Le protestan-
tisme et le catholicisme existent dans le coeur humain ; ce sont
des puissances morales qui se de?
tisme et le catholicisme existent dans le coeur humain ; ce sont
des puissances morales qui se de?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
sents a`
cet acte du culte, savent quelle est la pierre qu'on doit placer
sur leur cercueil, et respirent de? ja` le parfum du jeune arbre
dont les feuilles et les fleurs se pencheront sur leurs tombes.
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? 530 DU CATHOLIC1SMB.
C'est ainsi qu'on a vu, dans les temps modernes, une arme? e
tout entie`re, assistant a` ses propres fune? railles, dire pour elle-me^me le service des morts, de? cide? e qu'elle e? tait a` conque? rir
l'immortalite? . '
La communion des Moraves ne peut point s'adapter a` l'e? tat
social, tel que les circonstances nous le commandent; mais,
comme on a beaucoup dit depuis quelque temps que le catholi-
cisme seul parlait a` l'imagination, il importe d'observer que ce
qui remue vraiment l'a^me, dans la religion, est commun a` tou-
tes les e? glises chre? tiennes. Un se? pulcre et une prie`re e? puisent
toute la puissance de l'attendrissement; et plus la croyance est
simple, plus le culte cause d'e? motion.
CHAPITRE IV.
Du catholicisme.
La religion catholique est plus tole? rante en Allemagne que
dans tout autre pays. La paix de Westphalie ayant fixe? les droits
des diffe? rentes religions, elles ne craignent plus leurs envahis-
sements mutuels; et d'ailleurs le me? lange des cultes, dans un
grand nombre de villes, a ne? cessairement amene? l'occasion de
se voir et de se juger. Dans les opinions religieuses, comme
dans les opinions politiques, on se fait de ses adversaires un
fanto^me qui se dissipe presque toujours parleur pre? sence; la
sympathie nous montre un semblable dans celui qu'on croyait
son ennemi.
Le protestantisme e? tant beaucoup plus favorable aux lumie`-
res que le catholicisme, les catholiques, en Allemagne, se sont
mis sur une espe`ce de de? fensive qui nuit beaucoup au progre`s
1 C'est a` Saragosse qu'a eu lieu l'admirable sce? ne a` laquelle je Faisais allu-
sion , sans oser la designer plus clairement! Un aide de camp du ge? ne? ral fran-
c? ais vint proposer a` la garnison de la ville de se rendre, et le chef des troupes
espagnoles le conduisit sur la place publique; il vit sur cette place et dans
l'e? glise tendue de noir, les soldats et les officiers a` genoux, entendant le ser-
vice des morts. En effet, bien pen de ces guerriers vivent encore, et les ha
bitants de la ville ont aussi partage? le sort de leurs de? fenseurs.
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? DU CATHOLICISME 531
des ide? es. Dans les pays ou` la religion catholique re? gnait seule,
tels que la France et l'Italie, on a su la re? unir a` la litte? rature et
aux beaux-arts; mais en Allemagne, ou` les protestants se sont
empare? s, par les universite? s et par leur tendance naturelle, de
tout ce qui tient aux e? tudes litte? raires et philosophiques, les
catholiques se sont crus oblige? s de leur opposer un certain genre
de re? serve qui e? teint presque tout moyen de se distinguer dans la
carrie`re de l'imagination et de la pense? e. La musique est le
seul des beaux-arts porte? , dans le midi de l'Allemagne, a` un
plus haut degre? de perfection que dans le nord, a` moins que
l'on ne compte comme l'un des beaux-arts un certain genre devie commode , dont les jouissances s'accordent assez bien avec
le repos de l'esprit.
Il y a parmi les catholiques, en Allemagne, une pie? te? since`re,
tranquille et charitable, mais il n'y a point de pre? dicateurs ce? -
le`bres , ni d'e? crivains religieux a` citer; rien n'y excite le mou-
vement de l'a^me; l'on y prend la religion comme une chose de
fait, ou` l'enthousiasme n'a point de part, et l'on dirait que,
dans un culte si bien consolide? , l'autre vie elle-me^me devient
une ve? rite? positive sur laquelle on n'exerce plus la pense? e.
La re? volution qui s'est faite dans les esprits philosophiques
en Allemagne, depuis trente ans, les a presque tous ramene? s
aux sentiments religieux. Ils s'en e? taient un peu e? carte? s, lors-
que l'impulsion ne? cessaire pour propager la tole? rance avait de? passe? son but; mais, en rappelant l'ide? alisme dans la me? ta-
physique , l'inspiration dans la poe? sie, la contemplation dans
les sciences, on a renouvele? l'empire de la religion, et la re? forme de la re? formation, ou pluto^t la direction philosophique
dela liberte? qu'elle a donne? e, a banni pour jamais, du moins
en the? orie , le mate? rialisme et toutes ses applications funestes.
Au milieu de cette re? volution intellectuelle, si fe? conde en no-
bles re? sultats, quelques hommes ont e? te? trop loin, comme il
arrive toujours dans les oscillations de la pense? e.
On dirait que l'esprit humain se pre? cipite toujours d'un ex-
tre^me a` l'autre, comme si les opinions qu'il vient de quitter se
changeaient en remords pour le poursuivre. La re? formation , di-
sent quelques e? crivains de la nouvelle e? cole, a e? te? la cause de
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? 532 DU CATHOLICISME.
plusieurs guerres de religion; elle a se? pare? le nord du midi de
l'Allemagne; elle a donne? aux Allemands la funeste habitude de
se combattre les uns les autres, et ces divisions leur ont o^te? le
droit de s'appeler une nation. Enfin, la re? formation, en intro-
duisant l'esprit d'examen, a rendu l'imagination aride, et mis
le doute a` la place de la foi; il faut donc, re? pe`tent ces me^mes
hommes, revenir a` l'unite? de l'E? glise en retournant au catholi-
cisme.
D'abord, si Charles-Quint avait adopte? le luthe? ranisme, il y
aurait eu de me^me unite? dans l'Allemagne, et le pays entier se-
rait, comme la partie du Nord, l'asile des sciences et des let-
tres. Peut-e^tre que cet accord auraitdonne? naissance a` des ins-
titutionslibres, combine? es avec une force re? elle; et peut-e^tre
aurait-on e? vite? cette triste se? paration du caracte`re et des lumie`-
res , qui a livre? le Nord a` la re^verie, et maintenu le Midi dans
son ignorance. Mais, sans se perdre en conjectures sur ce qui
serait arrive? , calcul toujours tre`s-incertain, on ne peut nier que
l'e? poque de la re? formation ne soit celle ou` les lettres et la philo-
sophie se sont introduites en Allemagne. Ce pays ne peut e^tre
mis au premier rang, ni pour la guerre, ni pour les arts, ni pour
la liberte? politique : ce sont les lumie`res dont l'Allemagne adroit de s'enorgueillir, et son influence sur l'Europe pensante
date du protestantisme. De telles re? volutions ne s'ope`rent ni ne
se de? truisent par des raisonnements, elks appartiennent a` la
marche historique de l'esprit humain; etles hommes qui pa-
raissent en e^tre les auteurs, n'en sont jamais que les conse? -
quences.
Le catholicisme, aujourd'hui de? sarme? , a la majeste? d'un
vieux lion qui jadis faisait trembler l'univers; mais, quand les
abus de son pouvoir amene`rent la re? formation, il mettait des
entraves a` l'esprit humain, et, loin que ce fu^t par se? cheresse de
coeur qu'on s'opposait alors a` son ascendant, c'e? tait pour faire
usage de toutes les faculte? s de l'esprit et de l'imagination qu'on
re? clamait avec force la liberte? de penser. Si des circonstances
toutes divines, et ou` la main des hommes ne se fit sentir en
rien, amenaient un jour un rapprochement entre les deux E? gli-
ses, on prierait Dieu, ce me semble, avec une e? motion uou-
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? DU CATHOLICISME. 533
velle, a` co^te? des pre^tres ve? ne? rables qui, dans les dernie`res an-
ne? es du sie`cle passe? , ont tant souffert pour leur conscience.
Mais ce n'est su^rement pas le changement de religion de quel-
ques hommes, ni surtout l'injuste de? faveur que leurs e? crits ten-
dent a` jeter sur la religion re? forme? e, qui pourraient conduire
a` l'unite? des opinions religieuses.
Il y a dans l'esprit humain deux forces tre`s-distinctes, l'une inspire le besoin de croire, l'autre celui d'examiner. L'une de
ces faculte? s ne doit pas e^tre satisfaite aux de? pens de l'autre: le
protestantisme et le catholicisme ne viennent point de ce qu'il y
a eu des papes et un Luther; c'est une pauvre manie`re de con-
side? rer l'histoire, que de l'attribuer a` des hasards.
Le protestan-
tisme et le catholicisme existent dans le coeur humain ; ce sont
des puissances morales qui se de? veloppent dans les nations,
parce qu'elles existent dans chaque homme. Si dans la religion,
comme dans les autres affections humaines, on peut re? unir ce
que l'imagination et la raison souhaitent, il y a paix dans l'homme; mais en lui, comme dans l'univers, la puissance de
cre? er et celle de de? truire, la foi et l'examen se succe`dent et se
combattent.
On a voulu, pour re? unir ces deux penchants, creuser plus
avant dans l'a^me; et de la` sont venues les opinions mystiques ,
dont nous parlerons dans le chapitre suivant; mais le petit
nombre de personnes qui ont abjure? le protestantisme n'ont
fait que renouveler des haines. Les anciennes de? nominations
raniment les anciennes querelles; la magie se sert de certaines
paroles pour e? voquer les fanto^mes; on dirait que sur tous les
sujets il y a des mots qui exercent ce pouvoir: ce sont ceux
qui ont servi de ralliement a` l'esprit de parti, on ne peut les
prononcer sans agiter de nouveau les flambeaux de la discorde.
Les catholiques allemands se sont montre? s jusqu'a` pre? sent tre`s-
e? trangers a` ce qui se passait a` cet e? gard dans le Nord. Les opi-
nions litte? raires semblent la cause du petit nombre de change-
ments de religion qui ont eu lieu, et l'ancienne et vieille E? glise
ne s'en est gue`re occupe? e.
Le comte Fre? de? ric Stolberg, homme tre`s-respectable par son
caracte`re et par ses talents, ce? le`bre, de`s sa jeunesse, cnmmu
ta
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? 531 DU CATHOLICISME.
poe`te, comme admirateur passionne? de l'antiquite? , et comme
traducteur d'Home`re, adonne? le premier, en Allemagne, le si-
gnal de ces conversions nouvelles, qui ont eu depuis des imita-
teurs. Les plus illustres amis du comte Stolberg, Klopstock,
Voss et Jacobi, se sont e? loigne? s de lui pour cette abjuration, qui
semble de? savouer les malheurs et les combats que les re? forme? s
ont soutenus pendant trois sie`cles; cependant M. de Stolberg
vient de publier une histoire de la religion de Je? sus-Christ,
faite pour me? riter l'approbation de toutes les communions chre? -
tiennes. C'est la premie`re fois qu'on a vu les opinions catholiques
de? fendues de cette manie`re; et si le comte de Stolberg n'avait
pas e? te? e? leve? dans le protestantisme, peut-e^tre n'aurait-il pas eu
l'inde? pendance d'esprit qui lui sert a` faire impression sur les
hommes e? claire? s.
On trouve dans ce livre une connaissance parfaite des Saintes
E? critures , et des recherches tre`s-inte? ressantes sur les diffe? ren-
fe`s religions de l'Asie, en rapport avec le christianisme. Les
Allemands du Nord, lors me^me qu'ils se soumettent aux dogmes
les plus positifs, savent toujours leur donner l'empreinte de leur
philosophie. *
Le comte de Stolberg attribue a` l'ancien Testament, dans son
ouvrage, une beaucoup plus grande part que lese? crivains pro-
testants ne lui en accordent d'ordinaire. Il conside`re le sacrifice
comme la base de toute religion, et la mortd'Abel comme le
premier type de ce sacrifice, qui fonde le christianisme. De quel-
que' manie`re qu'on juge cette opinion, elle donne beaucoup a`
penser. La plupart des religions anciennes ont institue? des sa-
crifices humains ; mais dans cette barbarie il y avait quelque chose
de remarquable : c'est le besoin d'une expiation solennelle. Rien
ne peut effacer de l'a^me, en effet, la conviction qu'il y a quel-
que chose de tre`s-myste? rieux dans le sang de l'innocent, et que
la terre et le ciel s'en e? meuvent. Les hommes ont toujours cru
que des justes pouvaient obtenir, dans cette vie ou dans l'autre,
le pardon des criminels. Il y a dans le genre humain des ide? es
primitives qui paraissent plus ou moins de? figure? es dans tous les
temps et chez tous les peuples. Ce sont ces ide? es sur lesquelles
on ne saurait se lasser de me? diter; car elles renferment sure-
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? DU CATHOLICISME. 535
meut quelques traces des titres perdus de la race humaine.
La persuasion que les prie`res et le de? vouement du juste peu-
vent sauver les coupables, est sans doute tire? e des sentiments
que nous e? prouvons dans les rapports de la vie; mais rien n'o-
blige, en fait de croyance religieuse, a` rejeter ces inductions:
que savons-nous de plusque nos sentiments, et pourquoi pre? ten-
drait-on qu'ils ne doivent point s'appliquer aux ve? rite? s de la foi?
Que peut-il y avoir dans l'homme que lui-me^me, et pourquoi,
sous pre? texte d'anthropomorphisme, l'empe^cher de former, d'a-
pre`s son a^me, une image de la Divinite? ? Nul autre messager ne
saurait, je pense, lui en donner des nouvelles.
Le comte de Stolberg s'attache a` de? montrer que la tradition de
la chute de l'homme a existe? chez tous les peuples de la terre,
et particulie`rement en Orient, et que tous les hommes ont eu
dans le coeur le souvenir d'un bonheur dont ils avaient e? te? prive? s.
En effet, il y a dans l'esprit humain deux tendances aussi dis-
tinctes que la gravitation et l'impulsion dans le monde physique;
c'est l'ide? e d'une de? cadence et celle d'un perfectionnement. On
dirait que nous e? prouvons tout a` la fois le regret de quelques
beaux dons qui nous e? taient accorde? s gratuitement, et l'espe? rance
de quelques biens que nous pouvons acque? rir par nos efforts; de
manie`re que la doctrine de la perfectibilite? et celle de l'a^ge d'or,
re? unies et confondues, excitent tout a` la fois dans l'homme le
chagrin d'avoir perdu et l'e? mulation de recouvrer. Le sentiment
est me? lancolique, et l'esprit audacieux : l'un regarde en arrie`re,
l'autre en avant; de cette re^verie et de cet e? lan nai^t la ve? ritable
supe? riorite? de l'homme, le me? lange de contemplation et d'acti-
vite? , de re? signation et de volonte? , qui lui permet de rattacher au
ciel sa vie dans ce monde.
Stolberg n'appelle chre? tiens que ceux qui rec? oivent, avec la
simplicite? des enfants, les paroles de l'E? criture sainte; mais il
porte dans l'interpre? tation de ces paroles un esprit de philoso-
phie qui o^te aux opinions catholiques ce qu'elles ont de dogmati-
que et d'intole? rant. En quoi diffe`rent-ils donc entre eux, ces
hommes religieux dont l'Allemagne s'honore; et pourquoi les
noms de catholique ou de protestant les se? pareraient-ils? Pour-
quoi seraient-ils infide`les aux tombeaux de leurs ai? eux, pour quit-
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? J36 DU CATHOLICISME.
ter ces noms ou pour les reprendre? Klopstock n'a-t-il pas consa-
cre? sa vie entie`re a` faire d'un beau poeme le temple de l'E? van-
gile? Herder n'est-il pas, comme Stolberg, adorateur dela Bible?
ne pe? ne`tre-t-il pas dans toutes les beaute? s de la langue primitive,
et des sentiments d'origine ce? leste qu'elle exprime? Jacobi ne
reconnai^t-il pas la Divinite? dans toutes les grandes pense? es de
l'homme? Aucun de ces hommes recommanderait-il la religion
uniquement comme un frein pour le peuple, comme un moyen
de su^rete? publique, comme un garant de plus dans les contrats
de ce monde? Ne savent-ils pas tous que les esprits supe? rieurs
ont encore plus besoin de pie? te? que les hommes du peuple? car
le travail maintenu par l'autorite? sociale peut occuper et guider
la classe laborieuse dans tous les instants de sa vie, tandis que
les hommes oisifs sont sans cesse en proie aux passions et
aux sophismes qui agitent l'existence, et remettent tout en
question.
On a pre? tendu que c'e? tait une sorte de frivolite? , dans les e? cri-
vains allemands, de pre? senter comme l'un des me? rites de la
religion chre? tienne, l'influence favorable qu'elle exerce sur les
arts, l'imagination et la poe? sie; et le me^me reproche a e? te? fait a`
cet e? gard au bel ouvrage de M. de Cha^teaubriant, sur le Ge? nie
du Christianisme. Les esprits vraiment frivoles, ce sont ceux
qui prennent des vues courtes pour des vues profondes, et se
persuadent qu'on peut proce? der avec la nature humaine par voie
d'exclusion, et supprimer la plupart des de? sirs et des besoins de
l'a^me. C'est une des grandes preuves de la divinite? de la religion
chre? tienne, que son analogie parfaite avec toutes nos faculte? s
morales; seulement il ne me parai^t pas qu'on puisse conside? rer
la poe? sie du christianisme sous le me^me aspect que la poe? sie du
paganisme.
Comme tout e? tait exte? rieur dans le culte pai? en, la pompe des
images y est prodigue? e; le sanctuaire du christianisme e? tant
au fond du coeur, la poe? sie qu'il inspire doit toujours nai^tre
de l'attendrissement. Ce n'est pas la splendeur du ciel chre? -
tien qu'on peut opposer a` l'Olympe, mais la douleur et l'in-
nocence, la vieillesse et la mort, qui prennent un caracte`re
d'e? le? vation et de repos, y l'abri de ces espe? rances religieuses
?
cet acte du culte, savent quelle est la pierre qu'on doit placer
sur leur cercueil, et respirent de? ja` le parfum du jeune arbre
dont les feuilles et les fleurs se pencheront sur leurs tombes.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 530 DU CATHOLIC1SMB.
C'est ainsi qu'on a vu, dans les temps modernes, une arme? e
tout entie`re, assistant a` ses propres fune? railles, dire pour elle-me^me le service des morts, de? cide? e qu'elle e? tait a` conque? rir
l'immortalite? . '
La communion des Moraves ne peut point s'adapter a` l'e? tat
social, tel que les circonstances nous le commandent; mais,
comme on a beaucoup dit depuis quelque temps que le catholi-
cisme seul parlait a` l'imagination, il importe d'observer que ce
qui remue vraiment l'a^me, dans la religion, est commun a` tou-
tes les e? glises chre? tiennes. Un se? pulcre et une prie`re e? puisent
toute la puissance de l'attendrissement; et plus la croyance est
simple, plus le culte cause d'e? motion.
CHAPITRE IV.
Du catholicisme.
La religion catholique est plus tole? rante en Allemagne que
dans tout autre pays. La paix de Westphalie ayant fixe? les droits
des diffe? rentes religions, elles ne craignent plus leurs envahis-
sements mutuels; et d'ailleurs le me? lange des cultes, dans un
grand nombre de villes, a ne? cessairement amene? l'occasion de
se voir et de se juger. Dans les opinions religieuses, comme
dans les opinions politiques, on se fait de ses adversaires un
fanto^me qui se dissipe presque toujours parleur pre? sence; la
sympathie nous montre un semblable dans celui qu'on croyait
son ennemi.
Le protestantisme e? tant beaucoup plus favorable aux lumie`-
res que le catholicisme, les catholiques, en Allemagne, se sont
mis sur une espe`ce de de? fensive qui nuit beaucoup au progre`s
1 C'est a` Saragosse qu'a eu lieu l'admirable sce? ne a` laquelle je Faisais allu-
sion , sans oser la designer plus clairement! Un aide de camp du ge? ne? ral fran-
c? ais vint proposer a` la garnison de la ville de se rendre, et le chef des troupes
espagnoles le conduisit sur la place publique; il vit sur cette place et dans
l'e? glise tendue de noir, les soldats et les officiers a` genoux, entendant le ser-
vice des morts. En effet, bien pen de ces guerriers vivent encore, et les ha
bitants de la ville ont aussi partage? le sort de leurs de? fenseurs.
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? DU CATHOLICISME 531
des ide? es. Dans les pays ou` la religion catholique re? gnait seule,
tels que la France et l'Italie, on a su la re? unir a` la litte? rature et
aux beaux-arts; mais en Allemagne, ou` les protestants se sont
empare? s, par les universite? s et par leur tendance naturelle, de
tout ce qui tient aux e? tudes litte? raires et philosophiques, les
catholiques se sont crus oblige? s de leur opposer un certain genre
de re? serve qui e? teint presque tout moyen de se distinguer dans la
carrie`re de l'imagination et de la pense? e. La musique est le
seul des beaux-arts porte? , dans le midi de l'Allemagne, a` un
plus haut degre? de perfection que dans le nord, a` moins que
l'on ne compte comme l'un des beaux-arts un certain genre devie commode , dont les jouissances s'accordent assez bien avec
le repos de l'esprit.
Il y a parmi les catholiques, en Allemagne, une pie? te? since`re,
tranquille et charitable, mais il n'y a point de pre? dicateurs ce? -
le`bres , ni d'e? crivains religieux a` citer; rien n'y excite le mou-
vement de l'a^me; l'on y prend la religion comme une chose de
fait, ou` l'enthousiasme n'a point de part, et l'on dirait que,
dans un culte si bien consolide? , l'autre vie elle-me^me devient
une ve? rite? positive sur laquelle on n'exerce plus la pense? e.
La re? volution qui s'est faite dans les esprits philosophiques
en Allemagne, depuis trente ans, les a presque tous ramene? s
aux sentiments religieux. Ils s'en e? taient un peu e? carte? s, lors-
que l'impulsion ne? cessaire pour propager la tole? rance avait de? passe? son but; mais, en rappelant l'ide? alisme dans la me? ta-
physique , l'inspiration dans la poe? sie, la contemplation dans
les sciences, on a renouvele? l'empire de la religion, et la re? forme de la re? formation, ou pluto^t la direction philosophique
dela liberte? qu'elle a donne? e, a banni pour jamais, du moins
en the? orie , le mate? rialisme et toutes ses applications funestes.
Au milieu de cette re? volution intellectuelle, si fe? conde en no-
bles re? sultats, quelques hommes ont e? te? trop loin, comme il
arrive toujours dans les oscillations de la pense? e.
On dirait que l'esprit humain se pre? cipite toujours d'un ex-
tre^me a` l'autre, comme si les opinions qu'il vient de quitter se
changeaient en remords pour le poursuivre. La re? formation , di-
sent quelques e? crivains de la nouvelle e? cole, a e? te? la cause de
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 532 DU CATHOLICISME.
plusieurs guerres de religion; elle a se? pare? le nord du midi de
l'Allemagne; elle a donne? aux Allemands la funeste habitude de
se combattre les uns les autres, et ces divisions leur ont o^te? le
droit de s'appeler une nation. Enfin, la re? formation, en intro-
duisant l'esprit d'examen, a rendu l'imagination aride, et mis
le doute a` la place de la foi; il faut donc, re? pe`tent ces me^mes
hommes, revenir a` l'unite? de l'E? glise en retournant au catholi-
cisme.
D'abord, si Charles-Quint avait adopte? le luthe? ranisme, il y
aurait eu de me^me unite? dans l'Allemagne, et le pays entier se-
rait, comme la partie du Nord, l'asile des sciences et des let-
tres. Peut-e^tre que cet accord auraitdonne? naissance a` des ins-
titutionslibres, combine? es avec une force re? elle; et peut-e^tre
aurait-on e? vite? cette triste se? paration du caracte`re et des lumie`-
res , qui a livre? le Nord a` la re^verie, et maintenu le Midi dans
son ignorance. Mais, sans se perdre en conjectures sur ce qui
serait arrive? , calcul toujours tre`s-incertain, on ne peut nier que
l'e? poque de la re? formation ne soit celle ou` les lettres et la philo-
sophie se sont introduites en Allemagne. Ce pays ne peut e^tre
mis au premier rang, ni pour la guerre, ni pour les arts, ni pour
la liberte? politique : ce sont les lumie`res dont l'Allemagne adroit de s'enorgueillir, et son influence sur l'Europe pensante
date du protestantisme. De telles re? volutions ne s'ope`rent ni ne
se de? truisent par des raisonnements, elks appartiennent a` la
marche historique de l'esprit humain; etles hommes qui pa-
raissent en e^tre les auteurs, n'en sont jamais que les conse? -
quences.
Le catholicisme, aujourd'hui de? sarme? , a la majeste? d'un
vieux lion qui jadis faisait trembler l'univers; mais, quand les
abus de son pouvoir amene`rent la re? formation, il mettait des
entraves a` l'esprit humain, et, loin que ce fu^t par se? cheresse de
coeur qu'on s'opposait alors a` son ascendant, c'e? tait pour faire
usage de toutes les faculte? s de l'esprit et de l'imagination qu'on
re? clamait avec force la liberte? de penser. Si des circonstances
toutes divines, et ou` la main des hommes ne se fit sentir en
rien, amenaient un jour un rapprochement entre les deux E? gli-
ses, on prierait Dieu, ce me semble, avec une e? motion uou-
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velle, a` co^te? des pre^tres ve? ne? rables qui, dans les dernie`res an-
ne? es du sie`cle passe? , ont tant souffert pour leur conscience.
Mais ce n'est su^rement pas le changement de religion de quel-
ques hommes, ni surtout l'injuste de? faveur que leurs e? crits ten-
dent a` jeter sur la religion re? forme? e, qui pourraient conduire
a` l'unite? des opinions religieuses.
Il y a dans l'esprit humain deux forces tre`s-distinctes, l'une inspire le besoin de croire, l'autre celui d'examiner. L'une de
ces faculte? s ne doit pas e^tre satisfaite aux de? pens de l'autre: le
protestantisme et le catholicisme ne viennent point de ce qu'il y
a eu des papes et un Luther; c'est une pauvre manie`re de con-
side? rer l'histoire, que de l'attribuer a` des hasards.
Le protestan-
tisme et le catholicisme existent dans le coeur humain ; ce sont
des puissances morales qui se de? veloppent dans les nations,
parce qu'elles existent dans chaque homme. Si dans la religion,
comme dans les autres affections humaines, on peut re? unir ce
que l'imagination et la raison souhaitent, il y a paix dans l'homme; mais en lui, comme dans l'univers, la puissance de
cre? er et celle de de? truire, la foi et l'examen se succe`dent et se
combattent.
On a voulu, pour re? unir ces deux penchants, creuser plus
avant dans l'a^me; et de la` sont venues les opinions mystiques ,
dont nous parlerons dans le chapitre suivant; mais le petit
nombre de personnes qui ont abjure? le protestantisme n'ont
fait que renouveler des haines. Les anciennes de? nominations
raniment les anciennes querelles; la magie se sert de certaines
paroles pour e? voquer les fanto^mes; on dirait que sur tous les
sujets il y a des mots qui exercent ce pouvoir: ce sont ceux
qui ont servi de ralliement a` l'esprit de parti, on ne peut les
prononcer sans agiter de nouveau les flambeaux de la discorde.
Les catholiques allemands se sont montre? s jusqu'a` pre? sent tre`s-
e? trangers a` ce qui se passait a` cet e? gard dans le Nord. Les opi-
nions litte? raires semblent la cause du petit nombre de change-
ments de religion qui ont eu lieu, et l'ancienne et vieille E? glise
ne s'en est gue`re occupe? e.
Le comte Fre? de? ric Stolberg, homme tre`s-respectable par son
caracte`re et par ses talents, ce? le`bre, de`s sa jeunesse, cnmmu
ta
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? 531 DU CATHOLICISME.
poe`te, comme admirateur passionne? de l'antiquite? , et comme
traducteur d'Home`re, adonne? le premier, en Allemagne, le si-
gnal de ces conversions nouvelles, qui ont eu depuis des imita-
teurs. Les plus illustres amis du comte Stolberg, Klopstock,
Voss et Jacobi, se sont e? loigne? s de lui pour cette abjuration, qui
semble de? savouer les malheurs et les combats que les re? forme? s
ont soutenus pendant trois sie`cles; cependant M. de Stolberg
vient de publier une histoire de la religion de Je? sus-Christ,
faite pour me? riter l'approbation de toutes les communions chre? -
tiennes. C'est la premie`re fois qu'on a vu les opinions catholiques
de? fendues de cette manie`re; et si le comte de Stolberg n'avait
pas e? te? e? leve? dans le protestantisme, peut-e^tre n'aurait-il pas eu
l'inde? pendance d'esprit qui lui sert a` faire impression sur les
hommes e? claire? s.
On trouve dans ce livre une connaissance parfaite des Saintes
E? critures , et des recherches tre`s-inte? ressantes sur les diffe? ren-
fe`s religions de l'Asie, en rapport avec le christianisme. Les
Allemands du Nord, lors me^me qu'ils se soumettent aux dogmes
les plus positifs, savent toujours leur donner l'empreinte de leur
philosophie. *
Le comte de Stolberg attribue a` l'ancien Testament, dans son
ouvrage, une beaucoup plus grande part que lese? crivains pro-
testants ne lui en accordent d'ordinaire. Il conside`re le sacrifice
comme la base de toute religion, et la mortd'Abel comme le
premier type de ce sacrifice, qui fonde le christianisme. De quel-
que' manie`re qu'on juge cette opinion, elle donne beaucoup a`
penser. La plupart des religions anciennes ont institue? des sa-
crifices humains ; mais dans cette barbarie il y avait quelque chose
de remarquable : c'est le besoin d'une expiation solennelle. Rien
ne peut effacer de l'a^me, en effet, la conviction qu'il y a quel-
que chose de tre`s-myste? rieux dans le sang de l'innocent, et que
la terre et le ciel s'en e? meuvent. Les hommes ont toujours cru
que des justes pouvaient obtenir, dans cette vie ou dans l'autre,
le pardon des criminels. Il y a dans le genre humain des ide? es
primitives qui paraissent plus ou moins de? figure? es dans tous les
temps et chez tous les peuples. Ce sont ces ide? es sur lesquelles
on ne saurait se lasser de me? diter; car elles renferment sure-
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meut quelques traces des titres perdus de la race humaine.
La persuasion que les prie`res et le de? vouement du juste peu-
vent sauver les coupables, est sans doute tire? e des sentiments
que nous e? prouvons dans les rapports de la vie; mais rien n'o-
blige, en fait de croyance religieuse, a` rejeter ces inductions:
que savons-nous de plusque nos sentiments, et pourquoi pre? ten-
drait-on qu'ils ne doivent point s'appliquer aux ve? rite? s de la foi?
Que peut-il y avoir dans l'homme que lui-me^me, et pourquoi,
sous pre? texte d'anthropomorphisme, l'empe^cher de former, d'a-
pre`s son a^me, une image de la Divinite? ? Nul autre messager ne
saurait, je pense, lui en donner des nouvelles.
Le comte de Stolberg s'attache a` de? montrer que la tradition de
la chute de l'homme a existe? chez tous les peuples de la terre,
et particulie`rement en Orient, et que tous les hommes ont eu
dans le coeur le souvenir d'un bonheur dont ils avaient e? te? prive? s.
En effet, il y a dans l'esprit humain deux tendances aussi dis-
tinctes que la gravitation et l'impulsion dans le monde physique;
c'est l'ide? e d'une de? cadence et celle d'un perfectionnement. On
dirait que nous e? prouvons tout a` la fois le regret de quelques
beaux dons qui nous e? taient accorde? s gratuitement, et l'espe? rance
de quelques biens que nous pouvons acque? rir par nos efforts; de
manie`re que la doctrine de la perfectibilite? et celle de l'a^ge d'or,
re? unies et confondues, excitent tout a` la fois dans l'homme le
chagrin d'avoir perdu et l'e? mulation de recouvrer. Le sentiment
est me? lancolique, et l'esprit audacieux : l'un regarde en arrie`re,
l'autre en avant; de cette re^verie et de cet e? lan nai^t la ve? ritable
supe? riorite? de l'homme, le me? lange de contemplation et d'acti-
vite? , de re? signation et de volonte? , qui lui permet de rattacher au
ciel sa vie dans ce monde.
Stolberg n'appelle chre? tiens que ceux qui rec? oivent, avec la
simplicite? des enfants, les paroles de l'E? criture sainte; mais il
porte dans l'interpre? tation de ces paroles un esprit de philoso-
phie qui o^te aux opinions catholiques ce qu'elles ont de dogmati-
que et d'intole? rant. En quoi diffe`rent-ils donc entre eux, ces
hommes religieux dont l'Allemagne s'honore; et pourquoi les
noms de catholique ou de protestant les se? pareraient-ils? Pour-
quoi seraient-ils infide`les aux tombeaux de leurs ai? eux, pour quit-
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? J36 DU CATHOLICISME.
ter ces noms ou pour les reprendre? Klopstock n'a-t-il pas consa-
cre? sa vie entie`re a` faire d'un beau poeme le temple de l'E? van-
gile? Herder n'est-il pas, comme Stolberg, adorateur dela Bible?
ne pe? ne`tre-t-il pas dans toutes les beaute? s de la langue primitive,
et des sentiments d'origine ce? leste qu'elle exprime? Jacobi ne
reconnai^t-il pas la Divinite? dans toutes les grandes pense? es de
l'homme? Aucun de ces hommes recommanderait-il la religion
uniquement comme un frein pour le peuple, comme un moyen
de su^rete? publique, comme un garant de plus dans les contrats
de ce monde? Ne savent-ils pas tous que les esprits supe? rieurs
ont encore plus besoin de pie? te? que les hommes du peuple? car
le travail maintenu par l'autorite? sociale peut occuper et guider
la classe laborieuse dans tous les instants de sa vie, tandis que
les hommes oisifs sont sans cesse en proie aux passions et
aux sophismes qui agitent l'existence, et remettent tout en
question.
On a pre? tendu que c'e? tait une sorte de frivolite? , dans les e? cri-
vains allemands, de pre? senter comme l'un des me? rites de la
religion chre? tienne, l'influence favorable qu'elle exerce sur les
arts, l'imagination et la poe? sie; et le me^me reproche a e? te? fait a`
cet e? gard au bel ouvrage de M. de Cha^teaubriant, sur le Ge? nie
du Christianisme. Les esprits vraiment frivoles, ce sont ceux
qui prennent des vues courtes pour des vues profondes, et se
persuadent qu'on peut proce? der avec la nature humaine par voie
d'exclusion, et supprimer la plupart des de? sirs et des besoins de
l'a^me. C'est une des grandes preuves de la divinite? de la religion
chre? tienne, que son analogie parfaite avec toutes nos faculte? s
morales; seulement il ne me parai^t pas qu'on puisse conside? rer
la poe? sie du christianisme sous le me^me aspect que la poe? sie du
paganisme.
Comme tout e? tait exte? rieur dans le culte pai? en, la pompe des
images y est prodigue? e; le sanctuaire du christianisme e? tant
au fond du coeur, la poe? sie qu'il inspire doit toujours nai^tre
de l'attendrissement. Ce n'est pas la splendeur du ciel chre? -
tien qu'on peut opposer a` l'Olympe, mais la douleur et l'in-
nocence, la vieillesse et la mort, qui prennent un caracte`re
d'e? le? vation et de repos, y l'abri de ces espe? rances religieuses
?
