sie, parce que les
pratiques
du culte y ont moins
d'e?
d'e?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
s jusqu'a` pre?
sent tre`s-
e? trangers a` ce qui se passait a` cet e? gard dans le Nord. Les opi-
nions litte? raires semblent la cause du petit nombre de change-
ments de religion qui ont eu lieu, et l'ancienne et vieille E? glise
ne s'en est gue`re occupe? e.
Le comte Fre? de? ric Stolberg, homme tre`s-respectable par son
caracte`re et par ses talents, ce? le`bre, de`s sa jeunesse, cnmmu
ta
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 531 DU CATHOLICISME.
poe`te, comme admirateur passionne? de l'antiquite? , et comme
traducteur d'Home`re, adonne? le premier, en Allemagne, le si-
gnal de ces conversions nouvelles, qui ont eu depuis des imita-
teurs. Les plus illustres amis du comte Stolberg, Klopstock,
Voss et Jacobi, se sont e? loigne? s de lui pour cette abjuration, qui
semble de? savouer les malheurs et les combats que les re? forme? s
ont soutenus pendant trois sie`cles; cependant M. de Stolberg
vient de publier une histoire de la religion de Je? sus-Christ,
faite pour me? riter l'approbation de toutes les communions chre? -
tiennes. C'est la premie`re fois qu'on a vu les opinions catholiques
de? fendues de cette manie`re; et si le comte de Stolberg n'avait
pas e? te? e? leve? dans le protestantisme, peut-e^tre n'aurait-il pas eu
l'inde? pendance d'esprit qui lui sert a` faire impression sur les
hommes e? claire? s.
On trouve dans ce livre une connaissance parfaite des Saintes
E? critures , et des recherches tre`s-inte? ressantes sur les diffe? ren-
fe`s religions de l'Asie, en rapport avec le christianisme. Les
Allemands du Nord, lors me^me qu'ils se soumettent aux dogmes
les plus positifs, savent toujours leur donner l'empreinte de leur
philosophie. *
Le comte de Stolberg attribue a` l'ancien Testament, dans son
ouvrage, une beaucoup plus grande part que lese? crivains pro-
testants ne lui en accordent d'ordinaire. Il conside`re le sacrifice
comme la base de toute religion, et la mortd'Abel comme le
premier type de ce sacrifice, qui fonde le christianisme. De quel-
que' manie`re qu'on juge cette opinion, elle donne beaucoup a`
penser. La plupart des religions anciennes ont institue? des sa-
crifices humains ; mais dans cette barbarie il y avait quelque chose
de remarquable : c'est le besoin d'une expiation solennelle. Rien
ne peut effacer de l'a^me, en effet, la conviction qu'il y a quel-
que chose de tre`s-myste? rieux dans le sang de l'innocent, et que
la terre et le ciel s'en e? meuvent. Les hommes ont toujours cru
que des justes pouvaient obtenir, dans cette vie ou dans l'autre,
le pardon des criminels. Il y a dans le genre humain des ide? es
primitives qui paraissent plus ou moins de? figure? es dans tous les
temps et chez tous les peuples. Ce sont ces ide? es sur lesquelles
on ne saurait se lasser de me? diter; car elles renferment sure-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DU CATHOLICISME. 535
meut quelques traces des titres perdus de la race humaine.
La persuasion que les prie`res et le de? vouement du juste peu-
vent sauver les coupables, est sans doute tire? e des sentiments
que nous e? prouvons dans les rapports de la vie; mais rien n'o-
blige, en fait de croyance religieuse, a` rejeter ces inductions:
que savons-nous de plusque nos sentiments, et pourquoi pre? ten-
drait-on qu'ils ne doivent point s'appliquer aux ve? rite? s de la foi?
Que peut-il y avoir dans l'homme que lui-me^me, et pourquoi,
sous pre? texte d'anthropomorphisme, l'empe^cher de former, d'a-
pre`s son a^me, une image de la Divinite? ? Nul autre messager ne
saurait, je pense, lui en donner des nouvelles.
Le comte de Stolberg s'attache a` de? montrer que la tradition de
la chute de l'homme a existe? chez tous les peuples de la terre,
et particulie`rement en Orient, et que tous les hommes ont eu
dans le coeur le souvenir d'un bonheur dont ils avaient e? te? prive? s.
En effet, il y a dans l'esprit humain deux tendances aussi dis-
tinctes que la gravitation et l'impulsion dans le monde physique;
c'est l'ide? e d'une de? cadence et celle d'un perfectionnement. On
dirait que nous e? prouvons tout a` la fois le regret de quelques
beaux dons qui nous e? taient accorde? s gratuitement, et l'espe? rance
de quelques biens que nous pouvons acque? rir par nos efforts; de
manie`re que la doctrine de la perfectibilite? et celle de l'a^ge d'or,
re? unies et confondues, excitent tout a` la fois dans l'homme le
chagrin d'avoir perdu et l'e? mulation de recouvrer. Le sentiment
est me? lancolique, et l'esprit audacieux : l'un regarde en arrie`re,
l'autre en avant; de cette re^verie et de cet e? lan nai^t la ve? ritable
supe? riorite? de l'homme, le me? lange de contemplation et d'acti-
vite? , de re? signation et de volonte? , qui lui permet de rattacher au
ciel sa vie dans ce monde.
Stolberg n'appelle chre? tiens que ceux qui rec? oivent, avec la
simplicite? des enfants, les paroles de l'E? criture sainte; mais il
porte dans l'interpre? tation de ces paroles un esprit de philoso-
phie qui o^te aux opinions catholiques ce qu'elles ont de dogmati-
que et d'intole? rant. En quoi diffe`rent-ils donc entre eux, ces
hommes religieux dont l'Allemagne s'honore; et pourquoi les
noms de catholique ou de protestant les se? pareraient-ils? Pour-
quoi seraient-ils infide`les aux tombeaux de leurs ai? eux, pour quit-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? J36 DU CATHOLICISME.
ter ces noms ou pour les reprendre? Klopstock n'a-t-il pas consa-
cre? sa vie entie`re a` faire d'un beau poeme le temple de l'E? van-
gile? Herder n'est-il pas, comme Stolberg, adorateur dela Bible?
ne pe? ne`tre-t-il pas dans toutes les beaute? s de la langue primitive,
et des sentiments d'origine ce? leste qu'elle exprime? Jacobi ne
reconnai^t-il pas la Divinite? dans toutes les grandes pense? es de
l'homme? Aucun de ces hommes recommanderait-il la religion
uniquement comme un frein pour le peuple, comme un moyen
de su^rete? publique, comme un garant de plus dans les contrats
de ce monde? Ne savent-ils pas tous que les esprits supe? rieurs
ont encore plus besoin de pie? te? que les hommes du peuple? car
le travail maintenu par l'autorite? sociale peut occuper et guider
la classe laborieuse dans tous les instants de sa vie, tandis que
les hommes oisifs sont sans cesse en proie aux passions et
aux sophismes qui agitent l'existence, et remettent tout en
question.
On a pre? tendu que c'e? tait une sorte de frivolite? , dans les e? cri-
vains allemands, de pre? senter comme l'un des me? rites de la
religion chre? tienne, l'influence favorable qu'elle exerce sur les
arts, l'imagination et la poe? sie; et le me^me reproche a e? te? fait a`
cet e? gard au bel ouvrage de M. de Cha^teaubriant, sur le Ge? nie
du Christianisme. Les esprits vraiment frivoles, ce sont ceux
qui prennent des vues courtes pour des vues profondes, et se
persuadent qu'on peut proce? der avec la nature humaine par voie
d'exclusion, et supprimer la plupart des de? sirs et des besoins de
l'a^me. C'est une des grandes preuves de la divinite? de la religion
chre? tienne, que son analogie parfaite avec toutes nos faculte? s
morales; seulement il ne me parai^t pas qu'on puisse conside? rer
la poe? sie du christianisme sous le me^me aspect que la poe? sie du
paganisme.
Comme tout e? tait exte? rieur dans le culte pai? en, la pompe des
images y est prodigue? e; le sanctuaire du christianisme e? tant
au fond du coeur, la poe? sie qu'il inspire doit toujours nai^tre
de l'attendrissement. Ce n'est pas la splendeur du ciel chre? -
tien qu'on peut opposer a` l'Olympe, mais la douleur et l'in-
nocence, la vieillesse et la mort, qui prennent un caracte`re
d'e? le? vation et de repos, y l'abri de ces espe? rances religieuses
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DU CATHOLICISME. 537
dont les ailes s'e? tendent sur les mise`res de la vie. Il n'est donc
pas vrai, ce me semble, que la religion protestante soit de? -
pourvue de poe?
sie, parce que les pratiques du culte y ont moins
d'e? clat que dans la religion catholique. Des ce? re? monies plus
ou moins bien exe? cute? es, selon la richesse des villes et la ma-
gnificence des e? difices, ne sauraient e^tre la cause principale de
l'impression que produit le service divin; ce sont ses rapports
avec nos sentiments inte? rieurs qui nous e? meuvent, rapports qui
peuvent exister dans la simplicite? comme dans la pompe.
J'e? tais, il y a quelque temps, dans une e? glise de campagne
de? pouille? e de tout ornement; aucun tableau n'en de? corait les
blanches murailles, elle e? tait nouvellement ba^tie, et nul sou-
venir d'un long passe? ne la rendait ve? ne? rable: la musique me^me,
que les saints les plus auste`res ont place? e dans le ciel comme la
jouissance des bienheureux, se faisait a` peine entendre, etles
psaumes e? taient chante? s par des voix sans harmonie, que les
travaux de la terre et le poids des anne? es rendaient rauques et
confuses; mais au milieu de cette re? union rustique, ou` man-
quaient toutes les splendeurs humaines, on voyait un homme
pieux dont le coeur e? tait profonde? ment e? mu par la mission qu'il
remplissait >>. Ses regards, sa physionomie, pouvaient servir de
mode`le a` quelques-uns des tableaux dont les autres temples
sont pare? s; ses accents re? pondaient au concert des anges. 11 y
avait la` devant nous une cre? ature mortelle, convaincue de notre
immortalite? , de celle de nos amis que nous avons perdus, de
celle de nos enfants, qui nous survivront de si peu dans la
carrie`re du temps! et la persuasion intime d'une a^me pure sem-
blait une re? ve? lation nouvelle.
Il descendit de sa chaire pour donner la communion aux fide`-
les qui vivent a` l'abri de son exemple. Son fils e? tait comme lui,
ministre de l'e? glise, et sous des traits plus jeunes, il avait, ainsi
que son pe`re, une expression pieuse et recueillie. Alors, selon
l'usage, le pe`re et le fils se donne`rent mutuellement le pain et la
coupe, qui servent chez les protestants de comme? moration au
plus touchant des myste`res; le fils ne voyait dans son pe`re
qu'un pasteur plus avance? que lui dans l'e? tat religieux qu'il 1 M. Cc? le? ii? er, pasteur ile Satigny, pre? s de Cene? ve.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 438 DE LA MYSTICITE.
voulait suivre; le pe`re respectait dans son fils la sainte vocation
qu'il avait embrasse? e. Tous deux s'adresse`rent, en communiant
ensemble, les passagesde l'E? vangile faits pour resserrer d'un
me^me lien les e? trangers comme les amis; et, renfermant dans
leurs coeur tous les deux leurs sentiments les plus intimes, ils
semblaient oublier leurs relations personnelles en pre? sence de
la Divinite? , pour qui les pe`res et les fils sont tous e? galement des
serviteurs du tombeau et des enfants de l'espe? rance.
Quelle poe? sie, quelle e? motion, source de toute poe? sie, pouvait
manquer au service divin dans un tel moment! Les hommes dont les affections sont de? sinte? resse? es, et les
pense? es religieuses; les hommes qui vivent dans le sanctuaire
de leur conscience, et savent y concentrer, comme dans un mi-
roir ardent, tous les rayons de l'univers; ces hommes, dis-je,
sont les pre^tres du culte de l'a^me, et rien ne doit jamais les
de? sunir. Un abi^me se? pare ceux qui se conduisent par le calcul,
et ceux qui sont guide? s par le sentiment; toutes les autres diffe? -
rences d'opinion ne sont rien, celle-la` seule est radicale. Il se
peut qu'un jour un cri d'union s'e? le`ve, et que l'universalite? des
chre? tiens aspire a` professer la me^me religion the? ologique, poli-
tique et morale; mais avant que ce miracle soit accompli, tous
les hommes qui ont un coeur et qui lui obe? issent, doivent se
respecter mutuellement.
CHAPITRE V.
De la disposition religieuse appele? e mysticite? .
La disposition religieuse appele? e mysticite? n'est qu'une ma-
nie`re plus intime de sentir et de concevoir le christianisme.
Comme dans le mot de mysticite? est renferme? celui de myste`re,
on a cru que les mystiques professaient des dogmes extraordi-
naires, et faisaient une secte a` part. Il n'y a de myste`res chez
eux que ceux du sentiment applique? s a` la religion, et le senti-
ment est a` la fois ce qu'il y a de plus clair, de plus simple et de
plus inexplicable : il faut distinguer cependant les Ihe? osophes,
e'est-a` dire, ceux qui s'occupent de la the? ologie philosophique,
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? DE LA MYSTICITE. 539
tels que Jacob Boehme, Saint-Martin, etc. , des simples iviysti-
tiques; les premiers veulent pe? ne? trer le secret de la cre? ation ,
les seconds s'en tiennent a` leur propre coeur. Plusieurs Pe`res de
l'E? glise , Thomas A-Kempis , Fe? nelon, saint Franc? ois de Sa-
les , etc. , et chez les protestants un grand nombre d'e? crivains
anglais et allemands ont e? te? des mystiques, c'est-a`-dire des
hommes qui faisaient de la religion un amour, et la me^laient a`
toutes leurs pense? es comme a` toutes leurs actions. Le sentiment religieux qui est la base de toute la doctrine des
mystiques, consiste dans une paix inte? rieure pleine de vie. Les
agitations des passions ne laissent point de calme : la tranquil-
lite? de la se? cheresse et dela me? diocrite? d'esprit tue la vie de
l'a^me; ce n'est que dans le sentiment religieux qu'on trouve une
re? union parfaite du mouvement et du repos. Cette disposition
n'est continuelle, je crois, dans aucun homme, quelque pieux
qu'il puisse e^tre; mais le souvenir et l'espe? rance de ces saintes
e? motions de? cident de la conduite de ceux qui les ont e? prou-
ve? es.
Si l'on conside`re les peines et les plaisirs de la vie comme
l'effet du hasard ou du bien joue? , alors le de? sespoir et la joie
doivent e^tre, pour ainsi dire, des mouvements convulsifs. Car
quel hasard que celui qui dispose de notre existence! quel or-
gueil ou quel regret ne doit-on pas e? prouver, quand il s'agit
d'une de? marche qui a pu influer sur tout notre sort? A quels
tourments d'incertitude ne devrait-on pas e^tre livre? , si notre
raison disposait seule de notre destine? e dans ce monde? Mais si
l'on croit, au contraire, qu'il n'y a que deux choses importan-
tes pour le bonheur, la purete? de l'intention, et la re? signation
a` l'e? ve? nement, quel qu'il soit, lorsqu'il ne de? pend plus de nous,
sans doute beaucoup de circonstances nous feront encore cruel-
lement souffrir, mais aucune ne rompra nos liens avec le ciel.
Lutter contre l'impossible est ce qui engendre en nous les sen-
timents les plus amers; et la cole`re de Satan n'est autre chose
que la liberte? aux prises avec la ne? cessite? , et ne pouvant ni la
dompter, ni s'y soumettre.
L'opinion dominante parmi les chre? tiens mystiques, c'est
que le seul hommage qui puisse plaire a` Dieu, c'est celui de la
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 540 DE LA MYSTICITE.
volonte? , dont il a fait don a` l'homme; quelle offrande plus de? -
sinte? resse? e pouvons-nous, en effet, pre? sentera` la Divinite? ? Le
culte, l'encens, les hymnes ont presque toujours pour but d'ob-
tenir les prospe? rite? s de la terre, et c'est ainsi que la flatterie de
ce monde entoure les monarques; mais se re? signer a` la volonte?
de Dieu, ne vouloir rien que ce qu'il veut, c'est l'acte religieux
le plus pur dont l'a^me humaine soit capable. Trois sommations
sont faites a` l'homme pour obtenir de lui cette re? signation, la
jeunesse, l'a^ge mu^r, et la vieillesse : heureux ceux qui se sou-
mettent a` la premie`re!
C'est l'orgueil, en toutes choses, qui met le venin dans la
blessure: l'a^me re? volte? e accuse le ciel, l'homme religieux
laisse la douleur agir sur lui selon l'intention de celui qui
l'envoie; il se sert de tous les moyens qui sont en sa puissance
pour l'e? viter ou pour la soulager : mais quand l'e? ve? nement est
irre? vocable, les caracte`res sacre? s de la volonte? supre^me y sont
empreints.
Quel malheur accidentel peut e^tre compare? a` la vieillesse et
a` la mort ? Et cependant presque tous les hommes s'y re? signent,
parce qu'il n'y a point d'armes contre elles: d'ou` vient donc
que chacun se re? volte contre les malheurs particuliers, tandis
que tous se plient sous le malheur universel ? C'est qu'on traite
lesort comme un gouvernement, a` qui l'on permet de faire
souffrir tout le monde, pourvu qu'il n'accorde de privile? ges a`
personne. Les malheurs que nous avons en commun avec nos
semblables, sont aussi durs, et nous causent autant de souffrance que nos malheurs particuliers; et cependant ils n'excitent pres-
que jamais en nous la me^me re?
e? trangers a` ce qui se passait a` cet e? gard dans le Nord. Les opi-
nions litte? raires semblent la cause du petit nombre de change-
ments de religion qui ont eu lieu, et l'ancienne et vieille E? glise
ne s'en est gue`re occupe? e.
Le comte Fre? de? ric Stolberg, homme tre`s-respectable par son
caracte`re et par ses talents, ce? le`bre, de`s sa jeunesse, cnmmu
ta
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 531 DU CATHOLICISME.
poe`te, comme admirateur passionne? de l'antiquite? , et comme
traducteur d'Home`re, adonne? le premier, en Allemagne, le si-
gnal de ces conversions nouvelles, qui ont eu depuis des imita-
teurs. Les plus illustres amis du comte Stolberg, Klopstock,
Voss et Jacobi, se sont e? loigne? s de lui pour cette abjuration, qui
semble de? savouer les malheurs et les combats que les re? forme? s
ont soutenus pendant trois sie`cles; cependant M. de Stolberg
vient de publier une histoire de la religion de Je? sus-Christ,
faite pour me? riter l'approbation de toutes les communions chre? -
tiennes. C'est la premie`re fois qu'on a vu les opinions catholiques
de? fendues de cette manie`re; et si le comte de Stolberg n'avait
pas e? te? e? leve? dans le protestantisme, peut-e^tre n'aurait-il pas eu
l'inde? pendance d'esprit qui lui sert a` faire impression sur les
hommes e? claire? s.
On trouve dans ce livre une connaissance parfaite des Saintes
E? critures , et des recherches tre`s-inte? ressantes sur les diffe? ren-
fe`s religions de l'Asie, en rapport avec le christianisme. Les
Allemands du Nord, lors me^me qu'ils se soumettent aux dogmes
les plus positifs, savent toujours leur donner l'empreinte de leur
philosophie. *
Le comte de Stolberg attribue a` l'ancien Testament, dans son
ouvrage, une beaucoup plus grande part que lese? crivains pro-
testants ne lui en accordent d'ordinaire. Il conside`re le sacrifice
comme la base de toute religion, et la mortd'Abel comme le
premier type de ce sacrifice, qui fonde le christianisme. De quel-
que' manie`re qu'on juge cette opinion, elle donne beaucoup a`
penser. La plupart des religions anciennes ont institue? des sa-
crifices humains ; mais dans cette barbarie il y avait quelque chose
de remarquable : c'est le besoin d'une expiation solennelle. Rien
ne peut effacer de l'a^me, en effet, la conviction qu'il y a quel-
que chose de tre`s-myste? rieux dans le sang de l'innocent, et que
la terre et le ciel s'en e? meuvent. Les hommes ont toujours cru
que des justes pouvaient obtenir, dans cette vie ou dans l'autre,
le pardon des criminels. Il y a dans le genre humain des ide? es
primitives qui paraissent plus ou moins de? figure? es dans tous les
temps et chez tous les peuples. Ce sont ces ide? es sur lesquelles
on ne saurait se lasser de me? diter; car elles renferment sure-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DU CATHOLICISME. 535
meut quelques traces des titres perdus de la race humaine.
La persuasion que les prie`res et le de? vouement du juste peu-
vent sauver les coupables, est sans doute tire? e des sentiments
que nous e? prouvons dans les rapports de la vie; mais rien n'o-
blige, en fait de croyance religieuse, a` rejeter ces inductions:
que savons-nous de plusque nos sentiments, et pourquoi pre? ten-
drait-on qu'ils ne doivent point s'appliquer aux ve? rite? s de la foi?
Que peut-il y avoir dans l'homme que lui-me^me, et pourquoi,
sous pre? texte d'anthropomorphisme, l'empe^cher de former, d'a-
pre`s son a^me, une image de la Divinite? ? Nul autre messager ne
saurait, je pense, lui en donner des nouvelles.
Le comte de Stolberg s'attache a` de? montrer que la tradition de
la chute de l'homme a existe? chez tous les peuples de la terre,
et particulie`rement en Orient, et que tous les hommes ont eu
dans le coeur le souvenir d'un bonheur dont ils avaient e? te? prive? s.
En effet, il y a dans l'esprit humain deux tendances aussi dis-
tinctes que la gravitation et l'impulsion dans le monde physique;
c'est l'ide? e d'une de? cadence et celle d'un perfectionnement. On
dirait que nous e? prouvons tout a` la fois le regret de quelques
beaux dons qui nous e? taient accorde? s gratuitement, et l'espe? rance
de quelques biens que nous pouvons acque? rir par nos efforts; de
manie`re que la doctrine de la perfectibilite? et celle de l'a^ge d'or,
re? unies et confondues, excitent tout a` la fois dans l'homme le
chagrin d'avoir perdu et l'e? mulation de recouvrer. Le sentiment
est me? lancolique, et l'esprit audacieux : l'un regarde en arrie`re,
l'autre en avant; de cette re^verie et de cet e? lan nai^t la ve? ritable
supe? riorite? de l'homme, le me? lange de contemplation et d'acti-
vite? , de re? signation et de volonte? , qui lui permet de rattacher au
ciel sa vie dans ce monde.
Stolberg n'appelle chre? tiens que ceux qui rec? oivent, avec la
simplicite? des enfants, les paroles de l'E? criture sainte; mais il
porte dans l'interpre? tation de ces paroles un esprit de philoso-
phie qui o^te aux opinions catholiques ce qu'elles ont de dogmati-
que et d'intole? rant. En quoi diffe`rent-ils donc entre eux, ces
hommes religieux dont l'Allemagne s'honore; et pourquoi les
noms de catholique ou de protestant les se? pareraient-ils? Pour-
quoi seraient-ils infide`les aux tombeaux de leurs ai? eux, pour quit-
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? J36 DU CATHOLICISME.
ter ces noms ou pour les reprendre? Klopstock n'a-t-il pas consa-
cre? sa vie entie`re a` faire d'un beau poeme le temple de l'E? van-
gile? Herder n'est-il pas, comme Stolberg, adorateur dela Bible?
ne pe? ne`tre-t-il pas dans toutes les beaute? s de la langue primitive,
et des sentiments d'origine ce? leste qu'elle exprime? Jacobi ne
reconnai^t-il pas la Divinite? dans toutes les grandes pense? es de
l'homme? Aucun de ces hommes recommanderait-il la religion
uniquement comme un frein pour le peuple, comme un moyen
de su^rete? publique, comme un garant de plus dans les contrats
de ce monde? Ne savent-ils pas tous que les esprits supe? rieurs
ont encore plus besoin de pie? te? que les hommes du peuple? car
le travail maintenu par l'autorite? sociale peut occuper et guider
la classe laborieuse dans tous les instants de sa vie, tandis que
les hommes oisifs sont sans cesse en proie aux passions et
aux sophismes qui agitent l'existence, et remettent tout en
question.
On a pre? tendu que c'e? tait une sorte de frivolite? , dans les e? cri-
vains allemands, de pre? senter comme l'un des me? rites de la
religion chre? tienne, l'influence favorable qu'elle exerce sur les
arts, l'imagination et la poe? sie; et le me^me reproche a e? te? fait a`
cet e? gard au bel ouvrage de M. de Cha^teaubriant, sur le Ge? nie
du Christianisme. Les esprits vraiment frivoles, ce sont ceux
qui prennent des vues courtes pour des vues profondes, et se
persuadent qu'on peut proce? der avec la nature humaine par voie
d'exclusion, et supprimer la plupart des de? sirs et des besoins de
l'a^me. C'est une des grandes preuves de la divinite? de la religion
chre? tienne, que son analogie parfaite avec toutes nos faculte? s
morales; seulement il ne me parai^t pas qu'on puisse conside? rer
la poe? sie du christianisme sous le me^me aspect que la poe? sie du
paganisme.
Comme tout e? tait exte? rieur dans le culte pai? en, la pompe des
images y est prodigue? e; le sanctuaire du christianisme e? tant
au fond du coeur, la poe? sie qu'il inspire doit toujours nai^tre
de l'attendrissement. Ce n'est pas la splendeur du ciel chre? -
tien qu'on peut opposer a` l'Olympe, mais la douleur et l'in-
nocence, la vieillesse et la mort, qui prennent un caracte`re
d'e? le? vation et de repos, y l'abri de ces espe? rances religieuses
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? DU CATHOLICISME. 537
dont les ailes s'e? tendent sur les mise`res de la vie. Il n'est donc
pas vrai, ce me semble, que la religion protestante soit de? -
pourvue de poe?
sie, parce que les pratiques du culte y ont moins
d'e? clat que dans la religion catholique. Des ce? re? monies plus
ou moins bien exe? cute? es, selon la richesse des villes et la ma-
gnificence des e? difices, ne sauraient e^tre la cause principale de
l'impression que produit le service divin; ce sont ses rapports
avec nos sentiments inte? rieurs qui nous e? meuvent, rapports qui
peuvent exister dans la simplicite? comme dans la pompe.
J'e? tais, il y a quelque temps, dans une e? glise de campagne
de? pouille? e de tout ornement; aucun tableau n'en de? corait les
blanches murailles, elle e? tait nouvellement ba^tie, et nul sou-
venir d'un long passe? ne la rendait ve? ne? rable: la musique me^me,
que les saints les plus auste`res ont place? e dans le ciel comme la
jouissance des bienheureux, se faisait a` peine entendre, etles
psaumes e? taient chante? s par des voix sans harmonie, que les
travaux de la terre et le poids des anne? es rendaient rauques et
confuses; mais au milieu de cette re? union rustique, ou` man-
quaient toutes les splendeurs humaines, on voyait un homme
pieux dont le coeur e? tait profonde? ment e? mu par la mission qu'il
remplissait >>. Ses regards, sa physionomie, pouvaient servir de
mode`le a` quelques-uns des tableaux dont les autres temples
sont pare? s; ses accents re? pondaient au concert des anges. 11 y
avait la` devant nous une cre? ature mortelle, convaincue de notre
immortalite? , de celle de nos amis que nous avons perdus, de
celle de nos enfants, qui nous survivront de si peu dans la
carrie`re du temps! et la persuasion intime d'une a^me pure sem-
blait une re? ve? lation nouvelle.
Il descendit de sa chaire pour donner la communion aux fide`-
les qui vivent a` l'abri de son exemple. Son fils e? tait comme lui,
ministre de l'e? glise, et sous des traits plus jeunes, il avait, ainsi
que son pe`re, une expression pieuse et recueillie. Alors, selon
l'usage, le pe`re et le fils se donne`rent mutuellement le pain et la
coupe, qui servent chez les protestants de comme? moration au
plus touchant des myste`res; le fils ne voyait dans son pe`re
qu'un pasteur plus avance? que lui dans l'e? tat religieux qu'il 1 M. Cc? le? ii? er, pasteur ile Satigny, pre? s de Cene? ve.
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? 438 DE LA MYSTICITE.
voulait suivre; le pe`re respectait dans son fils la sainte vocation
qu'il avait embrasse? e. Tous deux s'adresse`rent, en communiant
ensemble, les passagesde l'E? vangile faits pour resserrer d'un
me^me lien les e? trangers comme les amis; et, renfermant dans
leurs coeur tous les deux leurs sentiments les plus intimes, ils
semblaient oublier leurs relations personnelles en pre? sence de
la Divinite? , pour qui les pe`res et les fils sont tous e? galement des
serviteurs du tombeau et des enfants de l'espe? rance.
Quelle poe? sie, quelle e? motion, source de toute poe? sie, pouvait
manquer au service divin dans un tel moment! Les hommes dont les affections sont de? sinte? resse? es, et les
pense? es religieuses; les hommes qui vivent dans le sanctuaire
de leur conscience, et savent y concentrer, comme dans un mi-
roir ardent, tous les rayons de l'univers; ces hommes, dis-je,
sont les pre^tres du culte de l'a^me, et rien ne doit jamais les
de? sunir. Un abi^me se? pare ceux qui se conduisent par le calcul,
et ceux qui sont guide? s par le sentiment; toutes les autres diffe? -
rences d'opinion ne sont rien, celle-la` seule est radicale. Il se
peut qu'un jour un cri d'union s'e? le`ve, et que l'universalite? des
chre? tiens aspire a` professer la me^me religion the? ologique, poli-
tique et morale; mais avant que ce miracle soit accompli, tous
les hommes qui ont un coeur et qui lui obe? issent, doivent se
respecter mutuellement.
CHAPITRE V.
De la disposition religieuse appele? e mysticite? .
La disposition religieuse appele? e mysticite? n'est qu'une ma-
nie`re plus intime de sentir et de concevoir le christianisme.
Comme dans le mot de mysticite? est renferme? celui de myste`re,
on a cru que les mystiques professaient des dogmes extraordi-
naires, et faisaient une secte a` part. Il n'y a de myste`res chez
eux que ceux du sentiment applique? s a` la religion, et le senti-
ment est a` la fois ce qu'il y a de plus clair, de plus simple et de
plus inexplicable : il faut distinguer cependant les Ihe? osophes,
e'est-a` dire, ceux qui s'occupent de la the? ologie philosophique,
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? DE LA MYSTICITE. 539
tels que Jacob Boehme, Saint-Martin, etc. , des simples iviysti-
tiques; les premiers veulent pe? ne? trer le secret de la cre? ation ,
les seconds s'en tiennent a` leur propre coeur. Plusieurs Pe`res de
l'E? glise , Thomas A-Kempis , Fe? nelon, saint Franc? ois de Sa-
les , etc. , et chez les protestants un grand nombre d'e? crivains
anglais et allemands ont e? te? des mystiques, c'est-a`-dire des
hommes qui faisaient de la religion un amour, et la me^laient a`
toutes leurs pense? es comme a` toutes leurs actions. Le sentiment religieux qui est la base de toute la doctrine des
mystiques, consiste dans une paix inte? rieure pleine de vie. Les
agitations des passions ne laissent point de calme : la tranquil-
lite? de la se? cheresse et dela me? diocrite? d'esprit tue la vie de
l'a^me; ce n'est que dans le sentiment religieux qu'on trouve une
re? union parfaite du mouvement et du repos. Cette disposition
n'est continuelle, je crois, dans aucun homme, quelque pieux
qu'il puisse e^tre; mais le souvenir et l'espe? rance de ces saintes
e? motions de? cident de la conduite de ceux qui les ont e? prou-
ve? es.
Si l'on conside`re les peines et les plaisirs de la vie comme
l'effet du hasard ou du bien joue? , alors le de? sespoir et la joie
doivent e^tre, pour ainsi dire, des mouvements convulsifs. Car
quel hasard que celui qui dispose de notre existence! quel or-
gueil ou quel regret ne doit-on pas e? prouver, quand il s'agit
d'une de? marche qui a pu influer sur tout notre sort? A quels
tourments d'incertitude ne devrait-on pas e^tre livre? , si notre
raison disposait seule de notre destine? e dans ce monde? Mais si
l'on croit, au contraire, qu'il n'y a que deux choses importan-
tes pour le bonheur, la purete? de l'intention, et la re? signation
a` l'e? ve? nement, quel qu'il soit, lorsqu'il ne de? pend plus de nous,
sans doute beaucoup de circonstances nous feront encore cruel-
lement souffrir, mais aucune ne rompra nos liens avec le ciel.
Lutter contre l'impossible est ce qui engendre en nous les sen-
timents les plus amers; et la cole`re de Satan n'est autre chose
que la liberte? aux prises avec la ne? cessite? , et ne pouvant ni la
dompter, ni s'y soumettre.
L'opinion dominante parmi les chre? tiens mystiques, c'est
que le seul hommage qui puisse plaire a` Dieu, c'est celui de la
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? 540 DE LA MYSTICITE.
volonte? , dont il a fait don a` l'homme; quelle offrande plus de? -
sinte? resse? e pouvons-nous, en effet, pre? sentera` la Divinite? ? Le
culte, l'encens, les hymnes ont presque toujours pour but d'ob-
tenir les prospe? rite? s de la terre, et c'est ainsi que la flatterie de
ce monde entoure les monarques; mais se re? signer a` la volonte?
de Dieu, ne vouloir rien que ce qu'il veut, c'est l'acte religieux
le plus pur dont l'a^me humaine soit capable. Trois sommations
sont faites a` l'homme pour obtenir de lui cette re? signation, la
jeunesse, l'a^ge mu^r, et la vieillesse : heureux ceux qui se sou-
mettent a` la premie`re!
C'est l'orgueil, en toutes choses, qui met le venin dans la
blessure: l'a^me re? volte? e accuse le ciel, l'homme religieux
laisse la douleur agir sur lui selon l'intention de celui qui
l'envoie; il se sert de tous les moyens qui sont en sa puissance
pour l'e? viter ou pour la soulager : mais quand l'e? ve? nement est
irre? vocable, les caracte`res sacre? s de la volonte? supre^me y sont
empreints.
Quel malheur accidentel peut e^tre compare? a` la vieillesse et
a` la mort ? Et cependant presque tous les hommes s'y re? signent,
parce qu'il n'y a point d'armes contre elles: d'ou` vient donc
que chacun se re? volte contre les malheurs particuliers, tandis
que tous se plient sous le malheur universel ? C'est qu'on traite
lesort comme un gouvernement, a` qui l'on permet de faire
souffrir tout le monde, pourvu qu'il n'accorde de privile? ges a`
personne. Les malheurs que nous avons en commun avec nos
semblables, sont aussi durs, et nous causent autant de souffrance que nos malheurs particuliers; et cependant ils n'excitent pres-
que jamais en nous la me^me re?
