ma tendresse est la regente
De la floraison qui parait
La nature est belle et touchante
Pan sifflote dans la foret
Les grenouilles humides chantent
Beaucoup de ces dieux. . .
Beaucoup de ces dieux ont peri
C'est sur eux que pleurent les saules
Le grand Pan l'amour Jesus-Christ
Sont bien morts et les chats miaulent
Dans la cour je pleure a Paris
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes
L'amour est mort j'en suis tremblant
J'adore de belles idoles
Les souvenirs lui ressemblant
Comme la femme de Mausole
Je reste fidele et dolent
Je suis fidele comme un dogue
Au maitre le lierre au tronc
Et les Cosaques Zaporogues
Ivrognes pieux et larrons
Aux steppes et au decalogue
Portez comme un joug le Croissant
Qu'interrogent les astrologues
Je suis le Sultan tout-puissant
O mes Cosaques Zaporogues
Votre Seigneur eblouissant
Devenez mes sujets fideles
Leur avait ecrit le Sultan
Ils rirent a cette nouvelle
Et repondirent a l'instant
A la lueur d'une chandelle
Reponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople
Plus criminel que Barrabas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzebuth es-tu la-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas a tes sabbats
Poisson pourri de Salonique
Long collier des sommeils affreux
D'yeux arraches a coup de pique
Ta mere fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique
Bourreau de Podolie Amant
Des plaies des ulceres des croutes
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes medicaments
Voie lactee {1}
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthere
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amere
Qui a rebute nos destins
Ses regards laissaient une traine
D'etoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirenes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fees marraines
Mais en verite je l'attends
Avec mon coeur avec mon ame
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais reviens cette femme
Je lui dirai Je suis content
Mon coeur et ma tete se vident
Tout le ciel s'ecoule par eux
O mes tonneaux des Danaides
Comment faire pour etre heureux
Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
O marguerite exfoliee
Mon ile au loin ma Desirade
Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes
Les egypans les feux follets
Et les destins damnes ou faustes
La corde au cou comme a Calais
Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon ame et mon corps incertains
Te fuient o bucher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pale aux yeux d'ivoire
Tes pretres fous t'ont-ils pare
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleure
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
O mon ombre o mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menee souviens-t'en bien
Tenebreuse epouse que j'aime
Tu es a moi en n'etant rien
O mon ombre en deuil de moi-meme
L'hiver est mort tout enneige
On a brule les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'Avril leger
Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides
Et moi j'ai le coeur aussi gros
Qu'un cul de dame damascene
O mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept epees hors du fourreau
Sept epees de melancolie
Sans morfil o claires douleurs
Sont dans mon coeur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie
Les sept epees
La premiere est toute d'argent
Et son nom tremblant c'est Paline
Sa lame un ciel d'hiver neigeant
Son destin sanglant gibeline
Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommee Noubosse
Est un bel arc-en-ciel joyeux
Les dieux s'en servent a leurs noces
Elle a tue trente Be-Rieux
Et fut douee par Carabosse
La troisieme bleu feminin
N'en est pas moins un chibriape
Appele Lul de Faltenin
Et que porte sur une nappe
L'Hermes Ernest devenu nain
La quatrieme Malourene
Est un fleuve vert et dore
C'est le soir quand les riveraines
Y baignent leurs corps adores
Et des chants de rameurs s'y trainent
La cinquieme Sainte-Fabeau
C'est la plus belle des quenouilles
C'est un cypres sur un tombeau
Ou les quatre vents s'agenouillent
Et chaque nuit c'est un flambeau
La Sixieme metal de gloire
C'est l'ami aux si douces mains
Dont chaque matin nous separe
Adieu voila votre chemin
Les coqs s'epuisaient en fanfares
Et la septieme s'extenue
Une femme une rose morte
Merci que le dernier venu
Sur mon amour ferme la porte
Je ne vous ai jamais connue
Voie lactee {2}
Voie lactee o soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nebuleuses
Les demons du hasard selon
Le chant du firmament nous menent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente a reculons
Destins destins impenetrables
Rois secoues par la folie
Et ces grelottantes etoiles
De fausses femmes dans vos lits
Aux deserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince regent
Tuteur de deux royautes folles
Sanglote-t-il en y songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorees de la Saint-Jean
Pres d'un chateau sans chatelaine
La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc et sous l'haleine
Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirene
Un jour le roi dans l'eau d'argent
Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournee au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre
Brule mes doigts endoloris
Triste et melodieux delire
J'erre a travers mon beau Paris
Sans avoir le coeur d'y mourir
Les dimanches s'y eternisent
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'electricite
Les tramways feux verts sur l'echine
Musiquent au long des portees
De rails leur folie de machines
Les cafes gonfles de fumee
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumes
De leurs garcons vetus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimee
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes annees
Des hymnes d'esclave aux murenes
La romance du mal aime
Et des chansons pour les sirenes
LES COLCHIQUES
Le pre est veneneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'ecole viennent avec fracas
Vetus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des meres
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupieres
Qui battent comme les fleurs battent au vent dement
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pre mal fleuri par l'automne
PALAIS
A Max Jacob
Vers le palais de Rosemonde au fond du Reve
Mes reveuses pensees pieds nus vont en soiree
Le palais don du roi comme un roi nu s'eleve
Des chairs fouettees des roses de la roseraie
On voit venir au fond du jardin mes pensees
Qui sourient du concert joue par les grenouilles
Elles ont envie des cypres grandes quenouilles
Et le soleil miroir des roses s'est brise
Le stigmate sanglant des mains contre les vitres
Quel archet mal blesse du couchant le troua
La resine qui rend amer le vin de Chypre
Ma bouche aux agapes d'agneau blanc l'eprouva
Sur les genoux pointus du monarque adultere
Sur le mai de son age et sur son trente et un
Madame Rosemonde roule avec mystere
Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns
Dame de mes pensees au cul de perle fine
Dont ni perle ni cul n'egale l'orient
Qui donc attendez-vous
De reveuses pensees en marche a l'Orient
Mes plus belles voisines
Toc toc Entrez dans l'antichambre le jour baisse
La veilleuse dans l'ombre est un bijou d'or cuit
Pendez vos tetes aux pateres par les tresses
Le ciel presque nocturne a des lueurs d'aiguilles
On entra dans la salle a manger les narines
Reniflaient une odeur de graisse et de graillon
On eut vingt potages dont trois couleurs d'urine
Et le roi prit deux oeufs poches dans du bouillon
Puis les marmitons apporterent les viandes
Des rotis de pensees mortes dans mon cerveau
Mes beaux reves mort-nes en tranches bien saignantes
Et mes souvenirs faisandes en godiveaux
Or ces pensees mortes depuis des millenaires
Avaient le fade gout des grands mammouths geles
Les os ou songe-creux venaient des ossuaires
En danse macabre aux plis de mon cervelet
Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles
Mais nom de Dieu!
Ventre affame n'a pas d'oreilles
Et les convives mastiquaient a qui mieux mieux
Ah! nom de Dieu! qu'ont donc crie ces entrecotes
Ces grands pates ces os a moelle et mirotons
Langues de feu ou sont-elles mes pentecotes
Pour mes pensees de tous pays de tous les temps
CHANTRE
Et l'unique cordeau des trompettes marines
CREPUSCULE
A Mademoiselle Marie Laurencin
Frolee par les ombres des morts
Sur l'herbe ou le jour s'extenue
L'arlequine s'est mise nue
Et dans l'etang mire son corps
Un charlatan crepusculaire
Vante les tours que l'on va faire
Le ciel sans teinte est constelle
D'astres pales comme du lait
Sur les treteaux l'arlequin bleme
Salue d'abord les spectateurs
Des sorciers venus de Boheme
Quelques fees et les enchanteurs
Ayant decroche une etoile
Il la manie a bras tendu
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales
L'aveugle berce un bel enfant
La biche passe avec ses faons
Le nain regarde d'un air triste
Grandir l'arlequin trismegiste
ANNIE
Sur la cote du Texas
Entre Mobile et Galveston il y a
Un grand jardin tout plein de roses
Il contient aussi une villa
Qui est une grande rose
Une femme se promene souvent
Dans le jardin toute seule
Et quand je passe sur la route bordee de tilleuls
Nous nous regardons
Comme cette femme est mennonite
Ses rosiers et ses vetements n'ont pas de boutons
Il en manque deux a mon veston
La dame et moi suivons presque le meme rite
LA MAISON DES MORTS
A Maurice Raynal
S'etendant sur les cotes du cimetiere
La maison des morts l'encadrait comme un cloitre
A l'interieur de ses vitrines
Pareilles a celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimacaient pour l'eternite
Arrive a Munich depuis quinze ou vingt jours
J'etais entre pour la premiere fois et par hasard
Dans ce cimetiere presque desert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposee et vetue le mieux possible
En attendant la sepulture
Soudain
Rapide comme ma memoire
Les yeux ses rallumerent
De cellule vitree en cellule vitree
Le ciel se peupla d'une apocalypse
Vivace
Et la terra plate a l'infini
Comme avant Galilee
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m'accosterent
Avec des mines de l'autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientot moins funebres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se rejouissaient
De voir leurs corps trepasses entre eux et la lumiere
Ils riaient de voir leur ombre et l'observaient
Comme si veritablement
C'eut ete leur vie passee
Alors je les denombrai
Ils etaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient a vue d'oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialite
Tant de tendresse meme
Que les prenant en amitie
Tout a coup
Je les invitai a une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos peches sont absous
Nous quittames le cimetiere
Nous traversames la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts recents
Tous etaient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s'eparpilla
Deux chevau-legers nous joignirent
On leur fit fete
Ils couperent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu'ils distribuerent aux enfants
Plus tard dans un bal champetre
Les couples mains sur les epaules
Danserent au son aigre des cithares
Ils n'avaient pas oublie la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps a autre une cloche
Annoncait qu'un autre tonneau
Allait etre mis en perce
Une morte assise sur un banc
Pres d'un buisson d'epine-vinette
Laissait un etudiant
Agenouille a ses pieds
Lui parler de fiancailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s'il le faut
Votre volonte sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
Repondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l'autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poetiques
De l'humanite
L'etudiant passa une bague
A l'annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fiancailles
Ni le temps ni l'absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous auront une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vetements et dans vos cheveux
Un beau sermon a l'eglise
De longs discours apres le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fiancee
Seront plus beaux plus beaux encore
Helas! la bague etait brisee
Que s'ils etaient d'argent ou d'or
D'emeraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumiere de l'aurore
Que vos regards mon fiance
Auront meilleure odeur encore
Helas! la bague etait brisee
Que le lilas qui vient d'eclore
Que le thym la rose ou qu'un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s'en etant alles
Nous continuames la promenade
Au bord d'un lac
On s'amusa a faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l'eau qui dansait a peine
Des barques etaient amarrees
Dans un havre
On les detacha
Apres que toute la troupe se fut embarquee
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l'avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
Vetue d'une robe jaune
D'un corsage noir
Avec des rubans bleus et d'un chapeau gris
Orne d'une seule petite plume defrisee
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l'insecte nocturne
Aime la lumiere
Trop tard
Repondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour defendu
Je suis mariee
Voyez l'anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques etaient arrivees
A un endroit ou les chevau-legers
Savaient qu'un echo repondait de la rive
On ne se lassait point de l'interroger
Il y eut des questions si extravagantes
Et des reponses tellement pleines d'a-propos
Que c'etait a mourir de rire
Et le mort disait a la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l'eau se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s'entr'aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient a distances inegales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un genevrier parfois
Faisait l'effet d'un fantome
Les enfants dechiraient l'air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se repondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu a peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bientot
Bientot entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quitterent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir
Bientot je restai seul avec ces morts
Qui s'en allaient tout droit
Au cimetiere
Ou
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couches
Immobiles
Et bien vetus
Attendant la sepulture derriere les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s'etait passe
Mais les vivants en gardaient le souvenir
C'etait un bonheur inespere
Et si certain
Qu'ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs egaux
Ou meme quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur genie
Car y a-t-il rien qui vous eleve
Comme d'avoir aime un mort ou une morte
On devient si pur qu'on en arrive
Dans les glaciers de la memoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifie pour la vie
Et l'on n'a plus besoin de personne
CLOTILDE
L'anemone et l'ancolie
Ont pousse dans le jardin
Ou dort la melancolie
Entre l'amour et le dedain
Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaitra
Les deites des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux
CORTEGE
A M. Leon Bailby
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
A la limite ou notre sol brille deja
Baisse ta deuxieme paupiere la terre t'eblouit
Quand tu leves la tete
Et moi aussi de pres je suis sombre et terne
Une brume qui vient d'obscurcir les lanternes
Une main qui tout a coup se pose devant les yeux
Une voute entre vous et toutes les lumieres
Et je m'eloignerai m'illuminant au milieu d'ombres
Et d'alignements d'yeux des astres bien-aimes
Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
A la limite ou brille deja ma memoire
Baisse ta deuxieme paupiere
Ni a cause du soleil ni a cause de la terre
Mais pour ce feu oblong dont l'intensite ira s'augmentant
Au point qu'il deviendra un jour l'unique lumiere
Un jour
Un jour je m'attendais moi-meme
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-la que je suis
Moi qui connais les autres
Je les connais par les cinq sens et quelques autres
Il me suffit de voir leur pieds pour pouvoir refaire ces gens a
milliers
De voir leurs pieds paniques un seul de leurs cheveux
De voir leur langue quand il me plait de faire le medecin
Ou leurs enfants quand il me plait de faire le prophete
Les vaisseaux des armateurs la plume de mes confreres
La monnaie des aveugles les mains des muets
Ou bien encore a cause du vocabulaire et non de l'ecriture
Une lettre ecrite par ceux qui ont plus de vingt ans
Il me suffit de sentir l'odeur de leurs eglises
L'odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics
O Corneille Agrippa l'odeur d'un petit chien m'eut suffi
Pour decrire exactement tes concitoyens de Cologne
Leurs rois-mages et la ribambelle ursuline
Qui t'inspirait l'erreur touchant toutes les femmes
Il me suffit de gouter la saveur de laurier qu'on cultive pour que
j'aime ou que je bafoue
Et de toucher les vetements
Pour ne pas douter si l'on est frileux ou non
O gens que je connais
Il me suffit d'entendre le bruit de leurs pas
Pour pouvoir indiquer a jamais la direction qu'ils ont prise
Il me suffit de tous ceux-la pour me croire le droit
De ressusciter les autres
Un jour je m'attendais moi-meme
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Et d'un lyrique pas s'avancaient ceux que j'aime
Parmi lesquels je n'etais pas
Les geants couverts d'algues passaient dans leurs villes
Sous-marines ou les tours seules etaient des iles
Et cette mer avec les clartes de ses profondeurs
Coulait sang de mes veines et fait battre mon coeur
Puis sur cette terre il venait mille peuplades blanches
Dont chaque homme tenait une rose a la main
Et le langage qu'ils inventaient en chemin
Je l'appris de leur bouche et je le parle encore
Le cortege passait et j'y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n'etaient pas moi-meme
Amenaient un a un les morceaux de moi-meme
On me batit peu a peu comme on eleve une tour
Les peuples s'entassaient et je parus moi-meme
Qu'ont forme tous les corps et les choses humaines
Temps passes Trepasses Les dieux qui me formates
Je ne vis que passant ainsi que vous passates
Et detournant mes yeux de ce vide avenir
En moi-meme je vois tout le passe grandir
Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore
Pres du passe luisant demain est incolore
Il est informe aussi pres de ce qui parfait
Presente tout ensemble et l'effort et l'effet
MARIZIBILL
Dans la Haute-Rue a Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte a tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Tres tard dans les brasseries borgnes
Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'etait un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tiree d'un bordel de Changai
Je connais des gens de toutes sortes
Ils n'egalent pas leurs destins
Indecis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal eteints
Leurs coeurs bougent comme leurs portes
LE VOYAGEUR
A Fernand Fleuret
Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fievres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu
Vagues poissons arques fleurs submarines
Une nuit c'etait la mer
Et les fleuves s'y repandaient
Je m'en souviens je m'en souviens encore
Un soir je descendis dans une auberge triste
Aupres de Luxembourg
Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ
Quelqu'un avait un furet
Un autre un herisson
L'on jouait aux cartes
Et toi tu m'avais oublie
Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversames des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journees
O matelots o femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous-en
Deux matelots qui ne s'etaient jamais quittes
Deux matelots qui ne s'etaient jamais parle
Le plus jeune en mourant tomba sur le cote
O vous chers compagnons
Sonneries electriques des gares chant des moissonneuses
Traineau d'un boucher regiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles
Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages
Les cypres projetaient sous la lune leurs ombres
J'ecoutais cette nuit au declin de l'ete
Un oiseau langoureux et toujours irrite
Et le bruit eternel d'un fleuve large et sombre
Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux
Les bords etaient deserts herbus silencieux
Et la montagne a l'autre rive etait tres claire
Alors sans bruit sans qu'on put voir rien de vivant
Contre le mont passerent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l'ombre de leurs lances en avant
Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas a pas sur la montagne claire
Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies
Te souviens-tu du jour ou une vieille abeille tomba dans le feu
C'etait tu t'en souviens a la fin de l'ete
Deux matelots qui ne s'etaient jamais quittes
L'aine portait au cou une chaine de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse
Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
MARIE
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mere-grand
C'est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer a peine
Et mon mal est delicieux
Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un coeur a moi ce coeur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je ou s'en iront tes cheveux
Crepus comme mer qui moutonne
Sais-je ou s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil a ma peine
Il s'ecoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
LA BLANCHE NEIGE
Les anges les anges dans le ciel
L'un est vetu en officier
L'un est vetu en cuisinier
Et les autres chantent
Bel officier couleur du ciel
Le doux printemps longtemps apres Noel
Te medaillera d'un beau soleil
D'un beau soleil
Le cuisinier plume les oies
Ah! tombe neige
Tombe et que n'ai-je
Ma bien-aimee entre mes bras
POEME LU AU MARIAGE D'ANDRE SALMON
Le 13 juillet 1909
En voyant des drapeaux ce matin je ne me suis pas dit
Voila les riches vetements des pauvres
Ni la pudeur democratique veut me voiler sa douleur
Ni la liberte en honneur fait qu'on imite maintenant
Les feuilles o liberte vegetale o seule liberte terrestre
Ni les maisons flambent parce qu'on partira pour ne plus revenir
Ni ces mains agitees travailleront demain pour nous tous
Ni meme on a pendu ceux qui ne savaient pas profiter de la vie
Ni meme on renouvelle le monde en reprenant la Bastille
Je sais que seuls le renouvellent ceux qui sont fondes en poesie
On a pavoise Paris parce que mon ami Andre Salmon s'y marie
Nous nous sommes rencontres dans un caveau maudit
Au temps de notre jeunesse
Fumant tous deux et mal vetus attendant l'aube
Epris epris des memes paroles dont il faudra changer le sens
Trompes trompes pauvres petits et ne sachant pas encore rire
La table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le
dernier regard d'Orphee
Les verres tomberent se briserent
Et nous apprimes a rire
Nous partimes alors pelerins de la perdition
A travers les rues a travers les contrees a travers la raison
Je le revis au bord du fleuve sur lequel flottait Ophelie
Qui blanche flotte encore entre les nenuphars
Il s'en allait au milieu des Hamlets blafards
Sur la flute jouant les airs de la folie
Je le revis pres d'un moujik mourant compter les beatitudes
En admirant la neige semblable aux femmes nues
Je le revis faisant ceci ou cela en l'honneur des memes paroles
Qui changent la face des enfants et je dis toutes ces choses
Souvenir et Avenir parce que mon ami Andre Salmon se marie
Rejouissons-nous non pas parce que notre amitie a ete le fleuve
qui nous a fertilises
Terrains riverains dont l'abondance est la nourriture que tous
esperent
Ni parce que nos verres nous jettent encore une fois le regard
d'Orphee mourant
Ni parce que nous avons tant grandi que beaucoup pourraient
confondre nos yeux et les etoiles
Ni parce que les drapeaux claquent aux fenetres des citoyens qui
sont contents depuis cent ans d'avoir la vie et de menues choses a
defendre
Ni parce que fondes en poesie nous avons des droits sur les
paroles qui forment et defont l'Univers
Ni parce que nous pouvons pleurer sans ridicule et que nous savons
rire
Ni parce que nous fumons et buvons comme autrefois
Rejouissons-nous parce que directeur du feu et des poetes
L'amour qui emplit ainsi que la lumiere
Tout le solide espace entre les etoiles et les planetes
L'amour veut qu'aujourd'hui mon ami Andre Salmon se marie
L'ADIEU
J'ai cueilli ce brin de bruyere
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyere
Et souviens-toi que je t'attends
SALOME
Pour que sourie encore une fois Jean-Baptiste
Sire je danserais mieux que les seraphins
Ma mere dites-moi pourquoi vous etes triste
En robe de comtesse a cote du Dauphin
Mon coeur battait battait tres fort a sa parole
Quand je dansais dans le fenouil en ecoutant
Et je brodais des lys sur une banderole
Destinee a flotter au bout de son baton
Et pour qui voulez-vous qu'a present je la brode
Son baton refleurit sur les bords du Jourdain
Et tous les lys quand vos soldats o roi Herode
L'emmenerent se sont fletris dans mon jardin
Venez tous avec moi la-bas sous les quinconces
Ne pleure pas o joli fou du roi
Prends cette tete au lieu de ta marotte et danse
N'y touchez pas son front ma mere est deja froid
Sire marchez devant trabants marchez derriere
Nous creuserons un trou et l'y enterrerons
Nous planterons des fleurs et danserons en rond
Jusqu'a l'heure ou j'aurai perdu ma jarretiere
Le roi sa tabatiere
L'infante son rosaire
Le cure son breviaire
LA PORTE
La porte de l'hotel sourit terriblement
Qu'est-ce que cela peut me faire o ma maman
D'etre cet employe pour qui seul rien n'existe
Pi-mus couples allant dans la profonde eau triste
Anges frais debarques a Marseille hier matin
J'entends mourir et remourir un chant lointain
Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille
Enfant je t'ai donne ce que j'avais travaille
MERLIN ET LA VIEILLE FEMME
Le soleil ce jour-la s'etalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumiere est ma mere o lumiere sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel
Au carrefour ou nulle fleur sinon la rose
Des vents mais sans epine n'a fleuri l'hiver
Merlin guettait la vie et l'eternelle cause
Qui fait mourir et puis renaitre l'univers
Une vieille sur une mule a chape verte
S'en vint suivant la berge du fleuve en aval
Et l'antique Merlin dans la plaine deserte
Se frappait la poitrine en s'ecriant Rival
O mon etre glace dont le destin m'accable
Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir
Ma Memoire venir et m'aimer ma semblable
Et quel fils malheureux et beau je veux avoir
Son geste fit crouler l'orgueil des cataclysmes
Le soleil en dansant remuait son nombril
Et soudain le printemps d'amour et d'heroisme
Amena par la main un jeune jour d'avril
Les voies qui viennent de l'ouest etaient couvertes
D'ossements d'herbes drues de destins et de fleurs
Des monuments tremblants pres des charognes vertes
Quand les vents apportaient des poils et des malheurs
Laissant sa mule a petits pas s'en vint l'amante
A petits coups le vent defripait ses atours
Puis les pales amants joignant leurs mains dementes
L'entrelacs de leurs doigts fut leur seul laps d'amour
Elle balla mimant un rythme d'existence
Criant Depuis cent ans j'esperais ton appel
Les astres de ta vie influaient sur ma danse
Morgane regardait de haut du mont Gibel
Ah! qu'il fait doux danser quand pour vous se declare
Un mirage ou tout chante et que les vents d'horreur
Feignent d'etre le rire de la lune hilare
Et d'effrayer les fantomes avants-coureurs
J'ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lemures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les beatitudes
Qui toutes ne sont rien qu'un pur effet de l'Art
Je n'ai jamais cueilli que la fleur d'aubepine
Aux printemps finissants qui voulaient defleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D'agneaux mort-nes et d'enfants-dieux qui vont mourir
Et j'ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j'eusse ete tot lasse et l'aubepine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D'un corps de vieille morte en mimant la douleur
Et leurs mains s'elevaient comme un vol de colombes
Clarte sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis Merlin s'en alla vers l'est disant Qu'il monte
Le fils de ma Memoire egale de l'Amour
Qu'il monte de la fange ou soit une ombre d'homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbe de feu sur le chemin de Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel
La dame qui m'attend se nomme Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couche parmi la marjolaine et les pas-d'ane
Je m'eterniserai sous l'aubepine en fleurs
SALTIMBANQUES
A Louis Dumur
Dans la plaine les baladins
S'eloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans eglises
Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en revant
Chaque arbre fruitier se resigne
Quand de tres loin ils lui font signe
Ils ont des poids ronds ou carres
Des tambours des cerceaux dores
L'ours et le singe animaux sages
Quetent des sous sur leur passage
LE LARRON
CHOEUR
Maraudeur etranger malheureux malhabile
Voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits
Mais puisque tu as faim que tu es en exil
Il pleure il est barbare et bon pardonnez-lui
LARRON
Je confesse le vol des fruits doux des fruits murs
Mais ce n'est pas l'exil que je viens simuler
Et sachez que j'attends de moyennes tortures
Injustes si je rends tout ce que j'ai vole
VIEILLARD
Issu de l'ecume des mers comme Aphrodite
Sois docile puisque tu es beau Naufrage
Vois les sages te font des gestes socratiques
Vous parlerez d'amour quand il aura mange
CHOEUR
Maraudeur etranger malhabile et malade
Ton pere fut un sphinx et ta mere une nuit
Qui charma de lueurs Zacinthe et les Cyclades
As-tu feint d'avoir faim quand tu volas les fruits
LARRON
Possesseurs de fruits murs que dirai-je aux insultes
Ouir ta voix ligure en nenie o maman
Puisqu'ils n'eurent enfin la pubere et l'adulte
De pretexte sinon de s'aimer nuitamment
Il y avait des fruits tout ronds comme des ames
Et des amandes de pomme de pin jonchaient
Votre jardin marin ou j'ai laisse mes rames
Et mon couteau punique au pied de ce pecher
Les citrons couleur d'huile et a saveur d'eau froide
Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus
Les oiseaux de leur bec ont blesse vos grenades
Et presque toutes les figues etaient fendues
L'ACTEUR
Il entra dans la salle aux fresques qui figurent
L'inceste solaire et nocturne dans les nues
Assieds-toi la pour mieux ouir les voix ligures
Au son des cinyres des Lydiennes nues
Or les hommes ayant des masques de theatre
Et les femmes ayant des colliers ou pendaient
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Parlaient entre eux le langage de la Chaldee
Les autans langoureux dehors feignaient l'automne
Les convives c'etaient tant de couples d'amants
Qui dirent tour a tour Voleur je te pardonne
Recois d'abord le sel puis le pain de froment
Le brouet qui froidit sera fade a tes levres
Mais l'outre en peau de bouc maintient frais le vin blanc
Par ironie veux-tu qu'on serve un plat de feves
Ou des beignets de fleurs trempes dans du miel blond
Une femme lui dit Tu n'invoques personne
Crois-tu donc au hasard qui coule au sablier
Voleur connais-tu mieux les lois malgre les hommes
Veux-tu le talisman heureux de mon collier
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
Qui donc es-tu toi qui nous vins grace au vent scythe
Il en est tant venu par la route ou la mer
Conquerants egares qui s'eloignaient trop vite
Colonnes de clins d'yeux qui fuyaient aux eclairs
CHOEUR
Un homme begue ayant au front deux jets de flammes
Passa menant un peuple infime pour l'orgueil
De manger chaque jour les cailles et la manne
Et d'avoir vu la mer ouverte comme un oeil
Les puiseurs d'eau barbus coiffes de bandelettes
Noires et blanches contre les maux et les sorts
Revenaient de l'Euphrate et les yeux des chouettes
Attiraient quelquefois les chercheurs de tresors
Cet insecte jaseur o poete barbare
Regagnait chastement a l'heure d'y mourir
La foret precieuse aux oiseaux gemmipares
Aux crapauds que l'azur et les sources murirent
Un triomphe passait gemir sous l'arc-en-ciel
Avec de blemes laures debout dans les chars
Les statues suant les scurriles les agnelles
Et l'angoisse rauque des paonnes et des jars
Les veuves precedaient en egrenant des grappes
Les eveques noir reverant sans le savoir
Au triangle isocele ouvert au mors des chapes
Pallas et chantaient l'hymne a la belle mais noire
Les chevaucheurs nous jeterent dans l'avenir
Les alcancies pleines de cendre ou bien de fleurs
Nous aurons des baisers florentins sans le dire
Mais au jardin ce soir tu vins sage et voleur
Ceux de ta secte adorent-ils un signe obscene
Belphegor le soleil le silence ou le chien
Cette furtive ardeur des serpents qui s'entr'aiment
L'ACTEUR
Et le larron des fruits cria Je suis chretien
CHOEUR
Ah! Ah! les colliers tinteront cherront les masques
Va-t'en va-t'en contre le feu l'ombre prevaut
Ah! Ah! le larron de gauche dans la bourrasque
Rira de toi comme hennissent les chevaux
FEMME
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
CHOEUR
Ah! Ah! nous secouerons toute la nuit les sistres
La voix ligure etait-ce donc un talisman
Et si tu n'es pas de droite tu es sinistre
Comme une tache grise ou le pressentiment
Puisque l'absolu choit la chute est une preuve
Qui double devient triple avant d'avoir ete
Nous avouerons que les grossesses nous emeuvent
Les ventres pourront seuls nier l'aseite
Vois les vases sont pleins d'humides fleurs morales
Va-t'en mais denude puisque tout est a nous
Ouis du choeur des vents les cadences plagales
Et prends l'arc pour tuer l'unicorne ou le gnou
L'ombre equivoque et tendre est le deuil de ta chair
Et sombre elle est humaine et puis la notre aussi
Va-t'en le crepuscule a des lueurs legeres
Et puis aucun de nous ne croirait tes recits
Il brillait et attirait comme la pantaure
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
Et les femmes la nuit feignant d'etre des taures
L'eussent aime comme on l'aima puisqu'en effet
Il etait pale il etait beau comme un roi ladre
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Au lieu du roseau triste et du funebre faix
Que n'alla-t-il vivre a la cour du roi D'Edesse
Maigre et magique il eut scrute le firmament
Pale et magique il eut aime des poetesses
Juste et magique il eut epargne les demons
Va-t'en errer credule et roux avec ton ombre
Soit! la triade est male et tu es vierge et froid
Le tact est relatif mais la vue est oblongue
Tu n'as de signe que le signe de la croix
LE VENT NOCTURNE
Oh! les cimes des pins grincent en se heurtant
Et l'on entend aussi se lamenter l'autan
Et du fleuve prochain a grand'voix triomphales
Les elfes rire au vent ou corner aux rafales
Attys Attys Attys charmant et debraille
C'est ton nom qu'en la nuit les elfes ont raille
Parce qu'un de tes pins s'abat au vent gothique
La foret fuit au loin comme une armee antique
Dont les lances o pins s'agitent au tournant
Les villages eteints meditent maintenant
Comme les vierges les vieillards et les poetes
Et ne s'eveilleront au pas de nul venant
Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaetes
LUL DE FALTENIN
A Louis de Gonzague Frick
Sirenes j'ai rampe vers vos
Grottes tiriez aux mers la langue
En dansant devant leurs chevaux
Puis battiez de vos ailes d'anges
Et j'ecoutais ces choeurs rivaux
Une arme o ma tete inquiete
J'agite un feuillage defleuri
Pour ecarter l'haleine tiede
Qu'exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes
Il y a la-bas la merveille
Au prix d'elle que valez-vous
Le sang jaillit de mes otelles
A mon aspect et je l'avoue
Le meurtre de mon double orgueil
Si les bateliers ont rame
Loin des levres a fleur de l'onde
Mille et mille animaux charmes
Flairent la route a la rencontre
De mes blessures bien-aimees
Leurs yeux etoiles bestiales
Eclairent ma compassion
Qu'importe sagesse egale
Celle des constellations
Car c'est moi seul nuit qui t'etoile
Sirenes enfin je descends
Dans une grotte avide J'aime
Vos yeux Les degres sont glissants
Au loin que vous devenez naines
N'attirez plus aucun passant
Dans l'attentive et bien-apprise
J'ai vu feuilloler nos forets
Mer le soleil se gargarise
Ou les matelots desiraient
Que vergues et mats reverdissent
Je descends et le firmament
S'est change tres vite en meduse
Puisque je flambe atrocement
Que mes bras seuls sont les excuses
Et les torches de mon tourment
Oiseaux tiriez aux mers la langue
Le soleil d'hier m'a rejoint
Les otelles nous ensanglantent
Dans le nid des Sirenes loin
Du troupeau d'etoiles oblongues
LA TZIGANE
La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrees par les nuits
Nous lui dimes adieu et puis
De ce puits sortit l'Esperance
L'amour lourd comme un ours prive
Dansa debout quand nous voulumes
Et l'oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
On sait tres bien que l'on se damne
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu'a predit la tzigane
L'ERMITE
A Felix Feneon
Un ermite dechaux pres d'un crane blanchi
Cria Je vous maudis martyres et detresses
Trop de tentations malgre moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies
Trop d'etoiles s'enfuient quand je dis mes prieres
O chef de morte O vieil ivoire Orbites Trous
Des narines rongees J'ai faim Mes cris s'enrouent
Voici donc pour mon jeune un morceau de gruyere
O Seigneur flagellez les nuees du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c'est le soir les fleurs de jour deja se closent
Et les souris dans l'ombre incantent le plancher
Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre
L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Saigneur faites Seigneur qu'un jour je m'enamoure
J'attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j'attends qu'elle les dresse
Ses mains enamourees devant moi l'Inconnue
Seigneur que t'ai-je fait Vois Je suis unicorne
Pourtant malgre son bel effroi concupiscent
Comme un poupon cheri mon sexe est innocent
D'etre anxieux seul et debout comme une borne
Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui
La robe sans couture eteignez les ardeurs
Au puits vont se noyer tant de tintements d'heures
Quand isochrones choient des gouttes d'eau de pluie
J'ai veille trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sue du sang Christ dans Gethsemani
Crucifie reponds Dis non Moi je le nie
Car j'ai trop espere en vain l'hematidrose
J'ecoutais a genoux toquer les battements
Du coeur le sang roulait toujours en ses arteres
Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaines
Et mon aorte etait avare eperdument
Une goutte tomba Sueur Et sa couleur
Lueur Le sang si rouge et j'ai ri des damnes
Puis enfin j'ai compris que je saignais du nez
A cause des parfums violents de mes fleurs
Et j'ai ri du vieil ange qui n'est point venu
De vol tres indolent me tendre un beau calice
J'ai ri de l'aile grise et j'ote mon cilice
Tisse de crins soyeux par de cruels canuts
Vertuchou Riotant des vulves des papesses
De saintes sans tetons j'irai vers les cites
Et peut-etre y mourir pour ma virginite
Parmi les mains les peaux les mots et les promesses
Malgre les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adore par la mer
En vain j'ai supplie tous les saints aemeres
Aucun n'a consacre mes doux pains sans levain
Et je marche Je fuis o nuit Lilith ulule
Et clame vainement et je vois de grands yeux
S'ouvrir tragiquement O nuit je vois tes cieux
S'etoiler calmement de splendides pilules
Un squelette de reine innocente est pendu
A un long fil d'etoile en desespoir severe
La nuit les bois sont noirs et se meurt l'espoir vert
Quand meurt les jour avec un rale inattendu
Et je marche je fuis o jour l'emoi de l'aube
Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tetins roses comme des lobes
Des corbeaux eployes comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mur
Non loin des bourgs ou des chaumieres sont impures
D'avoir des hiboux morts cloues a leur plafond
Mes kilometres longs Mes tristesses plenieres
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont egare ma route et mes reves poupins
Souvent et j'ai dormi au sol des sapinieres
Enfin O soir pame Au bout de mes chemins
La ville m'apparut tres grave au son des cloches
Et ma luxure meurt a present que j'approche
En entrant j'ai beni les foules des deux mains
Cite j'ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouille de clairieres bleues
Or mes desirs s'en vont tous a la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffe sa cucuphe
Car toutes sont venues m'avouer leurs peches
Et Seigneur je suis saint par le voeu des amantes
Zelotide et Lorie Louise et Diamante
Ont dit Tu peux savoir o toi l'effarouche
Ermite absous nos fautes jamais venielles
O toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos coeurs sache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessencies comme du miel
Et j'absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poetesses nues des fees des formarines
Aucun pauvre desir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s'enlacant
Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lasse au verger pantelant
Plein du rale pompeux des groseillers sanglants
Et de la sainte cruaute des passiflores
AUTOMNE
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant la-bas le paysan chantonne
Une chanson d'amour et d'infidelite
Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'ete
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises
L'EMIGRANT DE LANDOR ROAD
A Andre Billy.
Le chapeau a la main il entra du pied droit
Chez un tailleur tres chic et fournisseur du roi
Ce commercant venait de couper quelques tetes
De mannequins vetus comme il faut qu'on se vete
La foule en tous sens remuait en melant
Des ombres sans amour qui se trainaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumiere
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amerique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent garde dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habille de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'etant deshabilles
Battirent leurs habits puis les lui essayerent
Le vetement d'un lord mort sans avoir paye
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les annees
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchainees
Intercalees dans l'an c'etaient les journees neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indecises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Ocean en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouilles
Des emigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'etaient agenouilles
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient a l'horizon
Un tout petit bouquet flottant a l'aventure
Couvrit l'Ocean d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa memoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changees en poux
Ces tisseuses tetues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirene moderne sans epoux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'a l'aube ont guette de loin avidement
Des cadavres de jours ronges par les etoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
ROSEMONDE
A Andre Derain
Longtemps au pied du perron de
La maison ou entra la dame
Que j'avais suivie pendant deux
Bonnes heures a Amsterdam
Mes doigts jeterent des baisers
Mais le canal etait desert
Le quai aussi et nul ne vit
Comment mes baisers retrouverent
Celle a qui j'ai donne ma vie
Un jour pendant plus de deux heures
Je la surnommai Rosemonde
Voulant pouvoir me rappeler
Sa bouche fleurie en Hollande
Puis lentement je m'en allai
Pour queter la Rose du Monde
LE BRASIER
A Paul-Napoleon Roinard
J'ai jete dans le noble feu
Que je transporte et que j'adore
De vives mains et meme feu
Ce Passe ces tetes de morts
Flamme je fais ce que tu veux
Le galop soudain des etoiles
N'etant que ce qui deviendra
Se meme au hennissement male
Des centaures dans leurs haras
Et des grand'plaintes vegetales
Ou sont ces tetes que j'avais
Ou est le Dieu de ma jeunesse
L'amour est devenu mauvais
Qu'au brasier les flammes renaissent
Mon ame au soleil se devet
Dans la plaine ont pousse des flammes
Nos coeurs pendent aux citronniers
Les tetes coupees qui m'acclament
Et les astres qui ont saigne
Ne sont que des tetes de femmes
Le fleuve epingle sur la ville
T'y fixe comme un vetement
Partant a l'amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles
Je flambe dans le brasier
Je flambe dans le brasier a l'ardeur adorable
Et les mains des croyants m'y rejettent multiple innombrablement
Les membres des intercis flambent aupres de moi
Eloignez du brasier les ossements
Je suffis pour l'eternite a entretenir le feu de mes delices
Et des oiseaux protegent de leurs ailes ma face et le soleil
O Memoire Combien de races qui forlignent
Des Tyndarides aux viperes ardentes de mon bonheur
Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes
Qui etaient immortels et n'etaient pas chanteurs
Voici ma vie renouvelee
De grands vaisseaux passent et repassent
Je trempe une fois encore mes mains dans l'Ocean
Voici le paquebot et ma vie renouvelee
Ses flammes sont immenses
Il n'y a plus rien de commun entre moi
Et ceux qui craignent les brulures
Descendant des hauteurs
Descendant des hauteurs ou pense la lumiere
Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles
L'avenir masque flambe en traversant les cieux
Nous attendons ton bon plaisir o mon amie
J'ose a peine regarder la divine mascarade
Quand bleuira sur l'horizon la Desirade
Au-dela de notre atmosphere s'eleve un theatre
Que construisit le ver Zamir sans instrument
Puis le soleil revint ensoleiller les places
D'une ville marine apparue contremont
Sur les toits se reposaient les colombes basses
Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie
A petits pas Il orra le chant du patre toute la vie
La-haut le theatre est bati avec le feu solide
Comme les astres dont se nourrit le vide
Et voici le spectacle
Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil
Ma tete mes genoux mes coudes vain pentacle
Les flammes ont pousse sur moi comme des feuilles
Des acteurs inhumains claires betes nouvelles
Donnent des ordres aux hommes apprivoises
Terre
O Dechiree que les fleuves ont reprisee
J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries
Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y devorat
RHENANES
Nuit rhenane
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'a leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez pres de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliees
Le Rhin le Rhin est ivre ou les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refleter
La voix chante toujours a en rale-mourir
Ces fees aux cheveux verts qui incantent l'ete
Mon verre s'est brise comme un eclat de rire
Mai
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous etes si jolies mais la barque s'eloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains?
Or des vergers fleuris se figeaient en arriere
Les petales tombes des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimee
Les petales fleuris sont comme ses paupieres
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menes par des tziganes
Suivaient une roulotte trainee par un ane
Tandis que s'eloignait dans les vignes rhenanes
Sur un fifre lointain un air de regiment
Le mai le joli mai a pare les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
La synagogue
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren
Coiffes de feutres verts le matin du sabbat
Vont a la synagogue en longeant le Rhin
Et les coteaux ou les vignes rougissent la-bas
Ils se disputent et crient des choses qu'on ose a peine traduire
Batard concu pendant les regles ou Que le diable entre dans ton
pere
Le vieux Rhin souleve sa face ruisselante et se detourne pour
sourire
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colere
Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer
Tandis que les chretiens passent avec des cigares allumes
Et parce qu'Ottomar et Abraham aiment tous deux
Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu
Pourtant tout a l'heure dans la synagogue l'un apres l'autre
Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau
Parmi les feuillards de la fete des cabanes
Ottomar en chantant sourira a Abraham
Ils dechanteront sans mesure et les voix graves des hommes
Feront gemir un Leviathan au fond du Rhin comme une voix d'automne
Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim
Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim
Les cloches
Mon beau tzigane mon amant
Ecoute les cloches qui sonnent
Nous nous aimions eperdument
Croyant n'etre vus de personne
Mais nous etions bien mal caches
Toutes les cloches a la ronde
Nous ont vus du haut des clochers
Et le disent a tout le monde
Demain Cyprien et Henri
Marie Ursule et Catherine
La boulangere et son mari
Et puis Gertrude ma cousine
Souriront quand je passerai
Je ne saurai plus ou me mettre
Tu seras loin Je pleurerai
J'en mourrai peut-etre
La Loreley
A Jean Seve
A Bacharach il y avait une sorciere blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes a la ronde
Devant son tribunal l'eveque la fit citer
D'avance il l'absolvit a cause de sa beaute
O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardee eveque en ont peri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes O belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcele
Eveque vous riez Priez plutot pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protege
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus la
Mon coeur me fit si mal du jour ou il s'en alla
L'eveque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en demence
Va t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vetue de noir et blanc
Puis ils s'en allerent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau chateau
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
La-haut le vent tordait ses cheveux deroules
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout la-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
Schinderhannes
Dans la foret avec sa bande
Schinderhannes s'est desarme
Le brigand pres de sa brigande
Hennit d'amour au joli mai
Benzel accroupi lit la Bible
Sans voir que son chapeau pointu
A plume d'aigle sert de cible
A Jacob Born le mal foutu
Juliette Blaesius qui rote
Fait semblant d'avoir le hoquet
Hannes pousse une fausse note
Quand Schulz vient portant un baquet
Et s'ecrie en versant des larmes
Baquet plein de vin parfume
Viennent aujourd'hui les gendarmes
Nous aurons bu le vin de mai
Allons Julia la mam'zelle
Bois avec nous ce clair bouillon
D'herbes et de vin de Moselle
Prosit Bandit en cotillon
Cette brigande est bientot soule
Et veut Hannes qui n'en veut pas
Pas d'amour maintenant ma poule
Sers-nous un bon petit repas
Il faut ce soir que j'assassine
Ce riche juif au bord du Rhin
Au clair des torches de resine
La fleur de mai c'est le florin
On mange alors toute la bande
Pete et rit pendant le diner
Puis s'attendrit a l'allemande
Avant d'aller assassiner
Rhenane d'automne
A Toussaint-Luca
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetiere
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n'a chante aujourd'hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons anes
Braillent hi han et se mettent a brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C'est le jour des morts et de toutes leurs ames
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L'air tremble de flammes et de prieres
Le cimetiere est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu'on enterre
ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous mendiants morts saouls de biere
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en priere
Ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de regence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux
Il eteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mere
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupees
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des cheres mortes
Ce sont tes mains coupees
Nous avons tant pleure aujourd'hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetiere plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournames
A nos pieds roulaient des chataignes
Dont les bogues etaient
Comme le coeur blesse de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des chataignes d'automne
Les sapins
Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revetu
Comme des astrologues
Saluent leurs freres abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrines
Par les vieux sapins leurs aines
Qui sont de grands poetes
Ils se savent predestines
A briller plus que des planetes
A briller doucement changes
En etoiles et enneiges
Aux Noels bienheureuses
Fetes des sapins ensonges
Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens
Chantent des noels anciens
Au vent des soirs d'automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne
Des rangees de blancs cherubins
Remplacent l'hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L'ete ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins medecins divagants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l'ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
Les femmes
Dans la maison du vigneron les femmes cousent
Lenchen remplis le poele et mets l'eau du cafe
Dessus -- Le chat s'etire apres s'etre chauffe
- Gertrude et son voisin Martin enfin s'epousent
Le rossignol aveugle essaya de chanter
Mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage
Ce cypres la-bas a l'air du pape en voyage
Sous la neige -- Le facteur vient de s'arreter
Pour causer avec le nouveau maitre d'ecole
- Cet hiver est tres froid le vin sera tres bon
- Le sacristain sourd et boiteux est moribond
- La fille du vieux bourgmestre brode une etole
Pour la fete du cure La foret la-bas
Grace au vent chantait a voix grave de grand orgue
Le songe Herr Traum survint avec sa soeur Frau Sorge
Kaethi tu n'as pas bien raccommode ces bas
- Apporte le cafe le beurre et les tartines
La marmelade le saindoux un pot de lait
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- On dirait que le vent dit des phrases latines
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- Lotte es-tu triste O petit coeur -- Je crois qu'elle aime
- Dieu garde -- Pour ma part je n'aime que moi-meme
- Chut A present grand-mere dit son chapelet
- Il me faut du sucre candi Leni je tousse
- Pierre mene son furet chasser les lapins
Le vent faisait danser en rond tous les sapins
Lotte l'amour rend triste -- Ilse la vie est douce
La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus
Devenaient dans l'obscurite des ossuaires
En neige et replies gisaient la des suaires
Et des chiens aboyaient aux passants morfondus
Il est mort ecoutez La cloche de l'eglise
Sonnait tout doucement la mort du sacristain
Lise il faut attiser le poele qui s'eteint
Les femmes se signaient dans la nuit indecise
Septembre 1901 -- mai 1902
SIGNE
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je deteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaule dit au vent ses douleurs
Mon Automne eternelle o ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une epouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
UN SOIR
Un aigle descendit de ce ciel blanc d'archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez priez pour moi
La ville est metallique et c'est la seule etoile
Noyee dans tes yeux bleus
Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pales
Sur des oiseaux galeux
Et tout ce qui tremblait dans tes yeux de mes songes
Qu'un seul homme buvait
Sous les feux de gaz roux comme la fausse oronge
O vetue ton bras se lovait
Vois l'histrion tire la langue aux attentives
Un fantome s'est suicide
L'apotre au figuier pend et lentement salive
Jouons donc cet amour aux des
Des cloches aux sons clairs annoncaient ta naissance
Vois
Les chemins sont fleuris et les palmes s'avancent
Vers toi
LA DAME
Toc toc Il a ferme sa porte
Les lys du jardin sont fletris
Quel est donc ce mort qu'on emporte
Tu viens de toquer a sa porte
Et trotte trotte
Trotte la petite souris
LES FIANCAILLES
A Picasso
Le printemps laisse errer les fiances parjures
Et laisse feuilloler longtemps les plumes bleues
Que secoue le cypres ou niche l'oiseau bleu
Une Madone a l'aube a pris les eglantines
Elle viendra demain cueillir les giroflees
Pour mettre aux nids des colombes qu'elle destine
Au pigeon qui ce soir semblait le Paraclet
Au petit bois de citronniers s'enamourerent
D'amour que nous aimons les dernieres venues
Les villages lointains sont comme les paupieres
Et parmi les citrons leurs coeurs sont suspendus
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je buvais a pleins verres les etoiles
Un ange a extermine pendant que je dormais
Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries
De faux centurions emportaient le vinaigre
Et les gueux mal blesses par l'epurge dansaient
Etoiles de l'eveil je n'en connais aucune
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas
A la clarte des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux cols sur les flots de jupes mal brossees
Des accouchees masquees fetaient leurs relevailles
La ville cette nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l'amour et la dulie
Et sombre sombre fleuve je me rappelle
Les ombres qui passaient n'etaient jamais jolies
Je n'ai plus meme pitie de moi
Je n'ai plus meme pitie de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais a dire se sont changes en etoiles
Un Icare tente de s'elever jusqu'a chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brule au centre de deux nebuleuses
Qu'ai-je fait aux betes theologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'esperais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan
J'ai eu le courage de regarder en arriere
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les eglises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En meme temps et en toute saison
D'autres jours ont pleure avant de mourir dans des tavernes
Ou d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulatresse qui inventait la poesie
Et les roses de l'electricite s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma memoire
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaitre l'ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j'aime uniquement
Les fleurs a mes yeux redeviennent des flammes
Je medite divinement
Et je souris des etres que je n'ai pas crees
Mais si le temps venait ou l'ombre enfin solide
Se multipliait en realisant la diversite formelle de mon amour
J'admirerais mon ouvrage
J'observe le repos du dimanche
J'observe le repos du dimanche
Et je loue la paresse
Comment comment reduire
L'infiniment petite science
Que m'imposent mes sens
L'un est pareil aux montagnes au ciel
Aux villes a mon amour
Il ressemble aux saisons
Il vit decapite sa tete est le soleil
Et la lune son cou tranche
Je voudrais eprouver une ardeur infinie
Monstre de mon ouie tu rugis et tu pleures
Le tonnerre te sert de chevelure
Et tes griffes repetent le chant des oiseaux
Le toucher monstrueux m'a penetre m'empoisonne
Mes yeux nagent loin de moi
Et les astres intacts sont mes maitres sans epreuve
La bete des fumees a la tete fleurie
Et le monstre le plus beau
Ayant la saveur du laurier se desole
A la fin les mensonges ne me font plus peur
A la fin les mensonges ne me font plus peur
C'est la lune qui cuit comme un oeuf sur le plat
Ce collier de gouttes d'eau va parer la noyee
Voici mon bouquet de fleurs de la Passion
Qui offrent tendrement deux couronnes d'epines
Les rues sont mouillees de la pluie de naguere
Des anges diligents travaillent pour moi a la maison
La lune et la tristesse disparaitront pendant
Toute la sainte journee
Toute la sainte journee j'ai marche en chantant
Une dame penchee a sa fenetre m'a regarde longtemps
M'eloigner en chantant
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Qui dansaient le cou nu au son d'un accordeon
J'ai tout donne au soleil
Tout sauf mon ombre
Les dragues les ballots les sirenes mi-mortes
A l'horizon brumeux s'enfoncaient les trois-mats
Les vents ont expire couronnes d'anemones
O Vierge signe pur du troisieme mois
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Prophetisons ensemble o grand maitre je suis
Le desirable feu qui pour vous se devoue
Et la girande tourne o belle o belle nuit
Liens delies par une libre flamme Ardeur
Que mon souffle eteindra O Morts a quarantaine
Je mire de ma mort la gloire et le malheur
Comme si je visais l'oiseau de la quintaine
Incertitude oiseau feint peint quand vous tombiez
Le soleil et l'amour dansaient dans le village
Et tes enfants galants bien ou mal habilles
Ont bati ce bucher le nid de mon courage
CLAIR DE LUNE
Lune mellifluente aux levres des dements
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui degoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or cache je concois la tres douce aventure
J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons decevants
Et prit son miel lunaire a la rose des vents
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodee d'or
Etait composee de deux panneaux
S'attachant sur l'epaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les levres tres rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle etait decolletee en rond
Et coiffee a la Recamier
Avec de beaux bras nus
N'entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d'ottoman violine
Et en tunique brodee d'or
Decolletee en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d'or
Et trainait ses petits souliers a boucles
Elle etait si belle
Que tu n'aurais pas ose l'aimer
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers enormes
Ou naissaient chaque jour quelques etres nouveaux
Le fer etait leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beaute ne sont que son ecume
Cette femme etait si belle
Qu'elle me faisait peur
A LA SANTE
I
Avant d'entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu'es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d'en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
O mes annees o jeunes filles
II
Non je ne me sens plus la
Moi-meme
Je suis le quinze de la
Onzieme
Le soleil filtre a travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres
Et dansent sur le papier
J'ecoute
Quelqu'un qui frappe du pied
La voute
III
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaine
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
Avec les clefs qu'il fait tinter
Que le geolier aille et revienne
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
IV
Que je m'ennuie entre ces murs tout nus
Et peints de couleurs pales
Une mouche sur le papier a pas menus
Parcourt mes lignes inegales
Que deviendrai-je o Dieu qui connais ma douleur
Toi qui me l'as donnee
Prends en pitie mes yeux sans larmes ma paleur
Le bruit de ma chaise enchainee
Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
L'Amour qui m'accompagne
Prends en pitie surtout ma debile raison
Et ce desespoir qui me gagne
V
Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement
Tu pleureras l'heure ou tu pleures
Qui passera trop vitement
Comme passent toutes les heures
VI
J'ecoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
Le jour s'en va voici que brule
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarte Chere raison
Septembre 1911.
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adore
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neige
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits murs
Au fond du ciel
Des eperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aime
Aux lisieres lointaines
Les cerfs ont brame
Et que j'aime o saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la foret qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille a feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'ecoule
HOTELS
La chambre est veuve
Chacun pour soi
Presence neuve
On paye au mois
Le patron doute
Payera-t-on
Je tourne en route
Comme un toton
Le bruit des fiacres
Mon voisin laid
Qui fume un acre
Tabac anglais
O La Valliere
Qui boite et rit
De mes prieres
Table de nuit
Et tous ensemble
Dans cet hotel
Savons la langue
Comme a Babel
Fermons nos Portes
A double tour
Chacun apporte
Son seul amour
CORS DE CHASSE
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun detail indifferent
Ne rend notre amour pathetique
Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
A sa pauvre Anne allait revant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
VENDEMIAIRE
Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi
Je vivais a l'epoque ou finissaient les rois
Tour a tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismegistes
Que Paris etait beau a la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne ou les pampres
Repandaient leur clarte sur la ville et la-haut
Astres murs becquetes par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l'aube
Un soir passant le long des quais deserts et sombres
En rentrant a Auteuil j'entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvint aussi sur les bords de la Seine
La plainte d'autres voix limpides et lointaines
Et j'ecoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu'eveillait dans la nuit la chanson de Paris
J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde
Je vis alors que deja ivre dans la vigne Paris
Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chanterent
Et Rennes repondit avec Quimper et Vannes
Nous voici o Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil
Se sacrifient pour te desalterer trop avide merveille
Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetieres les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas
Et d'amont en aval nos pensees o rivieres
Les oreilles des ecoles et nos mains rapprochees
Aux doigts allonges nos mains les clochers
Et nous t'apportons aussi cette souple raison
Que le mystere clot comme une porte la maison
Ce mystere courtois de la galanterie
Ce mystere fatal fatal d'une autre vie
Double raison qui est au-dela de la beaute
Et que la Grece n'a pas connue ni l'Orient
Double raison de la Bretagne ou lame a lame
L'ocean chatre peu a peu l'ancien continent
Et les villes du Nord repondirent gaiement
O Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cites ou degoisent et chantent
Les metalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminees a ciel ouvert engrossent les nuees
Comme fit autrefois l'Ixion mecanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Ou les ouvriers nus semblables a nos doigts
Fabriquent du reel a tant par heure
Nous te donnons tout cela
Et Lyon repondit tandis que les anges de Fourvieres
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prieres
Desaltere-toi Paris avec les divines paroles
Que mes levres le Rhone et la Saone murmurent
Toujours le meme culte de sa mort renaissant
Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang
Heureuse pluie o gouttes tiedes o douleur
Un enfant regarde les fenetres s'ouvrir
Et des grappes de tetes a d'ivres oiseaux s'offrit
Les villes du Midi repondirent alors
Noble Paris seule raison qui vis encore
Qui fixes notre humeur selon ta destinee
Et toi qui te retires Mediterranee
Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties
Ces tres hautes amours et leur danse orpheline
Deviendront o Paris le vin pur que tu aimes
Et un rale infini qui venait de Sicile
Signifiait en battement d'ailes ces paroles
Les raisins de nos vignes on les a vendanges
Et ces grappes de morts dont les grains allonges
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif o Paris sous le ciel
Obscurci de nuees fameliques
Que caresse Ixion le createur oblique
Et ou naissent sur la mer tous les corbeaux d'Afrique
O raisins Et ces yeux ternes et en famille
L'avenir et la vie dans ces treilles s'ennuyent
Mais ou est le regard lumineux des sirenes
Il trompa les marins qu'aimaient ces oiseaux-la
Il ne tournera plus sur l'ecueil de Scylla
Ou chantaient les trois voix suaves et sereines
Le detroit tout a coup avait change de face
Visages de la chair de l'onde de tout
Ce que l'on peut imaginer
Vous n'etes que des masques sur des faces masquees
Il souriait jeune nageur entre les rives
Et les noyes flottant sur son onde nouvelle
Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives
Elles dirent adieu au gouffre et a l'ecueil
A leurs pales epoux couches sur les terrasses
Puis ayant pris leur vol vers le brulant soleil
Les suivirent dans l'onde ou s'enfoncent les astres
Lorsque la nuit revint couverte d'yeux ouverts
Errer au site ou l'hydre a siffle cet hiver
Et j'entendis soudain ta voix imperieuse
O Rome
Maudire d'un seul coup mes anciennes pensees
Et le ciel ou l'amour guide les destinees
Les feuillards repousses sur l'arbre de la croix
Et meme la fleur de lys qui meurt au Vatican
Macerent dans le vin que je t'offre et qui a
La saveur du sang pur de celui qui connait
Une autre liberte vegetale dont tu
Ne sais pas que c'est elle la supreme vertu
Une couronne du triregne est tombee sur les dalles
Les hierarques la foulent sous leurs sandales
O splendeur democratique qui palit
Vienne le nuit royale ou l'on tuera les betes
La louve avec l'agneau l'aigle avec la colombe
Une foule de rois ennemis et cruels
Ayant soif comme toi dans la vigne eternelle
Sortiront de la terre et viendront dans les airs
Pour boire de mon vin par deux fois millenaire
La Moselle et le Rhin se joignent en silence
C'est l'Europe qui prie nuit et jour a Coblence
Et moi qui m'attardais sur le quai a Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu'il est temps j'entendis la priere
Qui joignait la limpidite de ces rivieres
O Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord
Tous les grains ont muri pour cette soif terrible
Mes grappes d'hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras a longs traits tout le sang de l'Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c'est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui refletent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la realite chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la priere
Nous menons vers le sel les eaux aventurieres
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflete en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s'elance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence
Les villes repondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines
Et Treves la ville ancienne
A leur voix melait la sienne
L'univers tout entier concentre dans ce vin
Qui contenait les mers les animaux les plantes
Les cites les destins et les astres qui chantent
Les hommes a genoux sur la rive du ciel
Et le docile fer notre bon compagnon
Le feu qu'il faut aimer comme on s'aime soi-meme
Tous les fiers trepasses qui sont un sous mon front
L'eclair qui luit ainsi qu'une pensee naissante
Tous les noms six par six les nombres un a un
Des kilos de papier tordus comme des flammes
Et ceux-la qui sauront blanchir nos ossements
Les bons vers immortels qui s'ennuient patiemment
Des armees rangees en bataille
Des forets de crucifix et mes demeures lacustres
Au bord des yeux de celle que j'aime tant
Les fleurs qui s'ecrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaitrai jamais
Tout cela tout cela change en ce vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors presente
Actions belles journees sommeils terribles
Vegetation Accouplements musiques eternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas desaltere
Mais je connus des lors quelle saveur a l'univers
Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers
Sur le quai d'ou je voyais l'onde couler et dormir les belandres
Ecoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s'il me plait l'univers
Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s'achevait lentement
Les feux rouges des ponts s'eteignaient dans la Seine
Les etoiles mouraient le jour naissait a peine
End of the Project Gutenberg EBook of Alcools, by Guillaume Apollinaire
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Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.
Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www. pglaf. org.
Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation
The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf. org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U. S. federal laws and your state's laws.
The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712. , but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations. Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf. org. Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf. org
For additional contact information:
Dr. Gregory B. Newby
Chief Executive and Director
gbnewby@pglaf. org
Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation
Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.
The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf. org
While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.
International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U. S. laws alone swamp our small staff.
Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including including checks, online payments and credit card
donations. To donate, please visit: http://pglaf. org/donate
Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.
Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U. S.
unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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