re^ts
mercantiles
suffisent pour de?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
6&
liacequ'il lui convient de prendre; cela vaut mieux pour le fond
des choses, c'est aussi plus civil, mais moins piquant.
La politesse allemande est plus cordiale, mais moins nuancee
i|ue la politesse franc? aise; il y a plus d'e? gards pour le rang et
plus de pre? cautions en tout. En France, on flatte plus qu'on ne
me? nage, et, comme on a l'art de tout indiquer, on approche
beaucoup plus volontiers des sujets les plus de? licats. L'allemand
est une langue tre`s-brillante en poe? sie, tre`s-abondante en me? ta-
physique, mais tre`s-positive en conversation. La langue fran-
c? aise, au contraire, n'est vraiment riche que dans les tournures
qui expriment les rapports les plus de? lie? s de la socie? te? . Elle est
pauvre et circonscrite dans tout ce qui tient a` l'imagination et
a` la philosophie. Les Allemands craignent plus de faire de la
peine qu'ils n'ont envie de plaire. De la` vient qu'ils ont soumis
autant qu'ils ont pu la politesse a` des re`gles; et leur langue, si
hardie dans les livres, est singulie`rement asservie en conversa-
tion, par toutes les formules dont elle est surcharge? e.
Je me rappelle d'avoir assiste? , en Saxe, a` une lec? on de me? ta-
physique d'un philosophe ce? le`bre qui citait toujours le baron de
Leibnitz, et jamais l'entrai^nement du discours ne pouvait l'en-
gager a` supprimer ce titre de baron, qui n'allait gue`re avec le
nom d'un grand homme mort depuis pre`s d'un sie`cle.
L'allemand convient mieux a`la poe? sie qu'a`la prose, et a` la prose
e? crite qu'a` la prose parle? e; c'est un instrument qui sert tre`s-bien
quandon veut tout peindre ou tout dire: mais on ne peut pas glis-
seravecl'allemand, comme avec le franc? ais,sur les divers sujets
qui se pre? sentent. Si l'on voulait faire aller les mots allemands du
train de la conversation franc? aise, on leur o^terait toute gra^ce et
toute dignite? . Le me? rite des Allemands, c'est de bien remplir le
temps; le talent des Franc? ais, c'est de le faire oublier.
Quoique le sens des pe? riodes allemandes ne s'explique sou-
vent qu'a` la fin, la construction ne permet pas toujours de terminer une phrase par l'expression la plus piquante; et c'est cependant un des grands moyens de faire effet en conversation. "
L'on entend rarement parmi les Allemands ce qu'on appelle des
lions mots: ce sont les pense? es me^mes, et non l'e? clatqu'on Icuc? .
donne, qu'il faut admirer.
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? 66 DE LA LA\GLE ALLEMANDE.
Les Allemands trouvent une sorte de charlatanisme dans l'ex-
pression brillante, et prennent pluto^t l'expression abstraite,
parce qu'elle est plus scrupuleuse, et s'approche davantage de
l'essence me^me du vrai; mais la conversation ne doit donner
aucune peine, ni pour comprendre ni pour parler. De`s que l'en
tretien ue porte pas sur les inte? re^ts communs de la vie, et qu'on
entre dans la sphe`re des ide? es, la conversation en Allemagne de-
vient trop me? taphysique; il n'y a pas assez d'interme? diaire entre ce qui est vulgaire et ce qui est sublime; et c'est cependant
dans cet interme? diaire que s'exerce l'art de causer.
La langue allemande a une gaiete? qui lui est propre; la socie? te?
ne l'a pointrendue timide, et les bonnes moeurs l'ont laisse? e pure;
mais c'est une gaiete? nationale a` la porte? e de toutes les classes.
Les sons bizarres des mots, leur antique nai? vete? , donnent a` la
plaisanterie quelque chose de pittoresque, dont le peuple peut
s'amuser aussi bien que les gens du monde. Les Allemands sont
moins ge^ne? s que nous dans le choix des expressions, parce que
leur languen'ayant pas e? te? aussi fre? quemment employe? e dans la
conversation du grand monde, elle ne se compose pas, comme
la no^tre, de mots qu'un hasard, une application, une allusion,
rendent ridicules, de mots enfin qui, ayant subi toutes lesaven-
tures de la socie? te? , sont proscrits injustement peut-e^tre, mais ne
sauraient plus e^tre admis. La cole`re s'est souvent exprime? e en allemand, mais on n'en a pas fait l'arme du persiflage ; et les pa-
roles dont on se sert sont encore dans toute leur ve? rite? et dans
toute leur force; c'est une facilite? de plus : mais aussi l'on peut
exprimer avec le franc? ais mille observations fines, et se permet-
tre mille tours d'adresse dont la langue allemande est jusqu'a`
pre? sent incapable.
Il faut se mesurer avec les ide? es en allemand, avec les person-
nes en franc? ais; il faut creuser a` l'aide de l'allemand , il faut ar-
river au but en parlant franc? ais; l'un doit peindre la nature, et
l'autre la socie? te? . Goethe fait dire dans son roman de Wilhelm Meister,a` unefemme allemande, qu'elle s'aperc? ut que sonamaut
voulait la quitter, parce qu'il lui e? crivait en franc? ais. Il y a bien
des phrases en effet dans notre langue, pour dire en me^me temps
et ne pas dire, pour faire espe? rer sans promettre, pour promtttre
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L'ALLEMAGNE DU NOIUJ. fi7
me^me sans se lier. L'allemand est moins flexible, et il fait bien
de rester tel, car rien n'inspire plus de de? gou^t que cette langue
tudesque, quand elle est employe? e aux mensonges, de quelque
nature qu'ils soient. Sa construction trai^nante, ses consonnes
multiplie? es, sa grammaire savante, ne lui permettent aucune
gra^ce dans la souplesse; et l'on dirait qu'ellese roidit d'elle-me^me contre l'intention de celui qui la parle, de`s qu'on veut la faire
servir a` trahir la ve? rite? .
CHAPITRE XIII.
De l'Allemagne du Nord.
Les premie`res impressions qu'on rec? oit en arrivant dans le
nord de l'Allemagne, surtout au milieu de l'hiver, sont extre^-
mement tristes; et je ne suis pas e? tonne? e que ces impressions
aient empe^che? la plupart des Franc? ais que l'exil a conduits dans
ce pays, de l'observer sans pre? vention. Cette frontie`re du Rhin
est solennelle; on craint, en la passant, de s'entendre prononcer
ce mot terrible: Vous e^tes hors de France. C'est eu vain que
l'esprit juge avec impartialite? le pays qui nous a vus nai^tre, nos
affections ne s'en de? tachent jamais; et quand on est contraint
a` le quitter, l'existence semble de? racine? e, on se devient comme
e? tranger a` soi-me^me. Les plus simples usages, comme les rela-
tions lesplus intimes; les inte? re^ts les plus graves, comme les
moindres plaisirs, tout e? tait de la patrie ; tout n'en est plus. On
ne rencontre personne qui puisse vous parler d'autrefois, per-
sonne qui vous atteste l'identite? des jours passe? s avec les jours
actuels; la destine? e recommence, sans que la confiance des pre-
mie`res anne? es se renouvelle; l'on change de monde, sans avoir
change? de coeur. Ainsi l'exil condamne a` se survivre; les adieux,
les se? parations, tout est comme a` l'instant de la mort, et l'on
y assiste cependant avec les forces entie`res de la vie.
J'e? tais, il y a six ans, sur les bords du Rhin, attendant la bar-
que qui devait me conduire a` l'autre rive; le temps e? tait froid , le
ciel obscur, et tout me semblait un pre? sage funeste. Quand la
douleur agite violemment notre a^me, on ne peut se persuader
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 68 DE L'ALLEMAGNE uu NORD.
que la nature y soit indiffe? rente; il est permis a` l'homme d'attri-
buer quelque puissance a` ses peines; ce n'est pas de l'orgueil,
c'est de la confiance dans la ce? leste pitie? . Je m'inquie? tais pour
mes enfants, quoiqu'ils ne fussent pas encore dans l'a^ge de sen-
tir ces e? motions de l'a^me qui re? pandent l'effroi sur tous les objets exte? rieurs. Mes domestiques franc? ais s'impatientaient de la
lenteur allemande, et s'e? tonnaient de n'e^tre pas compris quand
ils parlaient la seule langue qu'ils crussent admise dans les pays
civilise? s. Il y avait dans notre bac une vieille femme allemande,
assise sur une charrette; elle ne voulait pas en descendre me^me
pour traverser le fleuve. --Vous e^tes bien tranquille! lui dis-je.
-- Oui, me re? pondit-elle, pourquoi faire du bruit? -- Ces sim-
ples mots me frappe`rent en effet, pourquoi faire dubruit? Mais
quand des ge? ne? rations entie`res traverseraient la vie en silence,
le malheur et la mort ne les observeraient pas moins, et sauraient
de me^me les atteindre.
En arrivant sur le rivage oppose? , j'entendis le cor des postil-
lons, dont les sons aigus et faux semblaient annoncer un triste
de? part vers un triste se? jour. La terre e? tait couverte de neige;
des petites fene^tres, dont les maisons sont perce? es, sortaient
les te^tes de quelques habitants, que le bruit d'une voiture arra-
chait a` leurs monotones occupations; une espe`ce de bascule,
qui fait mouvoir la poutre avec laquelle on ferme la barrie`re,
dispense celui qui demande le pe? age aux voyageurs de sortir de
sa maison pour recevoir l'argent qu'on doit lui payer. Tout est
calcule? pour e^tre immobile; et l'homme qui pense, comme celui
dont l'existence n'est que mate? rielle, de? daignent tous les deux
e? galement la distraction du dehors.
Les campagnes de? sertes, les maisons noircies par la fume? e,
les e? glises gothiques, semblent pre? pare? es pour les contes de sor-
cie`res ou de revenants. Les villes de commerce, en Allemagne,
sont grandes et bien ba^ties; mais elles ne donnent aucune ide? e de
ce qui fait la gloire et l'inte? re^t de ce pays, l'esprit litte? raire et
philosophique. Les inte?
re^ts mercantiles suffisent pour de? velop-
per l'intelligence des Franc? ais, et l'on peut trouver encore quel-
que amusement de socie? te? , en France, dans une ville purement
commerc? ante; mais les Allemands, e? minemment capables des
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L'ALLESIACNE 1>U NORD- 69
e? tudes abstraites, traitent les affaires, quand ils s'en occupent,
avec tant de me? thode et de pesanteur, qu'ils n'en tirent presque
jamais aucune ide? e ge? ne? rale. Ils portent dans le commerce la
loyaute? qui les distingue; mais ils se donnent tellement tout en-
tiers a` ce qu'ils font, qu'ils ne cherchent plus alors dans la so-
cie? te? qu'un loisir jovial, et disent de temps en temps quelques
grosses plaisanteries, seulement pour se divertir eux-me^mes.
De telles plaisanteries accablent les Franc? ais de tristesse ; car on
se re? signe bien pluto^t a` l'ennui sous des formes graves et mono-
tones, qu'a` cet ennui badin qui vient poser lourdement et fami-
lie`rement la pa^te sur l'e? paule.
Les Allemands ont beaucoup d'universalite? dans l'esprit, en
litte? rature et en philosophie, mais nullement dans les affaires.
Ils lesconside`rent toujours partiellement, et s'en occupentd'une
fac? on presque me? canique. C'est le contraire en France; l'esprit
des affaires y a beaucoup d'e? tendue, et l'on n'y permet pas l'uni-
versalite? en litte? rature ni en philosophie. Si un savant e? tait poe`te,
si un poe`te e? tait savant, ils deviendraient suspects chez nous aux
savants et aux poe`tes; mais il n'est pas rare de rencontrer dans
le plus simple ne? gociant des aperc? us lumineux sur les inte? re^ts
politiques et militaires de son pays. De la` vient qu'en France il
y a un plus grand nombre de gens d'esprit, et un moins grand
nombre de penseurs. En France, on e? tudie les hommes; en Al-
lemagne, les livres. Des faculte? s ordinaires suffisent pour in-
te? resser en parlant des hommes; il faut presque du ge? nie pour
faire retrouver l'a^me et le mouvement dans les livres. L'Alle-
magne ne peut attacher que ceux qui s'occupent des faits passe? s
et des ide? es abstraites. Le pre? sent et le re? el appartiennent a`
la France, et, jusqu'a` nouvel ordre, elle ne parai^t pas dispose? e
a` y renoncer. Je ne cherche pas, ceme semble, a`dissimuler les inconve? nients
de l'Allemagne. Ces petites villes du Nord elles-me^mes, ou` l'on
trouve des hommes d'une si haute conception , n'offrent sou-
vent aucun genre d'amusement; point de spectacle, peu de
socie? te? ; le temps y tombe goutte a` goutte, et n'interrompt par
aucun bruit la re? flexion solitaire. Les plus petites villesd'Angle-
terrc tiennent a` un e? tat libre, envoient des de? pute? s pour traiter Its
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? 70 DE LA SAXE.
inte? re^ts de la nation. Les plus petites villes de France sont en
relation avec la capitale, ou` tant de merveilles sont re? unies. Les
plus petites villes d'Italie jouissent du ciel et des beaux-arts,
dont les rayons se re? pandent sur toutela contre? e. Dans le nord
de l'Allemagne, il n'y a point de gouvernement repre? sentatif,
point de grande capitale; et la se? ve? rite? du climat, la me? diocrite?
de la fortune, le se? rieux du caracte`re, rendraient l'existence
tre`s-pesante, si la force de la pense? e ne s'e? tait pas affranchie de
toutes ces circonstances insipides et borne? es. Les Allemands
ont su se cre? er une re? publique des lettres anime? e et inde? pen-
dante. Ils ont supple? e? a` l'inte? re^t des e? ve? nements par l'inte? re^t des
ide? es. Us se passent de centre, parce que tous tendent vers un
me^me but, et leur imagination multiplie le petit nombre de
beaute? s que les arts et la nature peuvent leur offrir.
Les citoyens de cette re? publique ide? ale, de? gage? s pour la plu-
part de toute espe`ce de rapports avec les affaires publiques et
particulie`res, travaillent dans l'obscurite? comme les mineurs,
et place? s comme eux au milieu des tre? sors ensevelis, ils exploi-
tent en silence les richesses intellectuelles du genre humain.
CHAPITRE XIV.
La Saxe.
Depuis la re? formation, les princes de la maison de Saxe ont
toujours accorde? aux lettres la plus noble des protections, l'in-
de? pendance. On peut dire hardiment que dans aucun pays de
la terre il n'existe autant d'instruction qu'en Saxe et dans le
nord de l'Allemagne. C'est la` qu'est ne? le protestantisme, et
l'esprit d'examen s'y est soutenu depuis ce temps avec vigueur.
Pendant le dernier sie`cle, les e? lecteurs de Saxe ont e? te? ca-
tnoliques; et, quoiqu'ils soient reste? s fide`les au serment qui les
obligeait a` respecter le culte de leurs sujets, cette diffe? rence de
religion entre le peuple et ses mai^tres a donne? moins d'unite? po-
litique a` l'E? tat. Les e? lecteurs rois de Pologne ont aime? les arts
plus que la litte? rature, qu'ils ne ge^naient pas, mais qui leur
e? tait e? trange`re. La musique est cultive? e ge? ne? ralement en Saxe;
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? LA SAXE. 71
la galerie de Dresde rassemble des chefs-d'oeuvre qui doivent
animer les artistes. La nature, aux environs de la capitale, est
tre`s-pittoresque, mais la socie? te? n'y offre pas de vifs plaisirs;
l'e? le? gance d'une cour n'y prend point, l'e? tiquette seule peut ai-
se? ment s'y e? tablir.
On peut juger par la quantite? d'ouvrages qui se vendent a`
Uipsick, combien les livres allemands ont de lecteurs; les ou-
vriers de toutes les classes, les tailleurs de pierre me^mes, se
reposent de leurs travaux un livre a` la main. On ne saurait s'i-
maginer en France a` quel point les lumie`res sont re? pandues en
Allemagne. J'ai vu des aubergistes, des commis de barrie`re, qui
connaissaient la litte? rature franc? aise. On trouve jusque dans les
villages des professeurs de grec et de latin. Il n'y a pas de petite
ville qui ne renferme une assez bonne bibliothe`que, et presque partout on peut citer quelques hommes recommandables par
leurs talents et par leurs connaissances. Si l'on se mettait a` com-
parer, sous ce rapport, les provinces de France avec l'Allema-
gne, on croirait que les deux pays sont a` trois sie`cles de dis-
tance l'un de l'autre. Paris , re? unissant dans son sein l'e? lite de
l'empire, o^te tout inte? re^t a` tout le reste.
Picard et Kotzebue ont compose? deux pie`ces tre`s-jolies, in-
titule? es toutes deux la Petite fille. Picard repre? sente les habi-
tants de la province cherchant sans cesse a` imiter Paris, et
Kotzebue les bourgeois d'une petite ville , enchante? s et fiers du
lieu qu'ils habitent, et qu'ils croient incomparable. La diffe? rence
des ridicules donne toujours l'ide? e de la diffe? rence des moeurs.
En Allemagne, chaque se? jour est un empire pour celui qui y
re? side; son imagination, ses e? tudes, ou seulement sa bonhomie
l'agrandit a` ses yeux; chacun sait y tirer de soi-me^me le meil-
leur parti possible. L'importance qu'on met a` tout pre^te a` la
plaisanterie; mais cette importance me^me donne du prix aux
petites ressources. En France , on ne s'inte? resse qu'a` Paris, et
l'on a raison, car c'est toute la France; et qui n'aurait ve? cu
qu'en province n'aurait pas la moindre ide? e de ce qui carac-
te? rise cet illustre pays.
Les hommes distingue? s de l'Allemagne , u'ctant point ras-
semble? s dans une me^me ville , ne se voient presque pns, et ne
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liacequ'il lui convient de prendre; cela vaut mieux pour le fond
des choses, c'est aussi plus civil, mais moins piquant.
La politesse allemande est plus cordiale, mais moins nuancee
i|ue la politesse franc? aise; il y a plus d'e? gards pour le rang et
plus de pre? cautions en tout. En France, on flatte plus qu'on ne
me? nage, et, comme on a l'art de tout indiquer, on approche
beaucoup plus volontiers des sujets les plus de? licats. L'allemand
est une langue tre`s-brillante en poe? sie, tre`s-abondante en me? ta-
physique, mais tre`s-positive en conversation. La langue fran-
c? aise, au contraire, n'est vraiment riche que dans les tournures
qui expriment les rapports les plus de? lie? s de la socie? te? . Elle est
pauvre et circonscrite dans tout ce qui tient a` l'imagination et
a` la philosophie. Les Allemands craignent plus de faire de la
peine qu'ils n'ont envie de plaire. De la` vient qu'ils ont soumis
autant qu'ils ont pu la politesse a` des re`gles; et leur langue, si
hardie dans les livres, est singulie`rement asservie en conversa-
tion, par toutes les formules dont elle est surcharge? e.
Je me rappelle d'avoir assiste? , en Saxe, a` une lec? on de me? ta-
physique d'un philosophe ce? le`bre qui citait toujours le baron de
Leibnitz, et jamais l'entrai^nement du discours ne pouvait l'en-
gager a` supprimer ce titre de baron, qui n'allait gue`re avec le
nom d'un grand homme mort depuis pre`s d'un sie`cle.
L'allemand convient mieux a`la poe? sie qu'a`la prose, et a` la prose
e? crite qu'a` la prose parle? e; c'est un instrument qui sert tre`s-bien
quandon veut tout peindre ou tout dire: mais on ne peut pas glis-
seravecl'allemand, comme avec le franc? ais,sur les divers sujets
qui se pre? sentent. Si l'on voulait faire aller les mots allemands du
train de la conversation franc? aise, on leur o^terait toute gra^ce et
toute dignite? . Le me? rite des Allemands, c'est de bien remplir le
temps; le talent des Franc? ais, c'est de le faire oublier.
Quoique le sens des pe? riodes allemandes ne s'explique sou-
vent qu'a` la fin, la construction ne permet pas toujours de terminer une phrase par l'expression la plus piquante; et c'est cependant un des grands moyens de faire effet en conversation. "
L'on entend rarement parmi les Allemands ce qu'on appelle des
lions mots: ce sont les pense? es me^mes, et non l'e? clatqu'on Icuc? .
donne, qu'il faut admirer.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 66 DE LA LA\GLE ALLEMANDE.
Les Allemands trouvent une sorte de charlatanisme dans l'ex-
pression brillante, et prennent pluto^t l'expression abstraite,
parce qu'elle est plus scrupuleuse, et s'approche davantage de
l'essence me^me du vrai; mais la conversation ne doit donner
aucune peine, ni pour comprendre ni pour parler. De`s que l'en
tretien ue porte pas sur les inte? re^ts communs de la vie, et qu'on
entre dans la sphe`re des ide? es, la conversation en Allemagne de-
vient trop me? taphysique; il n'y a pas assez d'interme? diaire entre ce qui est vulgaire et ce qui est sublime; et c'est cependant
dans cet interme? diaire que s'exerce l'art de causer.
La langue allemande a une gaiete? qui lui est propre; la socie? te?
ne l'a pointrendue timide, et les bonnes moeurs l'ont laisse? e pure;
mais c'est une gaiete? nationale a` la porte? e de toutes les classes.
Les sons bizarres des mots, leur antique nai? vete? , donnent a` la
plaisanterie quelque chose de pittoresque, dont le peuple peut
s'amuser aussi bien que les gens du monde. Les Allemands sont
moins ge^ne? s que nous dans le choix des expressions, parce que
leur languen'ayant pas e? te? aussi fre? quemment employe? e dans la
conversation du grand monde, elle ne se compose pas, comme
la no^tre, de mots qu'un hasard, une application, une allusion,
rendent ridicules, de mots enfin qui, ayant subi toutes lesaven-
tures de la socie? te? , sont proscrits injustement peut-e^tre, mais ne
sauraient plus e^tre admis. La cole`re s'est souvent exprime? e en allemand, mais on n'en a pas fait l'arme du persiflage ; et les pa-
roles dont on se sert sont encore dans toute leur ve? rite? et dans
toute leur force; c'est une facilite? de plus : mais aussi l'on peut
exprimer avec le franc? ais mille observations fines, et se permet-
tre mille tours d'adresse dont la langue allemande est jusqu'a`
pre? sent incapable.
Il faut se mesurer avec les ide? es en allemand, avec les person-
nes en franc? ais; il faut creuser a` l'aide de l'allemand , il faut ar-
river au but en parlant franc? ais; l'un doit peindre la nature, et
l'autre la socie? te? . Goethe fait dire dans son roman de Wilhelm Meister,a` unefemme allemande, qu'elle s'aperc? ut que sonamaut
voulait la quitter, parce qu'il lui e? crivait en franc? ais. Il y a bien
des phrases en effet dans notre langue, pour dire en me^me temps
et ne pas dire, pour faire espe? rer sans promettre, pour promtttre
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE L'ALLEMAGNE DU NOIUJ. fi7
me^me sans se lier. L'allemand est moins flexible, et il fait bien
de rester tel, car rien n'inspire plus de de? gou^t que cette langue
tudesque, quand elle est employe? e aux mensonges, de quelque
nature qu'ils soient. Sa construction trai^nante, ses consonnes
multiplie? es, sa grammaire savante, ne lui permettent aucune
gra^ce dans la souplesse; et l'on dirait qu'ellese roidit d'elle-me^me contre l'intention de celui qui la parle, de`s qu'on veut la faire
servir a` trahir la ve? rite? .
CHAPITRE XIII.
De l'Allemagne du Nord.
Les premie`res impressions qu'on rec? oit en arrivant dans le
nord de l'Allemagne, surtout au milieu de l'hiver, sont extre^-
mement tristes; et je ne suis pas e? tonne? e que ces impressions
aient empe^che? la plupart des Franc? ais que l'exil a conduits dans
ce pays, de l'observer sans pre? vention. Cette frontie`re du Rhin
est solennelle; on craint, en la passant, de s'entendre prononcer
ce mot terrible: Vous e^tes hors de France. C'est eu vain que
l'esprit juge avec impartialite? le pays qui nous a vus nai^tre, nos
affections ne s'en de? tachent jamais; et quand on est contraint
a` le quitter, l'existence semble de? racine? e, on se devient comme
e? tranger a` soi-me^me. Les plus simples usages, comme les rela-
tions lesplus intimes; les inte? re^ts les plus graves, comme les
moindres plaisirs, tout e? tait de la patrie ; tout n'en est plus. On
ne rencontre personne qui puisse vous parler d'autrefois, per-
sonne qui vous atteste l'identite? des jours passe? s avec les jours
actuels; la destine? e recommence, sans que la confiance des pre-
mie`res anne? es se renouvelle; l'on change de monde, sans avoir
change? de coeur. Ainsi l'exil condamne a` se survivre; les adieux,
les se? parations, tout est comme a` l'instant de la mort, et l'on
y assiste cependant avec les forces entie`res de la vie.
J'e? tais, il y a six ans, sur les bords du Rhin, attendant la bar-
que qui devait me conduire a` l'autre rive; le temps e? tait froid , le
ciel obscur, et tout me semblait un pre? sage funeste. Quand la
douleur agite violemment notre a^me, on ne peut se persuader
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:48 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 68 DE L'ALLEMAGNE uu NORD.
que la nature y soit indiffe? rente; il est permis a` l'homme d'attri-
buer quelque puissance a` ses peines; ce n'est pas de l'orgueil,
c'est de la confiance dans la ce? leste pitie? . Je m'inquie? tais pour
mes enfants, quoiqu'ils ne fussent pas encore dans l'a^ge de sen-
tir ces e? motions de l'a^me qui re? pandent l'effroi sur tous les objets exte? rieurs. Mes domestiques franc? ais s'impatientaient de la
lenteur allemande, et s'e? tonnaient de n'e^tre pas compris quand
ils parlaient la seule langue qu'ils crussent admise dans les pays
civilise? s. Il y avait dans notre bac une vieille femme allemande,
assise sur une charrette; elle ne voulait pas en descendre me^me
pour traverser le fleuve. --Vous e^tes bien tranquille! lui dis-je.
-- Oui, me re? pondit-elle, pourquoi faire du bruit? -- Ces sim-
ples mots me frappe`rent en effet, pourquoi faire dubruit? Mais
quand des ge? ne? rations entie`res traverseraient la vie en silence,
le malheur et la mort ne les observeraient pas moins, et sauraient
de me^me les atteindre.
En arrivant sur le rivage oppose? , j'entendis le cor des postil-
lons, dont les sons aigus et faux semblaient annoncer un triste
de? part vers un triste se? jour. La terre e? tait couverte de neige;
des petites fene^tres, dont les maisons sont perce? es, sortaient
les te^tes de quelques habitants, que le bruit d'une voiture arra-
chait a` leurs monotones occupations; une espe`ce de bascule,
qui fait mouvoir la poutre avec laquelle on ferme la barrie`re,
dispense celui qui demande le pe? age aux voyageurs de sortir de
sa maison pour recevoir l'argent qu'on doit lui payer. Tout est
calcule? pour e^tre immobile; et l'homme qui pense, comme celui
dont l'existence n'est que mate? rielle, de? daignent tous les deux
e? galement la distraction du dehors.
Les campagnes de? sertes, les maisons noircies par la fume? e,
les e? glises gothiques, semblent pre? pare? es pour les contes de sor-
cie`res ou de revenants. Les villes de commerce, en Allemagne,
sont grandes et bien ba^ties; mais elles ne donnent aucune ide? e de
ce qui fait la gloire et l'inte? re^t de ce pays, l'esprit litte? raire et
philosophique. Les inte?
re^ts mercantiles suffisent pour de? velop-
per l'intelligence des Franc? ais, et l'on peut trouver encore quel-
que amusement de socie? te? , en France, dans une ville purement
commerc? ante; mais les Allemands, e? minemment capables des
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? DE L'ALLESIACNE 1>U NORD- 69
e? tudes abstraites, traitent les affaires, quand ils s'en occupent,
avec tant de me? thode et de pesanteur, qu'ils n'en tirent presque
jamais aucune ide? e ge? ne? rale. Ils portent dans le commerce la
loyaute? qui les distingue; mais ils se donnent tellement tout en-
tiers a` ce qu'ils font, qu'ils ne cherchent plus alors dans la so-
cie? te? qu'un loisir jovial, et disent de temps en temps quelques
grosses plaisanteries, seulement pour se divertir eux-me^mes.
De telles plaisanteries accablent les Franc? ais de tristesse ; car on
se re? signe bien pluto^t a` l'ennui sous des formes graves et mono-
tones, qu'a` cet ennui badin qui vient poser lourdement et fami-
lie`rement la pa^te sur l'e? paule.
Les Allemands ont beaucoup d'universalite? dans l'esprit, en
litte? rature et en philosophie, mais nullement dans les affaires.
Ils lesconside`rent toujours partiellement, et s'en occupentd'une
fac? on presque me? canique. C'est le contraire en France; l'esprit
des affaires y a beaucoup d'e? tendue, et l'on n'y permet pas l'uni-
versalite? en litte? rature ni en philosophie. Si un savant e? tait poe`te,
si un poe`te e? tait savant, ils deviendraient suspects chez nous aux
savants et aux poe`tes; mais il n'est pas rare de rencontrer dans
le plus simple ne? gociant des aperc? us lumineux sur les inte? re^ts
politiques et militaires de son pays. De la` vient qu'en France il
y a un plus grand nombre de gens d'esprit, et un moins grand
nombre de penseurs. En France, on e? tudie les hommes; en Al-
lemagne, les livres. Des faculte? s ordinaires suffisent pour in-
te? resser en parlant des hommes; il faut presque du ge? nie pour
faire retrouver l'a^me et le mouvement dans les livres. L'Alle-
magne ne peut attacher que ceux qui s'occupent des faits passe? s
et des ide? es abstraites. Le pre? sent et le re? el appartiennent a`
la France, et, jusqu'a` nouvel ordre, elle ne parai^t pas dispose? e
a` y renoncer. Je ne cherche pas, ceme semble, a`dissimuler les inconve? nients
de l'Allemagne. Ces petites villes du Nord elles-me^mes, ou` l'on
trouve des hommes d'une si haute conception , n'offrent sou-
vent aucun genre d'amusement; point de spectacle, peu de
socie? te? ; le temps y tombe goutte a` goutte, et n'interrompt par
aucun bruit la re? flexion solitaire. Les plus petites villesd'Angle-
terrc tiennent a` un e? tat libre, envoient des de? pute? s pour traiter Its
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? 70 DE LA SAXE.
inte? re^ts de la nation. Les plus petites villes de France sont en
relation avec la capitale, ou` tant de merveilles sont re? unies. Les
plus petites villes d'Italie jouissent du ciel et des beaux-arts,
dont les rayons se re? pandent sur toutela contre? e. Dans le nord
de l'Allemagne, il n'y a point de gouvernement repre? sentatif,
point de grande capitale; et la se? ve? rite? du climat, la me? diocrite?
de la fortune, le se? rieux du caracte`re, rendraient l'existence
tre`s-pesante, si la force de la pense? e ne s'e? tait pas affranchie de
toutes ces circonstances insipides et borne? es. Les Allemands
ont su se cre? er une re? publique des lettres anime? e et inde? pen-
dante. Ils ont supple? e? a` l'inte? re^t des e? ve? nements par l'inte? re^t des
ide? es. Us se passent de centre, parce que tous tendent vers un
me^me but, et leur imagination multiplie le petit nombre de
beaute? s que les arts et la nature peuvent leur offrir.
Les citoyens de cette re? publique ide? ale, de? gage? s pour la plu-
part de toute espe`ce de rapports avec les affaires publiques et
particulie`res, travaillent dans l'obscurite? comme les mineurs,
et place? s comme eux au milieu des tre? sors ensevelis, ils exploi-
tent en silence les richesses intellectuelles du genre humain.
CHAPITRE XIV.
La Saxe.
Depuis la re? formation, les princes de la maison de Saxe ont
toujours accorde? aux lettres la plus noble des protections, l'in-
de? pendance. On peut dire hardiment que dans aucun pays de
la terre il n'existe autant d'instruction qu'en Saxe et dans le
nord de l'Allemagne. C'est la` qu'est ne? le protestantisme, et
l'esprit d'examen s'y est soutenu depuis ce temps avec vigueur.
Pendant le dernier sie`cle, les e? lecteurs de Saxe ont e? te? ca-
tnoliques; et, quoiqu'ils soient reste? s fide`les au serment qui les
obligeait a` respecter le culte de leurs sujets, cette diffe? rence de
religion entre le peuple et ses mai^tres a donne? moins d'unite? po-
litique a` l'E? tat. Les e? lecteurs rois de Pologne ont aime? les arts
plus que la litte? rature, qu'ils ne ge^naient pas, mais qui leur
e? tait e? trange`re. La musique est cultive? e ge? ne? ralement en Saxe;
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? LA SAXE. 71
la galerie de Dresde rassemble des chefs-d'oeuvre qui doivent
animer les artistes. La nature, aux environs de la capitale, est
tre`s-pittoresque, mais la socie? te? n'y offre pas de vifs plaisirs;
l'e? le? gance d'une cour n'y prend point, l'e? tiquette seule peut ai-
se? ment s'y e? tablir.
On peut juger par la quantite? d'ouvrages qui se vendent a`
Uipsick, combien les livres allemands ont de lecteurs; les ou-
vriers de toutes les classes, les tailleurs de pierre me^mes, se
reposent de leurs travaux un livre a` la main. On ne saurait s'i-
maginer en France a` quel point les lumie`res sont re? pandues en
Allemagne. J'ai vu des aubergistes, des commis de barrie`re, qui
connaissaient la litte? rature franc? aise. On trouve jusque dans les
villages des professeurs de grec et de latin. Il n'y a pas de petite
ville qui ne renferme une assez bonne bibliothe`que, et presque partout on peut citer quelques hommes recommandables par
leurs talents et par leurs connaissances. Si l'on se mettait a` com-
parer, sous ce rapport, les provinces de France avec l'Allema-
gne, on croirait que les deux pays sont a` trois sie`cles de dis-
tance l'un de l'autre. Paris , re? unissant dans son sein l'e? lite de
l'empire, o^te tout inte? re^t a` tout le reste.
Picard et Kotzebue ont compose? deux pie`ces tre`s-jolies, in-
titule? es toutes deux la Petite fille. Picard repre? sente les habi-
tants de la province cherchant sans cesse a` imiter Paris, et
Kotzebue les bourgeois d'une petite ville , enchante? s et fiers du
lieu qu'ils habitent, et qu'ils croient incomparable. La diffe? rence
des ridicules donne toujours l'ide? e de la diffe? rence des moeurs.
En Allemagne, chaque se? jour est un empire pour celui qui y
re? side; son imagination, ses e? tudes, ou seulement sa bonhomie
l'agrandit a` ses yeux; chacun sait y tirer de soi-me^me le meil-
leur parti possible. L'importance qu'on met a` tout pre^te a` la
plaisanterie; mais cette importance me^me donne du prix aux
petites ressources. En France , on ne s'inte? resse qu'a` Paris, et
l'on a raison, car c'est toute la France; et qui n'aurait ve? cu
qu'en province n'aurait pas la moindre ide? e de ce qui carac-
te? rise cet illustre pays.
Les hommes distingue? s de l'Allemagne , u'ctant point ras-
semble? s dans une me^me ville , ne se voient presque pns, et ne
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