poux t'emme`nera loin de moi,
des sanglots m'e?
des sanglots m'e?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
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? 158 DUS POEMES ALLEMANDS.
ces poe? sies, un enthousiasme vague, un de? sir qui ne peut attein-
dre son but; et la moindre chanson nationale d'un peuple libre
cause une e? motion plus vraie. Il ue reste gue`re de traces de l'his-
toire ancienne des Germains; l'histoire moderne est trop divise? e
et trop confuse pour qu'elle puisse produire des sentiments po-
pulaires: c'est dans leur coeur seul que les Allemands peuvent
trouver la source des chants vraiment patriotiques.
Klopstock a souvent beaucoup de gra^ce sur des sujets moins
se? rieux: sa gra^ce tient a` l'imagination et a` la sensibilite? ; car
dans ses poe? sies il n'y a pas beaucoup de ce que nous appelons
de l'esprit; le genre lyrique ne le comporte pas. Dans l'ode sur
le rossignol, le poe`te allemand a su rajeunir un sujet bien use? , en
pre^tant a` l'oiseau des sentiments si doux et si vifs pour la nature
et pour l'homme, qu'il semble un me? diateur aile? qui porte de
l'une a` l'autre des tributs de louange et d'amour. Une ode sur le
vin du Rhin est tre`s-originale: les rives du Rhin sont pour les
Allemands une image vraiment nationale; ils n'ont rien de plus
beau dans toute leur contre? e;les pampres croissent dans les
me^mes lieux ou` tant d'actions guerrie`res se sont passe? es , et le
vin de cent anne? es, contemporain de jours plus glorieux, semble
rece? ler encore la ge? ne? reuse chaleur des temps passe? s.
Non-seulement Klopstock a tire? du christianisme les plus
grandes beaute? s de ses ouvrages religieux; mais comme il voulait
que la litte? rature de son pays fu^t tout a` fait inde? pendante de
celle des anciens, il a ta^che? de donner a` la poe? sie allemande
une mythologie toute nouvelle, emprunte? e des Scandinaves.
Quelquefois il l'emploie d'une manie`re trop savante; mais quel-
quefois aussi il en a tire? un parti tre`s-heureux, et son imagina-
tion a senti les rapports qui existent entre les dieux du Nord et
l'aspect de la nature a` laquelle ils pre? sident.
Il y a une ode de lui, charmante, intitule? e l'Art de Tialf,
c'est-a`-dire l'art d'aller en patins sur la glace , qu'on dit invente?
par le ge? ant Tialf. Il peint une jeune et belle femme, reve^tue
d'une fourrure d'hermine, et place? e sur un trai^neau en forme
de char; les jeunes gens qui l'entourent font avancer ce char
comme l'e? clair, en le poussant le? ge`rement. On choisit pour sen-
tier le torrent glace? qui, pendant l'hiver , offre la route la plus
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? DES POEMES ALLEMANDS. 15! >>
su^re. Lescheveux des jeunes hommes sont parseme? s des flocons
brillants des frimas; les jeunes filles, a` la suite du trai^neau, at-
tachent a` leurs petits pieds des ailes d'acier, qui les transportent
au loin dans un clind'oeil : lechant des bardes accompagne cette
danse septentrionale; la marche joyeuse passe sous des ormeaux
dont les fleurs sont de neige; on entend craquer le cristal sous
les pas; un instant de terreur trouble la fe^te; mais biento^t les
cris d'alle? gresse, la violence de l'exercice, qui doit conserver
au sang la chaleur que lui ravirait le froid de l'air, enfin la lutte
contre leclimat, raniment tous les esprits, et l'on arrive au terme
de la course, dansune grande salle illumine? e, ou` le feu, le bal etles festins, font succe? der des plaisirs faciles aux plaisirs conquis
sur les rigueurs me^mes de la nature.
L'ode a` E? bert sur les amis qui ne sont plus, me? rite aussi d'e^-
tre cite? e. Klopstock est moins heureux quand il e? crit sur l'amour;
il a, comme Dorat, adresse? des vers a` sa mai^tresse future, et
ce sujet manie? re? n'a pas bien inspire? sa muse : il faut n'avoir pas
souffert pour se jouer avec le sentiment; et quand une personne
se? rieuse essaye un semblable jeu, toujours une contrainte se-
cre`te l'empe^che de s'y montrer naturelle. On doit compter dans
l'e? cole de Klopstock, non comme disciples, mais comme con-
fre`res en poe? sie, le grand Haller, qu'on ne peut nommer sans
respect; Gessner, et plusieurs autres qui s'approchaient du ge? nie
anglais par la ve? rite? des sentiments, mais qui ne portaient pas
encore l'empreinte vraiment caracte? ristique de la litte? rature alle-
mande.
Klopstock lui-me^me n'avait pas comple? tement re? ussi a`don-
ner a` l'Allemagne un poe`me e? pique sublime et populaire tout a`
la fois, tel qu'un ouvrage de ce genre doit e^tre. La traduction de
l'Iliade et de l'Odysse? e par Voss fit connai^tre Home`re, autant
qu'une copie calque? e peut rendre l'original; chaque e? pithe`te y
est conserve? e, chaque mot y est mis a` la me^me place, et l'impres-
sion de l'ensemble est tre`s-grande, quoiqu'on ne puisse trouver
dans l'allemand tout le charme que doit avoir le grec, la plus
belle langue du Midi. Les litte? rateurs allemands, qui saisissent
avec avidite? chaque nouveau genre, s'essaye`rent a` composer des
poemes avec la couleur home? rique, et l'Odysse? e, renfermant
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? 160 DES POEMES ALLEMANDS.
beaucoup de de? tails de la vie prive? e, parut plus facile a` imiter
que l'Iliade.
Le premier essai dans ce genre fut une idylle en trois chants,
de Voss lui-me^me, intitule? e Louise; elle est e? crite en hexame`tres, que tout le monde s'accorde a` trouver admirables; mais la
pompe me^me du vers hexame`tre parai^t souvent peu d'accord avec
l'extre^me nai? vete? du sujet. Sans les e? motions pures et religieu-
ses qui animent tout le poe`me, on ne s'inte? resserait gue`re au
tre`s-paisible mariage de la fille du ve? ne? rable pasteur de Gra-
nait. Home`re, fide`le a` re? unir les e? pithe`tes avec les noms,dit
toujours, en parlant de Minerve, la fille de Jupiter aux yeux
bleus; de me^me aussi Voss re? pe`te sans cesse le ve? ne? rable pasteur
de GrUmau (der ehriw&rdige pfarrer von Gru^nau). Mais la
simplicite? d'Home`re ne produit un si grand effet que parce qu'elle
est noblement en contraste avec la grandeur imposante deson he? -
ros et du sort qui le poursuit; tandis que, quand il s'agit d'un pas-
teur de campagne et de la tre`s-bonne me? nage`re sa femme, qui
marient leur fille a` celui qu'elle aime, la simplicite? a moins de
me? rite. L'on admire beaucoup en Allemagne les descriptions qui
se trouvent dans la Louise de Voss, sur la manie`re de faire le
cafe? , d'allumer la pipe; ces de? tails sont pre? sente? s avec beaucoup
de talent et de ve? rite? ; c'est un tableau flamand tre`s-bien fait : ?
mais il me semble qu'on peut difficilement introduire dans nos
poemes, comme dans ceux des anciens, les usages communs de
la vie : ces usages chez nous ne sont pas poe? tiques , et notre civi-
lisation a quelque chose de bourgeois. Les anciens vivaient tou-
jours a` l'air, toujours en rapport avec la nature, et leur manie`re
d'exister e? tait champe^tre, mais jamais vulgaire.
Les Allemands mettent trop peu d'importance au sujet d'un
poe`me, et croient que tout consiste dans la manie`re dont il est
traite? . D'abord la forme donne? e par la poe? sie ne se transporte
presque jamais dans une langue e? trange`re; et la re? putation euro-
pe? enne n'est cependant pas a` de? daigner; d'ailleurs le souvenir
des de? tails les plus inte? ressants s'efface quand il n'est point rat-
tache? a` une fiction dont l'imagination puisse se saisir. La purete?
touchante, qui est le principal charme du poe`me de Voss, se
fait sentir surtout, ce me semble, dans la be? ne? diction nuptiale
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? DES POEMES ALLEMANDS. 161
du pasteur, en mariant sa fille : << Ma fille, lui dit-il avec une voix
<< e? mue, que la be? ne? diction de Dieu soit avec toi. Aimable et ver-
<< tueux enfant, que la be? ne? diction de Dieu t'accompagne sur la
<< terre et dans le ciel. J'ai e? te? jeune et je suis devenu vieux, et
<< dans cette vie incertaine le Tout-Puissant m'a envoye? beaucoup
<< de joie et de douleur. Qu'il soit be? ni pour toutes deux! Je vais
<< biento^t reposer sans regret ma te^te blanchie dans le tombeau de
mes pe`res, car ma fille est heureuse ; elle l'est, parce qu'elle sait
qu'un Dieu paternel soigne notre a^me par la douleur comme par
le plaisir. Quel spectacle plus touchant que celui de cette jeune
<< et belle fiance? e! Dans la simplicite? de son coeur, elle s'appuie
<< sur la main de l'ami qui doit la conduire dans le sentier de la vie;
<< c'est avec lui que, dans une intimite? sainte, elle partagera le
bonheur et-l'infortune; c'est celle qui, si Dieu le veut, doit
<< essuyer la dernie`re sueursur le front de son e? poux mortel. Mon
<< a^me e? tait aussi remplie de pressentiments, lorsque, le jour de
<< mes noces, j'amenai dans ces lieux ma timide compagne : con-
<< tent, mais se? rieux, je lui montrai de loin la borne de nos
champs, la tour de l'e? glise, et l'habitation du pasteur ou` nous
avons e? prouve? tant de biens et de maux. Mon unique enfant,
car il ne me reste que toi, d'autres a` qui j'avais donne? la vie
<< dorment la`-bas sous le gazon du cimetie`re ; mon unique enfant,
<< tu vas t'en aller en suivant la route par laquelle je suis venu.
<< La chambre de ma fille sera de? serte; sa place a` notre table nt
<< sera plus occupe? e; c'est en vain que je pre^terai l'oreille a` ses
pas, a` sa voix. Oui, quand ton e?
poux t'emme`nera loin de moi,
des sanglots m'e? chapperont, et mes yeux mouille? s de pleurs te
suivront longtemps encore ; car je suis homme et pe`re, et j'aime
<< avec tendresse cette fille qui m'aime aussi since`rement. Mais
<< biento^t, re? primant mes larmes J'e? le`verai vers le ciel mes mains
<< suppliantes, et je me prosternerai devant la volonte? de Dieu,
qui commande a` la femme de quitter sa me`re et son pe`re pour
suivre son e? poux. Va donc en paix, mon enfant, abandonne ta
famille et la maison paternelle ; suis le jeune homme qui main-
<<tenant te tiendra lieu de ceux a` qui tu dois le jour; sois dans
<< sa maison comme une vigne fe? conde, entoure-la de nobles re-
<<jetons. Un mariage religieux est la plus belle des fe? licite? s ter-
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? |62 DES POEMES \Ll. t. MAMlS.
<< restres; mais si le Seigneur ne fonde pas lui-me^me l'e? difice de
<< l'homme, qu'importent ses vains travaux? >>
Voila` dela vraie simplicite? , celle de l'a^me, celle qui convient
au peuple comme aux rois, aux pauvres comme aux riches, en-
lin a` toutes les cre? atures de Dieu. On se lasse promptement de
la poe? sie descriptive , quand elle s'applique a` des objets qui n'ont
rien de grand en eux-me^mes; mais les sentiments descendent du
ciel, et dans quelque humble se? jour que pe? ne`trent leurs rayons,
ils ne perdent rien de leur beaute? .
L'extre^me admiration qu'inspire Goethe en Allemagne a fait
donner a` son poe`me d'Hermann et Dorothe? e le nom de poe`me
e? pique; et l'un des hommes les plus spirituels en tout pays,
M. de Humboldt, le fre`re du ce? le`bre voyageur, a compose? sur ce
poe`me un ouvragequi contient les remarques les plus philosophi-
ques et les plus piquantes. Hermann et Dorothe? e est traduit en
franc? ais et en anglais; toutefois on ne peut avoir l'ide? e, par la
traduction, du charme qui re`gne dans cet ouvrage: une e? motion
douce, mais continuelle, se fait sentir depuis le premier vers jus-
qu'au dernier, et il y a, dans les moindres de? tails, une dignite?
naturelle, qui ne de? parerait pas les he? ros d'Home`re. Ne? anmoins,
il faut en convenir, les personnages et les e? ve? nements sont de
trop peu d'importance ; le sujet suffit a` l'inte? re^t quand on le lit
dans l'original; dans la traduction cet inte? re^t se dissipe. En fait
de poe`me e? pique, il me semble qu'il est permis d'exiger une
certaine aristocratie litte? raire; la dignite? des personnages et des
souvenirs historiques qui s'y rattachent, peut seule e? lever l'ima-!
gination a` la hauteur de ce genre d'ouvrage. Un poe`me ancien du treizie`me sie`cle, les Niebelungs, dont
j'ai de? ja` parle? , parai^t avoir eu dans son temps tous lescaracte`res
d'un ve? ritable poe`me e? pique. Les grandes actions du he? ros de l'Al-
lemagne du Nord, Sigefroi, assassine? par un roi bourguignon, la
vengeance que les siens en tire`rent dans le camp d'Attila, et qui
mit fin au premier royaume de Bourgogne, sont le sujet de ce
poe`me. Un poe`me e? pique n'est presque jamais l'ouvrage d'un
homme, et les sie`cles me^mes , pour ainsi dire, y travaillent: le
patriotisme, la religion, enfin la totalite? del'existence d'un peu-
ple , ne peut e^tre mise eu action que par quelques-uns de ces
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? DR LA POESIE ALLEMANDE. I 63
e? ve? nements immenses que le poe`te ne cre? e pas, mais qui lui ap-
paraissent agrandis par la nuit des temps: les personnages du
poe`me e? pique doivent repre? senter le caracte`re primitif de la
nation. Il faut trouver en eux le moule indestructible dont est
sortie toute l'histoire.
Ce qu'il y avait de beau eu Allemagne. c'e? tait l'ancienne che-
valerie, sa force, sa loyaute? , sa bonhomie, et la rudesse du Nord,
qui s'alliait avec une sensibilite? sublime. Ce qu'il y avait aussi
de beau, c'e? tait le christianisme ente? sur la mythologie scandi-
nave; cet honneur sauvage que la foi rendait pur et sacre? ; ce
respect pour les femmes, qui devenait plus touchant encore par
la protection accorde? e a` tous les faibles; cet enthousiasme de la
mort, ce paradis guerrier ou` la religion la plus humaine a pris
place. Tels sont les e? le? ments d'un poe`me e? pique en Allemagne.
Il faut que le ge? nie s'en empare, et qu'il sache, comme Me? de? e,
ranimer par un nouveau sang d'anciens souvenirs.
CHAPITRE XIII.
De la poe? sie allemande.
Les poe? sies allemandes de? tache? es sont, ce me semble, plus
remarquables encore que les poe`mes, et c'est surtout dans ce
genre que le cachet de l'originalite? est empreint: il est vrai aussi
que les auteurs les plus cite? s a` cet e? gard, Goethe, Schiller, Bu`r-
ger, etc. , sont de l'e? cole moderne, qui seule porte un caracte`re
vraiment national. Goethe a plus d'imagination, Schiller plus
de sensibilite? , et Bu^rger est de tous celui qui posse`de le talent
le plus populaire. En examinant successivement quelques poe? -
sies de ces trois hommes, on se fera mieux l'ide? e de ce qui les
distingue. Schiller a de l'analogie avec le gou^t franc? ais; toutefois
on ne trouve dans ses poe? sies de? tache? es rien qui ressemble aux
poe? sies fugitives de Voltaire; cette e? le? gance de conversation et
presque de manie`res, transporte? e dans la poe? sie, n'appartenait
qu'a` la France; et Voltaire, en fait de gra^ce, e? tait le premier des
e? crivains franc? ais. Il serait inte? ressant de comparer les stances
de Schiller sur la perte de la jeunesse, intitule? es f Ide? al, avec cel-
les de Voltaire:
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? 16-1 DE LA POESIE ALLEMANDE.
Si vous voulez que j'aime encore,
Rendez-moi l'a^ge des amours, etc.
On voit dans le poete franc? ais l'expression d'un regret ai-
mable, dont les plaisirs de l'amour et les joies de la vie sont
l'objet : le poete allemand pleure la perte de l'enthousiasme et
de l'innocente purete? des pense? es du premier a^ge; et c'est par la
poe? sie et la pense? e qu'il se flatte d'embellir encore le de? clin de
ses ans. Il n'y a pas dans les stances de Schiller cette clarte? facile
et brillante que permet un genre d'esprit a` la porte? e de tout le
monde; mais on y peut puiser des consolations qui agissent sur
l'a^me inte? rieurement. Schiller ne pre? sente jamais les re? flexions
les plus profondes que reve^tues de nobles images : il parle a`
l'homme comme la nature elle-me^me; car la nature est tout a`
la fois penseur et poete. Pour peindre l'ide? e du temps, elle fait
couler devant nos yeux les flots d'un fleuve ine? puisable; et pour
que sa jeunesse e? ternelle nous fasse songera notre existence pas-
sage`re , elle se reve^t de fleurs qui doivent pe? rir, elle fait tomber
en automne les feuilles des arbres que le printemps a vues dans
tout leur e? clat : la poe? sie doit e^tre le miroir terrestre de la Di-
viuite? , et re? fle? chir, par les couleurs, les sons et les rhythmes,
toutes les beaute? s de l'univers.
La pie`ce de vers intitule? e ta Cloche consiste en deux parties
parfaitement distinctes : les strophes en refrain expriment le
travail qui se fait dans la forge, et entre chacune de ces strophes
il y a des vers ravissants sur les circonstances solennelles, ou
sur les e? ve? nements extraordinaires annonce? s par les cloches, tels
que la naissance, le mariage, la mort, l'incendie, la re? volte, etc.
On pourrait traduire en franc? ais les pense? es fortes, les images
belles et touchantes qu'inspirent a` Schiller les grandes e? po-
ques de la destine? e humaine; mais il est impossible d'imiter
noblement les strophes en petits vers, et compose? es de mots dont
le son bizarre et pre? cipite? semble faire entendre les coups re-
double? s et les pas rapides des ouvriers qui dirigent la lave bru^-
lante de l'airain. Peut-on avoir l'ide? e d'un poe`me de ce genre
par une traduction en prose? c'est lire la musique au lieu de
l'entendre; encore est-il plus aise? de se figurer, par l'imagina-
tion, l'effet des instruments que l'on connai^t, que les accords et
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? DE LA POE? SIE ALLEMANDE. IfiS
les contrastes d'un rhythme et d'une langue qu'on ignore.
