e d'un capucin au milieu de la
bande tumultueuse des soldats qui croient de?
bande tumultueuse des soldats qui croient de?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
la reine une demi-heure seule.
Philippe II se re? concilie unmoment avec don Carlos, et re-
prend sur lui, par une parole de bonte? , tout l'ascendant pater-
nel. -- << Voyez, lui dit Carlos, les cieux s'abaissent pour assister
a` la re? conciliation d'un pe`re avec son fils. >> -- C'est un beau moment que celui ou` le marquis de Posa, n'es-
pe? rant plus e? chappera` la vengeance de Philippe II, prie Elisabeth de recommander a` don Carlos l'accomplissement des projets
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? J04 LES RRIGANDS
qu'ils ont forme? s ensemble pour la gloire et le bonheur de la
nation espagnole. << Rappelez-lui, dit-il, quand il sera dans
l'a^ge mu^r, rappelez-lui qu'il doit porter respect aux re^ves de
sa jeunesse. >> En effet, quand on avance dans la vie, la pru-
dence prend a` tort le pas sur toutes les autres vertus; on dirait
que tout est folie dans la chaleur de l'a^me; et cependant, si
l'homme pouvaitla conserver encore quand l'expe? rience l'e? claire,
s'il he? ritait du temps sans se courber sous son poids, il n'in-
sulterait jamais aux vertus exalte? es, dont le premier conseil est
toujours le sacrifice de soi-me^me. Le marquis de Posa, par une suite de circonstances trop em-
brouille? es, a cru servir don Carlos aupre`s de Philippe, en pa-
raissant le sacrifier a` la fureur de son pe`re. Il n'a pu re? ussir dans ses projets; le prince est conduit en prison, le marquis de
Posa va l'y trouver, lui explique les motifs de sa conduite, et,
pendant qu'il se justifie, un assassin, envoye? par Philippe II, le
fait tomber, atteint d'une balle meurtrie`re, aux pieds de son
ami. La douleur de don Carlos est admirable; il redemande le
compagnon de sa jeunesse a` son pe`re qui l'a tue? , comme si
l'assassin conservait encore le pouvoir de rendre la vie a` sa
victime. Les regards fixe? s sur ce corps immobile qu'animaient
nague`re tant de pense? es, don Carlos, condamne? lui-me^me a`
pe? rir, apprend tout ce qu'est la mort dans les traits glace? s de
son ami.
Il y a dans cette trage? die deux moines, dont les caracte`res et
le genre de vie sont en contraste : l'un, c'est Domingo, le con-
fesseur du roi; et l'autre, un pre^tre retire? dans un couvent soli-
taire, a` la porte de Madrid. Domingo n'est qu'un moine intri-
gant, perfide et courtisan, confident du duc d'Albe, dont le caracte`re disparai^t ne? cessairement a` co^te? de celui de Philippe,
car Philippe prend a` lui seul tout ce qu'il y a de beau dans le
terrible. Le moine solitaire recoit,' sans les connai^tre, don Car-
los et Posa, qui se sont donne? rendez-vous dans son couvent,
au milieu de leurs plus grandes agitations. Le calme, la re? si-
gnation du prieur qui les accueille, produisent un effet tou-
chant. << A ces murs, dit le pieux solitaire, finit le monde. >>
Mais rien dans toute la pie`ce n'e? gale l'originalite? de Pavant-
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? ET DON CARLOS. 205
dernie`re sce`ne du cinquie`me acte, entre le roi et le grand inqui-
siteur. Philippe, poursuivi par sa jalouse haine contre son pro-
pre fils, et par la terreur du crime qu'il va commettre, Philippe
envie ses pages qui dorment paisiblement au pied de son lit,
tandis que l'enfer de son propre coeur le prive de tout repos. Il
envoie chercher le grand inquisiteur, pour le consulter sur la
condamnation de don Carlos. Ce moine cardinal a quatre-vingt-dix ans; il est plus a^ge? que ne le serait Charles-Quint, dont il
a e? te? le pre? cepteur; il est aveugle, et vit dans une solitude abso-
lue; les seuls espions de l'inquisition viennent lui apporter des
nouvelles de ce qui se passe dans le monde; il s'informe seule-
ment s'il y a des crimes, des fautes ou des pense? es a` punir. A
ses yeux, Philippe II, a^ge? de soixante ans, est encore jeune. Le
plus sombre, le plus prudent des despotes, lui parai^t un souve-
rain inconside? re? , dont la tole? rance introduira la re? formation en
Europe; c'est un homme de bonne foi, mais tellement desse? che?
par le temps, qu'il apparai^t comme un spectre vivant que la
mort a oublie? de frapper, parce qu'elle le croyait depuis long-
temps dans le tombeau.
Il demande compte a` Philippe II de la mort du marquis de
Posa : il la lui reproche, parce que c'e? tait a` l'inquisition a` le
faire pe? rir; et, s'il regrette la victime, c'est parce qu'on l'a
prive? du droit de l'immoler. Philippe II l'interroge sur la con-
damnation de son fils: -- << Ferez-vous passer en moi, lui dit-
<< il, une croyance qui de? pouille de son horreur le meurtre d'un
<< fils? >> -- Le grand inquisiteur lui re? pond : -- << Pour apaiser
<< l'e? ternelle justice , le fils de Dieu mourut sur la croix. >> --
Quel mot! quelle application sanguinaire du dogme le plus
touchant!
Ce vieillard aveugle fait apparai^tre avec lui tout un sie`cle.
La terreur profonde que l'inquisition et le fanatisme me^me de
ce temps devaient faire peser sur l'Espagne, tout est peint par
cette sce`ne laconique et rapide; nulle e? loquence ne pourrait
exprimer ainsi une telle foule de pense? es mises habilement en
action.
Je sais que l'on pourrait relever beaucoup d'inconvenances
dans la pie`ce de Don Carlos ; mais je ne me suis pas charge? e de 18
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? 206 WALS. TEIN
ce travail, pour lequel il y a beaucoup de concurrents. Les lit-
te? rateurs les plus ordinaires peuvent trouver des fautes de gou^t
dans Shakespeare, Schiller, Goethe, etc. ; mais quand il ne
s'agit, dans les ouvrages de l'art, que de retrancher, cela n'est pas
difficile: c'est l'a^me et le talent qu'aucune critique ne peut
donner: c'est la` ce qu'il faut respecter partout ou` l'on le trouve,
de quelque nuage que ces rayons ce? lestes soient environne? s.
Loin de sere? jouir des erreurs du ge? nie, l'on sent qu'elles dimi-
nuent le patrimoine de la race humaine, et les titres de gloire
dont elle s'enorgueillit. L'ange tute? laire que Sterne a peint avec
tant de gra^ce, ne pourrait-il pas verser une larme sur les de? -
fauts d'un bel ouvrage , comme sur les torts d'une noble vie,
afin d'en effacer le souvenir?
Je ne m'arre^terai pas davantage sur les pie`ces de la jeunesse
de Schiller; d'abord, parce qu'elles sont traduites en franc? ais,
et secondement, parce qu'il n'y manifeste pas encore ce ge? nie
historique qui l'a fait si justement admirer dans les trage? dies
de son a^ge mu^r. Don Carlos me^me, quoique fonde? sur un fait
historique, est presque un ouvrage d'imagination. L'intrigue
en est trop complique? e; un personnage de pure invention, le
marquis de Posa, y joue un trop grand ro^le; on dirait que
cette trage? die passe entre l'histoire et la poe? sie, sans satisfaire
entie`rement ni l'une ni l'autre: il n'en est certainement pas
ainsi de celles dont je vais essayer de donner une ide? e.
CHAPITRE XVIII.
Walstein et Marie Stuart.
IVahtein est la trage? die la plus nationale qui ait e? te? repre? -
sente? e sur le the? a^tre allemand ; la beaute? des vers et la gran-
deur du sujet transporte`rent d'enthousiasme tous les specta-
teurs a` Weimar, ou` elle a d'abord e? te? donne? e, et l'Allemagne se
flatta de posse? der un nouveau Shakespeare. Lessing, en bla^-
mant le gou^t franc? ais, et en se ralliant a` Diderot dans la ma-
nie`re de concevoir l'art dramatique, avait banni la poe? sie du
the? a^tre, et l'on n'y voyait plus que des romans dialogue? s, ou`
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? ET MARIE STUAHT. 207
l'on continuait la vie telle qu'elle est d'ordinaire, en multipliant
seulement sur les planches les e? ve? nements qui arrivent plus
rarement dans la re? alite? .
Schiller imagina de mettre sur la sce`ne une circonstance re-
marquahle de la guerre de trente ans, de cette guerre civile et
religieuse qui a fixe? pour plus d'un sie`cle, en Allemagne, l'e? qui-
libre des deux partis protestant et catholique. La nation alle-
mande est tellement divise? e, qu'on ne sait jamais si les exploits
d'une moitie? de cette nation sont un malheur ou une gloire pour
l'autre; ne? anmoins , le Walstein de Schiller a fait e? prouver a`
tous un e? gal enthousiasme. Le me^me sujet est partage? en trois
pie`ces diffe? rentes ; le Camp de Walstein, qui est la premie`re
des trois, repre? sente les effets de la guerre sur la masse du peu-
ple et de l'arme? e; la seconde, les Piccolomini, montre les
causes politiques qui pre? pare`rent les dissensions entre les chefs;
et la troisie`me, la Mort de Walstein, est le re? sultat de l'en-
thousiasme et de l'envie que la re? putation de Walstein avait
excite? s.
J'ai vu jouer le prologue , intitule? le Camp de Walstein; on
se croyait au milieu d'une arme? e, et d'une arme? e de partisans,
bien plus vive et bien moins discipline? e que les troupes re? gle? es.
Les paysans, les recrues, les vivandie`res, les soldats, tout
concourait a` l'effet de ce spectacle; l'impression qu'il produit
est si guerrie`re, que lorsqu'on le donna sur le the? a^tre de Berlin,
devant des officiers qui partaient pour l'arme? e, des cris d'en-
thousiasme se firent entendre de toutes parts. Il faut une ima-
gination bien puissante dans un homme de lettres pour se figurer
ainsi la vie des camps, l'inde? pendance, la joie turbulente excite? e
par le danger me^me. L'homme, de? gage? de tous ses liens, sans
regrets et sans pre? voyance, fait des anne? es un jour, et des jours
un instant; il joue tout ce qu'il posse`de, obe? it au hasard sous
la forme de son ge? ne? ral : la mort, toujours pre? sente, le de? livre
gaiement des soucis de la vie. Rien n'est plus original, dans le
camp de Walstein , que l'arrive?
e d'un capucin au milieu de la
bande tumultueuse des soldats qui croient de? fendre la cause du
catholicisme. Le capucin leur pre^che la mode? ration et la justice
dans un langage plein de quolibets et de calembourgs, et qui
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? 208 WALSTE1N
ne diffe`re de celui des camps que par la recherche et l'usage de
quelques paroles latines : l'e? loquence bizarre et soldatesque du
pre^tre, la religion rude et grossie`re de ceux qui l'e? coutent,
tout cela pre? sente un spectacle de confusion tre`s-remarquable.
L'e? tat social en fermentation montre l'homme sous un singu-
lier aspect; ce qu'il a de sauvage reparai^t, et les restes de la ci-
vilisation errent comme un vaisseau brise? sur les vagues agite? es.
Le camp de Walstein est une inge? nieuse introduction aux
deux autres pie`ces; il pe? ne`tre d'admiration pour ce ge? ne? ral dont
les soldats parlent sans cesse, dans leurs jeux comme dans leurs
pe? rils : et quand la trage? die commence, on conservel'impres-
sion du prologue qui l'a pre? ce? de? e, comme si l'on avait e? te? te? moin
de l'histoire que la poe? sie doit embellir.
La seconde des pie`ces, intitule? e les Piccolomini, contient
les discordes qui s'e? le`vent entre l'empereur et son ge? ne? ral, en-
tre le ge? ne? ral et ses compagnons d'armes, lorsque le chef de
l'arme? e veut substituer son ambition personnelle a` l'autorite?
qu'il repre? sente, ainsi qu'a` la cause qu'il soutient. Walstein
combattait, au nom de l'Autriche, contre les nations qui vou-
laient introduire la re? formation en Allemagne; mais, se? duit
par l'espe? rance de se cre? er a` lui-me^me un pouvoir inde? pendant,
il cherche a` s'approprier tous les moyens qu'il devait faire
servir au bien public. Les ge? ne? raux qui s'opposent a` ses de? sirs
ne les contrarient point par vertu, mais par jalousie; et dans
ces cruelles luttes, tout se trouve, si ce n'est des hommes de? -
voue? s a` leur opinion, et se battant pour leur conscience. A qui
s'inte? resser? dira-t-on : au tableau dela ve? rite? . Peut-e^tre l'art
exige-t-il que ce tableau soit modifie? d'apre`s l'effet the? a^tral; mais
c'est toujours une belle choseque l'histoire sur la sce`ne.
Ne? anmoins Schiller a su cre? er des personnages faits pour
exciter un inte? re^t romanesque. Il a peint Max Piccolomini et
The? cla comme des cre? atures ce? lestes, qui traversent tous les
orages des passions politiques en conservant dans leur a^me l'a-
mour et la ve? rite? . The? cla est la fille de Walstein; Max, le fils
du perfide ami qui le trahit. Les deux amants, malgre? leurs pe`-
res , malgre? le sort, malgre? tout, excepte? leurs coeurs, s'aiment,
se cherchent et se retrouvent dans la vie et dans la mort. Ces
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? ET MARIE sil'Aiii, 209
deux e^tres apparaissent au milieu des fureurs de l'ambition,
comme des pre? destine? s; ce sont de touchantes victimes que le
ciel s'est choisies, et rien n'est beau comme le contraste du
de? vouement le plus pur avec les passions des hommes, achar-
ne? s sur cette terre comme sur leur unique partage.
Il n'y a point de de? nou^ment a` la pie`ce des Piccolomini, elle
finit comme une conversation interrompue. Les Franc? ais auraient
de la peine a` supporter ces deux prologues, l'un burlesque, et
l'autre se? rieux, qui pre? parent la ve? ritable trage? die, la mort de
Walstein.
Un e? crivain d'un grand talent a resserre? la trilogie de Schil-
ler en une trage? die selon la forme et la re? gularite? francaise. Les
e? loges et les critiques dontcet ouvrage a e? te? l'objet nous don-
neront une occasion naturelle d'achever de faire connai^tre les
diffe? rences qui caracte? risent le syste`me dramatique des Fran-
c? ais et des Allemands. On a reproche? a` l'e? crivain franc? ais de
n'avoir pas mis assez de poe? sie dans ses vers. Les sujets mytho-
logiques permettent tout l'e? clat des images et de la verve lyri-
que; mais comment pourrait-on admettre, dans un sujet tire?
de l'histoire moderne, la poe? sie du re? cit de The? rame`ne? Toute
cette pompe antique convient a` la famille de Minos ou d'Aga-
memnon ; elle ne serait qu'une affectation ridicule dans les pie`-
ces d'un autre genre. Il y a des moments, dans les trage? dies
historiques, ou` l'exaltation de l'a^me ame`ne naturellement une
poe? sie plus e? leve? e: telle est, par exemple, la vision de Wals-
teiu1, sa harangue apre`s la re? volte, son monologue avant sa
'11 est, pour les mortels, des jours myste? rieux,
Ou`, des liens du corps notre a^me de? gage? e,
Au sein de l'avenir est tout a` coup plonge? e ,
Et saisit, je ne sais par quel heureux effort,
Le droit inattendu d'interroger le sort.
La nuit qui pre? ce? da la sanglante journe? e
Qui du he? ros du Nord trancha la destine? e .
Je veillais au milieu des guerriers endormis;
Un trouble involontaire agitait mes esprits. >>
Je parcourus le camp. On voyait dans la plaine
Rriller des feux lointains la lumie? re incertaine.
Les appels de la garde et les pas des chevaux
Troublaient seuls, d'un bruit sourd, l'universel repos.
18.
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? 210 \VALSTEIIS
mort, etc. Toutefois la contexture et le de? veloppement de la
pie`ce, en allemand comme en franc? ais, exige un style simple,
dans lequel on ne sente que la purete? du langage, et rarement
sa magnificence. Nous voulons en France qu'on fasse effet,
non-seulement a` chaque sce`ne, mais a` chaque vers, et cela est
inconciliable avec la ve? rite? . Rien n'est si aise? que de composer
ce qu'on appelle des vers brillants; il y a des moules tout faits
pour cela; ce qui est difficile, c'est de subordonner chaque de? -
tail a` l'ensemble, et de retrouver chaque partie dans le tout,
comme le reflet du tout dans chaque partie. La vivacite? franc? aise
a donne? a` la marche des pie`ces de the? a^tre un mouvement ra-
pide tre`s-agre? able; mais elle nuit a` la beaute? de l'art quand elle
exige des succe`s instantane? s aux de? pens de l'impression ge? ne? rale.
A co^te? de cette impatience qui ne tole`re aucun retard, il y a
une patience singulie`re pour tout ce que la convenance exige; et
quand un ennui quelconque est dans l'e? tiquette des arts, ces
me^mes Franc? ais, qu'irritait la moindre lenteur, supportent tout
ce qu'on veut par respect pour l'usage. Par exemple, les expo-
sitions en re? cit sont indispensables dans les trage? dies franc? aises;
et certainement elles ont beaucoup moins d'inte? re^t que les expo-
sitions en action. On ditque des spectateurs italiens crie`rent une
fois, pendant le re? cit d'une bataille, qu'on leva^t la toile du
fond, pour qu'ils vissent la bataille elle-me^me. On a tre`s-sou-
vent ce de? sir dans nos trage? dies, on voudrait assister a` ce qu'on
nous raconte. L'auteur du Walstein franc? ais a e? te? oblige? de foudre
Le vent qui ge? missait a` travers les valle? es
Agitait lentement uos tentes e? branle? es.
Philippe II se re? concilie unmoment avec don Carlos, et re-
prend sur lui, par une parole de bonte? , tout l'ascendant pater-
nel. -- << Voyez, lui dit Carlos, les cieux s'abaissent pour assister
a` la re? conciliation d'un pe`re avec son fils. >> -- C'est un beau moment que celui ou` le marquis de Posa, n'es-
pe? rant plus e? chappera` la vengeance de Philippe II, prie Elisabeth de recommander a` don Carlos l'accomplissement des projets
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? J04 LES RRIGANDS
qu'ils ont forme? s ensemble pour la gloire et le bonheur de la
nation espagnole. << Rappelez-lui, dit-il, quand il sera dans
l'a^ge mu^r, rappelez-lui qu'il doit porter respect aux re^ves de
sa jeunesse. >> En effet, quand on avance dans la vie, la pru-
dence prend a` tort le pas sur toutes les autres vertus; on dirait
que tout est folie dans la chaleur de l'a^me; et cependant, si
l'homme pouvaitla conserver encore quand l'expe? rience l'e? claire,
s'il he? ritait du temps sans se courber sous son poids, il n'in-
sulterait jamais aux vertus exalte? es, dont le premier conseil est
toujours le sacrifice de soi-me^me. Le marquis de Posa, par une suite de circonstances trop em-
brouille? es, a cru servir don Carlos aupre`s de Philippe, en pa-
raissant le sacrifier a` la fureur de son pe`re. Il n'a pu re? ussir dans ses projets; le prince est conduit en prison, le marquis de
Posa va l'y trouver, lui explique les motifs de sa conduite, et,
pendant qu'il se justifie, un assassin, envoye? par Philippe II, le
fait tomber, atteint d'une balle meurtrie`re, aux pieds de son
ami. La douleur de don Carlos est admirable; il redemande le
compagnon de sa jeunesse a` son pe`re qui l'a tue? , comme si
l'assassin conservait encore le pouvoir de rendre la vie a` sa
victime. Les regards fixe? s sur ce corps immobile qu'animaient
nague`re tant de pense? es, don Carlos, condamne? lui-me^me a`
pe? rir, apprend tout ce qu'est la mort dans les traits glace? s de
son ami.
Il y a dans cette trage? die deux moines, dont les caracte`res et
le genre de vie sont en contraste : l'un, c'est Domingo, le con-
fesseur du roi; et l'autre, un pre^tre retire? dans un couvent soli-
taire, a` la porte de Madrid. Domingo n'est qu'un moine intri-
gant, perfide et courtisan, confident du duc d'Albe, dont le caracte`re disparai^t ne? cessairement a` co^te? de celui de Philippe,
car Philippe prend a` lui seul tout ce qu'il y a de beau dans le
terrible. Le moine solitaire recoit,' sans les connai^tre, don Car-
los et Posa, qui se sont donne? rendez-vous dans son couvent,
au milieu de leurs plus grandes agitations. Le calme, la re? si-
gnation du prieur qui les accueille, produisent un effet tou-
chant. << A ces murs, dit le pieux solitaire, finit le monde. >>
Mais rien dans toute la pie`ce n'e? gale l'originalite? de Pavant-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? ET DON CARLOS. 205
dernie`re sce`ne du cinquie`me acte, entre le roi et le grand inqui-
siteur. Philippe, poursuivi par sa jalouse haine contre son pro-
pre fils, et par la terreur du crime qu'il va commettre, Philippe
envie ses pages qui dorment paisiblement au pied de son lit,
tandis que l'enfer de son propre coeur le prive de tout repos. Il
envoie chercher le grand inquisiteur, pour le consulter sur la
condamnation de don Carlos. Ce moine cardinal a quatre-vingt-dix ans; il est plus a^ge? que ne le serait Charles-Quint, dont il
a e? te? le pre? cepteur; il est aveugle, et vit dans une solitude abso-
lue; les seuls espions de l'inquisition viennent lui apporter des
nouvelles de ce qui se passe dans le monde; il s'informe seule-
ment s'il y a des crimes, des fautes ou des pense? es a` punir. A
ses yeux, Philippe II, a^ge? de soixante ans, est encore jeune. Le
plus sombre, le plus prudent des despotes, lui parai^t un souve-
rain inconside? re? , dont la tole? rance introduira la re? formation en
Europe; c'est un homme de bonne foi, mais tellement desse? che?
par le temps, qu'il apparai^t comme un spectre vivant que la
mort a oublie? de frapper, parce qu'elle le croyait depuis long-
temps dans le tombeau.
Il demande compte a` Philippe II de la mort du marquis de
Posa : il la lui reproche, parce que c'e? tait a` l'inquisition a` le
faire pe? rir; et, s'il regrette la victime, c'est parce qu'on l'a
prive? du droit de l'immoler. Philippe II l'interroge sur la con-
damnation de son fils: -- << Ferez-vous passer en moi, lui dit-
<< il, une croyance qui de? pouille de son horreur le meurtre d'un
<< fils? >> -- Le grand inquisiteur lui re? pond : -- << Pour apaiser
<< l'e? ternelle justice , le fils de Dieu mourut sur la croix. >> --
Quel mot! quelle application sanguinaire du dogme le plus
touchant!
Ce vieillard aveugle fait apparai^tre avec lui tout un sie`cle.
La terreur profonde que l'inquisition et le fanatisme me^me de
ce temps devaient faire peser sur l'Espagne, tout est peint par
cette sce`ne laconique et rapide; nulle e? loquence ne pourrait
exprimer ainsi une telle foule de pense? es mises habilement en
action.
Je sais que l'on pourrait relever beaucoup d'inconvenances
dans la pie`ce de Don Carlos ; mais je ne me suis pas charge? e de 18
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 206 WALS. TEIN
ce travail, pour lequel il y a beaucoup de concurrents. Les lit-
te? rateurs les plus ordinaires peuvent trouver des fautes de gou^t
dans Shakespeare, Schiller, Goethe, etc. ; mais quand il ne
s'agit, dans les ouvrages de l'art, que de retrancher, cela n'est pas
difficile: c'est l'a^me et le talent qu'aucune critique ne peut
donner: c'est la` ce qu'il faut respecter partout ou` l'on le trouve,
de quelque nuage que ces rayons ce? lestes soient environne? s.
Loin de sere? jouir des erreurs du ge? nie, l'on sent qu'elles dimi-
nuent le patrimoine de la race humaine, et les titres de gloire
dont elle s'enorgueillit. L'ange tute? laire que Sterne a peint avec
tant de gra^ce, ne pourrait-il pas verser une larme sur les de? -
fauts d'un bel ouvrage , comme sur les torts d'une noble vie,
afin d'en effacer le souvenir?
Je ne m'arre^terai pas davantage sur les pie`ces de la jeunesse
de Schiller; d'abord, parce qu'elles sont traduites en franc? ais,
et secondement, parce qu'il n'y manifeste pas encore ce ge? nie
historique qui l'a fait si justement admirer dans les trage? dies
de son a^ge mu^r. Don Carlos me^me, quoique fonde? sur un fait
historique, est presque un ouvrage d'imagination. L'intrigue
en est trop complique? e; un personnage de pure invention, le
marquis de Posa, y joue un trop grand ro^le; on dirait que
cette trage? die passe entre l'histoire et la poe? sie, sans satisfaire
entie`rement ni l'une ni l'autre: il n'en est certainement pas
ainsi de celles dont je vais essayer de donner une ide? e.
CHAPITRE XVIII.
Walstein et Marie Stuart.
IVahtein est la trage? die la plus nationale qui ait e? te? repre? -
sente? e sur le the? a^tre allemand ; la beaute? des vers et la gran-
deur du sujet transporte`rent d'enthousiasme tous les specta-
teurs a` Weimar, ou` elle a d'abord e? te? donne? e, et l'Allemagne se
flatta de posse? der un nouveau Shakespeare. Lessing, en bla^-
mant le gou^t franc? ais, et en se ralliant a` Diderot dans la ma-
nie`re de concevoir l'art dramatique, avait banni la poe? sie du
the? a^tre, et l'on n'y voyait plus que des romans dialogue? s, ou`
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? ET MARIE STUAHT. 207
l'on continuait la vie telle qu'elle est d'ordinaire, en multipliant
seulement sur les planches les e? ve? nements qui arrivent plus
rarement dans la re? alite? .
Schiller imagina de mettre sur la sce`ne une circonstance re-
marquahle de la guerre de trente ans, de cette guerre civile et
religieuse qui a fixe? pour plus d'un sie`cle, en Allemagne, l'e? qui-
libre des deux partis protestant et catholique. La nation alle-
mande est tellement divise? e, qu'on ne sait jamais si les exploits
d'une moitie? de cette nation sont un malheur ou une gloire pour
l'autre; ne? anmoins , le Walstein de Schiller a fait e? prouver a`
tous un e? gal enthousiasme. Le me^me sujet est partage? en trois
pie`ces diffe? rentes ; le Camp de Walstein, qui est la premie`re
des trois, repre? sente les effets de la guerre sur la masse du peu-
ple et de l'arme? e; la seconde, les Piccolomini, montre les
causes politiques qui pre? pare`rent les dissensions entre les chefs;
et la troisie`me, la Mort de Walstein, est le re? sultat de l'en-
thousiasme et de l'envie que la re? putation de Walstein avait
excite? s.
J'ai vu jouer le prologue , intitule? le Camp de Walstein; on
se croyait au milieu d'une arme? e, et d'une arme? e de partisans,
bien plus vive et bien moins discipline? e que les troupes re? gle? es.
Les paysans, les recrues, les vivandie`res, les soldats, tout
concourait a` l'effet de ce spectacle; l'impression qu'il produit
est si guerrie`re, que lorsqu'on le donna sur le the? a^tre de Berlin,
devant des officiers qui partaient pour l'arme? e, des cris d'en-
thousiasme se firent entendre de toutes parts. Il faut une ima-
gination bien puissante dans un homme de lettres pour se figurer
ainsi la vie des camps, l'inde? pendance, la joie turbulente excite? e
par le danger me^me. L'homme, de? gage? de tous ses liens, sans
regrets et sans pre? voyance, fait des anne? es un jour, et des jours
un instant; il joue tout ce qu'il posse`de, obe? it au hasard sous
la forme de son ge? ne? ral : la mort, toujours pre? sente, le de? livre
gaiement des soucis de la vie. Rien n'est plus original, dans le
camp de Walstein , que l'arrive?
e d'un capucin au milieu de la
bande tumultueuse des soldats qui croient de? fendre la cause du
catholicisme. Le capucin leur pre^che la mode? ration et la justice
dans un langage plein de quolibets et de calembourgs, et qui
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? 208 WALSTE1N
ne diffe`re de celui des camps que par la recherche et l'usage de
quelques paroles latines : l'e? loquence bizarre et soldatesque du
pre^tre, la religion rude et grossie`re de ceux qui l'e? coutent,
tout cela pre? sente un spectacle de confusion tre`s-remarquable.
L'e? tat social en fermentation montre l'homme sous un singu-
lier aspect; ce qu'il a de sauvage reparai^t, et les restes de la ci-
vilisation errent comme un vaisseau brise? sur les vagues agite? es.
Le camp de Walstein est une inge? nieuse introduction aux
deux autres pie`ces; il pe? ne`tre d'admiration pour ce ge? ne? ral dont
les soldats parlent sans cesse, dans leurs jeux comme dans leurs
pe? rils : et quand la trage? die commence, on conservel'impres-
sion du prologue qui l'a pre? ce? de? e, comme si l'on avait e? te? te? moin
de l'histoire que la poe? sie doit embellir.
La seconde des pie`ces, intitule? e les Piccolomini, contient
les discordes qui s'e? le`vent entre l'empereur et son ge? ne? ral, en-
tre le ge? ne? ral et ses compagnons d'armes, lorsque le chef de
l'arme? e veut substituer son ambition personnelle a` l'autorite?
qu'il repre? sente, ainsi qu'a` la cause qu'il soutient. Walstein
combattait, au nom de l'Autriche, contre les nations qui vou-
laient introduire la re? formation en Allemagne; mais, se? duit
par l'espe? rance de se cre? er a` lui-me^me un pouvoir inde? pendant,
il cherche a` s'approprier tous les moyens qu'il devait faire
servir au bien public. Les ge? ne? raux qui s'opposent a` ses de? sirs
ne les contrarient point par vertu, mais par jalousie; et dans
ces cruelles luttes, tout se trouve, si ce n'est des hommes de? -
voue? s a` leur opinion, et se battant pour leur conscience. A qui
s'inte? resser? dira-t-on : au tableau dela ve? rite? . Peut-e^tre l'art
exige-t-il que ce tableau soit modifie? d'apre`s l'effet the? a^tral; mais
c'est toujours une belle choseque l'histoire sur la sce`ne.
Ne? anmoins Schiller a su cre? er des personnages faits pour
exciter un inte? re^t romanesque. Il a peint Max Piccolomini et
The? cla comme des cre? atures ce? lestes, qui traversent tous les
orages des passions politiques en conservant dans leur a^me l'a-
mour et la ve? rite? . The? cla est la fille de Walstein; Max, le fils
du perfide ami qui le trahit. Les deux amants, malgre? leurs pe`-
res , malgre? le sort, malgre? tout, excepte? leurs coeurs, s'aiment,
se cherchent et se retrouvent dans la vie et dans la mort. Ces
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? ET MARIE sil'Aiii, 209
deux e^tres apparaissent au milieu des fureurs de l'ambition,
comme des pre? destine? s; ce sont de touchantes victimes que le
ciel s'est choisies, et rien n'est beau comme le contraste du
de? vouement le plus pur avec les passions des hommes, achar-
ne? s sur cette terre comme sur leur unique partage.
Il n'y a point de de? nou^ment a` la pie`ce des Piccolomini, elle
finit comme une conversation interrompue. Les Franc? ais auraient
de la peine a` supporter ces deux prologues, l'un burlesque, et
l'autre se? rieux, qui pre? parent la ve? ritable trage? die, la mort de
Walstein.
Un e? crivain d'un grand talent a resserre? la trilogie de Schil-
ler en une trage? die selon la forme et la re? gularite? francaise. Les
e? loges et les critiques dontcet ouvrage a e? te? l'objet nous don-
neront une occasion naturelle d'achever de faire connai^tre les
diffe? rences qui caracte? risent le syste`me dramatique des Fran-
c? ais et des Allemands. On a reproche? a` l'e? crivain franc? ais de
n'avoir pas mis assez de poe? sie dans ses vers. Les sujets mytho-
logiques permettent tout l'e? clat des images et de la verve lyri-
que; mais comment pourrait-on admettre, dans un sujet tire?
de l'histoire moderne, la poe? sie du re? cit de The? rame`ne? Toute
cette pompe antique convient a` la famille de Minos ou d'Aga-
memnon ; elle ne serait qu'une affectation ridicule dans les pie`-
ces d'un autre genre. Il y a des moments, dans les trage? dies
historiques, ou` l'exaltation de l'a^me ame`ne naturellement une
poe? sie plus e? leve? e: telle est, par exemple, la vision de Wals-
teiu1, sa harangue apre`s la re? volte, son monologue avant sa
'11 est, pour les mortels, des jours myste? rieux,
Ou`, des liens du corps notre a^me de? gage? e,
Au sein de l'avenir est tout a` coup plonge? e ,
Et saisit, je ne sais par quel heureux effort,
Le droit inattendu d'interroger le sort.
La nuit qui pre? ce? da la sanglante journe? e
Qui du he? ros du Nord trancha la destine? e .
Je veillais au milieu des guerriers endormis;
Un trouble involontaire agitait mes esprits. >>
Je parcourus le camp. On voyait dans la plaine
Rriller des feux lointains la lumie? re incertaine.
Les appels de la garde et les pas des chevaux
Troublaient seuls, d'un bruit sourd, l'universel repos.
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? 210 \VALSTEIIS
mort, etc. Toutefois la contexture et le de? veloppement de la
pie`ce, en allemand comme en franc? ais, exige un style simple,
dans lequel on ne sente que la purete? du langage, et rarement
sa magnificence. Nous voulons en France qu'on fasse effet,
non-seulement a` chaque sce`ne, mais a` chaque vers, et cela est
inconciliable avec la ve? rite? . Rien n'est si aise? que de composer
ce qu'on appelle des vers brillants; il y a des moules tout faits
pour cela; ce qui est difficile, c'est de subordonner chaque de? -
tail a` l'ensemble, et de retrouver chaque partie dans le tout,
comme le reflet du tout dans chaque partie. La vivacite? franc? aise
a donne? a` la marche des pie`ces de the? a^tre un mouvement ra-
pide tre`s-agre? able; mais elle nuit a` la beaute? de l'art quand elle
exige des succe`s instantane? s aux de? pens de l'impression ge? ne? rale.
A co^te? de cette impatience qui ne tole`re aucun retard, il y a
une patience singulie`re pour tout ce que la convenance exige; et
quand un ennui quelconque est dans l'e? tiquette des arts, ces
me^mes Franc? ais, qu'irritait la moindre lenteur, supportent tout
ce qu'on veut par respect pour l'usage. Par exemple, les expo-
sitions en re? cit sont indispensables dans les trage? dies franc? aises;
et certainement elles ont beaucoup moins d'inte? re^t que les expo-
sitions en action. On ditque des spectateurs italiens crie`rent une
fois, pendant le re? cit d'une bataille, qu'on leva^t la toile du
fond, pour qu'ils vissent la bataille elle-me^me. On a tre`s-sou-
vent ce de? sir dans nos trage? dies, on voudrait assister a` ce qu'on
nous raconte. L'auteur du Walstein franc? ais a e? te? oblige? de foudre
Le vent qui ge? missait a` travers les valle? es
Agitait lentement uos tentes e? branle? es.
