es, en indiquant la marche
historique
de
la litte?
la litte?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
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? 146 1>E LA POESIE CLASSIQUE
the? e, n'eu^t semble? que de la folie, au milieu des rapports clairs
et prononce? s qui existaient dans l'e? tat civil et social des anciens.
On ne faisait en Gre`ce, dans le commencement de l'art, que
des statues isole? es; les groupes ont e? te? compose? s plus tard. On
pourrait dire de me^me, avec ve? rite? , que dans tous les arts il n'y
avait point de groupes : les objets repre? sente? s se succe? daient
comme dans les bas-reliefs, sans combinaison , sans complica-
tion d'aucun genre. L'homme personnifiait la nature; des nym-
phes habitaient les eaux , des hamadryades les fore^ts: mais la na-
ture , a` son tour, s'emparait de l'homme, et l'on eu^t dit qu'il
ressemblait au torrent, a` la foudre, au volcan, tant il agissait
par une impulsion involontaire, et sans que la re? flexion pu^t en
rien alte? rer les motifs ni les suites de ses actions. Les anciens
avaient, pour ainsi dire, une a^me corporelle, doutions les mou-
vements e? taient forts, directs et conse? quents : il n'en est pas de
me^me du coeur humain de? veloppe? par le christianisme :les mo-
dernes ont puise? dans le repentir chre? tien l'habitude de se replier
continuellement sur eux-me^mes.
Mais, pour manifester cette existence tout inte? rieure, il faut
qu'une grande varie? te? dans les faits pre? sente sous toutes les for-
mes les nuances infinies de ce qui se passe dans l'a^me. Si de nos
jours les beaux-arts e? taient astreints a` la simplicite? des anciens,
nous n'atteindrions pas a` la force primitive qui les distingue, et
nous perdrions les e? motions intimes et multiplie? es dont notre
a^me est susceptible. La simplicite? de l'art, chez les modernes,
tournerait facilement a` la froideur et a` l'abstraction , taudis que
celle des anciens e? tait pleine de vie. L'honneur et l'amour, la
bravoure et la pitie? sont les sentiments qui signalent le christia-
nisme chevaleresque; et ces dispositions de l'a^me ne peuvent se
faire voir que par les dangers, les exploits, les amours, les mal-
heurs, l'inte? re^t romantique enfin, qui variesans cesseles tableaux.
Les sources des effets de l'art sont donc diffe? rentes, a` beaucoup
d'e? gards, dans la poe? sie classique et dans la poe? sie romantique;
dans l'une, c'est le sort qui re`gne, dans l'autre, c'estla Provi-
dence; le sort ne compte pour rien les sentiments des hommes,
la Providence ne juge les actions que d'apre`s les sentiments. Comment la poe? sie ne cre? erait-elle pas un monde d'une tout autre
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? ET DE LA POESIE ROMANTIQUE. 147
nature, quand il faut peindre l'oeuvre d'un destin aveugle et
sourd, toujours en lutte avec les mortels, ou cet ordre intelli-
gent auquel pre? side un E^tre supre^me, que notre coeur interroge,
et qui re? pond a` notre coeur! /
La poe? sie pai? enne doit e^tre simple et saillante comme les ob-
jets exte? rieurs;la poe? sie chre? tienne a besoin des mille couleurs
de l'arc-en-ciel pour ne pas se perdre dans les nuages. La poe? -
sie des anciens est plus pure comme art, celle des modernes fait
verser plus de larmes ; mais la question pour nous n'est pas en- //
Ire la poe? sie classique et la poe? sie romantique, mais entre l'irai- /
talion de l'une et l'inspiration de l'autre. La litte? rature des anciens est chez les modernes une litte? rature transplante? e : la litte? rature romantique ou chevaleresque est chez nous indige`ne, et
c'est notre religion et nos institutions qui l'ont fait e? clore. Les
e? crivains imitateurs des anciens se sont soumis aux re`gles du
gou^t les plus se? ve`res ; car, ne pouvant consulter ni leur propre
nature, ni leurs propres souvenirs, il a fallu qu'ils se conformas-
sent aux lois d'apre`s lesquelles les chefs-d'oeuvre des anciens
peuvent e^tre adapte? s a` notre gou^t, bien que toutes les circons-
tances politiques et religieuses qui ont donne? le jour a` ces chefs-d'oeuvre soient change? es. Mais ces poe? sies d'apre`s l'antique,
quelque parfaites qu'elles soient, sont rarementpopulaires, parce
qu'elles ne tiennent, dans le temps actuel, a` rien de national. La poe? sie franc? aise, e? tant la plus classique de toutes les poe? -
sies modernes, est la seule qui ne soit pas re? pandue parmi le
peuple. Les stances du Tasse sont chante? es par les gondoliers de
Venise; les Espagnols et les Portugais de toutes les classes sa-
vent par coeur les vers de Calderon et de Camoe? ns. Shakespeare
est autant admire? par le peuple en Angleterre que par la classe
supe? rieure. Des poemes de Goethe et de Bu`rger sont mis en
musique, et vous les entendez re? pe? ter des bords du Rhin jusqu'a`
la Baltique. Nos poe`tes franc? ais sont admire? s partout ce qu'il
y a d'esprits cultive? s chez nous et dans le reste de l'Europe;
mais ils sont tout a` fait inconnus aux gens du peuple et aux
bourgeois me^me des villes, parce que les arts en France ne sont
pas, comme ailleurs, natifs du pays me^me ou` leurs beaute? s se
de? veloppent.
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? 148 DES POEMES ALLEMANDS.
Quelques critiques franc? ais ont pre? tendu que la litte? rature des
peuples germaniques e? tait encore dans l'enfance de l'art: cette
opinion est tout a` fait fausse; les hommes les plus instruits
dans la connaissance des langues et des ouvrages des anciens
n'ignorent certainement pas les inconve? nients et les avantages
du genre qu'ils adoptent, ou de celui qu'ils rejettent; mais leur
caracte`re, leurs habitudes et leurs raisonnements les ont con-
duits a` pre? fe? rer la litte? rature fonde? e sur les souvenirs de la che-
valerie, sur le merveilleux du moyen a^ge, a` celle dont la my-
thologie des Grecs est la base. La litte? rature romantique est la
seule qui soit susceptible encore d'e^tre perfectionne? e, parce
qu'ayant ses racines dans notre propre sol, elle est la seule qui
puisse croi^tre et se vivifier de nouveau; elle exprime notre re-
ligion; elle rappelle notreTnTstoire; son origine est ancienne,
mais non antique.
La poe? sie classique doit passer par les souvenirs du paganisme
pour arriver jusqu'a` nous: la poe? sie des Germains est l'e`re chre? -
tienne des beaux-arts : elle se sert de nos impressions person-
nelles pour nous e? mouvoir: le ge? nie qui l'inspire s'adresse im-
me? diatement a` notre coeur, et semble e? voquer notre vie elle-me^me comme un fanto^me, le plus puissant et le plus terrible
de tous.
CHAPITRE XII. Des poe`mes allemands.
On doit conclure, ce me semble, des diverses re? flexions que
contient le chapitre pre? ce? dent, qu'il n'y a gue`re de poe? sie classi-
que en Allemagne . soit que l'on conside`re cette poe? sie comme
imite? e des anciens, ou qu'on entende seulement par ce mot le plus hautdegre? possible de perfection. La fe? condite? de l'imagina-
tion des Allemands les appelle a` produire pluto^t qu'a` corriger;
aussi peut-on difficilement citer, dans leur litte? rature, des e? crits
ge? ne? ralement reconnus pour mode`les. La langue n'est pas fixe? e;
le gou^t change a` chaque nouvelle production des hommes de
talent; tout est progressif, tout marche, etle point stationnaire
de perfection n'est point encore atteint; mais est-ce un mal?
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? DES POEMES ALLEMANDS 149
Chez toutes les nations ou` l'on s'est flatte? d'y e^tre parvenu, l'on
a vu presque imme? diatement apre`s commencer la de? cadence ,
et les imitateurs succe? der aux e? crivains classiques, comme
pour de? gou^ter d'eux.
Il y a en Allemagne un aussi grand nombre de poe`tes qu'en
Italie: la multitude des essais, dans quelque genre que ce soit,
indique quel est le penchant naturel d'une nation. Quand l'a-
mour de l'art y est universel, les esprits prennent d'eux-me^mes
la direction de la poe? sie, comme ailleurs celle de la politique,
ou des inte? re^ts mercantiles. Il y avait chez les Grecs une foule
de poe`tes, et rien n'est plus favorable au ge? nie que d'e^tre envi-
ronne? d'un grand nombre d'hommes qui suivent la me^me car-
rie`re. Les artistes sont des juges indulgents pour les fautes, parce
qu'ils connaissent les difficulte? s; mais ce sont aussi des approba-
teurs exigeants; il faut de grandes beaute? s, et des beaute? s nou-
yelles, pour e? galer a` leurs yeux les chefs-d'oeuvre dont ils s'occu-
pent sans cesse. Les Allemands improvisent, pour ainsi dire,
en e? crivant; et cette grande facilite? est le ve? ritable signe du
talent dans les beaux-arts , car ils doivent, comme les fleurs
du Midi, nai^tre sans culture; le travail les perfectionne, mais
l'imagination est abondante, lorsqu'une ge? ne? reuse nature en a
fait don aux hommes. Il est impossible de citer tous les poe`tes
allemands qui me? riteraient un e? loge a` part; je me bornerai
a` conside? rer seulement,d'une manie`re ge? ne? rale, les trois e? coles
que j'ai de? ja` distingue?
es, en indiquant la marche historique de
la litte? rature allemande.
Wieland a imite? Voltaire dans ses romans; souvent Lucien,
qui, sous le rapport philosophique, est le Voltaire de l'antiquite? ;
quelquefois l'Arioste,et, malheureusement aussi, Cre? billon.
Il a mis envers plusieurs contes de chevalerie, Ganttalin, Ce? -
rion le Courtois, Obe? ron, etc. , dans lesquels il y a plus de sen-
sibilite? que dans l'Arioste, mais toujours moins de gra^ce et de
gaiete? . L'allemand ne se meut pas, sur tous les sujets, avec la
le? ge`rete? de l'italien; et les plaisanteries qui conviennent a` cette
langue, un peu surcharge? e de consonnes, ce sont pluto^t celles
qui tiennent a` l'art de caracte? riser fortement qu'a` celui d'in-
diquer a` demi. Idris et le Nouvel Amadis sont des contes de 13.
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? <<50 1>ES POEMES ALLEMANDS
fe? es dans lesquels la vertu des femmes est a` chaque page l'objet
de ces e? ternelles plaisanteries qui ont cesse? d'e^tre immorales a`
force d'e^tre ennuyeuses. Les contes de chevalerie de Wieland
me semblent beaucoup meilleurs que ses poe`mes imile? s du grec,
Musarion, Endymion, (^anime`de, le Jugement de Paris, etc.
Les histoires chevaleresques sont nationales en Allemagne.
Le ge? nie naturel du langage et des poe`tes se pre^te a` peindre les
exploits et les amours de ces chevaliers et de ces belles dont les
sentiments e? taient tout a` la fois si forts et si nai? fs, si bienveillants
et si de? cide? s; mais en voulant mettre des gra^ces modernes dans
les sujets grecs, Wieland les a rendus ne? cessairement manie? re? s.
Ceux qui pre? tendent modifier le gou^t antique par le gou^t mo-
derne, ou le gou^t moderne par le gou^t antique, sont presque
toujours affecte? s. Pour e^tre a` l'abri de ce danger, il faut pren-
dre chaque chose pleinement dans sa nature.
"L'Obe? ron passe en Allemagne presque pour unpoe`me e? pique.
Il est fonde? sur une histoire de chevalerie francaise, Huon de
Kourdeaux , dont M. deTressan a donne? l'extrait; le ge? nie
Obe? ron et la fe? e Titania , tels que Shakespeare les a peints,
dans sa pie`ce intitule? e fte? ve d'une Nyitd'e? te? , servent de my-
thologie a` ce poe`me. Le sujet en est donne? par nos anciens ro-
manciers; mais on ne saurait trop louer la poe? sie dont Wieland
l'a enrichi. La plaisanterie tire? e du merveilleux y est manie? e avec beaucoup de gra^ce et d'originalite? . Huon est envoye? en Pa-
lestine, par suite de diverses aventures, pour demander en ma-
riage la fille du sultan , et quand le son du cor singulier qu'il
posse`de met en danse tous les personnages les plus graves qui
s'opposent au mariage, on ne se lasse point de cet effet comi-
que, habilement re? pe? te? ;'et mieux le poe`te a su peindre le se? rieux
pe? dantesque des imans et des vizirs de la cour du sultan, plus
leur danse involontaire amuse les lecteurs. Quand Obe? ron em-
porte surun char aile? les deux amants dans les airs, l'effroi de ce
prodige est dissipe? par la se? curite? que l'amour leur inspire. << En
vain la terre, dit le poe`te, disparai^t a` leurs yeux; en vain la
<< nuit couvre l'atmosphe`re de ses ailes obscures; une lumie`re
<< ce? leste rayonne dans leurs regards pleins de tendresse : leurs
<< a^mes se re? fle? chissent l'une dans l'autre; la nuit n'est pas la
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? DES l'OEMES ALLEMANDS. 151
<< nuit pour eux; l'Elyse? e les entoure; le soleil e? claire le fond
de leur coeur; et l'amour, a` chaque instant, leur fait voir des
<< objets toujours de? licieux et toujours nouveaux. >>
La sensibilite? ne s'allie gue`re en ge? ne? ral avec le merveilleux .
il y a quelque chose de si se? rieux dans les affections de l'a^me,
qu'on n'aime pas a` les voir compromises au milieu des jeux de l'imagination; mais Wieland a l'art de re? unir ces fictions fantasti-
ques avec des sentiments vrais, d'une manie`re qui n'appartient
qu'a` lui.
Le bapte^me de la fille du sultan, qui se fait chre? tienne pour
e? pouser Huon, est encore un morceau de la plus grande beaute? :
changer de religion par amour est un peu profane; mais le chris-
tianisme est tellement la religion du coeur, qu'il suffit d'aimer
avec de? vouement et purete? pour e^tre de? ja` converti. Obe? ron a fait
promettre aux deux jeunes e? poux de ne pas se donner l'un a`
l'autre avant leur arrive? e a` Rome: ils sont ensemble dans le
me^me vaisseau, et se? pare? s du monde; l'amour les fait manquera` leur voeu. Alors la tempe^te se de? chai^ne, les vents sifflent, les
vagues grondent, et les voiles sont de? chire? es; la foudre brise les
ma^ts; les passagers se lamentent, les matelots crient au secours.
Enfin le vaisseau s'entr'ouvre, les flots menacent de tout englou-
tir, et la pre? sence de la mort peut a` peine arracher les deux e? poux
au sentiment du bonheur de cette vie. Ils sont pre? cipite? s dans
la mer : un pouvoir invisible les sauve, et les fait aborder dans
une i^le inhabite? e, ou` ils trouvent un solitaire que ses malheurs
et sa religion ont conduit dans cette retraite.
Amanda, l'e? pouse de Huon, apre`s de longues traverses, met
au monde un fils, et rien n'est ravissant comme le tableau de la
maternite? dans le de? sert: ce nouvel e^tre qui vient animer la
solitude, ces regards incertains de l'enfance, que la tendresse
passionne? e de la me`re cherche a` fixer sur elle, tout est plein de
sentiment et de ve? rite? . Les e? preuves auxquelles Obe? ron etTita-nia veulent soumettre les deux e? poux continuent; mais a` la fin
leur constance est re? compense? e. Quoiqu'il y ait des longueurs
dans ce poe`me, il est impossible de ne pas le conside? rer comme
un ouvrage charmant, et s'il e? tait bien traduit envers franc? ais,
il serait juge? tel.
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? I. 'i3 DES POEMES ALLEMANDS.
Avant et apre`s Wieland, il y a eu des poe`tes qui ont essaye?
d'e? crire dans le genre franc? ais et italien : mais ce qu'ils ont fait
ne vaut gue`re la peine d'e^tre cite? : et si la litte? rature allemande
n'avait pas pris un caracte`re a` elle, su^rement elle ne ferait pas
e? poque dans l'histoire des beaux-arts. C'est a` la Messiade de
Klopstock qu'il faut fixer l'e? poque de la poe? sie en Allemagne. Le he? ros de ce poe`me, selon notre langage mortel, inspire au
me^me degre? l'admiration et la pitie? , sans que jamais l'un de
ces sentiments soit affaibli par l'autre. Un poe`te ge? ne? reux a dit,
en parlant de Louis XVI:
Jamais tant de respect n'admit tant de pitie? '.
Ce vers si touchant et si de? licat pourrait exprimer l'attendris-
sement que le Messie fait e? prouver dans Klopstock. Sans doute
le sujet est bien au-dessus de toutes les inventions du ge? nie; il
en faut beaucoup cependant pour montrer avec tant de sensi-
bilite? l'humanite? dans l'e^tre divin, et avec tant de force la divi-
nite? dans l'e^tre mortel. Il faut aussi bien du talent pour exciter
l'inte? re^t et l'anxie? te? , dans le re? cit d'un e? ve? nement de? cide? d'avance
par une volonte? toute-puissante. Klopstock a su re? unir avec
beaucoup d'art tout ce que la fatalite? des anciens et la providence
des chre? tiens peuvent inspirer a` la fois de terreur et d'espe? -
rance. J'ai parle? ailleurs du caracte`re d'Abbadona, de ce de? mon re-
pentant qui cherche a` faire du bien aux hommes : un remords
de? vorant s'attache a` sa nature immortelle; ses regrets ont le ciel
me^me pour objet, le ciel qu'il a connu, les ce? lestes sphe`res qui
furent sa demeure: quelle situation, que ce retour vers la ver-
tu, quand la destine?
? 146 1>E LA POESIE CLASSIQUE
the? e, n'eu^t semble? que de la folie, au milieu des rapports clairs
et prononce? s qui existaient dans l'e? tat civil et social des anciens.
On ne faisait en Gre`ce, dans le commencement de l'art, que
des statues isole? es; les groupes ont e? te? compose? s plus tard. On
pourrait dire de me^me, avec ve? rite? , que dans tous les arts il n'y
avait point de groupes : les objets repre? sente? s se succe? daient
comme dans les bas-reliefs, sans combinaison , sans complica-
tion d'aucun genre. L'homme personnifiait la nature; des nym-
phes habitaient les eaux , des hamadryades les fore^ts: mais la na-
ture , a` son tour, s'emparait de l'homme, et l'on eu^t dit qu'il
ressemblait au torrent, a` la foudre, au volcan, tant il agissait
par une impulsion involontaire, et sans que la re? flexion pu^t en
rien alte? rer les motifs ni les suites de ses actions. Les anciens
avaient, pour ainsi dire, une a^me corporelle, doutions les mou-
vements e? taient forts, directs et conse? quents : il n'en est pas de
me^me du coeur humain de? veloppe? par le christianisme :les mo-
dernes ont puise? dans le repentir chre? tien l'habitude de se replier
continuellement sur eux-me^mes.
Mais, pour manifester cette existence tout inte? rieure, il faut
qu'une grande varie? te? dans les faits pre? sente sous toutes les for-
mes les nuances infinies de ce qui se passe dans l'a^me. Si de nos
jours les beaux-arts e? taient astreints a` la simplicite? des anciens,
nous n'atteindrions pas a` la force primitive qui les distingue, et
nous perdrions les e? motions intimes et multiplie? es dont notre
a^me est susceptible. La simplicite? de l'art, chez les modernes,
tournerait facilement a` la froideur et a` l'abstraction , taudis que
celle des anciens e? tait pleine de vie. L'honneur et l'amour, la
bravoure et la pitie? sont les sentiments qui signalent le christia-
nisme chevaleresque; et ces dispositions de l'a^me ne peuvent se
faire voir que par les dangers, les exploits, les amours, les mal-
heurs, l'inte? re^t romantique enfin, qui variesans cesseles tableaux.
Les sources des effets de l'art sont donc diffe? rentes, a` beaucoup
d'e? gards, dans la poe? sie classique et dans la poe? sie romantique;
dans l'une, c'est le sort qui re`gne, dans l'autre, c'estla Provi-
dence; le sort ne compte pour rien les sentiments des hommes,
la Providence ne juge les actions que d'apre`s les sentiments. Comment la poe? sie ne cre? erait-elle pas un monde d'une tout autre
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? ET DE LA POESIE ROMANTIQUE. 147
nature, quand il faut peindre l'oeuvre d'un destin aveugle et
sourd, toujours en lutte avec les mortels, ou cet ordre intelli-
gent auquel pre? side un E^tre supre^me, que notre coeur interroge,
et qui re? pond a` notre coeur! /
La poe? sie pai? enne doit e^tre simple et saillante comme les ob-
jets exte? rieurs;la poe? sie chre? tienne a besoin des mille couleurs
de l'arc-en-ciel pour ne pas se perdre dans les nuages. La poe? -
sie des anciens est plus pure comme art, celle des modernes fait
verser plus de larmes ; mais la question pour nous n'est pas en- //
Ire la poe? sie classique et la poe? sie romantique, mais entre l'irai- /
talion de l'une et l'inspiration de l'autre. La litte? rature des anciens est chez les modernes une litte? rature transplante? e : la litte? rature romantique ou chevaleresque est chez nous indige`ne, et
c'est notre religion et nos institutions qui l'ont fait e? clore. Les
e? crivains imitateurs des anciens se sont soumis aux re`gles du
gou^t les plus se? ve`res ; car, ne pouvant consulter ni leur propre
nature, ni leurs propres souvenirs, il a fallu qu'ils se conformas-
sent aux lois d'apre`s lesquelles les chefs-d'oeuvre des anciens
peuvent e^tre adapte? s a` notre gou^t, bien que toutes les circons-
tances politiques et religieuses qui ont donne? le jour a` ces chefs-d'oeuvre soient change? es. Mais ces poe? sies d'apre`s l'antique,
quelque parfaites qu'elles soient, sont rarementpopulaires, parce
qu'elles ne tiennent, dans le temps actuel, a` rien de national. La poe? sie franc? aise, e? tant la plus classique de toutes les poe? -
sies modernes, est la seule qui ne soit pas re? pandue parmi le
peuple. Les stances du Tasse sont chante? es par les gondoliers de
Venise; les Espagnols et les Portugais de toutes les classes sa-
vent par coeur les vers de Calderon et de Camoe? ns. Shakespeare
est autant admire? par le peuple en Angleterre que par la classe
supe? rieure. Des poemes de Goethe et de Bu`rger sont mis en
musique, et vous les entendez re? pe? ter des bords du Rhin jusqu'a`
la Baltique. Nos poe`tes franc? ais sont admire? s partout ce qu'il
y a d'esprits cultive? s chez nous et dans le reste de l'Europe;
mais ils sont tout a` fait inconnus aux gens du peuple et aux
bourgeois me^me des villes, parce que les arts en France ne sont
pas, comme ailleurs, natifs du pays me^me ou` leurs beaute? s se
de? veloppent.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 148 DES POEMES ALLEMANDS.
Quelques critiques franc? ais ont pre? tendu que la litte? rature des
peuples germaniques e? tait encore dans l'enfance de l'art: cette
opinion est tout a` fait fausse; les hommes les plus instruits
dans la connaissance des langues et des ouvrages des anciens
n'ignorent certainement pas les inconve? nients et les avantages
du genre qu'ils adoptent, ou de celui qu'ils rejettent; mais leur
caracte`re, leurs habitudes et leurs raisonnements les ont con-
duits a` pre? fe? rer la litte? rature fonde? e sur les souvenirs de la che-
valerie, sur le merveilleux du moyen a^ge, a` celle dont la my-
thologie des Grecs est la base. La litte? rature romantique est la
seule qui soit susceptible encore d'e^tre perfectionne? e, parce
qu'ayant ses racines dans notre propre sol, elle est la seule qui
puisse croi^tre et se vivifier de nouveau; elle exprime notre re-
ligion; elle rappelle notreTnTstoire; son origine est ancienne,
mais non antique.
La poe? sie classique doit passer par les souvenirs du paganisme
pour arriver jusqu'a` nous: la poe? sie des Germains est l'e`re chre? -
tienne des beaux-arts : elle se sert de nos impressions person-
nelles pour nous e? mouvoir: le ge? nie qui l'inspire s'adresse im-
me? diatement a` notre coeur, et semble e? voquer notre vie elle-me^me comme un fanto^me, le plus puissant et le plus terrible
de tous.
CHAPITRE XII. Des poe`mes allemands.
On doit conclure, ce me semble, des diverses re? flexions que
contient le chapitre pre? ce? dent, qu'il n'y a gue`re de poe? sie classi-
que en Allemagne . soit que l'on conside`re cette poe? sie comme
imite? e des anciens, ou qu'on entende seulement par ce mot le plus hautdegre? possible de perfection. La fe? condite? de l'imagina-
tion des Allemands les appelle a` produire pluto^t qu'a` corriger;
aussi peut-on difficilement citer, dans leur litte? rature, des e? crits
ge? ne? ralement reconnus pour mode`les. La langue n'est pas fixe? e;
le gou^t change a` chaque nouvelle production des hommes de
talent; tout est progressif, tout marche, etle point stationnaire
de perfection n'est point encore atteint; mais est-ce un mal?
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DES POEMES ALLEMANDS 149
Chez toutes les nations ou` l'on s'est flatte? d'y e^tre parvenu, l'on
a vu presque imme? diatement apre`s commencer la de? cadence ,
et les imitateurs succe? der aux e? crivains classiques, comme
pour de? gou^ter d'eux.
Il y a en Allemagne un aussi grand nombre de poe`tes qu'en
Italie: la multitude des essais, dans quelque genre que ce soit,
indique quel est le penchant naturel d'une nation. Quand l'a-
mour de l'art y est universel, les esprits prennent d'eux-me^mes
la direction de la poe? sie, comme ailleurs celle de la politique,
ou des inte? re^ts mercantiles. Il y avait chez les Grecs une foule
de poe`tes, et rien n'est plus favorable au ge? nie que d'e^tre envi-
ronne? d'un grand nombre d'hommes qui suivent la me^me car-
rie`re. Les artistes sont des juges indulgents pour les fautes, parce
qu'ils connaissent les difficulte? s; mais ce sont aussi des approba-
teurs exigeants; il faut de grandes beaute? s, et des beaute? s nou-
yelles, pour e? galer a` leurs yeux les chefs-d'oeuvre dont ils s'occu-
pent sans cesse. Les Allemands improvisent, pour ainsi dire,
en e? crivant; et cette grande facilite? est le ve? ritable signe du
talent dans les beaux-arts , car ils doivent, comme les fleurs
du Midi, nai^tre sans culture; le travail les perfectionne, mais
l'imagination est abondante, lorsqu'une ge? ne? reuse nature en a
fait don aux hommes. Il est impossible de citer tous les poe`tes
allemands qui me? riteraient un e? loge a` part; je me bornerai
a` conside? rer seulement,d'une manie`re ge? ne? rale, les trois e? coles
que j'ai de? ja` distingue?
es, en indiquant la marche historique de
la litte? rature allemande.
Wieland a imite? Voltaire dans ses romans; souvent Lucien,
qui, sous le rapport philosophique, est le Voltaire de l'antiquite? ;
quelquefois l'Arioste,et, malheureusement aussi, Cre? billon.
Il a mis envers plusieurs contes de chevalerie, Ganttalin, Ce? -
rion le Courtois, Obe? ron, etc. , dans lesquels il y a plus de sen-
sibilite? que dans l'Arioste, mais toujours moins de gra^ce et de
gaiete? . L'allemand ne se meut pas, sur tous les sujets, avec la
le? ge`rete? de l'italien; et les plaisanteries qui conviennent a` cette
langue, un peu surcharge? e de consonnes, ce sont pluto^t celles
qui tiennent a` l'art de caracte? riser fortement qu'a` celui d'in-
diquer a` demi. Idris et le Nouvel Amadis sont des contes de 13.
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? <<50 1>ES POEMES ALLEMANDS
fe? es dans lesquels la vertu des femmes est a` chaque page l'objet
de ces e? ternelles plaisanteries qui ont cesse? d'e^tre immorales a`
force d'e^tre ennuyeuses. Les contes de chevalerie de Wieland
me semblent beaucoup meilleurs que ses poe`mes imile? s du grec,
Musarion, Endymion, (^anime`de, le Jugement de Paris, etc.
Les histoires chevaleresques sont nationales en Allemagne.
Le ge? nie naturel du langage et des poe`tes se pre^te a` peindre les
exploits et les amours de ces chevaliers et de ces belles dont les
sentiments e? taient tout a` la fois si forts et si nai? fs, si bienveillants
et si de? cide? s; mais en voulant mettre des gra^ces modernes dans
les sujets grecs, Wieland les a rendus ne? cessairement manie? re? s.
Ceux qui pre? tendent modifier le gou^t antique par le gou^t mo-
derne, ou le gou^t moderne par le gou^t antique, sont presque
toujours affecte? s. Pour e^tre a` l'abri de ce danger, il faut pren-
dre chaque chose pleinement dans sa nature.
"L'Obe? ron passe en Allemagne presque pour unpoe`me e? pique.
Il est fonde? sur une histoire de chevalerie francaise, Huon de
Kourdeaux , dont M. deTressan a donne? l'extrait; le ge? nie
Obe? ron et la fe? e Titania , tels que Shakespeare les a peints,
dans sa pie`ce intitule? e fte? ve d'une Nyitd'e? te? , servent de my-
thologie a` ce poe`me. Le sujet en est donne? par nos anciens ro-
manciers; mais on ne saurait trop louer la poe? sie dont Wieland
l'a enrichi. La plaisanterie tire? e du merveilleux y est manie? e avec beaucoup de gra^ce et d'originalite? . Huon est envoye? en Pa-
lestine, par suite de diverses aventures, pour demander en ma-
riage la fille du sultan , et quand le son du cor singulier qu'il
posse`de met en danse tous les personnages les plus graves qui
s'opposent au mariage, on ne se lasse point de cet effet comi-
que, habilement re? pe? te? ;'et mieux le poe`te a su peindre le se? rieux
pe? dantesque des imans et des vizirs de la cour du sultan, plus
leur danse involontaire amuse les lecteurs. Quand Obe? ron em-
porte surun char aile? les deux amants dans les airs, l'effroi de ce
prodige est dissipe? par la se? curite? que l'amour leur inspire. << En
vain la terre, dit le poe`te, disparai^t a` leurs yeux; en vain la
<< nuit couvre l'atmosphe`re de ses ailes obscures; une lumie`re
<< ce? leste rayonne dans leurs regards pleins de tendresse : leurs
<< a^mes se re? fle? chissent l'une dans l'autre; la nuit n'est pas la
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? DES l'OEMES ALLEMANDS. 151
<< nuit pour eux; l'Elyse? e les entoure; le soleil e? claire le fond
de leur coeur; et l'amour, a` chaque instant, leur fait voir des
<< objets toujours de? licieux et toujours nouveaux. >>
La sensibilite? ne s'allie gue`re en ge? ne? ral avec le merveilleux .
il y a quelque chose de si se? rieux dans les affections de l'a^me,
qu'on n'aime pas a` les voir compromises au milieu des jeux de l'imagination; mais Wieland a l'art de re? unir ces fictions fantasti-
ques avec des sentiments vrais, d'une manie`re qui n'appartient
qu'a` lui.
Le bapte^me de la fille du sultan, qui se fait chre? tienne pour
e? pouser Huon, est encore un morceau de la plus grande beaute? :
changer de religion par amour est un peu profane; mais le chris-
tianisme est tellement la religion du coeur, qu'il suffit d'aimer
avec de? vouement et purete? pour e^tre de? ja` converti. Obe? ron a fait
promettre aux deux jeunes e? poux de ne pas se donner l'un a`
l'autre avant leur arrive? e a` Rome: ils sont ensemble dans le
me^me vaisseau, et se? pare? s du monde; l'amour les fait manquera` leur voeu. Alors la tempe^te se de? chai^ne, les vents sifflent, les
vagues grondent, et les voiles sont de? chire? es; la foudre brise les
ma^ts; les passagers se lamentent, les matelots crient au secours.
Enfin le vaisseau s'entr'ouvre, les flots menacent de tout englou-
tir, et la pre? sence de la mort peut a` peine arracher les deux e? poux
au sentiment du bonheur de cette vie. Ils sont pre? cipite? s dans
la mer : un pouvoir invisible les sauve, et les fait aborder dans
une i^le inhabite? e, ou` ils trouvent un solitaire que ses malheurs
et sa religion ont conduit dans cette retraite.
Amanda, l'e? pouse de Huon, apre`s de longues traverses, met
au monde un fils, et rien n'est ravissant comme le tableau de la
maternite? dans le de? sert: ce nouvel e^tre qui vient animer la
solitude, ces regards incertains de l'enfance, que la tendresse
passionne? e de la me`re cherche a` fixer sur elle, tout est plein de
sentiment et de ve? rite? . Les e? preuves auxquelles Obe? ron etTita-nia veulent soumettre les deux e? poux continuent; mais a` la fin
leur constance est re? compense? e. Quoiqu'il y ait des longueurs
dans ce poe`me, il est impossible de ne pas le conside? rer comme
un ouvrage charmant, et s'il e? tait bien traduit envers franc? ais,
il serait juge? tel.
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? I. 'i3 DES POEMES ALLEMANDS.
Avant et apre`s Wieland, il y a eu des poe`tes qui ont essaye?
d'e? crire dans le genre franc? ais et italien : mais ce qu'ils ont fait
ne vaut gue`re la peine d'e^tre cite? : et si la litte? rature allemande
n'avait pas pris un caracte`re a` elle, su^rement elle ne ferait pas
e? poque dans l'histoire des beaux-arts. C'est a` la Messiade de
Klopstock qu'il faut fixer l'e? poque de la poe? sie en Allemagne. Le he? ros de ce poe`me, selon notre langage mortel, inspire au
me^me degre? l'admiration et la pitie? , sans que jamais l'un de
ces sentiments soit affaibli par l'autre. Un poe`te ge? ne? reux a dit,
en parlant de Louis XVI:
Jamais tant de respect n'admit tant de pitie? '.
Ce vers si touchant et si de? licat pourrait exprimer l'attendris-
sement que le Messie fait e? prouver dans Klopstock. Sans doute
le sujet est bien au-dessus de toutes les inventions du ge? nie; il
en faut beaucoup cependant pour montrer avec tant de sensi-
bilite? l'humanite? dans l'e^tre divin, et avec tant de force la divi-
nite? dans l'e^tre mortel. Il faut aussi bien du talent pour exciter
l'inte? re^t et l'anxie? te? , dans le re? cit d'un e? ve? nement de? cide? d'avance
par une volonte? toute-puissante. Klopstock a su re? unir avec
beaucoup d'art tout ce que la fatalite? des anciens et la providence
des chre? tiens peuvent inspirer a` la fois de terreur et d'espe? -
rance. J'ai parle? ailleurs du caracte`re d'Abbadona, de ce de? mon re-
pentant qui cherche a` faire du bien aux hommes : un remords
de? vorant s'attache a` sa nature immortelle; ses regrets ont le ciel
me^me pour objet, le ciel qu'il a connu, les ce? lestes sphe`res qui
furent sa demeure: quelle situation, que ce retour vers la ver-
tu, quand la destine?
