ments; et si l'on en excepte
Pythagore et Platon, qui tenaient de l'Orient leur tendance a`
l'ide?
Pythagore et Platon, qui tenaient de l'Orient leur tendance a`
l'ide?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
ellement, rien de si facile que d'y e?
chapper.
N'e?
crivez
<< plus; au bout de peu d'anne? es, on vous oubliera, et vous
serez aussi tranquille que si vous n'aviez jamais rien publie? .
Vous dites que vos amis vous tendent des pie? ges, en faisant
semblant ile vous rendre service. D'abord n'est-il pas possible
qu'il y ait une le? ge`re nuance d'exaltation romanesque dans
<< votre manie`re de juger vos relations personnelles? 11 faut vo-
<< tre belleimagination pour composer la Nouvelle He? loi? se; mais
<< un peu de raison est ne? cessaire dans les affaires d'ici bas, et
<< quand on le veut bien, on voit les choses telles qu'elles sont.
Si pourtant vos amis vous trompent, il faut rompre avec eux;
<< mais vous seriez bien insense? de vous en affliger; car, de deux
<< choses l'une, ou` ils sont dignes de votre estime, et dans ce cas
vous auriez tort de les soupc? onner; ou si vos soupcons sont
47
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? 554 ? "? ? LA DOULEUR.
<< bien fonde? s, vous ne devez pas alors regretter de tels amis. >>
Apre`s avoir e? coute? ce dilemme, J. -J. Rousseau aurait bien
pu prendre un troisie`me parti, celui de se jeter dans la rivie`re.
Mais que lui aurait dit le solitaire religieux?
<< Mon fils, je ne connais pas le monde, et j'ignore s'il est vrai
<< qu'on vous y veuille du mal; mais s'il en e? tait ainsi, vous
<< auriez cela de commun avec tous les bons qui cependant ont
<< pardonne? a` leurs ennemis; car Je? sus-Christ etSocrate, le
Dieu et l'homme en ont donne? l'exemple. Il faut que les pas-
<<sions haineuses existent ici-bas pour que l'e? preuve des justes
soit accomplie. Sainte The? re`se a dit des me? chants : -- Les
i malheureux! ils n'aiment pas; et cependant les me? chants
<< vivent aussi, pour qu'ils aient le temps de se repentir.
<< Vous avez rec? u du ciel des dons admirables; s'ils vous ont
<< servi a` faire aimer ce qui est bon, n'avez-vous pas de? ja` joui
<< d'avoir e? te? un soldat de la ve? rite? sur la terre? Si vous avez
<< attendri les coeurs par une e? loquence entrai^nante, vous ob-
<<tiendrez pour vous quelques-unes des larmes que vous avez
fait couler. Vous avez des ennemis pre`s de vous, mais des
amis au loin, parmi les solitaires qui vous lisent, et vous
<< avez console? des infortune? s mieux que nous ne pouvons vous
<< consoler vous-me^me. Que n'ai-je votre talent, pour me faire
entendre de vous! C'est une belle chose que le talent, mon
fils; les hommes cherchent souvent a` le de? nigrer; ils vous di-
<< seul a` tort que nous le condamnons au nom de Dieu : cela n'est
pas vrai. C'est une e? motion-divine que celle qui inspire l'e? lo-
<< quence, et si vous n'en avez point abuse? , sachez supporter
<< l'envie, car une telle supe? riorite? vaut bien les peines qu'elle
<< peut faire e? prouver.
<< Ne? anmoins, mon fils, je le crains, l'orgueil se me^le a` vos
<< peines, et voila` ce qui leur donne de l'amertume; car toutes
l'les douleurs qui sont reste? es humbles font couler doucement
<< nos pleurs; mais il y a du poison dans l'orgueil, et l'homme
<< devient insense? quand il s'y livre : c'est un ennemi qui se fait
son chevalier, pour mieux le perdre.
<< Le ge? nie ne doit servir qu'a` manifester la bonte? supre^me de
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA DOULEUR. 555
<< l'a^me. Il y a beaucoup de gens qui ont cette bonte? sans le talent
de l'exprimer; remerciez Dieu de qui vous tenez le charme de
ces paroles faites pour enchanter l'imagination des hommes.
Mais ne soyez fier que du sentiment qui vous les dicte. Tout
s'apaisera pour vous dans la vie, si vous restez toujours reli-
<< gieusement bon; les me? chants me^mes se hissent de faire du
? mal, leur propre venin les e? puise; et puis Dieu n'est-il pas la`
pour avoir soin du passereau qui tombe, et du coeur de l'homme
qui souffre?
<< Vous dites que vos amis veulent vous trahir; prenez garde
<< de les accuser injustement: malheur a` celui qui aurait re-
<<pousse? une affection ve? ritable, car ce sont les anges du ciel
qui nous l'envoient; ils se sont re? serve? cette part dans le destin
de l'homme! Ne permettez pas a` votre imagination de vous
e? garer; il faut la laisser planer dans les re? gions des nuages;
<< mais il n'y a que le coeur pour juger un autre coeur; et vous
seriez bien coupable si vous me? connaissiez une amitie? since`re:
car la beaute? de l'a^me consiste dans sa ge? ne? reuse confiance, et
la prudence humaine est figure? e par un serpent.
<< Il se peut toutefois qu'en expiation de quelques e? garements
<< dont vos grandes faculte? s ont e? te? la cause, vous soyez condamne?
<< sur cette terre a` boire la coupe empoisonne? e de la trahison
d'un ami. S'il en est ainsi, je vous plains , la Divinite? me^me
vous a plaint en vous punissant : mais ne vous re? voltez pas
contre ses coups; aimez encore, bien qu'aimer ait de? chire? vo-
<<tre coeur. Dans la solitude la plus profonde, dans l'isolement
le plus cruel, il ne faut pas laisser tarir en soi la source des
affections de? voue? es. Pendant longtemps on ne croit pas que
Dieu puisse e^tre aime? comme on aime ses semblables. Une voix
qui nous re? pond , des regards qui se confondent avec les no^-
- tres, paraissent pleins de vie, tandis que le ciel immense se
<< tait : mais par degre? s l'a^me s'e? le`ve jusqu'a` sentir son Dieu pre`s
<< d'elle comme un ami.
<< Mon fils, il faut prier comme on aime, en me^lant la prie`re
<< a` toutes nos pense? es: il faut prier, car alors on n'est plus seul;
<< et quand la re? signation descendra doucement en vous, tournez
vos regards vers la nature : on dirait que chacun y retrouve le
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? 556 DES PHILOSOPHES THE? OSOPHES.
<< passe? de sa vie, quand il n'en existe plus de traces parmi les
<< hommes. Re^vez a` vos chagrins comme a` vos plaisirs, en con-
<< templaut ces nuages tanto^t sombres et tanto^t brillants, que le
vent fait disparai^tre; et soit que la mort vous ait ravi vos amis,
<< soit que la vie, plus cruelle encore, ait de? chire? vos liens avec
<< eux, vous apercevrez dans les e? toiles leur image divinise? e; ils
<< vous apparai^tront tels que vous les reverrez un jour. >>
CHAPITRE VII.
Des Philosophes religieux appelt's The? osophes.
Lorsque j'ai rendu compte de la philosophie moderne des Al-
lemands, j'ai essaye? de tracer une ligne de de? marcation entre
celle qui s'attache a` pe? ne? trer les secrets de l'univers, et celle qui
se borne a` l'examen de la nature de notre a^me. La me^me distinc-
tion se fait remarquer parmi les e? crivains religieux : les uns, dont
j'ai de? ja` parle? dans les chapitres pre? ce? dents, s'en sont tenus a`
l'influence de la religion sur notre coeur; les autres, tels que Ja-
cob Boehme, en Allemagne, Saint-Martin, en France, et bien
d'autres encore, ont cru trouver dans la re? ve? lation du christia-
nisme, des paroles myste? rieuses qui pouvaient servir a` de? voiler
les lois de la cre? ation. Il faut en convenir, quand on commence
a` penser, il est difficile de s'arre^ter, et soit que la re? flexion con-
duise au scepticisme, soit qu'elle me`ne a` la foi la plus univer-
selle, on est souvent tente? de passer des heures entie`res, comme
les faquirs, a` se demander ce que c'est que la vie. Loin de de? -
daigner ceux qui sont ainsi de? vore? s par la contemplation, on ne
peut s'empe^cher de les conside? rer comme les ve? ritables seigneurs
de l'espe`ce humaine, aupre`s desquels ceux qui existent sans re? -
fle? chir ne sont que des serfs attache? s a` la gle`be. Mais comment
peut-on se flatter de donner quelque consistance a` ces pense? es ,
qui, semblables aux e? clairs, replongent dans les te? ne`bres, apre`s
avoir un moment jete? sur les objets d'incertaines lueurs.
Il peut e^tre inte? ressant, toutefois, d'indiquer la direction
principale des syste`mes des the? osophes, c'est-a`-dire des philo-
sophes religieux, qui n'ont cesse? d'exister en Allemagne depuis
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DES PHILOSOPHES THEOSOPHES. 557
re? tablissement ilu christianisme, et surtout depuis la renais-
sance des lettres. La plupart des philosophes grecs ont fonde? le
syste`me du monde sur l'action des e? le?
ments; et si l'on en excepte
Pythagore et Platon, qui tenaient de l'Orient leur tendance a`
l'ide? alisme, les penseurs de l'antiquite? expliquent tous l'orga-
nisation de l'univers par des lois physiques. Le christianisme,
en allumant la vie inte? rieure dans le sein de l'homme, devait
exciter les esprits a` s'exage? rer le pouvoir de l'a^me sur le corps;
les abus auxquels les doctrines les plus pures sont sujettes ont
amene? les visions, la magie blanche ( c'est a`dire celle qui attri-
bue a` la volonte? de l'homme, sans l'intervention des esprits in-
fernaux, la possibilite? d'agir sur les e? le? ments ), toutes les re^ve-
ries bizarres enfin qui naissent de la conviction que l'a^me est plus forte que la nature. Les secrets d'alchimistes, de magne? tiseurs et
d'illumine? s, s'appuient presque tous sur cet ascendant de la volonte? , qu'ils portent beaucoup trop loin, mais qui tient de quel-
que manie`re ne? anmoins a` la grandeur morale de l'homme.
Non-seulement le christianisme, en affirmant la spiritualite? de l'a^me, a porte? les esprits a` croire a` la puissance illimite? e dela
foi religieuse ou philosophique, mais la re? ve? lation a paru a` quel-
ques hommes un miracle continuel qui pouvait se renouveler
pour chacun d'eux , et quelques-uns ont cru since`rement qu'une
divination surnaturelle leur e? tait accorde? e, et qu'il se manifes-
tait en eux des ve? rite? s dont ils e? taient pluto^t les te? moins que les
inventeurs. Le plus fameux de ces philosophes religieux, c'est
Jacob Boehme, un cordonnier allemand, qui vivait au commen-
cement du dix-septie`me sie`cle; il a fait tant de bruit dans son
temps, que Charles 1er envoya un homme expre`s a` Gorlitz, lieu
de sa demeure, pour e? tudier son livre et le rapporter en Angle-
terre. Quelques-uns de ses e? crits ont e? te? traduits en franc? ais par
M. de Saint-Martin : ils sont tre`s-difficiles a` comprendre; cepen-
dant l'on ne peut s'empe^cher de s'e? tonner qu'un homme sans culture d'esprit ait e? te? si loin dans la contemplation de la nature. Il la conside`re en ge? ne? ral comme un emble`me des princi-
paux dogmes du christianisme; partout il croit voir dans les
phe? nome`nes du monde les traces de la chute de l'homme et de
sa re? ge? ne? ration, les effets du principe de la cole`re et de celui d>>
47.
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? 558 DES PHILOSOPHES THE? OSOPHES.
la mise? ricorde; et tandis que les philosophes grecs ta^chaient
d'expliquer le monde par le me? lange des e? le? ments de l'air, de
l'eau et du feu, Jacob Boehme n'admet que la combinaison des
forces morales, et s'appuie sur des passages de l'E? vangile pour
interpre? ter l'univers.
De quelque manie`re que l'on conside`re ces singuliers e? crits
qui, depuis deux cents ans, ont toujours trouve? des lecteurs, ou
pluto^t des adeptes, on ne peut s'empe^cher de remarquer les
deux routes oppose? es que suivent, pour arriver a` la ve? rite? , les
philosophes spiritualistes, et les philosophes mate? rialistes. Les
uns croient que c'est en se de? robant a` toutes les impressions du
dehors, et en se plongeant dans l'extase de la pense? e, qu'on
peut deviner la-nature; les autres pre? tendent qu'on ne saurait
trop se garder de l'enthousiasme et de l'imagination, dans l'exa-
men des phe? nome`nes de i'univers ; l'on dirait que l'esprit hu-
main a besoin de s'affranchir du corps ou de l'a^me, pour com-
prendre la nature, tandis que c'est dans la myste? rieuse re? union
des deux que consiste le secret de l'existence.
Quelques savants, en Allemagne,affirment qu'on trouve
dans les ouvrages de Jacob Boehme des vues tre`s-profondes
sur le monde physique; l'on peut dire au moins qu'il y a au-
tant d'originalite? dans les hypothe`ses des philosophes religieux
sur la cre? ation, que dans celles de Thai? es, de Xe? nophane,
d'Aristote, de Descartes et de Leibnitz. Les the? osophes de? clarent que ce qu'ils pensent leur a e? te? re? ve? le? , tandis que les phi-
losophes en ge? ne? ral se croient uniquement conduits par leur propre raison; mais puisque les uns et les autres aspirent a` connai^tre le myste`re des myste`res, que signifient a` cette hau~
leur les mots de raison et de folie? et pourquoi fle? trir de la de? -
nomination d'insense? s, ceux qui croient trouver dans l'exalta-
tion de grandes lumie`res? C'est un mouvement de l'a^me d'une
nature tre`s-remarquable, et qui ne lui a su^rement pas e? te? donne?
seulement pour le combattre.
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? DE L'ESPRIT DE SECTE. 559
CHAPITRE VIII.
De l'esprit de secte en Allemagne.
L'habitude de la me? ditation porte a` des re^veries de tout genre
sur la destine? e humaine. La vie active peut seule de? tourner no-
tre inte? re^t dela source des choses ; mais tout ce qu'il y a de grand
ou d'absurde en fait d'ide? es est le re? sultat du mouvement in-
te? rieur qu'on ne peut dissiper au dehors. Beaucoup de gens
sont tre`s-irrite? s contre les sectes religieuses ou philosophiques,
et leur donnent le nom de folies, et de folies dangereuses. Il me
semble que les e? garements me^me de la pense? e sont bien moins
a` craindre pour le repos et la moralite? des hommes, que l'ab-
sence de la pense? e. Quand on n'a pas en soi cette puissance de
re? flexion qui supple? e a` l'activite? mate? rielle, on a besoin d'agir
sans cesse, et souvent au hasard.
Le fanatisme des ide? es a quelquefois conduit, il est vrai, a`
des actions violentes; mais c'est presque toujours parce qu'on a
recherche? les avantages de ce monde a` l'aide des opinions abs-
traites. Les syste`mes me? taphysiques sont peu redoutables en
eux-me^mes, ils ne le deviennent que quand ils sont re? unis a` des
inte? re^ts d'ambition, et c'est alors de ces inte? re^ts dont il faut s'oc-
cuper, si l'on veut modifier les syste`mes; mais les hommes
capables de s'attacher vivement a` une opinion, inde? pendam-
ment des re? sultats qu'elle peut avoir, sont toujours d'une noble
nature.
Les sectes philosophiques et religieuses qui, sous divers noms,
ont existe? en Allemagne, n'ont presque point eu de rapport
avec les affaires politiques, etle genre de talent ne? cessaire
pour entrai^ner les hommes a` des re? solutions vigoureuses s'est
rarement manifeste? dans ce pays. On peut disputer sur la phi-
losophie deKant, sur les questions the? ologiques, sur l'ide? alis-
me ou Vempirisme, sans qu'il en re? sulte jamais rien que des
livres.
L'esprit de secte et l'esprit de parti diffe`rent a` beaucoup d'e? -
gards : l'esprit de parti pre? sente les opinions par ce qu'elles ont
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 560 DE LESPRIT DE SECTE.
de saillant, pour les faire comprendre au vulgaire; et l'esprit de
secte, surtout en Allemagne, tend toujours vers ce qu'il a de
plus abstrait: il faut dans l'esprit de parti saisir le point de vue
de la multitude pour s'y placer; les Allemands ne pensent qu'a`
la the? orie, et du^t-elle se perdre dans les nuages, ils l'y suivront.
L'esprit de parti excite dans les hommes de certaines passions
communes qui les re? unissent en masse. Les Allemands subdivi-
sent tout; a` force d'expliquer, de distinguer et de commenter.
Ils ont une since? rite? philosophique singulie`rement propre a` la
recherche de la ve? rite? , mais point du tout a` l'art de la mettre
en oeuvre. L'esprit de secte n'aspire qu'a` convaincre ; l'esprit de
parti veut rallier. L'esprit de secte dispute sur les ide? es; l'esprit
de parti veut du pouvoir sur les hommes. Il y a de la discipline
dans l'esprit de parti, et de l'anarchie dans l'esprit de secte.
L'autorite? , quelle qu'elle soit, n'a presque rien a` craindre de
l'esprit de secte; on le satisfait en laissant une grande latitude a`
la pense? e : mais l'esprit departi n'est pas si facile a` contenter,
et ne se borne point a` ces conque^tes intellectuelles dans lesquel-
les chaque individu peut se cre? er un empire, sans destituer un
possesseur.
On est, en France, beaucoup plus susceptible de l'esprit de
parti que de l'esprit de secte : on s'y entend trop bien au re? el de
la vie, pour ne pas transformer en action ce qu'on de? sire, et en
pratique ce qu'on pense, mais peut-e^tre y est-on trop e? tranger
a` l'esprit de secte : on n'y tient pas assez aux ide? es abstraites,
pour mettre de la chaleur a` les de? fendre; d'ailleurs, l'on ne
veut e^tre lie? par aucun genre d'opinions, afin de s'avancer plus
libre au-devant de toutes les circonstances. Il y a plus de bonne
foi dans l'esprit de secte que dans l'esprit de parti; ainsi les Alle-
mands doivent e^tre bien plus propres a` l'un qu'a` l'autre. Il faut distinguer trois espe`ces de sectes religieuses et philo-
sophiquesen Allemagne : premie`rement, les diffe? rentes com-
munions chre? tiennes qui ont existe? , surtout a` l'e? poque dela re? -
formation, lorsque tous les esprits se sont tourne? s vers les ques-
tions the? ologiques; secondement, les associations secre`tes, et
enfin, les adeptes de quelques syste`mes particuliers, dont un
homme est le chef. 11 faut ranger dans la premie`re classe les
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<< plus; au bout de peu d'anne? es, on vous oubliera, et vous
serez aussi tranquille que si vous n'aviez jamais rien publie? .
Vous dites que vos amis vous tendent des pie? ges, en faisant
semblant ile vous rendre service. D'abord n'est-il pas possible
qu'il y ait une le? ge`re nuance d'exaltation romanesque dans
<< votre manie`re de juger vos relations personnelles? 11 faut vo-
<< tre belleimagination pour composer la Nouvelle He? loi? se; mais
<< un peu de raison est ne? cessaire dans les affaires d'ici bas, et
<< quand on le veut bien, on voit les choses telles qu'elles sont.
Si pourtant vos amis vous trompent, il faut rompre avec eux;
<< mais vous seriez bien insense? de vous en affliger; car, de deux
<< choses l'une, ou` ils sont dignes de votre estime, et dans ce cas
vous auriez tort de les soupc? onner; ou si vos soupcons sont
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? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 554 ? "? ? LA DOULEUR.
<< bien fonde? s, vous ne devez pas alors regretter de tels amis. >>
Apre`s avoir e? coute? ce dilemme, J. -J. Rousseau aurait bien
pu prendre un troisie`me parti, celui de se jeter dans la rivie`re.
Mais que lui aurait dit le solitaire religieux?
<< Mon fils, je ne connais pas le monde, et j'ignore s'il est vrai
<< qu'on vous y veuille du mal; mais s'il en e? tait ainsi, vous
<< auriez cela de commun avec tous les bons qui cependant ont
<< pardonne? a` leurs ennemis; car Je? sus-Christ etSocrate, le
Dieu et l'homme en ont donne? l'exemple. Il faut que les pas-
<<sions haineuses existent ici-bas pour que l'e? preuve des justes
soit accomplie. Sainte The? re`se a dit des me? chants : -- Les
i malheureux! ils n'aiment pas; et cependant les me? chants
<< vivent aussi, pour qu'ils aient le temps de se repentir.
<< Vous avez rec? u du ciel des dons admirables; s'ils vous ont
<< servi a` faire aimer ce qui est bon, n'avez-vous pas de? ja` joui
<< d'avoir e? te? un soldat de la ve? rite? sur la terre? Si vous avez
<< attendri les coeurs par une e? loquence entrai^nante, vous ob-
<<tiendrez pour vous quelques-unes des larmes que vous avez
fait couler. Vous avez des ennemis pre`s de vous, mais des
amis au loin, parmi les solitaires qui vous lisent, et vous
<< avez console? des infortune? s mieux que nous ne pouvons vous
<< consoler vous-me^me. Que n'ai-je votre talent, pour me faire
entendre de vous! C'est une belle chose que le talent, mon
fils; les hommes cherchent souvent a` le de? nigrer; ils vous di-
<< seul a` tort que nous le condamnons au nom de Dieu : cela n'est
pas vrai. C'est une e? motion-divine que celle qui inspire l'e? lo-
<< quence, et si vous n'en avez point abuse? , sachez supporter
<< l'envie, car une telle supe? riorite? vaut bien les peines qu'elle
<< peut faire e? prouver.
<< Ne? anmoins, mon fils, je le crains, l'orgueil se me^le a` vos
<< peines, et voila` ce qui leur donne de l'amertume; car toutes
l'les douleurs qui sont reste? es humbles font couler doucement
<< nos pleurs; mais il y a du poison dans l'orgueil, et l'homme
<< devient insense? quand il s'y livre : c'est un ennemi qui se fait
son chevalier, pour mieux le perdre.
<< Le ge? nie ne doit servir qu'a` manifester la bonte? supre^me de
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA DOULEUR. 555
<< l'a^me. Il y a beaucoup de gens qui ont cette bonte? sans le talent
de l'exprimer; remerciez Dieu de qui vous tenez le charme de
ces paroles faites pour enchanter l'imagination des hommes.
Mais ne soyez fier que du sentiment qui vous les dicte. Tout
s'apaisera pour vous dans la vie, si vous restez toujours reli-
<< gieusement bon; les me? chants me^mes se hissent de faire du
? mal, leur propre venin les e? puise; et puis Dieu n'est-il pas la`
pour avoir soin du passereau qui tombe, et du coeur de l'homme
qui souffre?
<< Vous dites que vos amis veulent vous trahir; prenez garde
<< de les accuser injustement: malheur a` celui qui aurait re-
<<pousse? une affection ve? ritable, car ce sont les anges du ciel
qui nous l'envoient; ils se sont re? serve? cette part dans le destin
de l'homme! Ne permettez pas a` votre imagination de vous
e? garer; il faut la laisser planer dans les re? gions des nuages;
<< mais il n'y a que le coeur pour juger un autre coeur; et vous
seriez bien coupable si vous me? connaissiez une amitie? since`re:
car la beaute? de l'a^me consiste dans sa ge? ne? reuse confiance, et
la prudence humaine est figure? e par un serpent.
<< Il se peut toutefois qu'en expiation de quelques e? garements
<< dont vos grandes faculte? s ont e? te? la cause, vous soyez condamne?
<< sur cette terre a` boire la coupe empoisonne? e de la trahison
d'un ami. S'il en est ainsi, je vous plains , la Divinite? me^me
vous a plaint en vous punissant : mais ne vous re? voltez pas
contre ses coups; aimez encore, bien qu'aimer ait de? chire? vo-
<<tre coeur. Dans la solitude la plus profonde, dans l'isolement
le plus cruel, il ne faut pas laisser tarir en soi la source des
affections de? voue? es. Pendant longtemps on ne croit pas que
Dieu puisse e^tre aime? comme on aime ses semblables. Une voix
qui nous re? pond , des regards qui se confondent avec les no^-
- tres, paraissent pleins de vie, tandis que le ciel immense se
<< tait : mais par degre? s l'a^me s'e? le`ve jusqu'a` sentir son Dieu pre`s
<< d'elle comme un ami.
<< Mon fils, il faut prier comme on aime, en me^lant la prie`re
<< a` toutes nos pense? es: il faut prier, car alors on n'est plus seul;
<< et quand la re? signation descendra doucement en vous, tournez
vos regards vers la nature : on dirait que chacun y retrouve le
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 556 DES PHILOSOPHES THE? OSOPHES.
<< passe? de sa vie, quand il n'en existe plus de traces parmi les
<< hommes. Re^vez a` vos chagrins comme a` vos plaisirs, en con-
<< templaut ces nuages tanto^t sombres et tanto^t brillants, que le
vent fait disparai^tre; et soit que la mort vous ait ravi vos amis,
<< soit que la vie, plus cruelle encore, ait de? chire? vos liens avec
<< eux, vous apercevrez dans les e? toiles leur image divinise? e; ils
<< vous apparai^tront tels que vous les reverrez un jour. >>
CHAPITRE VII.
Des Philosophes religieux appelt's The? osophes.
Lorsque j'ai rendu compte de la philosophie moderne des Al-
lemands, j'ai essaye? de tracer une ligne de de? marcation entre
celle qui s'attache a` pe? ne? trer les secrets de l'univers, et celle qui
se borne a` l'examen de la nature de notre a^me. La me^me distinc-
tion se fait remarquer parmi les e? crivains religieux : les uns, dont
j'ai de? ja` parle? dans les chapitres pre? ce? dents, s'en sont tenus a`
l'influence de la religion sur notre coeur; les autres, tels que Ja-
cob Boehme, en Allemagne, Saint-Martin, en France, et bien
d'autres encore, ont cru trouver dans la re? ve? lation du christia-
nisme, des paroles myste? rieuses qui pouvaient servir a` de? voiler
les lois de la cre? ation. Il faut en convenir, quand on commence
a` penser, il est difficile de s'arre^ter, et soit que la re? flexion con-
duise au scepticisme, soit qu'elle me`ne a` la foi la plus univer-
selle, on est souvent tente? de passer des heures entie`res, comme
les faquirs, a` se demander ce que c'est que la vie. Loin de de? -
daigner ceux qui sont ainsi de? vore? s par la contemplation, on ne
peut s'empe^cher de les conside? rer comme les ve? ritables seigneurs
de l'espe`ce humaine, aupre`s desquels ceux qui existent sans re? -
fle? chir ne sont que des serfs attache? s a` la gle`be. Mais comment
peut-on se flatter de donner quelque consistance a` ces pense? es ,
qui, semblables aux e? clairs, replongent dans les te? ne`bres, apre`s
avoir un moment jete? sur les objets d'incertaines lueurs.
Il peut e^tre inte? ressant, toutefois, d'indiquer la direction
principale des syste`mes des the? osophes, c'est-a`-dire des philo-
sophes religieux, qui n'ont cesse? d'exister en Allemagne depuis
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? DES PHILOSOPHES THEOSOPHES. 557
re? tablissement ilu christianisme, et surtout depuis la renais-
sance des lettres. La plupart des philosophes grecs ont fonde? le
syste`me du monde sur l'action des e? le?
ments; et si l'on en excepte
Pythagore et Platon, qui tenaient de l'Orient leur tendance a`
l'ide? alisme, les penseurs de l'antiquite? expliquent tous l'orga-
nisation de l'univers par des lois physiques. Le christianisme,
en allumant la vie inte? rieure dans le sein de l'homme, devait
exciter les esprits a` s'exage? rer le pouvoir de l'a^me sur le corps;
les abus auxquels les doctrines les plus pures sont sujettes ont
amene? les visions, la magie blanche ( c'est a`dire celle qui attri-
bue a` la volonte? de l'homme, sans l'intervention des esprits in-
fernaux, la possibilite? d'agir sur les e? le? ments ), toutes les re^ve-
ries bizarres enfin qui naissent de la conviction que l'a^me est plus forte que la nature. Les secrets d'alchimistes, de magne? tiseurs et
d'illumine? s, s'appuient presque tous sur cet ascendant de la volonte? , qu'ils portent beaucoup trop loin, mais qui tient de quel-
que manie`re ne? anmoins a` la grandeur morale de l'homme.
Non-seulement le christianisme, en affirmant la spiritualite? de l'a^me, a porte? les esprits a` croire a` la puissance illimite? e dela
foi religieuse ou philosophique, mais la re? ve? lation a paru a` quel-
ques hommes un miracle continuel qui pouvait se renouveler
pour chacun d'eux , et quelques-uns ont cru since`rement qu'une
divination surnaturelle leur e? tait accorde? e, et qu'il se manifes-
tait en eux des ve? rite? s dont ils e? taient pluto^t les te? moins que les
inventeurs. Le plus fameux de ces philosophes religieux, c'est
Jacob Boehme, un cordonnier allemand, qui vivait au commen-
cement du dix-septie`me sie`cle; il a fait tant de bruit dans son
temps, que Charles 1er envoya un homme expre`s a` Gorlitz, lieu
de sa demeure, pour e? tudier son livre et le rapporter en Angle-
terre. Quelques-uns de ses e? crits ont e? te? traduits en franc? ais par
M. de Saint-Martin : ils sont tre`s-difficiles a` comprendre; cepen-
dant l'on ne peut s'empe^cher de s'e? tonner qu'un homme sans culture d'esprit ait e? te? si loin dans la contemplation de la nature. Il la conside`re en ge? ne? ral comme un emble`me des princi-
paux dogmes du christianisme; partout il croit voir dans les
phe? nome`nes du monde les traces de la chute de l'homme et de
sa re? ge? ne? ration, les effets du principe de la cole`re et de celui d>>
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? 558 DES PHILOSOPHES THE? OSOPHES.
la mise? ricorde; et tandis que les philosophes grecs ta^chaient
d'expliquer le monde par le me? lange des e? le? ments de l'air, de
l'eau et du feu, Jacob Boehme n'admet que la combinaison des
forces morales, et s'appuie sur des passages de l'E? vangile pour
interpre? ter l'univers.
De quelque manie`re que l'on conside`re ces singuliers e? crits
qui, depuis deux cents ans, ont toujours trouve? des lecteurs, ou
pluto^t des adeptes, on ne peut s'empe^cher de remarquer les
deux routes oppose? es que suivent, pour arriver a` la ve? rite? , les
philosophes spiritualistes, et les philosophes mate? rialistes. Les
uns croient que c'est en se de? robant a` toutes les impressions du
dehors, et en se plongeant dans l'extase de la pense? e, qu'on
peut deviner la-nature; les autres pre? tendent qu'on ne saurait
trop se garder de l'enthousiasme et de l'imagination, dans l'exa-
men des phe? nome`nes de i'univers ; l'on dirait que l'esprit hu-
main a besoin de s'affranchir du corps ou de l'a^me, pour com-
prendre la nature, tandis que c'est dans la myste? rieuse re? union
des deux que consiste le secret de l'existence.
Quelques savants, en Allemagne,affirment qu'on trouve
dans les ouvrages de Jacob Boehme des vues tre`s-profondes
sur le monde physique; l'on peut dire au moins qu'il y a au-
tant d'originalite? dans les hypothe`ses des philosophes religieux
sur la cre? ation, que dans celles de Thai? es, de Xe? nophane,
d'Aristote, de Descartes et de Leibnitz. Les the? osophes de? clarent que ce qu'ils pensent leur a e? te? re? ve? le? , tandis que les phi-
losophes en ge? ne? ral se croient uniquement conduits par leur propre raison; mais puisque les uns et les autres aspirent a` connai^tre le myste`re des myste`res, que signifient a` cette hau~
leur les mots de raison et de folie? et pourquoi fle? trir de la de? -
nomination d'insense? s, ceux qui croient trouver dans l'exalta-
tion de grandes lumie`res? C'est un mouvement de l'a^me d'une
nature tre`s-remarquable, et qui ne lui a su^rement pas e? te? donne?
seulement pour le combattre.
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? DE L'ESPRIT DE SECTE. 559
CHAPITRE VIII.
De l'esprit de secte en Allemagne.
L'habitude de la me? ditation porte a` des re^veries de tout genre
sur la destine? e humaine. La vie active peut seule de? tourner no-
tre inte? re^t dela source des choses ; mais tout ce qu'il y a de grand
ou d'absurde en fait d'ide? es est le re? sultat du mouvement in-
te? rieur qu'on ne peut dissiper au dehors. Beaucoup de gens
sont tre`s-irrite? s contre les sectes religieuses ou philosophiques,
et leur donnent le nom de folies, et de folies dangereuses. Il me
semble que les e? garements me^me de la pense? e sont bien moins
a` craindre pour le repos et la moralite? des hommes, que l'ab-
sence de la pense? e. Quand on n'a pas en soi cette puissance de
re? flexion qui supple? e a` l'activite? mate? rielle, on a besoin d'agir
sans cesse, et souvent au hasard.
Le fanatisme des ide? es a quelquefois conduit, il est vrai, a`
des actions violentes; mais c'est presque toujours parce qu'on a
recherche? les avantages de ce monde a` l'aide des opinions abs-
traites. Les syste`mes me? taphysiques sont peu redoutables en
eux-me^mes, ils ne le deviennent que quand ils sont re? unis a` des
inte? re^ts d'ambition, et c'est alors de ces inte? re^ts dont il faut s'oc-
cuper, si l'on veut modifier les syste`mes; mais les hommes
capables de s'attacher vivement a` une opinion, inde? pendam-
ment des re? sultats qu'elle peut avoir, sont toujours d'une noble
nature.
Les sectes philosophiques et religieuses qui, sous divers noms,
ont existe? en Allemagne, n'ont presque point eu de rapport
avec les affaires politiques, etle genre de talent ne? cessaire
pour entrai^ner les hommes a` des re? solutions vigoureuses s'est
rarement manifeste? dans ce pays. On peut disputer sur la phi-
losophie deKant, sur les questions the? ologiques, sur l'ide? alis-
me ou Vempirisme, sans qu'il en re? sulte jamais rien que des
livres.
L'esprit de secte et l'esprit de parti diffe`rent a` beaucoup d'e? -
gards : l'esprit de parti pre? sente les opinions par ce qu'elles ont
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? 560 DE LESPRIT DE SECTE.
de saillant, pour les faire comprendre au vulgaire; et l'esprit de
secte, surtout en Allemagne, tend toujours vers ce qu'il a de
plus abstrait: il faut dans l'esprit de parti saisir le point de vue
de la multitude pour s'y placer; les Allemands ne pensent qu'a`
la the? orie, et du^t-elle se perdre dans les nuages, ils l'y suivront.
L'esprit de parti excite dans les hommes de certaines passions
communes qui les re? unissent en masse. Les Allemands subdivi-
sent tout; a` force d'expliquer, de distinguer et de commenter.
Ils ont une since? rite? philosophique singulie`rement propre a` la
recherche de la ve? rite? , mais point du tout a` l'art de la mettre
en oeuvre. L'esprit de secte n'aspire qu'a` convaincre ; l'esprit de
parti veut rallier. L'esprit de secte dispute sur les ide? es; l'esprit
de parti veut du pouvoir sur les hommes. Il y a de la discipline
dans l'esprit de parti, et de l'anarchie dans l'esprit de secte.
L'autorite? , quelle qu'elle soit, n'a presque rien a` craindre de
l'esprit de secte; on le satisfait en laissant une grande latitude a`
la pense? e : mais l'esprit departi n'est pas si facile a` contenter,
et ne se borne point a` ces conque^tes intellectuelles dans lesquel-
les chaque individu peut se cre? er un empire, sans destituer un
possesseur.
On est, en France, beaucoup plus susceptible de l'esprit de
parti que de l'esprit de secte : on s'y entend trop bien au re? el de
la vie, pour ne pas transformer en action ce qu'on de? sire, et en
pratique ce qu'on pense, mais peut-e^tre y est-on trop e? tranger
a` l'esprit de secte : on n'y tient pas assez aux ide? es abstraites,
pour mettre de la chaleur a` les de? fendre; d'ailleurs, l'on ne
veut e^tre lie? par aucun genre d'opinions, afin de s'avancer plus
libre au-devant de toutes les circonstances. Il y a plus de bonne
foi dans l'esprit de secte que dans l'esprit de parti; ainsi les Alle-
mands doivent e^tre bien plus propres a` l'un qu'a` l'autre. Il faut distinguer trois espe`ces de sectes religieuses et philo-
sophiquesen Allemagne : premie`rement, les diffe? rentes com-
munions chre? tiennes qui ont existe? , surtout a` l'e? poque dela re? -
formation, lorsque tous les esprits se sont tourne? s vers les ques-
tions the? ologiques; secondement, les associations secre`tes, et
enfin, les adeptes de quelques syste`mes particuliers, dont un
homme est le chef. 11 faut ranger dans la premie`re classe les
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