Il prit une
humeur singulie`re contre les causes finales, l'optimisme, le libre
arbitre, enfin contre toutes les opinions philosophiques qui rele`-
vent la dignite?
humeur singulie`re contre les causes finales, l'optimisme, le libre
arbitre, enfin contre toutes les opinions philosophiques qui rele`-
vent la dignite?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
hathitrust.
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? 402 >>B LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
l'univers, et du libre arbitre dans l'homme. Locke, Coudillac
Helve? tius, et le malheureux auteur du Syste`me de la Nature,
ont marche? progressivement dans la me^me route; les premiers
pas e? taient innocents :ni Locke, ni Condillac n'ont connu les
dangers des principes de leur philosophie; mais biento^t ce grain
noir, qui se remarquait a` peine sur l'horizon intellectuel, s'est
e? tendu jusqu'au point de replonger l'univers et l'homme dans
les te? ne`bres.
Les objets exte? rieurs e? taient, disait-on, le mobile de toutes nos
impressions; rien ne semblait donc plus doux que de se livrer au
monde physique, et de s'inviter-comme convive a` la fe^te de la na-
ture; mais par degre? s la source inte? rieure s'est tarie, et jusqu'a`
l'imagination qu'il faut pour le luxe et pour les plaisirs, va se
fle? trissant a` tel point, qu'on n'aura biento^t plus me^me assez
d'a^me pour gou^ter un bonheur quelconque, si mate? riel qu'il soit.
L'immortalite? de l'a^me et le sentiment du devoir sont des sup-
positions tout a` fait gratuites, dans le syste`me qui fonde toutes
nos ide? es sur nos sensations: car nulle sensation ne nous re? ve`le
l'immortalite? dans la mort. Si les objets exte? rieurs ont seuls
forme? notre conscience, depuis la nourrice qui nous rec? oit dans
ses bras jusqu'au dernier acte d'une vieillesse avance? e, toutes les
impressions s'enchai^nent tellement l'une a` l'autre, qu'on ne peut
en accuser avec e? quite? la pre? tendue volonte? , qui n'est qu'une fa-
talite? de plus.
Je ta^cherai de montrer, dans la seconde partie de cette section,
que la morale fonde? e sur l'inte? re^t, si fortement pre? cite? e par les
e? crivains franc? ais du dernier sie`cle, est dans une connexion intime avec la me? taphysique qui attribue toutes nos ide? es a` nos
sensations, et que les conse? quences de l'une sont aussi mauvaises
dans la pratique que celles de l'autre dans la the? orie. Ceux qui
ont pu lire les ouvrages licencieux qui ont e? te? publie? s en France
vers la fin du dix-huitie`me sie`cle, attesteront que quand les au-
teurs de ces coupables e? crits veulent s'appuyer d'une espe`ce de
raisonnement, ils en appellent tous a` l'influence du physique sur
le moral; ils rapportent aux sensations toutes les opinions les
plus condamnables; ils de? veloppent enfin, sous toutes les for-
mes, la doctrine qui de? truit le libre arbitre et la conscience.
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? 1)1} l'EUSIFLAGE. 402
On ne saurait nier, dira-t-on peut-e^tre, que cette doctrine ne
soit avilissante; mais ne? anmoins, si elle est vraie, faut-il la re-
pousser et s'aveugler a` dessein? Certes, ils auraient fait une de? -
plorable de? couverte, ceux qui auraient de? tro^ne? notre a^me, con-
damne? l'esprit a` s'immoler lui-me^me, en employant ses faculte? s
a` de? montrer que les lois communes a` tout ce qui est physique lui
conviennent; mais, gra^ce a` Dieu, et cette expression est ici bien place? e, gra^ce a` Dieu, dis-je, ce syste`me est tout a` fait faux dans
son principe, et le parti qu'en ont tire? ceux qui soutenaient
la cause de l'immoralite? est une preuve de plus des erreurs qu'il
renferme.
Si la plupart des hommes corrompus se sont appuye? s sur la
philosophie mate? rialiste, lorsqu'ils ont voulu s'avilir me? thodi-
quement et mettre leurs actions enthe? orie, c'estqu'ils croyaient,
en soumettant l'a^me aux sensations, se de? livrer ainsi de la res-
ponsabilite? de leur conduite. Un e^tre vertueux, convaincu de ce
syste`me, en serait profonde? ment afflige? , car il craindrait sans
cesse que l'influence toute-puissante des objets exte? rieurs n'al-
te? ra^t la purete? de son a^me et la force de ses re? solutions. Mais
quand on voit des hommes se re? jouir, en proclamant qu'ils sont
en tout l'oeuvre des circonstances, et que ces circonstances sont
combine? es par le hasard, on fre? mit au fond du coeur deleur sa-
tisfaction perverse.
Lorsque les sauvages mettent le feu a` des cabanes, l'on dit
qu'ils se chauffent avec plaisir a` l'incendie qu'ils ont allume? ;
ils exercent alors du moins une sorte de supe? riorite? sur le de? sor-
dre dont ils sont coupables; ils font servir la destruction a` leur
usage: mais quand l'homme se plai^t a` de? grader la nature hu-
maine, qui donc en profitera?
CHAPITRE IV.
Du persiflage introduit par un certain genre de philosophie.
Le syste`me philosophique adopte? dans un pays exerce une
grande influence sur la tendance des esprits; c'est le moule uni-
versel dans lequel se jettent toutes les pense? es; ceux me^me qui
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? -104 DU PEI1S1FLAGE.
n'ont point e? tudie? ce syste`me se conforment sans le savoir a` la
disposition ge? ne? rale qu'il inspire. On a vu nai^tre et s'accroi^tre
depuis pre`s de cent ans, en Europe, une sorte de scepticisme
moqueur, dont la base est la philosophie qui attribue toutes nos
ide? es a` nos sensations. Le premier principe de cette philosophie
est de ne croire que ce qui peut e^tre prouve? comme un fait ou
comme un calcul; a` ce principe se joignent le de? dain pour les
sentiments qu'on appelle exalte? s, et l'attachement aux jouissan-
ces mate? rielles. Ces trois points de la doctrine renferment tous
les genres d'ironie dont la religion, la sensibilite? et la morale
peu vent cire l'objet.
Bayle, dont le savant dictionnaire n'est gue`re lu par les gens
du monde, est pourtant l'arsenal ou` l'on a puise? toutes les plai-
santeries du scepticisme; Voltaire les a rendues piquantes par
son esprit et par sa gra^ce; mais le fond de tout cela est toujours
qu'on doit mettre au nombre des re^veries tout ce qui n'est pas
aussi e? vident qu'une expe? rience physique. Il est adroit de faire
passer l'incapacite? d'attention pour une raison supre^me qui re-
pousse tout ce qui est obscur et douteux; eu conse? quence on
tourne en ridicule les plus grandes pense? es, s'il faut re? fle? chir
pour les comprendre, ou s'interroger au fond du coeur pour les
sentir. On parle encore avec respect de Pascal, de Bossuet, de
J. -J. Rousseau, etc. , parce que l'autorite? les a consacre? s, et que
l'autorite? en tout genre est une chose tre`s-claire. Mais un grand
nombre de lecteurs e? tant convaincus que l'ignorance et la pa-
resse sont les attributs d'un gentilhomme, en fait d'esprit, croient
au-dessous d'eux de se donner de la peine, et veulent lire comme
un article de gazette les e? crits qui ont pour objet l'homme et la
nature.
Enfin, si par hasard de tels e? crits e? taient compose? s par un
Allemand dont le nom ne fu^t pas franc? ais, et qu'on eu^t autant
de peine a` prononcer ce nom que celui du baron, dans Candide,
quelle foule de plaisanteries n'en tirerait-on pas? et ces plaisan-
teries veulent toutes dire: -- <<J'ai de la gra^ce et de la le? ge`rete? ,
tandis que vous, qui avez le malheur de penser a` quelque chose,
et de tenir a` quelques sentiments, vous ne vous jouez pas de
tout avec la me^me e? le? gance et la me^me facilite? . >> --
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DU PERSIFLAGE. 405
La philosophie des sensations est une des principales causes
de cette frivolite? . Depuis qu'on a conside? re? l'a^me comme passive,
un grand nombre de travaux philosophiques ont e? te? de? daigne? s.
Le jour ou` l'on a dit qu'il n'existaitpas de myste`res dans ce
monde, ou du moins qu'il ne fallait pas s'en occuper, que tou-
tes les ide? es venaient par les yeux et par les oreilles, et qu'il n'y
avait de vrai que le palpable, les individus qui jouissent en par-
faite sante? de tous leurs sens se sont crus les ve? ritables philoso-
phes. On entend sans cesse dire a` ceux qui ont assez d'ide? es pour
gagner de l'argent quand ils sont pauvres, et pour le de? penser
quand ils sont riches, qu'ils ont la seule philosophie raisonnable,
et qu'il n'y a que des re^veurs qui puissent songer a` autre chose.
En effet, les sensations n'apprennent gue`re que cette philoso-
phie, et si l'onne peut rien savoir que par elles, il faut appeler
du nom de folie tout ce qui n'est pas soumis a` l'e? vidence mate? -
rielle.
Si l'on admettait au contraire que l'a^me agit par elle-me^me,
qu'il faut puiser en soi pour y trouver la ve? rite? , et que cette ve? -
rite? ne peut e^tre saisie qu'a` l'aide d'une me? ditation profonde,
puisqu'elle n'est pas dans le cercle des expe? riences terrestres ,
la direction entie`re des esprits serait change? e; on ne rejetterait
pas avec de? dain les plus hautes pense? es, parce qu'elles exigent
une attention re? fle? chie; mais ce qu'on trouverait insupportable,
c'est le superficiel et le commun, car le vide est a` la longue sin-
gulie`rement lourd.
Voltaire sentait si bien l'influence que les syste`mes me? taphy-
siques exercent sur la tendance ge? ne? rale des esprits, que c'est
pour combattre Leibnitz qu'il a compose? Candide.
Il prit une
humeur singulie`re contre les causes finales, l'optimisme, le libre
arbitre, enfin contre toutes les opinions philosophiques qui rele`-
vent la dignite? de l'homme, et il fit Candide, cet ouvrage d'une
gaiete? infernale; car il semble e? crit par un e^tre d'une autre na-
ture que nous, indiffe? rent a` notre sort, content de nos souf-
frances, et riant comme un de? mon, ou comme un singe, des
mise`res de cette espe`ce humaine avec laquelle il n'a rien de
commun. Le plus grand poe`te du sie`cle, l'auteur A'^lzire, de
Tancre`de, de Me? rope, de Zai? re et de Brutus, me? connut
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? 406 DU PERS1FLAGE.
dans cet e? crit toutes les grandeurs morales qu'il avait si digne-
ment ce? le? bre? es.
Quand Voltaire, comme auteur tragique, sentait et pensait
dans le ro^le d'un autre, il e? tait admirable; mais quand il reste
dans le sien propre, il est persifleur et cynique. La me^me mobi-
lite? qui lui faisait prendre le caracte`re des personnages qu'il
voulait peindre, ne lui a que trop bien inspire? le langage qui,
dans de certains moments, convenait a` celui de Voltaire.
Candide met en action cette philosophie moqueuse si indul-
gente en apparence, si fe? roce en re? alite? ; il pre? sente la nature
humaine sous le plus de? plorable aspect, et nous offre pour
toute consolation le rire sardonique qui nous affranchit de la
pitie? envers les autres, en nous y faisant renoncer pour nous-
me^mes.
C'est en conse? quence de ce syste`me, que Voltaire a pour but,
dans son Histoire universelle, d'attribuer les actions vertueuses,
comme les grands crimes , a` des e? ve? nements fortuits qui o^tent aux unes tout leur me? rite et tout leur tort aux autres. En effet,
s'il n'y a rien dans l'a^me que ce que les sensations y ont mis,
l'on ne doit plus reconnai^tre que deux choses re? elles et durables
sur la terre, la force et le bien-e^tre, la tactique et la gastrono-
mie; mais si l'on fait gra^ce encore a` l'esprit, tel que la philoso-
phie moderne l'a forme? , il sera biento^t re? duit a` de? sirer qu'un
peu de nature exalte? e reparaisse, pour avoir au moins contre
quoi s'exercer.
Les stoi? ciens ont souvent re? pe? te? qu'il fallait braver tous les
coups du sort, et ne s'occuper que de ce qui de? pend de notre
a^me, nos sentiments et nos pense? es. La philosophie des sensa-
tions aurait un re? sultat tout a` fait inverse; ce sont nos senti-
ments et nos pense? es dont elle nous de? barrasserait, pour tour-
ner tous nos efforts vers le bien-e^tre mate? riel; elle nous dirait:
<< Attachez-vous au moment pre? sent, conside? rez comme des
chime`res tout ce qui sort du cercle des plaisirs ou des affaires
de ce monde, et passez cette courte vie le mieux que vous pour-
rez, en soignant votre sante? , qui est la base du bonheur. >> On
a connu de tout temps ces maximes; mais on les croyait re? ser-
ve? es aux valets dans les come? dies, et de nos jours on a fait la
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? DU PERSIFLAGE. 407
doctrine de la raison, fonde? e sur la ne? cessite? , doctrine bien dif-
fe? rente de la re? signation religieuse, car l'une est aussi vulgaire
que l'autre est noble et releve? e.
Ce qui<<st singulier, c'est d'avoir su tirer d'une philosophie
aussi commune la the? orie de l'e? le? gance; notre pauvre nature est
souvent e? goi? ste et vulgaire, il faut s'en affliger; mais c'est s'en
vanter qui est nouveau. L'indiffe? rence et le de? dain pour les cho-
ses exalte? es sont devenus le type de la gra^ce, et les plaisanteries
ont e? te? dirige? es contre l'inte? re^t vif qu'on peut mettre a` tout ce
qui n'a pas dans ce monde un re? sultat positif.
Le principe raisonne? dela frivolite? du coeur et de l'esprit,
c'est la me? taphysique qui rapporte toutes nos ide? es a` nos sensa-
tions; car il ne nous vient rien que de superficiel par le dehors,
et la vie se? rieuse est au fond de l'a^me. Si la fatalite? mate? rialiste,
admise comme the? orie de l'esprit humain, conduisait au de? gou^t
de tout ce qui est exte? rieur, comme a` l'incre? dulite? sur tout ce
qui est intime, il y aurait encore dans ces syste`mes une certaine
noblesse inactive, une indolence orientale qui pourrait avoir
quelque grandeur, et des philosophes grecs ont trouve? le moyen
de mettre presque de la dignite? dans l'apathie; mais l'empire
des sensations, en affaiblissant par degre? s le sentiment, a laisse?
subsister l'activite? de l'inte? re^t personnel, et ce ressort des actions
a e? te? d'autant plus puissant, qu'on avait brise? tous les autres.
A l'incre? dulite? de l'esprit, a` l'e? goi? sme du coeur, il faut encore
ajouter la doctrine sur la conscience qu'Helve? tius a de? veloppe? e,
lorsqu'il a dit que les actions vertueuses en elles-me^mes avaient
pour but d'obtenir les jouissances physiques qu'on peut gou^ter
ici-bas; il en est re? sulte? qu'on a conside? re? comme une espe`ce
de duperie les sacrifices qu'on pourrait faire au culte ide? al de
quelque opinion ou de quelque sentiment que ce soit; et
comme rien ne parai^t plus redoutable aux hommes que de pas-
ser pour dupes, ils se sont ha^te? s de jeter du ridicule sur tous les
enthousiasmes qui tournaient mal; car ceux qui e? taient re? com-
pense? s par les succe`s e? chappaient a` la moquerie: le bonheur a
toujours raison aupre`s des mate? rialistes.
L'incre? dulite? dogmatique, c'est-a`-dire celle qui re? voque en
doute tout ce qui n'est pas prouve? par les sensations, est la
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? 408 ORSERVATIONS GE? NE? RALES
source de la grande ironie de l'homme envers lui-me^me: toute
la de? gradation morale vient de la`. Cette philosophie doit sans
doute e^tre conside? re? e autant comme l'effet que comme la cause
de la disposition actuelle des esprits; ne? anmoins il est un mal
dont elle est le premier auteur, elle a donne? a` l'insouciance de
la le? ge`rete? l'apparence d'un raisonnement re? fle? chi; elle fournit
des arguments spe? cieux a` l'e? goi? sme, et fait conside? rer les sen-
timents les plus nobles comme une maladie accidentelle dont
les circonstances exte? rieures seules sont la cause.
Il importe donc d'examiner si la nation qui s'est constamment
de? fendue dela me? taphysique dont on a tire? detelles conse? quen-
ces, n'avait pas raison en principe , et plus encore dans l'appli-
cation qu'elle a faite de ce principe au de? veloppement des facul-
te? s et a` la conduite morale de l'homme.
CHAPITRE V.
Observations ge? ne? rales sur la philosophie allemande.
La philosophie spe? culative a toujours trouve? beaucoup de
partisans parmi les nations germaniques, et la philosophie expe? -
rimentale parmi les nations latines. Les Romains, tre`s-habiles
dans les affaires de la vie, n'e? taient point me? taphysiciens; ils
n'ont rien su a` cet e? gard que par leurs rapports avec la Gre`ce . et
les nations civilise? es par eux ont he? rite? , pour la plupart, de leurs
connaissances dans la politique, et de leur indiffe? rence pour les
e? tudes qui ne pouvaient s'appliquer aux affaires de ce monde.
Cette disposition se montre en France dans sa plus grande
force; les Italiens et les Espagnols y ont aussi participe? : mais
l'imagination du Midi a quelquefois de? vie? de la raison pratique,
pour s'occuper des the? ories purement abstraites.
La grandeur d'a^me des Romains donnait a` leur patriotisme et
a` leur morale un caracte`re sublime; mais c'est aux institutions
re? publicaines qu'il faut l'attribuer. Quand la liberte? n'a plus
existe?
? 402 >>B LA PHILOSOPHIE FRANC? AISE.
l'univers, et du libre arbitre dans l'homme. Locke, Coudillac
Helve? tius, et le malheureux auteur du Syste`me de la Nature,
ont marche? progressivement dans la me^me route; les premiers
pas e? taient innocents :ni Locke, ni Condillac n'ont connu les
dangers des principes de leur philosophie; mais biento^t ce grain
noir, qui se remarquait a` peine sur l'horizon intellectuel, s'est
e? tendu jusqu'au point de replonger l'univers et l'homme dans
les te? ne`bres.
Les objets exte? rieurs e? taient, disait-on, le mobile de toutes nos
impressions; rien ne semblait donc plus doux que de se livrer au
monde physique, et de s'inviter-comme convive a` la fe^te de la na-
ture; mais par degre? s la source inte? rieure s'est tarie, et jusqu'a`
l'imagination qu'il faut pour le luxe et pour les plaisirs, va se
fle? trissant a` tel point, qu'on n'aura biento^t plus me^me assez
d'a^me pour gou^ter un bonheur quelconque, si mate? riel qu'il soit.
L'immortalite? de l'a^me et le sentiment du devoir sont des sup-
positions tout a` fait gratuites, dans le syste`me qui fonde toutes
nos ide? es sur nos sensations: car nulle sensation ne nous re? ve`le
l'immortalite? dans la mort. Si les objets exte? rieurs ont seuls
forme? notre conscience, depuis la nourrice qui nous rec? oit dans
ses bras jusqu'au dernier acte d'une vieillesse avance? e, toutes les
impressions s'enchai^nent tellement l'une a` l'autre, qu'on ne peut
en accuser avec e? quite? la pre? tendue volonte? , qui n'est qu'une fa-
talite? de plus.
Je ta^cherai de montrer, dans la seconde partie de cette section,
que la morale fonde? e sur l'inte? re^t, si fortement pre? cite? e par les
e? crivains franc? ais du dernier sie`cle, est dans une connexion intime avec la me? taphysique qui attribue toutes nos ide? es a` nos
sensations, et que les conse? quences de l'une sont aussi mauvaises
dans la pratique que celles de l'autre dans la the? orie. Ceux qui
ont pu lire les ouvrages licencieux qui ont e? te? publie? s en France
vers la fin du dix-huitie`me sie`cle, attesteront que quand les au-
teurs de ces coupables e? crits veulent s'appuyer d'une espe`ce de
raisonnement, ils en appellent tous a` l'influence du physique sur
le moral; ils rapportent aux sensations toutes les opinions les
plus condamnables; ils de? veloppent enfin, sous toutes les for-
mes, la doctrine qui de? truit le libre arbitre et la conscience.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 1)1} l'EUSIFLAGE. 402
On ne saurait nier, dira-t-on peut-e^tre, que cette doctrine ne
soit avilissante; mais ne? anmoins, si elle est vraie, faut-il la re-
pousser et s'aveugler a` dessein? Certes, ils auraient fait une de? -
plorable de? couverte, ceux qui auraient de? tro^ne? notre a^me, con-
damne? l'esprit a` s'immoler lui-me^me, en employant ses faculte? s
a` de? montrer que les lois communes a` tout ce qui est physique lui
conviennent; mais, gra^ce a` Dieu, et cette expression est ici bien place? e, gra^ce a` Dieu, dis-je, ce syste`me est tout a` fait faux dans
son principe, et le parti qu'en ont tire? ceux qui soutenaient
la cause de l'immoralite? est une preuve de plus des erreurs qu'il
renferme.
Si la plupart des hommes corrompus se sont appuye? s sur la
philosophie mate? rialiste, lorsqu'ils ont voulu s'avilir me? thodi-
quement et mettre leurs actions enthe? orie, c'estqu'ils croyaient,
en soumettant l'a^me aux sensations, se de? livrer ainsi de la res-
ponsabilite? de leur conduite. Un e^tre vertueux, convaincu de ce
syste`me, en serait profonde? ment afflige? , car il craindrait sans
cesse que l'influence toute-puissante des objets exte? rieurs n'al-
te? ra^t la purete? de son a^me et la force de ses re? solutions. Mais
quand on voit des hommes se re? jouir, en proclamant qu'ils sont
en tout l'oeuvre des circonstances, et que ces circonstances sont
combine? es par le hasard, on fre? mit au fond du coeur deleur sa-
tisfaction perverse.
Lorsque les sauvages mettent le feu a` des cabanes, l'on dit
qu'ils se chauffent avec plaisir a` l'incendie qu'ils ont allume? ;
ils exercent alors du moins une sorte de supe? riorite? sur le de? sor-
dre dont ils sont coupables; ils font servir la destruction a` leur
usage: mais quand l'homme se plai^t a` de? grader la nature hu-
maine, qui donc en profitera?
CHAPITRE IV.
Du persiflage introduit par un certain genre de philosophie.
Le syste`me philosophique adopte? dans un pays exerce une
grande influence sur la tendance des esprits; c'est le moule uni-
versel dans lequel se jettent toutes les pense? es; ceux me^me qui
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? -104 DU PEI1S1FLAGE.
n'ont point e? tudie? ce syste`me se conforment sans le savoir a` la
disposition ge? ne? rale qu'il inspire. On a vu nai^tre et s'accroi^tre
depuis pre`s de cent ans, en Europe, une sorte de scepticisme
moqueur, dont la base est la philosophie qui attribue toutes nos
ide? es a` nos sensations. Le premier principe de cette philosophie
est de ne croire que ce qui peut e^tre prouve? comme un fait ou
comme un calcul; a` ce principe se joignent le de? dain pour les
sentiments qu'on appelle exalte? s, et l'attachement aux jouissan-
ces mate? rielles. Ces trois points de la doctrine renferment tous
les genres d'ironie dont la religion, la sensibilite? et la morale
peu vent cire l'objet.
Bayle, dont le savant dictionnaire n'est gue`re lu par les gens
du monde, est pourtant l'arsenal ou` l'on a puise? toutes les plai-
santeries du scepticisme; Voltaire les a rendues piquantes par
son esprit et par sa gra^ce; mais le fond de tout cela est toujours
qu'on doit mettre au nombre des re^veries tout ce qui n'est pas
aussi e? vident qu'une expe? rience physique. Il est adroit de faire
passer l'incapacite? d'attention pour une raison supre^me qui re-
pousse tout ce qui est obscur et douteux; eu conse? quence on
tourne en ridicule les plus grandes pense? es, s'il faut re? fle? chir
pour les comprendre, ou s'interroger au fond du coeur pour les
sentir. On parle encore avec respect de Pascal, de Bossuet, de
J. -J. Rousseau, etc. , parce que l'autorite? les a consacre? s, et que
l'autorite? en tout genre est une chose tre`s-claire. Mais un grand
nombre de lecteurs e? tant convaincus que l'ignorance et la pa-
resse sont les attributs d'un gentilhomme, en fait d'esprit, croient
au-dessous d'eux de se donner de la peine, et veulent lire comme
un article de gazette les e? crits qui ont pour objet l'homme et la
nature.
Enfin, si par hasard de tels e? crits e? taient compose? s par un
Allemand dont le nom ne fu^t pas franc? ais, et qu'on eu^t autant
de peine a` prononcer ce nom que celui du baron, dans Candide,
quelle foule de plaisanteries n'en tirerait-on pas? et ces plaisan-
teries veulent toutes dire: -- <<J'ai de la gra^ce et de la le? ge`rete? ,
tandis que vous, qui avez le malheur de penser a` quelque chose,
et de tenir a` quelques sentiments, vous ne vous jouez pas de
tout avec la me^me e? le? gance et la me^me facilite? . >> --
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? DU PERSIFLAGE. 405
La philosophie des sensations est une des principales causes
de cette frivolite? . Depuis qu'on a conside? re? l'a^me comme passive,
un grand nombre de travaux philosophiques ont e? te? de? daigne? s.
Le jour ou` l'on a dit qu'il n'existaitpas de myste`res dans ce
monde, ou du moins qu'il ne fallait pas s'en occuper, que tou-
tes les ide? es venaient par les yeux et par les oreilles, et qu'il n'y
avait de vrai que le palpable, les individus qui jouissent en par-
faite sante? de tous leurs sens se sont crus les ve? ritables philoso-
phes. On entend sans cesse dire a` ceux qui ont assez d'ide? es pour
gagner de l'argent quand ils sont pauvres, et pour le de? penser
quand ils sont riches, qu'ils ont la seule philosophie raisonnable,
et qu'il n'y a que des re^veurs qui puissent songer a` autre chose.
En effet, les sensations n'apprennent gue`re que cette philoso-
phie, et si l'onne peut rien savoir que par elles, il faut appeler
du nom de folie tout ce qui n'est pas soumis a` l'e? vidence mate? -
rielle.
Si l'on admettait au contraire que l'a^me agit par elle-me^me,
qu'il faut puiser en soi pour y trouver la ve? rite? , et que cette ve? -
rite? ne peut e^tre saisie qu'a` l'aide d'une me? ditation profonde,
puisqu'elle n'est pas dans le cercle des expe? riences terrestres ,
la direction entie`re des esprits serait change? e; on ne rejetterait
pas avec de? dain les plus hautes pense? es, parce qu'elles exigent
une attention re? fle? chie; mais ce qu'on trouverait insupportable,
c'est le superficiel et le commun, car le vide est a` la longue sin-
gulie`rement lourd.
Voltaire sentait si bien l'influence que les syste`mes me? taphy-
siques exercent sur la tendance ge? ne? rale des esprits, que c'est
pour combattre Leibnitz qu'il a compose? Candide.
Il prit une
humeur singulie`re contre les causes finales, l'optimisme, le libre
arbitre, enfin contre toutes les opinions philosophiques qui rele`-
vent la dignite? de l'homme, et il fit Candide, cet ouvrage d'une
gaiete? infernale; car il semble e? crit par un e^tre d'une autre na-
ture que nous, indiffe? rent a` notre sort, content de nos souf-
frances, et riant comme un de? mon, ou comme un singe, des
mise`res de cette espe`ce humaine avec laquelle il n'a rien de
commun. Le plus grand poe`te du sie`cle, l'auteur A'^lzire, de
Tancre`de, de Me? rope, de Zai? re et de Brutus, me? connut
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? 406 DU PERS1FLAGE.
dans cet e? crit toutes les grandeurs morales qu'il avait si digne-
ment ce? le? bre? es.
Quand Voltaire, comme auteur tragique, sentait et pensait
dans le ro^le d'un autre, il e? tait admirable; mais quand il reste
dans le sien propre, il est persifleur et cynique. La me^me mobi-
lite? qui lui faisait prendre le caracte`re des personnages qu'il
voulait peindre, ne lui a que trop bien inspire? le langage qui,
dans de certains moments, convenait a` celui de Voltaire.
Candide met en action cette philosophie moqueuse si indul-
gente en apparence, si fe? roce en re? alite? ; il pre? sente la nature
humaine sous le plus de? plorable aspect, et nous offre pour
toute consolation le rire sardonique qui nous affranchit de la
pitie? envers les autres, en nous y faisant renoncer pour nous-
me^mes.
C'est en conse? quence de ce syste`me, que Voltaire a pour but,
dans son Histoire universelle, d'attribuer les actions vertueuses,
comme les grands crimes , a` des e? ve? nements fortuits qui o^tent aux unes tout leur me? rite et tout leur tort aux autres. En effet,
s'il n'y a rien dans l'a^me que ce que les sensations y ont mis,
l'on ne doit plus reconnai^tre que deux choses re? elles et durables
sur la terre, la force et le bien-e^tre, la tactique et la gastrono-
mie; mais si l'on fait gra^ce encore a` l'esprit, tel que la philoso-
phie moderne l'a forme? , il sera biento^t re? duit a` de? sirer qu'un
peu de nature exalte? e reparaisse, pour avoir au moins contre
quoi s'exercer.
Les stoi? ciens ont souvent re? pe? te? qu'il fallait braver tous les
coups du sort, et ne s'occuper que de ce qui de? pend de notre
a^me, nos sentiments et nos pense? es. La philosophie des sensa-
tions aurait un re? sultat tout a` fait inverse; ce sont nos senti-
ments et nos pense? es dont elle nous de? barrasserait, pour tour-
ner tous nos efforts vers le bien-e^tre mate? riel; elle nous dirait:
<< Attachez-vous au moment pre? sent, conside? rez comme des
chime`res tout ce qui sort du cercle des plaisirs ou des affaires
de ce monde, et passez cette courte vie le mieux que vous pour-
rez, en soignant votre sante? , qui est la base du bonheur. >> On
a connu de tout temps ces maximes; mais on les croyait re? ser-
ve? es aux valets dans les come? dies, et de nos jours on a fait la
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? DU PERSIFLAGE. 407
doctrine de la raison, fonde? e sur la ne? cessite? , doctrine bien dif-
fe? rente de la re? signation religieuse, car l'une est aussi vulgaire
que l'autre est noble et releve? e.
Ce qui<<st singulier, c'est d'avoir su tirer d'une philosophie
aussi commune la the? orie de l'e? le? gance; notre pauvre nature est
souvent e? goi? ste et vulgaire, il faut s'en affliger; mais c'est s'en
vanter qui est nouveau. L'indiffe? rence et le de? dain pour les cho-
ses exalte? es sont devenus le type de la gra^ce, et les plaisanteries
ont e? te? dirige? es contre l'inte? re^t vif qu'on peut mettre a` tout ce
qui n'a pas dans ce monde un re? sultat positif.
Le principe raisonne? dela frivolite? du coeur et de l'esprit,
c'est la me? taphysique qui rapporte toutes nos ide? es a` nos sensa-
tions; car il ne nous vient rien que de superficiel par le dehors,
et la vie se? rieuse est au fond de l'a^me. Si la fatalite? mate? rialiste,
admise comme the? orie de l'esprit humain, conduisait au de? gou^t
de tout ce qui est exte? rieur, comme a` l'incre? dulite? sur tout ce
qui est intime, il y aurait encore dans ces syste`mes une certaine
noblesse inactive, une indolence orientale qui pourrait avoir
quelque grandeur, et des philosophes grecs ont trouve? le moyen
de mettre presque de la dignite? dans l'apathie; mais l'empire
des sensations, en affaiblissant par degre? s le sentiment, a laisse?
subsister l'activite? de l'inte? re^t personnel, et ce ressort des actions
a e? te? d'autant plus puissant, qu'on avait brise? tous les autres.
A l'incre? dulite? de l'esprit, a` l'e? goi? sme du coeur, il faut encore
ajouter la doctrine sur la conscience qu'Helve? tius a de? veloppe? e,
lorsqu'il a dit que les actions vertueuses en elles-me^mes avaient
pour but d'obtenir les jouissances physiques qu'on peut gou^ter
ici-bas; il en est re? sulte? qu'on a conside? re? comme une espe`ce
de duperie les sacrifices qu'on pourrait faire au culte ide? al de
quelque opinion ou de quelque sentiment que ce soit; et
comme rien ne parai^t plus redoutable aux hommes que de pas-
ser pour dupes, ils se sont ha^te? s de jeter du ridicule sur tous les
enthousiasmes qui tournaient mal; car ceux qui e? taient re? com-
pense? s par les succe`s e? chappaient a` la moquerie: le bonheur a
toujours raison aupre`s des mate? rialistes.
L'incre? dulite? dogmatique, c'est-a`-dire celle qui re? voque en
doute tout ce qui n'est pas prouve? par les sensations, est la
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? 408 ORSERVATIONS GE? NE? RALES
source de la grande ironie de l'homme envers lui-me^me: toute
la de? gradation morale vient de la`. Cette philosophie doit sans
doute e^tre conside? re? e autant comme l'effet que comme la cause
de la disposition actuelle des esprits; ne? anmoins il est un mal
dont elle est le premier auteur, elle a donne? a` l'insouciance de
la le? ge`rete? l'apparence d'un raisonnement re? fle? chi; elle fournit
des arguments spe? cieux a` l'e? goi? sme, et fait conside? rer les sen-
timents les plus nobles comme une maladie accidentelle dont
les circonstances exte? rieures seules sont la cause.
Il importe donc d'examiner si la nation qui s'est constamment
de? fendue dela me? taphysique dont on a tire? detelles conse? quen-
ces, n'avait pas raison en principe , et plus encore dans l'appli-
cation qu'elle a faite de ce principe au de? veloppement des facul-
te? s et a` la conduite morale de l'homme.
CHAPITRE V.
Observations ge? ne? rales sur la philosophie allemande.
La philosophie spe? culative a toujours trouve? beaucoup de
partisans parmi les nations germaniques, et la philosophie expe? -
rimentale parmi les nations latines. Les Romains, tre`s-habiles
dans les affaires de la vie, n'e? taient point me? taphysiciens; ils
n'ont rien su a` cet e? gard que par leurs rapports avec la Gre`ce . et
les nations civilise? es par eux ont he? rite? , pour la plupart, de leurs
connaissances dans la politique, et de leur indiffe? rence pour les
e? tudes qui ne pouvaient s'appliquer aux affaires de ce monde.
Cette disposition se montre en France dans sa plus grande
force; les Italiens et les Espagnols y ont aussi participe? : mais
l'imagination du Midi a quelquefois de? vie? de la raison pratique,
pour s'occuper des the? ories purement abstraites.
La grandeur d'a^me des Romains donnait a` leur patriotisme et
a` leur morale un caracte`re sublime; mais c'est aux institutions
re? publicaines qu'il faut l'attribuer. Quand la liberte? n'a plus
existe?