Cependant
ils ne sont pas encore assez Allemands, ils
ne connaissent pas assez la litte?
ne connaissent pas assez la litte?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
On parle dans l'e?
tran-
ger de l'e? tiquette se? ve`re et de l'orgueil aristocratique des grands
seigneurs autrichiens; cette accusation n'est pas fonde? e; il y a
de la simplicite? , de la politesse, et surtout de la loyaute? dans
la bonne compagnie de Vienne; et le me^me esprit de justice et
de re? gularite? qui dirige les affaires importantes se retrouve en-
core dans les plus petites circonstances. On y est fide`le a` des in-
vitations de di^ner et de souper, comme on le serait a` des enga-
gements essentiels; et les faux airs qui font consister l'e? le? gance
dans le me? pris des e? gards ne s'y sont point introduits. Cepen-
dant l'un des principaux de? savantages de la socie? te? de Vienne,
c'est que les nobles et les hommes de lettres ne se me^lent point
ensemble. L'orgueil des nobles n'en est pas la cause; mais comme
on ne compte pas beaucoup d'e? crivains distingue? s a` Vienne, et
qu'on y lit assez peu, chacun vit dans sa coterie, parce qu'il n'y a
que des coteries au milieu d'un pays ou` les ide? es ge? ne? rales et les
inte? re^ts publics ont si peu d'occasion de se de? velopper. Il re? sulte
de cette se? paration des classes que les gens de lettres manquent
de gra^ce, et que les gens du monde acquie`rent rarement de l'ins-
truction.
L'exactitude de la politesse, qui est a` quelques e? gards une vertu,
puisqu'elle exige souvent des sacrifices, a introduit dans Vienne
les plus ennuyeux usages possibles. Toute la bonne compagnie se transporte en masse d'un salon a` l'autre, trois ou quatre fois
par semaine. On perd un certain temps pour la toilette ne? ces-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 46 DE LA SOCIE? TE? .
saire dans ces grandes re? unions; on en perd dans la rue, on en
perd sur les escaliers, en attendant que le tour de sa voiture
arrive, on en perd en restant trois heures a` table; et il est im-
possible, dans ces assemble? es nombreuses, de rien entendre qui
sorte du cercle des phrases convenues. C'est une habile inven-
tion de la me? diocrite? pour annuler les faculte? s de l'esprit, que
cette exhibition journalie`re de tous les individus les uns aux au-
tres. S'il e? tait reconnu qu'il faut conside? rer la pense? e comme
une maladie contre laquelle un re? gime re? gulier est ne? cessaire,
on ne saurait rien imaginer de mieux qu'un genre de distraction
a` la fois e? tourdissant et insipide: une telle distraction ne per-
met de suivre aucune ide? e, et transforme le langage en un gazouil-
lement qui peut e^tre appris aux hommes comme a` des oiseaux.
J'ai vu repre? senter a` Vienne une pie`ce dans laquelle Arlequin arrivait reve^tu d'une grande robe et d'une magnifique perruque,
et tout a` coup il s'escamotait lui-me^me, laissait debout sa robe
et sa perruque pour figurer a` sa place, et s'en allait vivre ailleurs;
on serait tente? de proposer ce tourde passe-passe a` ceux qui
fre? quentent les grandes assemble? es. On n'y va point pour ren-
contrer l'objet auquel on de? sirerait de plaire; la se? ve? rite? des
moeurs et la tranquillite? de l'a^me concentrent, en Autriche, les
affections au sein de sa famille. On n'y va point par ambition,
car tout se passe avec tant de re? gularite? dans ce pays, que l'in-
trigue y a peu de prise, et ce n'est pas d'ailleurs au milieu de la
socie? te? qu'elle pourrait trouvera` s'exercer. Ces visites et ces cer-
cles sont imagine? s pour que tous fassent la me^me chose a` la
me^me heure; on pre? fe`re ainsi l'ennui qu'on partage avec ses
semblables, a` l'amusement qu'on serait force? de se cre? er chez
soi.
Les grandes assemble? es, les grands di^ne? s ont aussi lieu dans
d'autres villes; mais comme on y rencontre d'ordinaire tous les
individus remarquables du pays ou` l'on est, il y a plus de moyens
d'e? chapper a` ces formules de conversation, qui, dans de sem-
blables re? unions, succe`dent aux re? ve? rences, et les continuent en paroles. La socie? te? ne sert point en Autriche, comme en
France, a` de? velopper l'esprit ni a` l'animer; elle ne laisse dans
la te^te que du bruit et du vide : aussi les hommes les plus spiri-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE I? /IM1TATIO>> DE I/ESPHIT FRANC? AIS. 47
du pays ont-ils soin, pour la plupart, de s'en e? loigner; les
femmes seules y paraissent, et l'on est e? tonne? de l'esprit qu'elles
ont, malgre? le genre de vie qu'elles me`nent. Les e? trangers ap-
pre? cient l'agre? ment de leur entretien; mais ce qu'on rencontre
le moins dans les salons de la capitale de l'Allemagne, ce sont
des Allemands.
L'on peut se plaire dans la socie? te? de Vienne, par la su^rete? ,
l'e? le? gance et la noblesse des manie`res que les femmes y font re? -
gner; mais il y manque quelque chose a`dire, quelque chose
a` faire, un but, un inte? re^t. On voudrait que le jour fu^t diffe? rent
de la veille, sans que pourtant cette varie? te? brisa^t la chai^ne des
affections et des habitudes. La monotonie , dans la retraite,
tranquillise l'a^me ; la monotonie, dans le grand monde, fatigue
l'esprit.
CHAPITRE IX.
Des e? trangers qui veulent imiter l'esprit franc? ais.
La destruction de l'esprit fe? odal, et de l'ancienne vie de cha^-
teau qui en e? tait la conse? quence, a introduit beaucoup de loisir
parmi les nobles; ce loisir leur a rendu tre`s-ne? cessaire l'amuse-
ment de la socie? te? ; et comme les Franc? ais sont passe? s mai^tres
dans l'art de causer, ils se sont rendus souverains de l'opinion europe? enne, ou pluto^t de la mode, qui contrefait si bien l'opi-
uion. Depuis le re`gne de Louis XIV, toute la bonne compagnie
du continent, l'Espagne et l'Italie excepte? es, a mis son amour-propre dans l'imitation des Franc? ais. En Angleterre, il existe un
objet constant de conversation, les inte? re^ts politiques, qui sont
les inte? re^ts de chacun et de tous; dans le Midi il n'y a point de
socie? te? : le soleil, l'amour et les beaux-arts remplissent la vie.
A Paris, on s'entretient assez ge? ne? ralement de litte? rature; et
les spectacles, qui se renouvellent sans cesse, donnent lieu a` des observations inge? nieuses et spirituelles. Mais dans la plupartdes autres grandes villes, le seul sujet dont on ait l'occasion de
parler, ce sont des anecdotes et des observations journalie`res sur
les personnes dont la bonne compagnie se compose. C'est un
comme? rage ennobli par les grands noms qu'on prononce t nais
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? ? 18 DE L'IMITATION.
qui a pourtant le me^me fond que celui des gens du peuple; car a`
l'e? le? gance des formes pre`s, ils parlent e? galement tout le jour sur
leurs voisins et sur leurs voisines.
L'objet vraiment libe? ral de la conversation, ce sont les ide? es
et les faits d'un inte? re^t universel. La me? disance habituelle, dont
le loisir des salons et la ste? rilite? de l'esprit font une espe`ce de
ne? cessite? , peut e^tre plus ou moins modifie? e par la bonte? du ca-
racte`re; mais il en reste toujours assez pour qu'a` chaque pas, a`
chaque mot, on entende autour de soi le bourdonnement des
petits propos qui pourraient, comme les mouches, inquie? ter
me^me le lion. En France, on se sert de la terrible arme du ridi-
cule pour se combattre mutuellement, et conque? rir le terrain sur
lequel on espe`re des succe`s d'amour-propre; ailleurs un certain
bavardage indolent use l'esprit, et de? courage des efforts e? nergi-
ques, dans quelque genre que ce puisse e^tre.
Un entretien aimable, alors me^me qu'il porte sur des riens ,
et que la gra^ce seule des expressions en fait le charme, cause
encore beaucoup de plaisir; on peut l'affirmer sans impertinence,
les Franc? ais sont presque seuls capables de ce genre d'entretien.
C'est un exercice dangereux, mais piquant, dans lequel il faut se
jouer de tous les sujets, comme d'une balle lance? e qui doit reve-
nir a` temps dans la main du joueur.
Les e? trangers, quand ils veulent imiter les Franc? ais, affectent
plus d'immoralite? , et sont plus frivoles qu'eux, de peur que le
se? rieux ne manque de gra^ce, et que les sentiments ou les pen-
se? es n'aient pas l'accent parisien.
Les Autrichiens, en ge? ne? ral, ont tout a` la fois trop de roi-
deur et de since? rite? pour rechercher les manie`res d'e^tre e? tran-
ge`res.
Cependant ils ne sont pas encore assez Allemands, ils
ne connaissent pas assez la litte? rature allemande; on croit
trop a` Vienne qu'il est de bon gou^t de ne parler que franc? ais;
tandis que la gloire et me^me l'agre? ment de chaque pays consis-
tent toujours dans le caracte`re et l'esprit national.
Les Francais ont fait peur a` l'Europe, mais surtout a` l'Alle-
magne, par leur habilete? dans l'art de saisir et de montrer le ridi-
cule: il y avait je ne sais quelle puissance magique dans le mot
d'e? le? gance et de gra^ce, qui irritait singulie`rement l'amour-pro-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DR L'ESPRIT FRANC? AIS. 49
prc. On dirait que les sentiments, les actions, la vie enfin,
devaient, avant tout, e^tre soumis a` cette le? gislation tre`s-subtile
de l'usage du monde, qui est comme un traite? entre l'amour-pro-
pre des individus et celui de la socie? te? me^me, un traite? dans le-
quel les vanite? s respectives se sont fait une constitution re? pu-
blicaine , ou` l'ostracisme s'exerce contre tout ce qui est fort et
prononce? . Ces formes, ces convenances le? ge`res en apparence,
et despotiques dans le fond , disposent de l'existence entie`re;
elles ont mine? par degre? s l'amour; l'enthousiasme, la religion,
tout, hors l'e? goi? sme, que l'ironie ne peut atteindre, parce qu'il
ne s'expose qu'au bla^me et non a` la moquerie.
L'esprit allemand s'accorde beaucoup moins que tout autre
avec cette frivolite? calcule? e; il est presque nul a` la superficie; il
a besoin d'approfondir pour comprendre ; il ne saisit rien au vol,
et les Allemands auraient beau, ce qui certes serait bien dom-
mage, se de? sabuser des qualite? s et des sentiments dont ils sont
doue? s,que la perte du fond ne les rendrait pas plus le? gers dans
les formes, et qu'ils seraient pluto^t des Allemands sans me? rite
que des Franc? ais aimables. Il ne faut pas en conclure pour cela que la gra^ce leur soit in-
terdite; l'imagination et la sensibilite? leur en donnent, quand ils
se livrent a` leurs dispositions naturelles. Leur gaiete? , et ils en
ont, surtout en Autriche, n'a pas le moindre rapport avec la
gaiete? franc? aise; les farces tyroliennes, qui amusent a` Vienne les
grands seigneurs comme le peuple, ressemblent beaucoup plus
a` la bouffonnerie des Italiens, qu'a` la moquerie des Franc? ais. Elles consistent dans des sce`nes comiques fortement caracte? ri-
se? es, et qui repre? sentent la nature humaine avec ve? rite? , mais
non la socie? te? avec finesse. Toutefois cette gaiete? , telle qu'elle
est, vaut encore mieux que l'imitation d'une gra^ce e? trange`re:
on peut tre`s-bien se passer de cette gra^ce, mais en ce genre la
perfection seule est quelque chose. << L'ascendant des manie`res
? des Franc? ais a pre? pare? peut-e^tre les e? trangers a` les croire in-
? vincibles. Il n'y a qu'un moyen de re? sister a` cet ascendant:
? ce sont des habitudes et des moeurs nationales tre`s-de? ci-
>> de? es1. >> De`s qu'on cherche a` ressembler aux Franc? ais, ils
'Supprime? nar la censure.
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? 50 DE LIMITATION
l'emportent en tout sur tous. Les Anglais, ne redoutant point
le ridicule que les Franc? ais savent si bien donner, se sont avi-
se? s quelquefois de retourner la moquerie contre ses mai^tres ; et
loin que les manie`res anglaises parussent disgracieuses, me^me
en France, les Franc? ais, tant imite? s, imitaient a` leur tour, et
l'Angleterre a e? te? pendant longtemps aussi a` la mode a` Paris
que Paris partout ailleurs.
Les Allemands pourraient se cre? er une socie? te? d'un genre
tre`s-instructif, et tout a` fait analogue a` leurs gou^ts et a` leur ca-
racte`re. Vienne, e? tant la capitale de l'Allemagne, celle ou` l'on
trouve le plus facilement re? uni tout ce qui fait l'agre? ment de la
vie, aurait pu rendre sous ce rapport de grands services a` l'es-
prit allemand, si les e? trangers n'avaient pas domine? presque
exclusivement la bonne compagnie. La plupart des Autrichiens,
qui ne savaient pas se pre^ter a` la langue et aux coutumes fran-
caises , ne vivaient point du tout dans le monde; il en re? sultait
qu'ils ne s'adoucissaient point par l'entretien des femmes, et
restaient a` la fois timides et rudes, de? daignant tout ce qu'on ap-
pelle la gra^ce, et craignant cependant en secret d'en manquer:
sous pre? texte des occupations militaires, ils ne cultivaient point
leur esprit, et ils ne? gligeaient souvent ces occupations me^mes ,
parce qu'ils n'entendaient jamais rien qui pu^t leur faire sentir le
prix et le charme de la gloire. Ils croyaient se montrer bons Al-
lemands en s'e? loignant d'une socie? te? ou` les e? trangers seuls
avaient l'avantage, et jamais ils ne songeaient a` s'en former une
capable de de? velopper leur esprit et leur a^me.
Les Polonais et les Russes, qui faisaient le charme de la so-
cie? te? de Vienne, ne parlaient que franc? ais, et contribuaient a` en
e? carter la langue allemande. Les Polonaises ont des manie`res
tre`s-se? duisantes; elles me^lent 1 imagination orientale a` la sou-
plesse et a` la vivacite? de l'esprit franc? ais. Ne? anmoins, me^me chez
les nations esclavoues, les plus flexibles de toutes, l'imitation
du genre franc? ais est tre`s-souvent fatigante:les vers franc? ais des
Polonais et des Russes ressemblent, a` quelques exceptions pre`s,
aux vers latins du moyen a^ge. Une langue e? trange`re est tou-
jours, sous beaucoup de rapports, une langue morte. Les vers
franc? ais sont a` la fois ce qu'il y a de plus facile et de plus dif-
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? DE L'ESPHIT FRANC? AIS. 5l
ficile a` faire. Lier l'un a` l'autre des he? mistiches si bien accou-
tume? s a` se trouver ensemble, ce n'est qu'un travail de me? moire;
mais il faut avoir respire? l'air d'un pays , pense? r joui, souffert
dans sa langue, pour peindre en poe? sie ce qu'on e? prouve. Les
e? trangers, qui mettent avant tout leur amour-propre a` parler cor-
rectement le franc? ais, n'osent pas juger nos e? crivains autrement
que les autorite? s litte? raires ne les jugent, de peur de passer pour
ne pas les comprendre. Ils vantent le style plus que les ide? es,
parce que les ide? es appartiennent a` toutes les nations, et que
les Franc? ais seuls sont juges du style dans leur langue.
Si vous rencontrez un vrai Franc? ais, vous trouvez du plaisir
a` parleravec lui sur la litte? rature franc? aise; vous vous sentez chez
vous, et vous vous entretenez de vos affaires ensemble; mais un
e? tranger francise? ne se permet pas une opinion ni une phrase
qui ne soit orthodoxe, et le plus souvent c'est une vieille ortho-
doxie qu'il prend pour l'opinion du jour. L'on en est encore,
dans plusieurs pays du Nord, aux anecdotes de la cour de Louis
XIV. Les e? trangers, imitateurs des Franc? ais, racontent les que-
relles de mademoiselle de Fontanges et de madame de Mon-
lespan, avec un de? tail qui serait fatigant quand il s'agirait d'un
e? ve? nement de la veille. Cette e? rudition de boudoir, cet attache-
ment opinia^tre a` quelques ide? es rec? ues, parce qu'on ne saurait
pas trop comment renouveler sa provision en ce genre, tout cela
est fastidieux et me^me nuisible; car la ve? ritable force d'un pays,
c'est son caracte`re naturel; et l'imitation des e? trangers, sous
quelque rapport que ce soit, est un de? faut de patriotisme. Les Francais hommes d'esprit, lorsqu'ils voyagent, n'aiment
point a` rencontrer, parmi les e? trangers, l'esprit franc? ais , et re-
cherchent surtout les hommes qui re? unissent l'originalite? natio-
nale a` l'originalite? individuelle. Les marchandes de modes, en
France, envoient aux colonies, dansl'Allemagneet dans le Nord,
ce qu'elles appellent vulgairement le fonds de boutique; et ce-
pendant elles recherchent avec le plus grand soin les habits na-
lionaux de ces me^mes pays, et les regardent avec raison comme
des mode`les tre`s e? le? gants. Ce qui est vrai pour la parure l'est e? ga-
lement pour l'esprit. Nous avons une cargaison de madrigaux,
decalembourgs , de vaudevilles, que nous faisons passer a` l'e? -
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? 52 DE LA SOTTISE
(ranger, quand on n'en fait plus rien en France ; mais les Fran-
c? ais eux-me^mes n'estiment, dans les litte? ratures e? trange`res, que
les beaute?
ger de l'e? tiquette se? ve`re et de l'orgueil aristocratique des grands
seigneurs autrichiens; cette accusation n'est pas fonde? e; il y a
de la simplicite? , de la politesse, et surtout de la loyaute? dans
la bonne compagnie de Vienne; et le me^me esprit de justice et
de re? gularite? qui dirige les affaires importantes se retrouve en-
core dans les plus petites circonstances. On y est fide`le a` des in-
vitations de di^ner et de souper, comme on le serait a` des enga-
gements essentiels; et les faux airs qui font consister l'e? le? gance
dans le me? pris des e? gards ne s'y sont point introduits. Cepen-
dant l'un des principaux de? savantages de la socie? te? de Vienne,
c'est que les nobles et les hommes de lettres ne se me^lent point
ensemble. L'orgueil des nobles n'en est pas la cause; mais comme
on ne compte pas beaucoup d'e? crivains distingue? s a` Vienne, et
qu'on y lit assez peu, chacun vit dans sa coterie, parce qu'il n'y a
que des coteries au milieu d'un pays ou` les ide? es ge? ne? rales et les
inte? re^ts publics ont si peu d'occasion de se de? velopper. Il re? sulte
de cette se? paration des classes que les gens de lettres manquent
de gra^ce, et que les gens du monde acquie`rent rarement de l'ins-
truction.
L'exactitude de la politesse, qui est a` quelques e? gards une vertu,
puisqu'elle exige souvent des sacrifices, a introduit dans Vienne
les plus ennuyeux usages possibles. Toute la bonne compagnie se transporte en masse d'un salon a` l'autre, trois ou quatre fois
par semaine. On perd un certain temps pour la toilette ne? ces-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 46 DE LA SOCIE? TE? .
saire dans ces grandes re? unions; on en perd dans la rue, on en
perd sur les escaliers, en attendant que le tour de sa voiture
arrive, on en perd en restant trois heures a` table; et il est im-
possible, dans ces assemble? es nombreuses, de rien entendre qui
sorte du cercle des phrases convenues. C'est une habile inven-
tion de la me? diocrite? pour annuler les faculte? s de l'esprit, que
cette exhibition journalie`re de tous les individus les uns aux au-
tres. S'il e? tait reconnu qu'il faut conside? rer la pense? e comme
une maladie contre laquelle un re? gime re? gulier est ne? cessaire,
on ne saurait rien imaginer de mieux qu'un genre de distraction
a` la fois e? tourdissant et insipide: une telle distraction ne per-
met de suivre aucune ide? e, et transforme le langage en un gazouil-
lement qui peut e^tre appris aux hommes comme a` des oiseaux.
J'ai vu repre? senter a` Vienne une pie`ce dans laquelle Arlequin arrivait reve^tu d'une grande robe et d'une magnifique perruque,
et tout a` coup il s'escamotait lui-me^me, laissait debout sa robe
et sa perruque pour figurer a` sa place, et s'en allait vivre ailleurs;
on serait tente? de proposer ce tourde passe-passe a` ceux qui
fre? quentent les grandes assemble? es. On n'y va point pour ren-
contrer l'objet auquel on de? sirerait de plaire; la se? ve? rite? des
moeurs et la tranquillite? de l'a^me concentrent, en Autriche, les
affections au sein de sa famille. On n'y va point par ambition,
car tout se passe avec tant de re? gularite? dans ce pays, que l'in-
trigue y a peu de prise, et ce n'est pas d'ailleurs au milieu de la
socie? te? qu'elle pourrait trouvera` s'exercer. Ces visites et ces cer-
cles sont imagine? s pour que tous fassent la me^me chose a` la
me^me heure; on pre? fe`re ainsi l'ennui qu'on partage avec ses
semblables, a` l'amusement qu'on serait force? de se cre? er chez
soi.
Les grandes assemble? es, les grands di^ne? s ont aussi lieu dans
d'autres villes; mais comme on y rencontre d'ordinaire tous les
individus remarquables du pays ou` l'on est, il y a plus de moyens
d'e? chapper a` ces formules de conversation, qui, dans de sem-
blables re? unions, succe`dent aux re? ve? rences, et les continuent en paroles. La socie? te? ne sert point en Autriche, comme en
France, a` de? velopper l'esprit ni a` l'animer; elle ne laisse dans
la te^te que du bruit et du vide : aussi les hommes les plus spiri-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE I? /IM1TATIO>> DE I/ESPHIT FRANC? AIS. 47
du pays ont-ils soin, pour la plupart, de s'en e? loigner; les
femmes seules y paraissent, et l'on est e? tonne? de l'esprit qu'elles
ont, malgre? le genre de vie qu'elles me`nent. Les e? trangers ap-
pre? cient l'agre? ment de leur entretien; mais ce qu'on rencontre
le moins dans les salons de la capitale de l'Allemagne, ce sont
des Allemands.
L'on peut se plaire dans la socie? te? de Vienne, par la su^rete? ,
l'e? le? gance et la noblesse des manie`res que les femmes y font re? -
gner; mais il y manque quelque chose a`dire, quelque chose
a` faire, un but, un inte? re^t. On voudrait que le jour fu^t diffe? rent
de la veille, sans que pourtant cette varie? te? brisa^t la chai^ne des
affections et des habitudes. La monotonie , dans la retraite,
tranquillise l'a^me ; la monotonie, dans le grand monde, fatigue
l'esprit.
CHAPITRE IX.
Des e? trangers qui veulent imiter l'esprit franc? ais.
La destruction de l'esprit fe? odal, et de l'ancienne vie de cha^-
teau qui en e? tait la conse? quence, a introduit beaucoup de loisir
parmi les nobles; ce loisir leur a rendu tre`s-ne? cessaire l'amuse-
ment de la socie? te? ; et comme les Franc? ais sont passe? s mai^tres
dans l'art de causer, ils se sont rendus souverains de l'opinion europe? enne, ou pluto^t de la mode, qui contrefait si bien l'opi-
uion. Depuis le re`gne de Louis XIV, toute la bonne compagnie
du continent, l'Espagne et l'Italie excepte? es, a mis son amour-propre dans l'imitation des Franc? ais. En Angleterre, il existe un
objet constant de conversation, les inte? re^ts politiques, qui sont
les inte? re^ts de chacun et de tous; dans le Midi il n'y a point de
socie? te? : le soleil, l'amour et les beaux-arts remplissent la vie.
A Paris, on s'entretient assez ge? ne? ralement de litte? rature; et
les spectacles, qui se renouvellent sans cesse, donnent lieu a` des observations inge? nieuses et spirituelles. Mais dans la plupartdes autres grandes villes, le seul sujet dont on ait l'occasion de
parler, ce sont des anecdotes et des observations journalie`res sur
les personnes dont la bonne compagnie se compose. C'est un
comme? rage ennobli par les grands noms qu'on prononce t nais
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? ? 18 DE L'IMITATION.
qui a pourtant le me^me fond que celui des gens du peuple; car a`
l'e? le? gance des formes pre`s, ils parlent e? galement tout le jour sur
leurs voisins et sur leurs voisines.
L'objet vraiment libe? ral de la conversation, ce sont les ide? es
et les faits d'un inte? re^t universel. La me? disance habituelle, dont
le loisir des salons et la ste? rilite? de l'esprit font une espe`ce de
ne? cessite? , peut e^tre plus ou moins modifie? e par la bonte? du ca-
racte`re; mais il en reste toujours assez pour qu'a` chaque pas, a`
chaque mot, on entende autour de soi le bourdonnement des
petits propos qui pourraient, comme les mouches, inquie? ter
me^me le lion. En France, on se sert de la terrible arme du ridi-
cule pour se combattre mutuellement, et conque? rir le terrain sur
lequel on espe`re des succe`s d'amour-propre; ailleurs un certain
bavardage indolent use l'esprit, et de? courage des efforts e? nergi-
ques, dans quelque genre que ce puisse e^tre.
Un entretien aimable, alors me^me qu'il porte sur des riens ,
et que la gra^ce seule des expressions en fait le charme, cause
encore beaucoup de plaisir; on peut l'affirmer sans impertinence,
les Franc? ais sont presque seuls capables de ce genre d'entretien.
C'est un exercice dangereux, mais piquant, dans lequel il faut se
jouer de tous les sujets, comme d'une balle lance? e qui doit reve-
nir a` temps dans la main du joueur.
Les e? trangers, quand ils veulent imiter les Franc? ais, affectent
plus d'immoralite? , et sont plus frivoles qu'eux, de peur que le
se? rieux ne manque de gra^ce, et que les sentiments ou les pen-
se? es n'aient pas l'accent parisien.
Les Autrichiens, en ge? ne? ral, ont tout a` la fois trop de roi-
deur et de since? rite? pour rechercher les manie`res d'e^tre e? tran-
ge`res.
Cependant ils ne sont pas encore assez Allemands, ils
ne connaissent pas assez la litte? rature allemande; on croit
trop a` Vienne qu'il est de bon gou^t de ne parler que franc? ais;
tandis que la gloire et me^me l'agre? ment de chaque pays consis-
tent toujours dans le caracte`re et l'esprit national.
Les Francais ont fait peur a` l'Europe, mais surtout a` l'Alle-
magne, par leur habilete? dans l'art de saisir et de montrer le ridi-
cule: il y avait je ne sais quelle puissance magique dans le mot
d'e? le? gance et de gra^ce, qui irritait singulie`rement l'amour-pro-
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? DR L'ESPRIT FRANC? AIS. 49
prc. On dirait que les sentiments, les actions, la vie enfin,
devaient, avant tout, e^tre soumis a` cette le? gislation tre`s-subtile
de l'usage du monde, qui est comme un traite? entre l'amour-pro-
pre des individus et celui de la socie? te? me^me, un traite? dans le-
quel les vanite? s respectives se sont fait une constitution re? pu-
blicaine , ou` l'ostracisme s'exerce contre tout ce qui est fort et
prononce? . Ces formes, ces convenances le? ge`res en apparence,
et despotiques dans le fond , disposent de l'existence entie`re;
elles ont mine? par degre? s l'amour; l'enthousiasme, la religion,
tout, hors l'e? goi? sme, que l'ironie ne peut atteindre, parce qu'il
ne s'expose qu'au bla^me et non a` la moquerie.
L'esprit allemand s'accorde beaucoup moins que tout autre
avec cette frivolite? calcule? e; il est presque nul a` la superficie; il
a besoin d'approfondir pour comprendre ; il ne saisit rien au vol,
et les Allemands auraient beau, ce qui certes serait bien dom-
mage, se de? sabuser des qualite? s et des sentiments dont ils sont
doue? s,que la perte du fond ne les rendrait pas plus le? gers dans
les formes, et qu'ils seraient pluto^t des Allemands sans me? rite
que des Franc? ais aimables. Il ne faut pas en conclure pour cela que la gra^ce leur soit in-
terdite; l'imagination et la sensibilite? leur en donnent, quand ils
se livrent a` leurs dispositions naturelles. Leur gaiete? , et ils en
ont, surtout en Autriche, n'a pas le moindre rapport avec la
gaiete? franc? aise; les farces tyroliennes, qui amusent a` Vienne les
grands seigneurs comme le peuple, ressemblent beaucoup plus
a` la bouffonnerie des Italiens, qu'a` la moquerie des Franc? ais. Elles consistent dans des sce`nes comiques fortement caracte? ri-
se? es, et qui repre? sentent la nature humaine avec ve? rite? , mais
non la socie? te? avec finesse. Toutefois cette gaiete? , telle qu'elle
est, vaut encore mieux que l'imitation d'une gra^ce e? trange`re:
on peut tre`s-bien se passer de cette gra^ce, mais en ce genre la
perfection seule est quelque chose. << L'ascendant des manie`res
? des Franc? ais a pre? pare? peut-e^tre les e? trangers a` les croire in-
? vincibles. Il n'y a qu'un moyen de re? sister a` cet ascendant:
? ce sont des habitudes et des moeurs nationales tre`s-de? ci-
>> de? es1. >> De`s qu'on cherche a` ressembler aux Franc? ais, ils
'Supprime? nar la censure.
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? 50 DE LIMITATION
l'emportent en tout sur tous. Les Anglais, ne redoutant point
le ridicule que les Franc? ais savent si bien donner, se sont avi-
se? s quelquefois de retourner la moquerie contre ses mai^tres ; et
loin que les manie`res anglaises parussent disgracieuses, me^me
en France, les Franc? ais, tant imite? s, imitaient a` leur tour, et
l'Angleterre a e? te? pendant longtemps aussi a` la mode a` Paris
que Paris partout ailleurs.
Les Allemands pourraient se cre? er une socie? te? d'un genre
tre`s-instructif, et tout a` fait analogue a` leurs gou^ts et a` leur ca-
racte`re. Vienne, e? tant la capitale de l'Allemagne, celle ou` l'on
trouve le plus facilement re? uni tout ce qui fait l'agre? ment de la
vie, aurait pu rendre sous ce rapport de grands services a` l'es-
prit allemand, si les e? trangers n'avaient pas domine? presque
exclusivement la bonne compagnie. La plupart des Autrichiens,
qui ne savaient pas se pre^ter a` la langue et aux coutumes fran-
caises , ne vivaient point du tout dans le monde; il en re? sultait
qu'ils ne s'adoucissaient point par l'entretien des femmes, et
restaient a` la fois timides et rudes, de? daignant tout ce qu'on ap-
pelle la gra^ce, et craignant cependant en secret d'en manquer:
sous pre? texte des occupations militaires, ils ne cultivaient point
leur esprit, et ils ne? gligeaient souvent ces occupations me^mes ,
parce qu'ils n'entendaient jamais rien qui pu^t leur faire sentir le
prix et le charme de la gloire. Ils croyaient se montrer bons Al-
lemands en s'e? loignant d'une socie? te? ou` les e? trangers seuls
avaient l'avantage, et jamais ils ne songeaient a` s'en former une
capable de de? velopper leur esprit et leur a^me.
Les Polonais et les Russes, qui faisaient le charme de la so-
cie? te? de Vienne, ne parlaient que franc? ais, et contribuaient a` en
e? carter la langue allemande. Les Polonaises ont des manie`res
tre`s-se? duisantes; elles me^lent 1 imagination orientale a` la sou-
plesse et a` la vivacite? de l'esprit franc? ais. Ne? anmoins, me^me chez
les nations esclavoues, les plus flexibles de toutes, l'imitation
du genre franc? ais est tre`s-souvent fatigante:les vers franc? ais des
Polonais et des Russes ressemblent, a` quelques exceptions pre`s,
aux vers latins du moyen a^ge. Une langue e? trange`re est tou-
jours, sous beaucoup de rapports, une langue morte. Les vers
franc? ais sont a` la fois ce qu'il y a de plus facile et de plus dif-
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? DE L'ESPHIT FRANC? AIS. 5l
ficile a` faire. Lier l'un a` l'autre des he? mistiches si bien accou-
tume? s a` se trouver ensemble, ce n'est qu'un travail de me? moire;
mais il faut avoir respire? l'air d'un pays , pense? r joui, souffert
dans sa langue, pour peindre en poe? sie ce qu'on e? prouve. Les
e? trangers, qui mettent avant tout leur amour-propre a` parler cor-
rectement le franc? ais, n'osent pas juger nos e? crivains autrement
que les autorite? s litte? raires ne les jugent, de peur de passer pour
ne pas les comprendre. Ils vantent le style plus que les ide? es,
parce que les ide? es appartiennent a` toutes les nations, et que
les Franc? ais seuls sont juges du style dans leur langue.
Si vous rencontrez un vrai Franc? ais, vous trouvez du plaisir
a` parleravec lui sur la litte? rature franc? aise; vous vous sentez chez
vous, et vous vous entretenez de vos affaires ensemble; mais un
e? tranger francise? ne se permet pas une opinion ni une phrase
qui ne soit orthodoxe, et le plus souvent c'est une vieille ortho-
doxie qu'il prend pour l'opinion du jour. L'on en est encore,
dans plusieurs pays du Nord, aux anecdotes de la cour de Louis
XIV. Les e? trangers, imitateurs des Franc? ais, racontent les que-
relles de mademoiselle de Fontanges et de madame de Mon-
lespan, avec un de? tail qui serait fatigant quand il s'agirait d'un
e? ve? nement de la veille. Cette e? rudition de boudoir, cet attache-
ment opinia^tre a` quelques ide? es rec? ues, parce qu'on ne saurait
pas trop comment renouveler sa provision en ce genre, tout cela
est fastidieux et me^me nuisible; car la ve? ritable force d'un pays,
c'est son caracte`re naturel; et l'imitation des e? trangers, sous
quelque rapport que ce soit, est un de? faut de patriotisme. Les Francais hommes d'esprit, lorsqu'ils voyagent, n'aiment
point a` rencontrer, parmi les e? trangers, l'esprit franc? ais , et re-
cherchent surtout les hommes qui re? unissent l'originalite? natio-
nale a` l'originalite? individuelle. Les marchandes de modes, en
France, envoient aux colonies, dansl'Allemagneet dans le Nord,
ce qu'elles appellent vulgairement le fonds de boutique; et ce-
pendant elles recherchent avec le plus grand soin les habits na-
lionaux de ces me^mes pays, et les regardent avec raison comme
des mode`les tre`s e? le? gants. Ce qui est vrai pour la parure l'est e? ga-
lement pour l'esprit. Nous avons une cargaison de madrigaux,
decalembourgs , de vaudevilles, que nous faisons passer a` l'e? -
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? 52 DE LA SOTTISE
(ranger, quand on n'en fait plus rien en France ; mais les Fran-
c? ais eux-me^mes n'estiment, dans les litte? ratures e? trange`res, que
les beaute?