des
lois librement consenties par ceux qui s'y soumettent.
lois librement consenties par ceux qui s'y soumettent.
Madame de Stael - De l'Allegmagne
tition constante des me^mes phe?
nome`nes, ces for-
mes de notre pense? e que nous imposons aux choses; les sensa-
tions peuvent e^tre douteuses, mais le prisme a` travers lequel nous
les recevons est immuable.
A cette intuition primitive de l'espace et du temps, il faut ajou-
ter ou pluto^t donner pour base les principes du raisonnement,
sans lesquels nous ne pouvons rien comprendre, et qui sont les
lois de notre intelligence; la liaison des causes et des effets, l'u-
nite? , la pluralite? , la totalite? , la possibilite? , la re? alite? , la ne? ces-
site? , etc. '. Kant les conside`re e? galement comme des notions
ne? cessaires, et il n'e? le`ve au rang des sciences que celles qui sont
1 Kant donne le nom de cate? gorie aux diverses notions ne? cessaire>> de l'en-
tendement dont il pre? sente le tableau.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 420 KANT.
fonde? es imme? diatement sur ces notions, parce que c'est dans cel-
les-la` seulement que la certitude peut exister. Les formes du rai-
sonnement n'ont de re? sultat que quand on les applique au jugement des objets exte? rieurs; et, dans cette application, elles sont
sujettes a` l'erreur: mais elles n'en sont pas moins ne? cessaires en
elles-me^mes; c'est-a`-dire que nous ne pouvons nous en de? partir
dans aucune de nos pense? es; il nous est impossible de nous rien
figurer hors des relations de causes et d'effets, de possibilite? , de
quantite? , etc. ; et ces notions sont aussi inhe? rentes a` notre con-
ception que l'espace et le temps. Nous n'apercevons rien qu'a` tra-
vers les lois immuables de notre manie`re de raisonner; donc ces
lois aussi sont en nous-me^mes, et non au dehors de nous.
On appelle, dans la philosophie allemande, ide? es subjectives
celles qui naissent de la naturede notre intelligence et de ses fa-
culte? s et ide? es, objectives toutes celles qui sont excite? es par les
sensations. Quelle que soit la de? nomination qu'on adopte a` cet
e? gard, il me semble que l'examen de notre esprit s'accorde avec
la pense? e dominante de Kant, c'est-a`-dire, la distinction qu'il
e? tablit entre les formes de notre entendement et les objets que
nous connaissons d'apre`s ces formes; et, soit qu'il s'en tienne aux
conceptions abstraites, soit qu'il en appelle, dans la religion et
dans la morale, aux sentiments qu'il conside`re aussi comme in-
de? pendants de l'expe? rience, rien n'est plus lumineux que la ligne
de de? marcation qu'il trace entre ce qui nous vient parles sensa-
tions , et ce qui tient a` l'action spontane? e de notre a^me.
Quelques mots de la doctrine de Kant ayant e? te? mal interpre? -
te? s, on a pre? tendu qu'il croyait aux connaissances a` priori, c'est-
a`-dire , a` celles qui seraient grave? es dans notre esprit avant que
nous les eussions apprises. D'autres philosophes allemands,
plus rapproche? s du syste`me de Platon , ont en effet pense? que le
type du monde e? tait dans l'esprit humain, et que l'homme ne
pourrait concevoir l'univers s'il n'en avait pas l'image inne? e en lui-me^me; mais il n'est pas question de cette doctrine dans Kant:
il re? duit les sciences intellectuelles a` trois, la logique, la me? taphy-
sique et les mathe? matiques. La logique n'enseigne rien par elle-
me^me; mais comme elle repose sur les lois de notre entendement,
elle est incontestable dans ses principes, abstraitement conside? -
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? KAJiT. 421
re? s; cette science ne peut conduire a` la ve? rite? que dans son ap-
plication aux ide? es et aux choses; ses principes sont inne? s, son
application est expe? rimentale. Quant a` la me? taphysique, Kant nie
son existence, puisqu'il pre? tend que le raisonnement ne peut
avoir lieu que dans la sphe`re de l'expe? rience. Les mathe? matiques
seules lui paraissent de? pendre imme? diatement de la notion de
l'espace et du temps, c'est-a`-dire, des lois de notre entendement,
ante? rieures a` l'expe? rience. Il cherche a` prouver que les mathe? -
matiques ne sont pointune simpleanalyse, mais une science syn-
the? tique, positive, cre? atrice et certaine par elle-me^me, sans qu'on
ait besoin de recourir a` l'expe? rience pour s'assurer de sa ve? rite? .
On peut e? tudier dans le livre de Kant les arguments sur lesquels
il appuie cette manie`re de voir; mais au moins est-il vrai qu'il n'y
a point d'homme plus oppose? a` ce qu'on appelle la philosophie
des re^veurs, et qu'il aurait pluto^t du penchant pour une fac? on de
penser se`che et didactique, quoique sa doctrine ait pour objet de
relever l'espe`ce humaine, de? grade? e par la philosophie mate? rialiste.
Loin de rejeter l'expe? rience, Kant conside`re l'oeuvre de la vie
comme n'e? tant autre chose que l'action de nos faculte? s inne? es sur
les connaissances qui nous viennent du dehors. Il croit que l'ex-
pe? rience ne serait qu'un chaos sans les lois de l'entendement,
mais que les lois de l'entendement n'ont pour objet que les e? le? -
ments donne? s par l'expe? rience. Il s'ensuit qu'au-dela` de ses limi-
tes la me? taphysique elle-me^me ne peut rien nous apprendre, et
que c'est au sentiment que l'on doit attribuer la prescience et la
conviction de tout ce qui sort du monde visible.
Lorsqu'on veut se servir du raisonnement seul pour e? tablir
les ve? rite? s religieuses, c'est un instrument pliable en tous sens,
qui peut e? galement les de? fendre et les attaquer, parce qu'on ne
saurait, a` cet e? gard, trouver aucun point d'appui dans l'expe? -
rience. Kant place sur deux lignes paralle`les les arguments pour
et contre la liberte? de l'homme, l'immortalite? de l'a^me , la du-
re? e passage`re ou e? ternelle du monde; et c'est au sentiment
qu'il en appelle pour faire pencher la balance, car les preuves
me? taphysiques lui paraissaient en e? gale force de part et d'autre1.
1 Ces arguments oppose? s sur les grandes questions me? taphysiques sont ap-
pele? s anlinnmii? s dans le livre de Kant.
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? 422 KANT.
Peut-e^tre a-t-il eu tort de pousser jusque-la` le scepticisme du
raisonnement; mais c'est pour ane? antir plus su^rement ce scepti-
cisme, en e? cartant de'certaines questions lesdiscussions abstrai-
tes qui l'ont fait nai^tre.
1 11 serait injuste de soupc? onner la pie? te? since`re de Kant, parce
qu'il a soutenu qu'il y avait parite? entre les raisonnements pour
et contre, dans les grandes questions de la me? taphysique trans-
cendante. Il me semble, au contraire, qu'il y a de la candeur
dans cet aveu. Un si petit nombre d'esprits sont en e? tat de
comprendre de tels raisonnements , et ceux qui en sont capa-
bles ont une telle tendance a` se combattre les uns les autres,
que c'est rendre un grand service a` la foi religieuse, que de ban-
nir la me? taphysique de toutes les questions qui tiennent a` l'exis-
tence de Dieu, au libre arbitre, a` l'origine du bien et du mal.
Quelques personnes respectables ont dit qu'il ne faut ne? gliger
aucune arme, et que les arguments me? taphysiques aussi doi-
vent e^tre employe? s pour persuader ceux sur qui ils ont de l'em-
pire; mais ces arguments conduisent a` la discussion, et la dis-
cussion , au doute, sur quelque sujet que ce soit. Les belles e? poques de l'espe`ce humaine, dans tous les temps,
ont e? te? celles ou` des ve? rite? s d'un certain ordre n'e? taient jamais
conteste? es, ni par des e? crits, ni par des discours. Les passions
pouvaient entrai^ner a` des actes coupables, mais nul ne re? vo-
quait en doute la religion me^me a` laquelle il n'obe? issait pas. Les
sophismes de tout genre, abus d'une certaine philosophie, ont
de? truit, dans divers pays et dans diffe? rents sie`cles, cette noble
fermete? de croyance, source du de? vouement he? roi? que. N'est-ce
donc pas une belle ide? e a` un philosophe, que d'interdire a` la
science me^me qu'il professe l'entre? e du sanctuaire, et d'employer
toute la force de l'abstraction a` prouver qu'il y a des re? gions dont
elle doit e^tre bannie?
Des despotes et des fanatiques ont essaye? de de? fendre a` la
raison humaine l'examen de certains sujets, et toujours la rai-
son s'est affranchie de ces injustes entraves. Mais les bornes
qu'elle s'impose a` elle-me^me, loin de l'asservir, lui donnent
une nouvelle force, celle qui re? sulte toujours de l'autorite?
des
lois librement consenties par ceux qui s'y soumettent.
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? KAiYT. 423
Un sourd-muet, avant d'avoir e? te? e? leve? par l'abbe? Sicard,
pourrait avoir une certitude intime de l'existence dela Divinite? .
Beaucoup d'hommes sont aussi loin des penseurs profonds que
les sourds-muets le sont des autres hommes, et cependant ils
n'en sont pas moins susceptibles d'e? prouver, pour ainsi dire,
en eux-me^mes, les ve? rite? s primitives, parce que ces ve? rite? s sont
du ressort du sentiment.
Les me? decins, dans l'e? tude physiquede l'homme, reconnaissent
le principe qui l'anime, et cependant nul ne sait ce que c'est que
la vie; et, si l'on se mettait a` raisonner, on pourrait tre`s-bien,
comme l'ont fait quelques philosophes grecs, prouver aux hom-
mes qu'ils ne vivent pas. Il en est de me^me de Dieu, de la cons-
cience, du libre arbitre. Il faut y croire, parce qu'on les sent:
tout argument sera toujours d'un ordre infe? rieur a` ce fait.
L'anatomie ne peut s'exercer sur un corps vivant sans le de? -
truire; l'analyse, en s'essayant sur des ve? rite? s indivisibles, les
de? nature, par cela me^me qu'elle porte atteinte a` leur unite? . Il
faut partager notre a^me en deux, pour qu'une moitie? de nous-me^mes observe l'autre. De quelque manie`re que ce partage ait
lieu, il o^te a` notre e^tre l'identite? sublime sans laquelle nous
n'avons pas la force ne? cessaire pour croire ce que la conscience
seule peut affirmer.
Re? unissez un grand nombre d'hommes au the? a^tre ou dans la
place publique, et dites-leur quelque ve? rite? de raisonnement,
quelque ide? e ge? ne? rale que ce puisse e^tre; a` l'instant vous verrez
se manifester presque autant d'opinions diverses qu'il y aura
d'individus rassemble? s. Mais, si quelques traits de grandeur
d'a^me sont raconte? s, si quelques accents de ge? ne? rosite? se font
entendre, aussito^t des transports unanimes vous apprendront
que vous avez touche? a` cet instinct de l'a^me, aussi vif, aussi puis-
sant dans notre e^tre, que l'instinct conservateur de l'existence.
En rapportant au sentiment, qui n'admet point le doute, la
connaissance des ve? rite? s transcendantes, en cherchant a` prouver
que le raisonnement n'est valable que dans la sphe`re des sensa-
tions, Kant est bien loin de conside? rer cette puissance du sen-
timent comme une illusion; il lui assigne, au contraire, le pre-
mier rang dans la nature humaine; il fait de la conscience le
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? 424' KANT.
principe inne? de notre existence morale, et le sentiment du juste
et de l'injuste est, selon lui, la loi primitive du coeur, comme
l'espace et le temps celle de l'intelligence.
L'homme, a` l'aide du raisonnement, n'a-t-il pas nie? le libre
arbitre? Et cependant il en est si convaincu, qu'il se surprend a`
e? prouver de l'estime ou du me? pris pour les animaux eux-me^mes,
tant il croit au choix spontane? du bien et du mal dans tous les
e^tres!
C'est le sentiment qui nous donne la certitude de notre li-
berte? , et cette liberte? est le fondement de la doctrine du devoir;
car si l'homme est libre, il doit se cre? er a` lui-me^me des motifs
tout-puissants qui combattent l'action des objets exte? rieurs, et
de? gagent la volonte? de l'e? goi? sme. Le devoir est la preuve et la
garantie de l'inde? pendance me? taphysique de l'homme.
Nous examinerons dans les chapitres suivants les arguments
de Kant contre la morale fonde? e sur l'inte? re^t personnel, et la
sublime the? orie qu'il meta` la place de ce sophisme hypocrite.
ou de cette doctrine perverse. Il peut exister deux manie`res de
voir sur le premier ouvrage de Kant, la Critique de la Raison
pure; pre? cise? ment parce qu'il a reconnu lui-me^me le raisonne-
ment pour insuffisant et pour contradictoire, il devait s'attendre
a` ce qu'on s'en servi^t contre lui; mais il me semble impossible
de ne pas lire avec respect sa Critique de la Raison pratique,
et les diffe? rents e? crits qu'il a compose? s sur la morale.
Non-seulement les principes de la morale de Kant sont aus-
te`res et purs, comme on devait les attendre de l'inflexibilite?
philosophique; mais il rallie constamment l'e? vidence du coeur a`
celle de l'entendement, et se complai^t singulie`rement a` faire
servir sa the? orie abstraite sur la nature de l'intelligence, a` l'ap-
pui des sentiments les plus simples et les plus forts.
Une conscience acquise par les sensations pourrait e^tre e? touf-
fe? e par elles, et l'on de? grade la dignite? du devoir, en le faisant
de? pendre des objets exte? rieurs. Kant revient donc sans cesse a`
montrer que le sentiment profond de cette dignite? est la condition
ne? cessaire de notre e^tre moral, la loi par laquelle il existe. L'em-
pire des sensations et les mauvaises actions qu'elles font com-
mettre, ne peuvent pas plus de? truire en nous la notion du bien
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? KANT. << 425
ou du mal, que celle de l'espace et du temps n'est alte? re? e par les
erreurs d'application que nous en pouvons faire. Il y a toujours,
dans quelque situation qu'on soit, une force de re? action contre
les circonstances, qui nai^t du fond de l'a^me; et l'on sent bien
que ni les lois de l'entendement, ni la liberte? morale, ni la
conscience, ne viennent en nous de l'expe? rience.
Dans son traite? sur le sublime et le beau, intitule? : Critique
du Jugement, Kant applique aux plaisirs de l'imagination le
me^me syste`me dont il a tire? des de? veloppements si fe? conds,
dans la sphe`re de l'intelligence et du sentiment, ou pluto^t c'est
la me^me a^me qu'il examine, et qui se manifeste dans les scien-
ces, la morale et les beaux-arts. Kant soutient qu'il y a dans la
poe? sie, etdans les arts dignes comme elle de peindre les senti-
ments par des images, deux genres de beaute? , l'un qui peut se
rapporter au temps et a` cette vie, l'autre a` l'e? ternel et a` l'in-
fini.
Et qu'on ne dise pas que l'infini et l'e? ternel sont inintelligibles,
c'est le fini et le passager qu'on serait souvent tente? de prendre
pour un re^ve; car la pense? e ne peut voir de terme a` rien, et l'e^-
tre ne saurait concevoir le ne? ant. On ne peut approfondir les
sciences exactes elles-me^mes, sans y rencontrer l'infini et l'e? ter-
nel; et les choses les plus positives appartiennent autant, sous
de certains rapports, a` cet infini et a` cet e? ternel, que le senti-
ment et l'imagination.
De cette application du sentiment de l'infini aux beaux-arts,
doit nai^tre l'ide? al, c'est-a`-dire le beau, conside? re? , non pas comme
la re? union et l'imitation de ce qu'il y a de mieux dans la nature,
mais comme l'image re? alise? e de ce que notre a^me se repre? sente.
Les philosophes mate? rialistes jugent le beau sous le rapport de
l'impression agre? able qu'il cause, et le placent ainsi dans l'em-
pire des sensations; les philosophes spiritualistes, qui rappor-
tent tout a` la raison, voient dans le beau le parfait, et lui trou-
vent quelque analogie avec l'utile et le bon, qui sont les premiers
degre? s du parfait. Kant a rejete? l'une et l'autre explication.
Le beau, conside? re? seulement comme l'agre? able, serait ren-
ferme? dans la sphe`re des sensations, et soumis par conse? quent a`
la diffe? rence des gou^ts; il ne pourrait me? riter cet assentiment
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? -126 - KANT.
universel qui est le ve? ritable caracte`re de la beaute? . Le beau,
de? fini comme la perfection, exigerait une sorte de jugement
pareil a` celui qui fonde l'estime : l'enthousiasme que le beau
doit inspirer ne tient ni aux sensations, ni au jugement; c'est une
disposition inne? e, comme le sentiment du devoir et les notions
ne? cessaires de l'entendement, et nous reconnaissons la beaute?
quand nous la voyons, parce qu'elle est l'image exte? rieure de
l'ide? al, dont le type est dans notre intelligence. La diversite? des
gou^ts peuts'appliquer a` ce qui est agre? able, caries sensations sont
la source de ce genre de plaisir; mais tous les hommes doivent
admirer ce qui est beau, soit dans les arts, soit dans la nature,
parce qu'ils ont dans leur a^me des sentiments d'origine ce? leste
que la beaute? re? veille, et dont elle les fait jouir.
Kant passe de la the? orie du beau a` celle du sublime, et cette
seconde partie de sa Critique du Jugement est plus remarquable
encore que la premie`re : il fait consister le sublime dans la liberte?
morale, aux prises avec le destin ou avec la nature. La puissance
sans bornes nous e? pouvante, la grandeur nous accable, toutefois
nous e? chappons par la vigueur de la volonte? au sentiment de
notre faiblesse physique. Le pouvoir du destin et l'immensite?
mes de notre pense? e que nous imposons aux choses; les sensa-
tions peuvent e^tre douteuses, mais le prisme a` travers lequel nous
les recevons est immuable.
A cette intuition primitive de l'espace et du temps, il faut ajou-
ter ou pluto^t donner pour base les principes du raisonnement,
sans lesquels nous ne pouvons rien comprendre, et qui sont les
lois de notre intelligence; la liaison des causes et des effets, l'u-
nite? , la pluralite? , la totalite? , la possibilite? , la re? alite? , la ne? ces-
site? , etc. '. Kant les conside`re e? galement comme des notions
ne? cessaires, et il n'e? le`ve au rang des sciences que celles qui sont
1 Kant donne le nom de cate? gorie aux diverses notions ne? cessaire>> de l'en-
tendement dont il pre? sente le tableau.
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? 420 KANT.
fonde? es imme? diatement sur ces notions, parce que c'est dans cel-
les-la` seulement que la certitude peut exister. Les formes du rai-
sonnement n'ont de re? sultat que quand on les applique au jugement des objets exte? rieurs; et, dans cette application, elles sont
sujettes a` l'erreur: mais elles n'en sont pas moins ne? cessaires en
elles-me^mes; c'est-a`-dire que nous ne pouvons nous en de? partir
dans aucune de nos pense? es; il nous est impossible de nous rien
figurer hors des relations de causes et d'effets, de possibilite? , de
quantite? , etc. ; et ces notions sont aussi inhe? rentes a` notre con-
ception que l'espace et le temps. Nous n'apercevons rien qu'a` tra-
vers les lois immuables de notre manie`re de raisonner; donc ces
lois aussi sont en nous-me^mes, et non au dehors de nous.
On appelle, dans la philosophie allemande, ide? es subjectives
celles qui naissent de la naturede notre intelligence et de ses fa-
culte? s et ide? es, objectives toutes celles qui sont excite? es par les
sensations. Quelle que soit la de? nomination qu'on adopte a` cet
e? gard, il me semble que l'examen de notre esprit s'accorde avec
la pense? e dominante de Kant, c'est-a`-dire, la distinction qu'il
e? tablit entre les formes de notre entendement et les objets que
nous connaissons d'apre`s ces formes; et, soit qu'il s'en tienne aux
conceptions abstraites, soit qu'il en appelle, dans la religion et
dans la morale, aux sentiments qu'il conside`re aussi comme in-
de? pendants de l'expe? rience, rien n'est plus lumineux que la ligne
de de? marcation qu'il trace entre ce qui nous vient parles sensa-
tions , et ce qui tient a` l'action spontane? e de notre a^me.
Quelques mots de la doctrine de Kant ayant e? te? mal interpre? -
te? s, on a pre? tendu qu'il croyait aux connaissances a` priori, c'est-
a`-dire , a` celles qui seraient grave? es dans notre esprit avant que
nous les eussions apprises. D'autres philosophes allemands,
plus rapproche? s du syste`me de Platon , ont en effet pense? que le
type du monde e? tait dans l'esprit humain, et que l'homme ne
pourrait concevoir l'univers s'il n'en avait pas l'image inne? e en lui-me^me; mais il n'est pas question de cette doctrine dans Kant:
il re? duit les sciences intellectuelles a` trois, la logique, la me? taphy-
sique et les mathe? matiques. La logique n'enseigne rien par elle-
me^me; mais comme elle repose sur les lois de notre entendement,
elle est incontestable dans ses principes, abstraitement conside? -
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? KAJiT. 421
re? s; cette science ne peut conduire a` la ve? rite? que dans son ap-
plication aux ide? es et aux choses; ses principes sont inne? s, son
application est expe? rimentale. Quant a` la me? taphysique, Kant nie
son existence, puisqu'il pre? tend que le raisonnement ne peut
avoir lieu que dans la sphe`re de l'expe? rience. Les mathe? matiques
seules lui paraissent de? pendre imme? diatement de la notion de
l'espace et du temps, c'est-a`-dire, des lois de notre entendement,
ante? rieures a` l'expe? rience. Il cherche a` prouver que les mathe? -
matiques ne sont pointune simpleanalyse, mais une science syn-
the? tique, positive, cre? atrice et certaine par elle-me^me, sans qu'on
ait besoin de recourir a` l'expe? rience pour s'assurer de sa ve? rite? .
On peut e? tudier dans le livre de Kant les arguments sur lesquels
il appuie cette manie`re de voir; mais au moins est-il vrai qu'il n'y
a point d'homme plus oppose? a` ce qu'on appelle la philosophie
des re^veurs, et qu'il aurait pluto^t du penchant pour une fac? on de
penser se`che et didactique, quoique sa doctrine ait pour objet de
relever l'espe`ce humaine, de? grade? e par la philosophie mate? rialiste.
Loin de rejeter l'expe? rience, Kant conside`re l'oeuvre de la vie
comme n'e? tant autre chose que l'action de nos faculte? s inne? es sur
les connaissances qui nous viennent du dehors. Il croit que l'ex-
pe? rience ne serait qu'un chaos sans les lois de l'entendement,
mais que les lois de l'entendement n'ont pour objet que les e? le? -
ments donne? s par l'expe? rience. Il s'ensuit qu'au-dela` de ses limi-
tes la me? taphysique elle-me^me ne peut rien nous apprendre, et
que c'est au sentiment que l'on doit attribuer la prescience et la
conviction de tout ce qui sort du monde visible.
Lorsqu'on veut se servir du raisonnement seul pour e? tablir
les ve? rite? s religieuses, c'est un instrument pliable en tous sens,
qui peut e? galement les de? fendre et les attaquer, parce qu'on ne
saurait, a` cet e? gard, trouver aucun point d'appui dans l'expe? -
rience. Kant place sur deux lignes paralle`les les arguments pour
et contre la liberte? de l'homme, l'immortalite? de l'a^me , la du-
re? e passage`re ou e? ternelle du monde; et c'est au sentiment
qu'il en appelle pour faire pencher la balance, car les preuves
me? taphysiques lui paraissaient en e? gale force de part et d'autre1.
1 Ces arguments oppose? s sur les grandes questions me? taphysiques sont ap-
pele? s anlinnmii? s dans le livre de Kant.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 422 KANT.
Peut-e^tre a-t-il eu tort de pousser jusque-la` le scepticisme du
raisonnement; mais c'est pour ane? antir plus su^rement ce scepti-
cisme, en e? cartant de'certaines questions lesdiscussions abstrai-
tes qui l'ont fait nai^tre.
1 11 serait injuste de soupc? onner la pie? te? since`re de Kant, parce
qu'il a soutenu qu'il y avait parite? entre les raisonnements pour
et contre, dans les grandes questions de la me? taphysique trans-
cendante. Il me semble, au contraire, qu'il y a de la candeur
dans cet aveu. Un si petit nombre d'esprits sont en e? tat de
comprendre de tels raisonnements , et ceux qui en sont capa-
bles ont une telle tendance a` se combattre les uns les autres,
que c'est rendre un grand service a` la foi religieuse, que de ban-
nir la me? taphysique de toutes les questions qui tiennent a` l'exis-
tence de Dieu, au libre arbitre, a` l'origine du bien et du mal.
Quelques personnes respectables ont dit qu'il ne faut ne? gliger
aucune arme, et que les arguments me? taphysiques aussi doi-
vent e^tre employe? s pour persuader ceux sur qui ils ont de l'em-
pire; mais ces arguments conduisent a` la discussion, et la dis-
cussion , au doute, sur quelque sujet que ce soit. Les belles e? poques de l'espe`ce humaine, dans tous les temps,
ont e? te? celles ou` des ve? rite? s d'un certain ordre n'e? taient jamais
conteste? es, ni par des e? crits, ni par des discours. Les passions
pouvaient entrai^ner a` des actes coupables, mais nul ne re? vo-
quait en doute la religion me^me a` laquelle il n'obe? issait pas. Les
sophismes de tout genre, abus d'une certaine philosophie, ont
de? truit, dans divers pays et dans diffe? rents sie`cles, cette noble
fermete? de croyance, source du de? vouement he? roi? que. N'est-ce
donc pas une belle ide? e a` un philosophe, que d'interdire a` la
science me^me qu'il professe l'entre? e du sanctuaire, et d'employer
toute la force de l'abstraction a` prouver qu'il y a des re? gions dont
elle doit e^tre bannie?
Des despotes et des fanatiques ont essaye? de de? fendre a` la
raison humaine l'examen de certains sujets, et toujours la rai-
son s'est affranchie de ces injustes entraves. Mais les bornes
qu'elle s'impose a` elle-me^me, loin de l'asservir, lui donnent
une nouvelle force, celle qui re? sulte toujours de l'autorite?
des
lois librement consenties par ceux qui s'y soumettent.
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? KAiYT. 423
Un sourd-muet, avant d'avoir e? te? e? leve? par l'abbe? Sicard,
pourrait avoir une certitude intime de l'existence dela Divinite? .
Beaucoup d'hommes sont aussi loin des penseurs profonds que
les sourds-muets le sont des autres hommes, et cependant ils
n'en sont pas moins susceptibles d'e? prouver, pour ainsi dire,
en eux-me^mes, les ve? rite? s primitives, parce que ces ve? rite? s sont
du ressort du sentiment.
Les me? decins, dans l'e? tude physiquede l'homme, reconnaissent
le principe qui l'anime, et cependant nul ne sait ce que c'est que
la vie; et, si l'on se mettait a` raisonner, on pourrait tre`s-bien,
comme l'ont fait quelques philosophes grecs, prouver aux hom-
mes qu'ils ne vivent pas. Il en est de me^me de Dieu, de la cons-
cience, du libre arbitre. Il faut y croire, parce qu'on les sent:
tout argument sera toujours d'un ordre infe? rieur a` ce fait.
L'anatomie ne peut s'exercer sur un corps vivant sans le de? -
truire; l'analyse, en s'essayant sur des ve? rite? s indivisibles, les
de? nature, par cela me^me qu'elle porte atteinte a` leur unite? . Il
faut partager notre a^me en deux, pour qu'une moitie? de nous-me^mes observe l'autre. De quelque manie`re que ce partage ait
lieu, il o^te a` notre e^tre l'identite? sublime sans laquelle nous
n'avons pas la force ne? cessaire pour croire ce que la conscience
seule peut affirmer.
Re? unissez un grand nombre d'hommes au the? a^tre ou dans la
place publique, et dites-leur quelque ve? rite? de raisonnement,
quelque ide? e ge? ne? rale que ce puisse e^tre; a` l'instant vous verrez
se manifester presque autant d'opinions diverses qu'il y aura
d'individus rassemble? s. Mais, si quelques traits de grandeur
d'a^me sont raconte? s, si quelques accents de ge? ne? rosite? se font
entendre, aussito^t des transports unanimes vous apprendront
que vous avez touche? a` cet instinct de l'a^me, aussi vif, aussi puis-
sant dans notre e^tre, que l'instinct conservateur de l'existence.
En rapportant au sentiment, qui n'admet point le doute, la
connaissance des ve? rite? s transcendantes, en cherchant a` prouver
que le raisonnement n'est valable que dans la sphe`re des sensa-
tions, Kant est bien loin de conside? rer cette puissance du sen-
timent comme une illusion; il lui assigne, au contraire, le pre-
mier rang dans la nature humaine; il fait de la conscience le
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? 424' KANT.
principe inne? de notre existence morale, et le sentiment du juste
et de l'injuste est, selon lui, la loi primitive du coeur, comme
l'espace et le temps celle de l'intelligence.
L'homme, a` l'aide du raisonnement, n'a-t-il pas nie? le libre
arbitre? Et cependant il en est si convaincu, qu'il se surprend a`
e? prouver de l'estime ou du me? pris pour les animaux eux-me^mes,
tant il croit au choix spontane? du bien et du mal dans tous les
e^tres!
C'est le sentiment qui nous donne la certitude de notre li-
berte? , et cette liberte? est le fondement de la doctrine du devoir;
car si l'homme est libre, il doit se cre? er a` lui-me^me des motifs
tout-puissants qui combattent l'action des objets exte? rieurs, et
de? gagent la volonte? de l'e? goi? sme. Le devoir est la preuve et la
garantie de l'inde? pendance me? taphysique de l'homme.
Nous examinerons dans les chapitres suivants les arguments
de Kant contre la morale fonde? e sur l'inte? re^t personnel, et la
sublime the? orie qu'il meta` la place de ce sophisme hypocrite.
ou de cette doctrine perverse. Il peut exister deux manie`res de
voir sur le premier ouvrage de Kant, la Critique de la Raison
pure; pre? cise? ment parce qu'il a reconnu lui-me^me le raisonne-
ment pour insuffisant et pour contradictoire, il devait s'attendre
a` ce qu'on s'en servi^t contre lui; mais il me semble impossible
de ne pas lire avec respect sa Critique de la Raison pratique,
et les diffe? rents e? crits qu'il a compose? s sur la morale.
Non-seulement les principes de la morale de Kant sont aus-
te`res et purs, comme on devait les attendre de l'inflexibilite?
philosophique; mais il rallie constamment l'e? vidence du coeur a`
celle de l'entendement, et se complai^t singulie`rement a` faire
servir sa the? orie abstraite sur la nature de l'intelligence, a` l'ap-
pui des sentiments les plus simples et les plus forts.
Une conscience acquise par les sensations pourrait e^tre e? touf-
fe? e par elles, et l'on de? grade la dignite? du devoir, en le faisant
de? pendre des objets exte? rieurs. Kant revient donc sans cesse a`
montrer que le sentiment profond de cette dignite? est la condition
ne? cessaire de notre e^tre moral, la loi par laquelle il existe. L'em-
pire des sensations et les mauvaises actions qu'elles font com-
mettre, ne peuvent pas plus de? truire en nous la notion du bien
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? KANT. << 425
ou du mal, que celle de l'espace et du temps n'est alte? re? e par les
erreurs d'application que nous en pouvons faire. Il y a toujours,
dans quelque situation qu'on soit, une force de re? action contre
les circonstances, qui nai^t du fond de l'a^me; et l'on sent bien
que ni les lois de l'entendement, ni la liberte? morale, ni la
conscience, ne viennent en nous de l'expe? rience.
Dans son traite? sur le sublime et le beau, intitule? : Critique
du Jugement, Kant applique aux plaisirs de l'imagination le
me^me syste`me dont il a tire? des de? veloppements si fe? conds,
dans la sphe`re de l'intelligence et du sentiment, ou pluto^t c'est
la me^me a^me qu'il examine, et qui se manifeste dans les scien-
ces, la morale et les beaux-arts. Kant soutient qu'il y a dans la
poe? sie, etdans les arts dignes comme elle de peindre les senti-
ments par des images, deux genres de beaute? , l'un qui peut se
rapporter au temps et a` cette vie, l'autre a` l'e? ternel et a` l'in-
fini.
Et qu'on ne dise pas que l'infini et l'e? ternel sont inintelligibles,
c'est le fini et le passager qu'on serait souvent tente? de prendre
pour un re^ve; car la pense? e ne peut voir de terme a` rien, et l'e^-
tre ne saurait concevoir le ne? ant. On ne peut approfondir les
sciences exactes elles-me^mes, sans y rencontrer l'infini et l'e? ter-
nel; et les choses les plus positives appartiennent autant, sous
de certains rapports, a` cet infini et a` cet e? ternel, que le senti-
ment et l'imagination.
De cette application du sentiment de l'infini aux beaux-arts,
doit nai^tre l'ide? al, c'est-a`-dire le beau, conside? re? , non pas comme
la re? union et l'imitation de ce qu'il y a de mieux dans la nature,
mais comme l'image re? alise? e de ce que notre a^me se repre? sente.
Les philosophes mate? rialistes jugent le beau sous le rapport de
l'impression agre? able qu'il cause, et le placent ainsi dans l'em-
pire des sensations; les philosophes spiritualistes, qui rappor-
tent tout a` la raison, voient dans le beau le parfait, et lui trou-
vent quelque analogie avec l'utile et le bon, qui sont les premiers
degre? s du parfait. Kant a rejete? l'une et l'autre explication.
Le beau, conside? re? seulement comme l'agre? able, serait ren-
ferme? dans la sphe`re des sensations, et soumis par conse? quent a`
la diffe? rence des gou^ts; il ne pourrait me? riter cet assentiment
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? -126 - KANT.
universel qui est le ve? ritable caracte`re de la beaute? . Le beau,
de? fini comme la perfection, exigerait une sorte de jugement
pareil a` celui qui fonde l'estime : l'enthousiasme que le beau
doit inspirer ne tient ni aux sensations, ni au jugement; c'est une
disposition inne? e, comme le sentiment du devoir et les notions
ne? cessaires de l'entendement, et nous reconnaissons la beaute?
quand nous la voyons, parce qu'elle est l'image exte? rieure de
l'ide? al, dont le type est dans notre intelligence. La diversite? des
gou^ts peuts'appliquer a` ce qui est agre? able, caries sensations sont
la source de ce genre de plaisir; mais tous les hommes doivent
admirer ce qui est beau, soit dans les arts, soit dans la nature,
parce qu'ils ont dans leur a^me des sentiments d'origine ce? leste
que la beaute? re? veille, et dont elle les fait jouir.
Kant passe de la the? orie du beau a` celle du sublime, et cette
seconde partie de sa Critique du Jugement est plus remarquable
encore que la premie`re : il fait consister le sublime dans la liberte?
morale, aux prises avec le destin ou avec la nature. La puissance
sans bornes nous e? pouvante, la grandeur nous accable, toutefois
nous e? chappons par la vigueur de la volonte? au sentiment de
notre faiblesse physique. Le pouvoir du destin et l'immensite?
