Quelle
consolation
l'aspect de la beaute?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
es, a` cette froideur de sentiment qui laisse passer les jours
sans en tirer ni fruits, ni progre`s, ni souvenirs; et si le temps
ne sillonnait pas leurs traits, quelles traces auraient-ils garde? es
de son passage ? S'il ne fallait pas vieillir et mourir, quelle re? -
flexion se? rieuse entrerait jamais dans leur te^te? Quelques raisonneurs pre? tendent quel'enthousiasme de? gou^te
de la vie commune, et que, ne pouvant pas toujours rester dans
cette disposition, il vaut mieux ne l'e? prouver jamais: et pour-
quoi donc ont-ils accepte? d'e^tre jeunes, de vivre me^me, puisque
cela ne devait pas toujours durer? Pourquoi donc ont-ils aime? ,
si tant est que cela leur soit jamais arrive? , puisque la mort pou-
vait les se? parer des objets de leur affection? Quelle triste e? cono-
mie que celle de l'a^me ! elle nous a e? te? donne? e pour e^tre de? ve-
loppe? e, perfectionne? e, prodigue? e me^me dans un noble but.
Plus on engourdit la vie, plus on se rapproche de l'existence
mate? rielle, et plus l'on diminue, dira-t-on, la puissance de souf-
frir. Cet argument se? duitun grand nombre d'hommes; il con-
siste a` ta^cher d'exister le moins possible. Cependant, il y a tou-
jours dans la de? gradation une douleur dont on ne se rend pas
compte, et qui poursuit sans cesse en secret: l'ennui, la honte
et la fatigue qu'elle cause sont reve^tues des formes de l'imperti-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L ENTHOUSIASME. 583
tieuce et du de? dain par la vanite? ; mais il est bien rare qu'on s'e? -
tablisse en paix dans cette fac? on d'e^tre se`che et borne? e, qui laisse sans ressource en soi-me^me, quand les prospe? rite? s exte? rieures
nous de? laissent. L'homme a la conscience du beau comme celle
du bon, et la privation de l'un lui fait sentir le vide, ainsi que la
de? viation de l'autre, le remords.
On accuse l'enthousiasme d'e^tre passager; l'existence serait
trop heureuse si l'on pouvait retenir des e? motions si belles; mais,
c'est parce qu'elles se dissipent aise? ment qu'il faut s'occuper de
les conserver. La poe? sie et les beaux-arts servent a` de? velopper
dans l'homme ce bonheur d'illustre origine qui rele`ve les coeurs
abattus, et met a` la place de l'inquie`te satie? te? de la vie le senti-
ment habituel de l'harmonie divine dont nous et la nature fai-
sons partie. Il n'est aucun devoir, aucun plaisir, aucun sentiment
qui n'emprunte de l'enthousiasme je ne sais quel prestige, d'ac-
cord avec le pur charme de la ve? rite? .
Les hommes marchent tous au secours de leur pays, quand
les circonstances l'exigent; mais s'ils sont inspire? s par l'enthou-
siasme de leur patrie, de quel beau mouvement ne se sentent-ils
pas saisis ! Le sol qui les a vus nai^tre, la terre de leurs ai? eux,
la mer qui baigne les rochers '. de longs souvenirs, une lon-
gue espe? rance, tout se soule`ve autour d'eux comme un appel au
combat ; chaque battement de leur coeur est une pense? e d'amour
et de fierte? . Dieu l'a donne? e, cette patrie, aux hommes qui peu-
vent la de? fendre, aux femmes qui, pour elle, consentent aux
dangers de leurs fre`res, de leurs e? poux et de leurs fils. A l'ap-
proche des pe? rils qui la menacent, une fie`vre sans frisson, comme
sans de? lire, ha^te le cours du sang dans les veines; chaque effort
dans une telle lutte vient du recueillement inte? rieur le plus pro-
fond. L'on n'aperc? oit d'abord sur le visage de ces ge? ne? reux ci-
toyens que du calme; il y a trop de dignite? dans leurs e? motions pour qu'ils s'y livrent au dehors; mais que le signal se fasse en-
tendre, que la bannie`re nationale flotte dans les airs, et vous
1 11 est aise? d'apercevoir que je ta^chais, par cette phrase et par celles qui
mivent, de de? signer l'Angleterre ; en effet, je n'aurais pu parler ile la guerre
avec enthousiasme, sans nu; la repre? senter comme celle il'une nation libre
combattant pour son inde? pendance.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 584 DE L'ENTHOUSIASME.
verrez des regards jadis si doux, si pre^ts a` le redevenir a` l'aspect
du malheur, tout a` coup anime? s par une volonte? sainte et terri-
ble! Ni les blessures, ni le sang me^me. ne feront plus fre? mir;
ce n'est plus de la douleur, ce n'est plus de la mort, c'est une
offrande au Dieu desarme? es; nul regret, nulle incertitude, ne
se me^lent alors aux re? solutions les plus de? sespe? re? es; et quand
le coeur est entier dans ce qu'il veut, l'on jouit admirablement de
l'existence. De`s que l'homme se divise au dedans de lui-ma^me,
il ne sent plus la vie que comme un mal; et si. de tous les senti-
ments, l'enthousiame est celui qui rend le plus heureux, c'est
qu'il re? unit plus qu'aucun autre toutes les forces de l'a^me dans le
me^me foyer.
Les travaux de l'esprit ne semblent a` beaucoup d'e? crivains
qu'une occupation presque me? canique, et qui remplit leur vie
comme toute autre profession pourrait le faire; c'est encore quel-
que chose de pre? fe? rer celle-la`; mais de tels hommes ont-ils
l'ide? e du sublime bonheur de la pense? e, quand l'enthousiasme
l'anime? Savent-ils de quel espoir l'on se sent pe? ne? tre? , quand
on croit manifester par le don de l'e? loquence une ve? rite? profonde,
une ve? rite? qui forme un ge? ne? reux lien entre nous et toutes les
a^mes en sympathie avec la no^tre?
Les e? crivains sans enthousiasme ne connaissent, de la car-
rie`re litte? raire, que les critiques, les rivalite? s, les jalousies, tout
ce qui doit menacer la tranquillite? , quand on se me^le aux pas-
sions des hommes; ces attaques et ces injustices font quelquefois
du mal; mais la vraie, l'intime jouissance du talent peut-elle en
e^tre alte? re? e? Quand un livre parai^t, que de moments heureux
n'a-t-il pas de? ja` valus a` celui qui l'e? crivit selon son coeur, et
comme un acte de son culte! Que de larmes pleines de dou-
ceur n'a-t-il pas re? pandues dans sa solitude sur les merveilles
de la vie, l'amour, la gloire, la religion? Enfin, dans ses re^-
veries, n'a-t-il pas joui de l'air comme l'oiseau; des ondes,
comme un chasseur alte? re? ; des fleurs, comme un amantqui croit
respirer encore les parfums dont sa mai^tresse est environne? e?
Dans le monde, on se sent oppresse? par ses faculte? s, et l'on
souffre souvent d'e^tre seul de sa nature, au milieu de tant d'e^-
tres qui vivent a` si peu de frais; mais le talent cre? ateur suffit,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L'EM-JIOLSIASME. 585
pour quelques instants du moins, a` tous nos voeux; il a ses ri-
chesses et ses couronnes, il offre a` nos regards les images lu-
mineuses et pures d'un monde ide? al, et son pouvoir s'e? tend
quelquefois jusqu'a` nous faire entendre dans notre coeur la
voix d'un objet che? ri. Croient-ils connai^tre la terre, croient-ils avoir voyage? , ceux
qui ne sont pas doue? s d'une imagination enthousiaste? Leur
coeur bat-il pour l'e? cho des montagnes? l'air du midi les a-t-il
enivre? s de sa suave langueur? comprennent-ils la diversite? des
pays, l'accent et le caracte`re des idiomes e? trangers? les chants
populaires et les danses nationales leur de? couvrent-ils les moeurs
etle ge? nie d'une contre? e? suffit-il d'une seule sensation pour
re? veiller en eux une foule de souvenirs?
La nature peut-elle e^tre sentie par des hommes sans enthou-
siasme? ont-ils pu lui parler de leurs froids inte? re^ts, de leurs
mise? rables de? sirs? Que re? pondraient la mer et les e? toiles aux
vanite? s e? troites de chaque homme pour chaque jour? Mais si
notre a^me est e? mue, si elle cherche un Dieu dans l'univers, si
me^me elle veut encore de la gloire et de l'amour, il y a des nua-
ges qui lui parlent, des torrents qui se laissent interroger, et
le vent dans la bruye`re semble daigner nous dire quelque chose
de ce qu'on aime.
Les hommes sans enthousiasme croient gou^ter des jouissan-
ces par les arts; ils aiment l'e? le? gance du luxe, ils veulent se con-
nai^tre en musique et en peinture, afin d'en parler avec gra^ce, avec
gou^t, et me^me avec ce ton de supe? riorite? qui convient a` l'homme
du monde, lorsqu'il s'agit de l'imagination ou de la nature;
mais tous ses arides plaisirs, que sont-ils a` co^te? du ve? ritable en-
thousiasme? En contemplant le regard de la Niobe? , de cette
douleur calme et terrible qui semble accuser les dieux d'avoir
e? te? jaloux du bonheur d'une me`re, quel mouvement s'e? le`ve dans
notre sein!
Quelle consolation l'aspect de la beaute? ne fait-il
pas e? prouver? car la beaute? est aussi de l'a^me, et l'admiration
qu'elle inspire est noble et pure. Ne faut-il pas, pour admirer
l'Apollon, sentir en soi-me^me un genre de fierte? qui foule aux
pieds tous les serpents de la terre? Ne faut-il pas e^tre chre? tien,
pour pe? ne? trer la physionomie des vierges de Raphae? l et du
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? 586 DE L'ENTHOUSIASME.
saint Je? ro^me du Dominiquin? pour retrouver la me^me expres-
sion dans la gra^ce enchanteresse et dans le visage abattu, dans
la jeunesse e? clatante et dans les traits de? figure? s; la me^me ex-
pression qui part de l'a^me et traverse, comme un rayon ce? leste,
l'aurore de la vie , ou les te? ne`bres de l'a^ge avance? ?
Y a-t-il de la musique pour ceux qui ne sont pas capables
d'enthousiasme? Une certaine habitude leur rend les sons har-
monieux ne? cessaires, ils en jouissent comme de la saveur des
fruits du prestige des couleurs; mais leure^treentier a-t-il retenti
comme une lyre, quand , au milieu de la nuit, le silence a tout
a` coup e? te? trouble? par des chants, ou par ces instruments qui
ressemblent a` la voix humaine? Ont-ils alors senti le myste`re de
l'existence, dans cet attendrissement qui re? unit nos deux natu-
res, et confond dans une me^me jouissance les sensations et l'a^me?
Les palpitations de leur coeur ont-elles suivi le rhythme de la mu-
sique? Une e? motion pleine de charmes leur a-t-elle appris ces
pleurs qui n'ont rien de personnel, ces pleurs qui ne deman-
dent point de pitie? , mais qui nous de? livrent d'une souffrance
inquie`te, excite? e par le besoin d'admirer et d'aimer?
Le gou^tdes spectacles est universel, car la plupart des hommes
ont plus d'imagination qu'ils necroient, et ce qu'ils conside`rent
comme l'attrait du plaisir, comme une sorte de faiblesse qui
tient encore a` l'enfance, est souvent ce qu'ils ont de meilleur en
eux: ils sont, en pre? sence des fictions, vrais, naturels, e? mus,
tandis que, dans le monde, la dissimulation, le calcul et la
vanite? disposent de leurs paroles; de leurs sentiments et de
leurs actions. Mais pensent-ils avoir senti tout ce qu'inspireune
trage? die vraiment belle, ces hommes pour qui la peinture des
affections les plus profondes n'est qu'une distraction amusante?
Se doutent-ils du trouble de? licieux que font e? prouver les passions
e? pure? es par la poe? sie? Ah! combien les fictions nous donnent
de plaisirs! Elles nous inte? ressent sans faire nai^tre en nous ni
remords ni crainte, et la sensibilite? qu'elles de? veloppent n'a pas
cette a^prete? douloureuse dont les affections ve? ritables ne sont
presque jamais exemptes.
Quelle magie le langage de l'amour n'emprunte-t-il pas de la
poe? sie et des beaux-arts! qu'il estbeau d'aimer par le coeur et par
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? DE L ENTHOUSIASME. 587
la pense? e! de varier ainsi de mille manie`res un sentiment qu'un
seul mot peut exprime/, mais pour lequel toutes les paroles du
monde ne sont encore que mise`re! de se pe? ne? trer des chefs-
d'oeuvre de l'imagination, qui rele`vent tous de l'amour, et de
trouver, dans les merveilles de la nature et du ge? nie, quelques
expressions de plus pour re? ve? ler son propre coeur!
Qu'ont-ils e? prouve? , ceux qui n'ont point admire? la femme qu'ils
aimaient, ceux en qui le sentiment n'est point un hymne du coeur,
et pour qui la gra^ce et la beaute? ne sont pas l'image ce? leste des
affections les plus touchantes? Qu'a-t-elle senti celle qui n'a
point vu dans l'objet de son choix un protecteur sublime, un
guide fort et doux, dont le regard commande et supplie, et qui
rec? oit a` genoux le droit de disposer de notre sort? Quelles de? lices
inexprimables les pense? es se? rieuses ne me^lent-elles pas aux
impressions les plus vives ! La tendresse de cet ami, de? positaire
de notre bonheur, doit nous benir aux portes du tombeau, comme
dans les beaux jours de la jeunesse; et tout ce qu'il y a de solen-
nel dans l'existence se change en e? motions de? licieuses, quand l'a-
mour est charge? , comme chez les anciens, d'allumer et d'e? tein-
dre le flambeau de la vie.
Si l'enthousiasme enivre l'a^me de bonheur, par un prestige
singulier il soutient encore dans l'infortune; il laisse apre`s lui je
ne sais quelle trace lumineuse et profonde, qui ne permet pas
me^me a` l'absence de nous effacer du coeur de nos amis. Il nous
sert aussi d'asile a` uous-me^mes contre les peines les plus ame`res,
et c'est le seul sentiment qui puisse calmer sans refroidir.
Les affections les plus simples , celles que tous les coeurs se
croient capables de sentir, l'amour maternel, l'amour filial, peut-
on se flatter de les avoir connues dans leur ple? nitude, quand on
n'y a pas me^le? d'enthousiasme? Comment aimer son fils sans se
flatter qu'il sera noble et fier, sans souhaiter pour lui la gloire
qui multiplierait sa vie, qui nous ferait entendre de toutes parts
le nom que. notre coeur re? pe`te? Pourquoi ne jouirait-on pas avec
transport des talents de son fils, du charme de sa fille? Quelle
singulie`re ingratitude envers la Divinite? , que l'indiffe? rence pour
ses dons! ne sont-ils par ce? lestes, puisqu'ils rendent plus facile
de plaire a` ce qu'on aime?
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? 68tt 1>E L ENTHOUSIASME.
Si quelque malheur cependant ravissait de tels avantages a` no-
tre enfant, le me^me sentiment prendrait alors une autre forme:
il exalterait en nous la pitie? , la sympathie, le bonheur d'e^tre ne? -
cessaire. Dans toutes les circonstances, l'enthousiasme anime
ou console; et lors me^me que le coup le plus cruel nous atteint,
quand nous perdons celui qui nous a donne? la vie, celui que nous
aimions comme un ange tute? laire, et qui nous inspirait a` la fois
un respect sans crainte et une confiance sans bornes, l'enthou-
siasme vient encore a` notre secours; il rassemble dans notre sein
quelques e? tincelles de l'a^me qui s'est envole? e vers les cieux, nous
vivons en sa pre? sence, et nous nous promettons de transmettre
un jour l'histoire de sa vie. Jamais , nous le croyons, jamais sa
main paternelle ne nous abandonnera tout a` fait dans ce monde,
et son image attendrie se penchera vess nous pour nous soutenir
avant de nous rappeler.
Enfm, quand elle arrive, la grande lutte, quand il fauta` son
tour se pre? senter au combat de la mort, sans doute, l'affaiblis-
sement de nos faculte? s , la perte de nos espe? rances, cette vie si
forte qui s'obscurcit, cette foule de sentiments et d'ide? es qui habi-
taient dans notre sein, et que les te? ne`bres de la tombe envelop-
pent , ces inte? re^ts, ces affections, cette existence qui se change
en fanto^me avant de s'e? vanouir, tout cela fait mal, et l'homme
vulgaire parai^t, quand il expire, avoir moinsa` mourir! Dieu soit
be? ni cependant pour le secours qu'il nous pre? pare encore dans
cet instant; nos paroles seront incertaines, nos yeux ne verront
plus la lumie`re, nos re? flexions, qui s'enchai^naient avec clarte? , ne
feront plus qu'errer isole? es sur de confuses traces ; mais l'enthou-
siasme ne nous abandonnera pas. ses ailes brillantes planeront
sur notre lit fune`bre, il soule`vera les voiles de la mort, il nous
rappellera ces moments ou`, pleins d'e? nergie, nous avions senti
que notre coeur e? tait impe? rissable, et. nos derniers soupirs seront
peut-e^tre comme une noble pense? e qui remonte vers le ciel.
? << O France! terre de gloire et d'amour! si l'enthousiasme
1 Cette dernie`re phrase est celle qui a excite? le plus d'indignation a` la polict:
contre mon livre; il me semble cependant qu'elle n'aurait pu de? plaire ans
Franc? ais.
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? DE L'ENTHOUSIASME. 589
<< un jour s'e? teignait sur votre sol, si le calcul disposait de tout,
<< et que le raisonnement seul inspira^t me^me le me? pris des pe? rils ,
<< a` quoi vous serviraient votre beau ciel, vos esprits si brillants ,
a votre nature si fe? conde? Une intelligence active, une impe? -
<< tuosite? savante vous rendraient les mai^tres du monde; mais
<< vous n'y laisseriez que la trace des torrents de sables, terribles
<< comme les flots, arides comme le de? sert! >>
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? TABLE.
Page>>.
Pre? face 1
Observations ge? ne? rales t
PREMIE`RE PARTIE.
DE t'ALi. EMiCNE ET DES MOEURS DES ALLEMANDS
Ciup. I. -- De l'aspect de l'Allemagne 13
-- II. -- Des moeurs et du caracte? re des Allemands 15
-- III. -- Des femmes 25
-- IV. -- De l'influence de l'esprit de chevalerie sur l'amour
et l'honneur 28
-- V.
sans en tirer ni fruits, ni progre`s, ni souvenirs; et si le temps
ne sillonnait pas leurs traits, quelles traces auraient-ils garde? es
de son passage ? S'il ne fallait pas vieillir et mourir, quelle re? -
flexion se? rieuse entrerait jamais dans leur te^te? Quelques raisonneurs pre? tendent quel'enthousiasme de? gou^te
de la vie commune, et que, ne pouvant pas toujours rester dans
cette disposition, il vaut mieux ne l'e? prouver jamais: et pour-
quoi donc ont-ils accepte? d'e^tre jeunes, de vivre me^me, puisque
cela ne devait pas toujours durer? Pourquoi donc ont-ils aime? ,
si tant est que cela leur soit jamais arrive? , puisque la mort pou-
vait les se? parer des objets de leur affection? Quelle triste e? cono-
mie que celle de l'a^me ! elle nous a e? te? donne? e pour e^tre de? ve-
loppe? e, perfectionne? e, prodigue? e me^me dans un noble but.
Plus on engourdit la vie, plus on se rapproche de l'existence
mate? rielle, et plus l'on diminue, dira-t-on, la puissance de souf-
frir. Cet argument se? duitun grand nombre d'hommes; il con-
siste a` ta^cher d'exister le moins possible. Cependant, il y a tou-
jours dans la de? gradation une douleur dont on ne se rend pas
compte, et qui poursuit sans cesse en secret: l'ennui, la honte
et la fatigue qu'elle cause sont reve^tues des formes de l'imperti-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L ENTHOUSIASME. 583
tieuce et du de? dain par la vanite? ; mais il est bien rare qu'on s'e? -
tablisse en paix dans cette fac? on d'e^tre se`che et borne? e, qui laisse sans ressource en soi-me^me, quand les prospe? rite? s exte? rieures
nous de? laissent. L'homme a la conscience du beau comme celle
du bon, et la privation de l'un lui fait sentir le vide, ainsi que la
de? viation de l'autre, le remords.
On accuse l'enthousiasme d'e^tre passager; l'existence serait
trop heureuse si l'on pouvait retenir des e? motions si belles; mais,
c'est parce qu'elles se dissipent aise? ment qu'il faut s'occuper de
les conserver. La poe? sie et les beaux-arts servent a` de? velopper
dans l'homme ce bonheur d'illustre origine qui rele`ve les coeurs
abattus, et met a` la place de l'inquie`te satie? te? de la vie le senti-
ment habituel de l'harmonie divine dont nous et la nature fai-
sons partie. Il n'est aucun devoir, aucun plaisir, aucun sentiment
qui n'emprunte de l'enthousiasme je ne sais quel prestige, d'ac-
cord avec le pur charme de la ve? rite? .
Les hommes marchent tous au secours de leur pays, quand
les circonstances l'exigent; mais s'ils sont inspire? s par l'enthou-
siasme de leur patrie, de quel beau mouvement ne se sentent-ils
pas saisis ! Le sol qui les a vus nai^tre, la terre de leurs ai? eux,
la mer qui baigne les rochers '. de longs souvenirs, une lon-
gue espe? rance, tout se soule`ve autour d'eux comme un appel au
combat ; chaque battement de leur coeur est une pense? e d'amour
et de fierte? . Dieu l'a donne? e, cette patrie, aux hommes qui peu-
vent la de? fendre, aux femmes qui, pour elle, consentent aux
dangers de leurs fre`res, de leurs e? poux et de leurs fils. A l'ap-
proche des pe? rils qui la menacent, une fie`vre sans frisson, comme
sans de? lire, ha^te le cours du sang dans les veines; chaque effort
dans une telle lutte vient du recueillement inte? rieur le plus pro-
fond. L'on n'aperc? oit d'abord sur le visage de ces ge? ne? reux ci-
toyens que du calme; il y a trop de dignite? dans leurs e? motions pour qu'ils s'y livrent au dehors; mais que le signal se fasse en-
tendre, que la bannie`re nationale flotte dans les airs, et vous
1 11 est aise? d'apercevoir que je ta^chais, par cette phrase et par celles qui
mivent, de de? signer l'Angleterre ; en effet, je n'aurais pu parler ile la guerre
avec enthousiasme, sans nu; la repre? senter comme celle il'une nation libre
combattant pour son inde? pendance.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 584 DE L'ENTHOUSIASME.
verrez des regards jadis si doux, si pre^ts a` le redevenir a` l'aspect
du malheur, tout a` coup anime? s par une volonte? sainte et terri-
ble! Ni les blessures, ni le sang me^me. ne feront plus fre? mir;
ce n'est plus de la douleur, ce n'est plus de la mort, c'est une
offrande au Dieu desarme? es; nul regret, nulle incertitude, ne
se me^lent alors aux re? solutions les plus de? sespe? re? es; et quand
le coeur est entier dans ce qu'il veut, l'on jouit admirablement de
l'existence. De`s que l'homme se divise au dedans de lui-ma^me,
il ne sent plus la vie que comme un mal; et si. de tous les senti-
ments, l'enthousiame est celui qui rend le plus heureux, c'est
qu'il re? unit plus qu'aucun autre toutes les forces de l'a^me dans le
me^me foyer.
Les travaux de l'esprit ne semblent a` beaucoup d'e? crivains
qu'une occupation presque me? canique, et qui remplit leur vie
comme toute autre profession pourrait le faire; c'est encore quel-
que chose de pre? fe? rer celle-la`; mais de tels hommes ont-ils
l'ide? e du sublime bonheur de la pense? e, quand l'enthousiasme
l'anime? Savent-ils de quel espoir l'on se sent pe? ne? tre? , quand
on croit manifester par le don de l'e? loquence une ve? rite? profonde,
une ve? rite? qui forme un ge? ne? reux lien entre nous et toutes les
a^mes en sympathie avec la no^tre?
Les e? crivains sans enthousiasme ne connaissent, de la car-
rie`re litte? raire, que les critiques, les rivalite? s, les jalousies, tout
ce qui doit menacer la tranquillite? , quand on se me^le aux pas-
sions des hommes; ces attaques et ces injustices font quelquefois
du mal; mais la vraie, l'intime jouissance du talent peut-elle en
e^tre alte? re? e? Quand un livre parai^t, que de moments heureux
n'a-t-il pas de? ja` valus a` celui qui l'e? crivit selon son coeur, et
comme un acte de son culte! Que de larmes pleines de dou-
ceur n'a-t-il pas re? pandues dans sa solitude sur les merveilles
de la vie, l'amour, la gloire, la religion? Enfin, dans ses re^-
veries, n'a-t-il pas joui de l'air comme l'oiseau; des ondes,
comme un chasseur alte? re? ; des fleurs, comme un amantqui croit
respirer encore les parfums dont sa mai^tresse est environne? e?
Dans le monde, on se sent oppresse? par ses faculte? s, et l'on
souffre souvent d'e^tre seul de sa nature, au milieu de tant d'e^-
tres qui vivent a` si peu de frais; mais le talent cre? ateur suffit,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
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pour quelques instants du moins, a` tous nos voeux; il a ses ri-
chesses et ses couronnes, il offre a` nos regards les images lu-
mineuses et pures d'un monde ide? al, et son pouvoir s'e? tend
quelquefois jusqu'a` nous faire entendre dans notre coeur la
voix d'un objet che? ri. Croient-ils connai^tre la terre, croient-ils avoir voyage? , ceux
qui ne sont pas doue? s d'une imagination enthousiaste? Leur
coeur bat-il pour l'e? cho des montagnes? l'air du midi les a-t-il
enivre? s de sa suave langueur? comprennent-ils la diversite? des
pays, l'accent et le caracte`re des idiomes e? trangers? les chants
populaires et les danses nationales leur de? couvrent-ils les moeurs
etle ge? nie d'une contre? e? suffit-il d'une seule sensation pour
re? veiller en eux une foule de souvenirs?
La nature peut-elle e^tre sentie par des hommes sans enthou-
siasme? ont-ils pu lui parler de leurs froids inte? re^ts, de leurs
mise? rables de? sirs? Que re? pondraient la mer et les e? toiles aux
vanite? s e? troites de chaque homme pour chaque jour? Mais si
notre a^me est e? mue, si elle cherche un Dieu dans l'univers, si
me^me elle veut encore de la gloire et de l'amour, il y a des nua-
ges qui lui parlent, des torrents qui se laissent interroger, et
le vent dans la bruye`re semble daigner nous dire quelque chose
de ce qu'on aime.
Les hommes sans enthousiasme croient gou^ter des jouissan-
ces par les arts; ils aiment l'e? le? gance du luxe, ils veulent se con-
nai^tre en musique et en peinture, afin d'en parler avec gra^ce, avec
gou^t, et me^me avec ce ton de supe? riorite? qui convient a` l'homme
du monde, lorsqu'il s'agit de l'imagination ou de la nature;
mais tous ses arides plaisirs, que sont-ils a` co^te? du ve? ritable en-
thousiasme? En contemplant le regard de la Niobe? , de cette
douleur calme et terrible qui semble accuser les dieux d'avoir
e? te? jaloux du bonheur d'une me`re, quel mouvement s'e? le`ve dans
notre sein!
Quelle consolation l'aspect de la beaute? ne fait-il
pas e? prouver? car la beaute? est aussi de l'a^me, et l'admiration
qu'elle inspire est noble et pure. Ne faut-il pas, pour admirer
l'Apollon, sentir en soi-me^me un genre de fierte? qui foule aux
pieds tous les serpents de la terre? Ne faut-il pas e^tre chre? tien,
pour pe? ne? trer la physionomie des vierges de Raphae? l et du
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? 586 DE L'ENTHOUSIASME.
saint Je? ro^me du Dominiquin? pour retrouver la me^me expres-
sion dans la gra^ce enchanteresse et dans le visage abattu, dans
la jeunesse e? clatante et dans les traits de? figure? s; la me^me ex-
pression qui part de l'a^me et traverse, comme un rayon ce? leste,
l'aurore de la vie , ou les te? ne`bres de l'a^ge avance? ?
Y a-t-il de la musique pour ceux qui ne sont pas capables
d'enthousiasme? Une certaine habitude leur rend les sons har-
monieux ne? cessaires, ils en jouissent comme de la saveur des
fruits du prestige des couleurs; mais leure^treentier a-t-il retenti
comme une lyre, quand , au milieu de la nuit, le silence a tout
a` coup e? te? trouble? par des chants, ou par ces instruments qui
ressemblent a` la voix humaine? Ont-ils alors senti le myste`re de
l'existence, dans cet attendrissement qui re? unit nos deux natu-
res, et confond dans une me^me jouissance les sensations et l'a^me?
Les palpitations de leur coeur ont-elles suivi le rhythme de la mu-
sique? Une e? motion pleine de charmes leur a-t-elle appris ces
pleurs qui n'ont rien de personnel, ces pleurs qui ne deman-
dent point de pitie? , mais qui nous de? livrent d'une souffrance
inquie`te, excite? e par le besoin d'admirer et d'aimer?
Le gou^tdes spectacles est universel, car la plupart des hommes
ont plus d'imagination qu'ils necroient, et ce qu'ils conside`rent
comme l'attrait du plaisir, comme une sorte de faiblesse qui
tient encore a` l'enfance, est souvent ce qu'ils ont de meilleur en
eux: ils sont, en pre? sence des fictions, vrais, naturels, e? mus,
tandis que, dans le monde, la dissimulation, le calcul et la
vanite? disposent de leurs paroles; de leurs sentiments et de
leurs actions. Mais pensent-ils avoir senti tout ce qu'inspireune
trage? die vraiment belle, ces hommes pour qui la peinture des
affections les plus profondes n'est qu'une distraction amusante?
Se doutent-ils du trouble de? licieux que font e? prouver les passions
e? pure? es par la poe? sie? Ah! combien les fictions nous donnent
de plaisirs! Elles nous inte? ressent sans faire nai^tre en nous ni
remords ni crainte, et la sensibilite? qu'elles de? veloppent n'a pas
cette a^prete? douloureuse dont les affections ve? ritables ne sont
presque jamais exemptes.
Quelle magie le langage de l'amour n'emprunte-t-il pas de la
poe? sie et des beaux-arts! qu'il estbeau d'aimer par le coeur et par
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? DE L ENTHOUSIASME. 587
la pense? e! de varier ainsi de mille manie`res un sentiment qu'un
seul mot peut exprime/, mais pour lequel toutes les paroles du
monde ne sont encore que mise`re! de se pe? ne? trer des chefs-
d'oeuvre de l'imagination, qui rele`vent tous de l'amour, et de
trouver, dans les merveilles de la nature et du ge? nie, quelques
expressions de plus pour re? ve? ler son propre coeur!
Qu'ont-ils e? prouve? , ceux qui n'ont point admire? la femme qu'ils
aimaient, ceux en qui le sentiment n'est point un hymne du coeur,
et pour qui la gra^ce et la beaute? ne sont pas l'image ce? leste des
affections les plus touchantes? Qu'a-t-elle senti celle qui n'a
point vu dans l'objet de son choix un protecteur sublime, un
guide fort et doux, dont le regard commande et supplie, et qui
rec? oit a` genoux le droit de disposer de notre sort? Quelles de? lices
inexprimables les pense? es se? rieuses ne me^lent-elles pas aux
impressions les plus vives ! La tendresse de cet ami, de? positaire
de notre bonheur, doit nous benir aux portes du tombeau, comme
dans les beaux jours de la jeunesse; et tout ce qu'il y a de solen-
nel dans l'existence se change en e? motions de? licieuses, quand l'a-
mour est charge? , comme chez les anciens, d'allumer et d'e? tein-
dre le flambeau de la vie.
Si l'enthousiasme enivre l'a^me de bonheur, par un prestige
singulier il soutient encore dans l'infortune; il laisse apre`s lui je
ne sais quelle trace lumineuse et profonde, qui ne permet pas
me^me a` l'absence de nous effacer du coeur de nos amis. Il nous
sert aussi d'asile a` uous-me^mes contre les peines les plus ame`res,
et c'est le seul sentiment qui puisse calmer sans refroidir.
Les affections les plus simples , celles que tous les coeurs se
croient capables de sentir, l'amour maternel, l'amour filial, peut-
on se flatter de les avoir connues dans leur ple? nitude, quand on
n'y a pas me^le? d'enthousiasme? Comment aimer son fils sans se
flatter qu'il sera noble et fier, sans souhaiter pour lui la gloire
qui multiplierait sa vie, qui nous ferait entendre de toutes parts
le nom que. notre coeur re? pe`te? Pourquoi ne jouirait-on pas avec
transport des talents de son fils, du charme de sa fille? Quelle
singulie`re ingratitude envers la Divinite? , que l'indiffe? rence pour
ses dons! ne sont-ils par ce? lestes, puisqu'ils rendent plus facile
de plaire a` ce qu'on aime?
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? 68tt 1>E L ENTHOUSIASME.
Si quelque malheur cependant ravissait de tels avantages a` no-
tre enfant, le me^me sentiment prendrait alors une autre forme:
il exalterait en nous la pitie? , la sympathie, le bonheur d'e^tre ne? -
cessaire. Dans toutes les circonstances, l'enthousiasme anime
ou console; et lors me^me que le coup le plus cruel nous atteint,
quand nous perdons celui qui nous a donne? la vie, celui que nous
aimions comme un ange tute? laire, et qui nous inspirait a` la fois
un respect sans crainte et une confiance sans bornes, l'enthou-
siasme vient encore a` notre secours; il rassemble dans notre sein
quelques e? tincelles de l'a^me qui s'est envole? e vers les cieux, nous
vivons en sa pre? sence, et nous nous promettons de transmettre
un jour l'histoire de sa vie. Jamais , nous le croyons, jamais sa
main paternelle ne nous abandonnera tout a` fait dans ce monde,
et son image attendrie se penchera vess nous pour nous soutenir
avant de nous rappeler.
Enfm, quand elle arrive, la grande lutte, quand il fauta` son
tour se pre? senter au combat de la mort, sans doute, l'affaiblis-
sement de nos faculte? s , la perte de nos espe? rances, cette vie si
forte qui s'obscurcit, cette foule de sentiments et d'ide? es qui habi-
taient dans notre sein, et que les te? ne`bres de la tombe envelop-
pent , ces inte? re^ts, ces affections, cette existence qui se change
en fanto^me avant de s'e? vanouir, tout cela fait mal, et l'homme
vulgaire parai^t, quand il expire, avoir moinsa` mourir! Dieu soit
be? ni cependant pour le secours qu'il nous pre? pare encore dans
cet instant; nos paroles seront incertaines, nos yeux ne verront
plus la lumie`re, nos re? flexions, qui s'enchai^naient avec clarte? , ne
feront plus qu'errer isole? es sur de confuses traces ; mais l'enthou-
siasme ne nous abandonnera pas. ses ailes brillantes planeront
sur notre lit fune`bre, il soule`vera les voiles de la mort, il nous
rappellera ces moments ou`, pleins d'e? nergie, nous avions senti
que notre coeur e? tait impe? rissable, et. nos derniers soupirs seront
peut-e^tre comme une noble pense? e qui remonte vers le ciel.
? << O France! terre de gloire et d'amour! si l'enthousiasme
1 Cette dernie`re phrase est celle qui a excite? le plus d'indignation a` la polict:
contre mon livre; il me semble cependant qu'elle n'aurait pu de? plaire ans
Franc? ais.
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? DE L'ENTHOUSIASME. 589
<< un jour s'e? teignait sur votre sol, si le calcul disposait de tout,
<< et que le raisonnement seul inspira^t me^me le me? pris des pe? rils ,
<< a` quoi vous serviraient votre beau ciel, vos esprits si brillants ,
a votre nature si fe? conde? Une intelligence active, une impe? -
<< tuosite? savante vous rendraient les mai^tres du monde; mais
<< vous n'y laisseriez que la trace des torrents de sables, terribles
<< comme les flots, arides comme le de? sert! >>
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? TABLE.
Page>>.
Pre? face 1
Observations ge? ne? rales t
PREMIE`RE PARTIE.
DE t'ALi. EMiCNE ET DES MOEURS DES ALLEMANDS
Ciup. I. -- De l'aspect de l'Allemagne 13
-- II. -- Des moeurs et du caracte? re des Allemands 15
-- III. -- Des femmes 25
-- IV. -- De l'influence de l'esprit de chevalerie sur l'amour
et l'honneur 28
-- V.