Qu'auriez-vous
préféré
à cette image?
Baudelaire - Les Epaves
Mais _venin_ signifiant
spleen ou mélancolie, était une idée trop simple pour des
criminalistes.
Que leur interprétation syphilitique leur reste sur la conscience.
(_Note de l'éditeur. _)
VI
LES BIJOUX
La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!
--Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!
VII
LES METAMORPHOSES DU VAMPIRE
La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:
--«Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles!
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi! »
Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus!
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.
GALANTERIES
VIII
LE JET D'EAU
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante!
Reste longtemps, sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Où t'a surprise le plaisir.
Dans la cour le jet d'eau qui jase
Et ne se tait ni nuit ni jour,
Entretient doucement l'extase
Où ce soir m'a plongé l'amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Ainsi ton âme qu'incendie
L'éclair brûlant des voluptés
S'élance, rapide et hardie,
Vers les vastes cieux enchantés.
Puis, elle s'épanche, mourante,
En un flot de triste langueur,
Qui par une invisible pente
Descend jusqu'au fond de mon coeur.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
O toi, que la nuit rend si belle,
Qu'il m'est doux, penché vers tes seins,
D'écouter la plainte éternelle
Qui sanglote dans les bassins!
Lune, eau sonore, nuit bénie,
Arbres qui frissonnez autour,
Votre pure mélancolie
Est le miroir de mon amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
IX
LES YEUX DE BERTHE
Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s'enfuit
Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit!
Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres!
Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
Où, derrière l'amas des ombres léthargiques,
Scintillent vaguement des trésors ignorés!
Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi!
Leurs feux sont ces pensers d'Amour, mêlés de Foi,
Qui pétillent au fond, voluptueux ou chastes.
X
HYMNE
A la très-chère, à la très-belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!
Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.
Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,
Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité!
A la très-bonne, à la très-belle,
Qui fait ma joie et ma santé,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!
XI
LES PROMESSES D'UN VISAGE
J'aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D'où semblent couler des ténèbres,
Tes yeux, quoique très-noirs, m'inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d'accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l'espoir qu'en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu'aux fesses;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d'un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t'égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure! »
XII
LE MONSTRE
OU
LE PARANYMPHE D'UNE NYMPHE MACABRE
I
Tu n'es certes pas, ma très-chère,
Ce que Veuillot nomme un tendron.
Le jeu, l'amour, la bonne chère,
Bouillonnent en toi, vieux chaudron!
Tu n'es plus fraîche, ma très-chère,
Ma vieille infante! Et cependant
Tes caravanes insensées
T'ont donné ce lustre abondant
Des choses qui sont très-usées,
Mais qui séduisent cependant.
Je ne trouve pas monotone
La verdeur de tes quarante ans;
Je préfère tes fruits, Automne,
Aux fleurs banales du Printemps!
Non, tu n'es jamais monotone!
Ta carcasse a des agréments
Et des grâces particulières;
Je trouve d'étranges piments
Dans le creux de tes deux salières
Ta carcasse a des agréments!
Nargue des amants ridicules
Du melon et du giraumont!
Je préfère tes clavicules
A celles du roi Salomon[4],
Et je plains ces gens ridicules!
[4] Voilà un calembour _salé_! Nous ne _cabalerons_ pas contre.
(_Note de l'éditeur. _)
Tes cheveux, comme un casque bleu,
Ombragent ton front de guerrière,
Qui ne pense et rougit que peu,
Et puis se sauvent par derrière
Comme les crins d'un casque bleu.
Tes yeux qui semblent de la boue,
Où scintille quelque fanal,
Ravivés au fard de ta joue,
Lancent un éclair infernal!
Tes yeux sont noirs comme la boue!
Par sa luxure et son dédain
Ta lèvre amère nous provoque;
Cette lèvre, c'est un Eden
Qui nous attire et qui nous choque.
Quelle luxure! et quel dédain!
Ta jambe musculeuse et sèche
Sait gravir au haut des volcans,
Et malgré la neige et la dèche
Danser les plus fougueux cancans[5].
Ta jambe est musculeuse et sèche;
[5] Sans doute une allusion à quelque particularité des _caravanes_ de
cette dame.
M. Prévost-Paradol l'eût avertie qu'elle dansait le cancan sur un
volcan.
(_Note de l'éditeur. _)
Ta peau brûlante et sans douceur,
Comme celle des vieux gendarmes,
Ne connaît pas plus la sueur
Que ton oeil ne connaît les larmes,
(Et pourtant elle a sa douceur! )
II
Sotte, tu t'en vas droit au Diable!
Volontiers j'irais avec toi,
Si cette vitesse effroyable
Ne me causait pas quelque émoi.
Va-t'en donc, toute seule, au Diable!
Mon rein, mon poumon, mon jarret
Ne me laissent plus rendre hommage
A ce Seigneur, comme il faudrait.
«Hélas! c'est vraiment bien dommage! »
Disent mon rein et mon jarret.
Oh! très-sincèrement je souffre
De ne pas aller aux sabbats,
Pour voir, quand il pète du soufre,
Comment tu lui baises son cas! [6]
Oh! très-sincèrement je souffre!
[6] A la _Messe noire_. Comme ces poëtes sont superstitieux!
(_Note de l'éditeur. _)
Je suis diablement affligé
De ne pas être ta torchère,
Et de te demander congé,
Flambeau d'enfer! Juge, ma chère,
Combien je dois être affligé,
Puisque depuis longtemps je t'aime,
Etant très-logique! En effet,
Voulant du Mal chercher la crème
Et n'aimer qu'un monstre parfait,
Vraiment oui! vieux monstre, je t'aime!
XIII
FRANCISCÆ MEÆ LAUDES
VERS COMPOSES POUR UNE MODISTE ERUDITE ET DEVOTE[7]
[7] Le sous-titre de cette pièce, supprimé dans la seconde édition des
_Fleurs du Mal_, se trouve dans la première avec la drôle de note
suivante:
«Ne semble-t-il pas au lecteur, comme à moi, que la langue de la
dernière décadence latine,--suprême soupir d'une personne robuste,
déjà transformée et préparée pour la vie spirituelle,--est
singulièrement propre à exprimer la passion, telle que l'a comprise
et sentie le monde poëtique moderne? La mysticité est l'autre pôle
de cet aimant, dont Catulle et sa bande, poëtes brutaux et purement
épidermiques, n'ont connu que le pôle sensualité. Dans cette
merveilleuse langue, le solécisme et le barbarisme me paraissent
rendre les négligences forcées d'une passion qui s'oublie et se
moque des règles. Les mots, pris dans une acception nouvelle,
révèlent la maladresse charmante du barbare du Nord, agenouillé
devant la beauté romaine. Le calembour lui-même, quand il traverse
ces pédantesques bégaiements, ne joue-t-il pas la grâce sauvage et
baroque de l'enfance? »--C. B.
Novis te cantabo chordis,
O novelletum quod ludis
In solitudine cordis.
Esto sertis implicata,
O femina delicata,
Per quam solvuntur peccata!
Sicut beneficum Lethe,
Hauriam oscula de te,
Quæ imbuta es magnete.
Quum vitiorum tempestas
Turbabat omnes semitas,
Apparuisti, Deitas,
Velut stella salutaris
In naufragiis amaris.
--Suspendam cor tuis aris!
Piscina plena virtutis,
Fons æternæ juventutis,
Labris vocem redde mutis!
Quod erat spurcum, cremasti;
Quod rudius, exæquasti;
Quod debile, confirmasti!
In fame mea taberna,
In nocte mea lucerna,
Recte me semper guberna.
Adde nunc vires viribus,
Dulce balneum suavibus
Unguentatum odoribus!
Meos circa lumbos mica,
O castitatis lorica,
Aqua tincta seraphica;
Patera gemmis corusca,
Panis salsus, mollis esca,
Divinum vinum, Francisca!
EPIGRAPHES
XIV
VERS POUR LE PORTRAIT DE M. HONORE DAUMIER[8]
[8] Ces stances ont été faites pour un portrait de M. Daumier, gravé
d'après le remarquable médaillon de M. Pascal, et reproduit dans le
second volume de l'_Histoire de la caricature_, de M. Champfleury,
où cet écrivain a rendu justice au caricaturiste avec la raison
passionnée qui lui est habituelle.
(_Note de l'éditeur. _)
Celui dont nous t'offrons l'image,
Et dont l'art, subtil entre tous,
Nous enseigne à rire de nous,
Celui-là, lecteur, est un sage.
C'est un satirique, un moqueur;
Mais l'énergie avec laquelle
Il peint le Mal et sa séquelle,
Prouve la beauté de son coeur.
Son rire n'est pas la grimace
De Melmoth ou de Méphisto
Sous la torche de l'Alecto
Qui les brûle, mais qui nous glace.
Leur rire, hélas! de la gaîté
N'est que la douloureuse charge;
Le sien rayonne, franc et large,
Comme un signe de sa bonté!
XV
LOLA DE VALENCE[9]
[9] Ces vers ont été composés pour servir d'inscription à un
merveilleux portrait de mademoiselle Lola, ballerine espagnole, par
M. Edouard Manet, qui, comme tous les tableaux du même peintre, a
fait esclandre. --La muse de M. Charles Baudelaire est si
généralement suspecte, qu'il s'est trouvé des critiques d'estaminet
pour dénicher un sens obscène dans le _bijou rose et noir_. Nous
croyons, nous, que le poëte a voulu simplement dire qu'une beauté,
d'un caractère à la fois ténébreux et folâtre, faisait rêver à
l'association du _rose_ et du _noir_.
(_Note de l'éditeur. _)
Entre tant de beautés que partout on peut voir,
Je comprends bien, amis, que le désir balance;
Mais on voit scintiller en Lola de Valence
Le charme inattendu d'un bijou rose et noir.
XVI
SUR _LE TASSE EN PRISON_ D'EUGENE DELACROIX
Le poëte au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d'un regard que la terreur enflamme
L'escalier de vertige où s'abîme son âme.
Les rires enivrants dont s'emplit la prison
Vers l'étrange et l'absurde invitent sa raison;
Le Doute l'environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.
Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l'essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,
Ce rêveur que l'horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblême, Ame aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs!
1842.
PIECES DIVERSES
XVII
LA VOIX
Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait: «La Terre est un gâteau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme! )
Te faire un appétit d'une égale grosseur. »
Et l'autre: «Viens! oh! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu! »
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te répondis: «Oui! douce voix! » C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer;
Que je prends très-souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit: «Garde tes songes:
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous! »
XVIII
L'IMPREVU[10]
[10] Ici l'auteur des _Fleurs du Mal_ se tourne vers la Vie Eternelle.
Ça devait finir comme ça.
Observons que, comme tous les nouveaux convertis, il se montre
très-rigoureux et très-fanatique.
(_Note de l'éditeur. _)
Harpagon, qui veillait son père agonisant,
Se dit, rêveur, devant ces lèvres déjà blanches:
«Nous avons au grenier un nombre suffisant,
Ce me semble, de vieilles planches? »
Célimène roucoule et dit: «Mon coeur est bon,
Et naturellement, Dieu m'a faite très-belle. »
--Son coeur! coeur racorni, fumé comme un jambon,
Recuit à la flamme éternelle!
Un gazetier fumeux, qui se croit un flambeau,
Dit au pauvre, qu'il a noyé dans les ténèbres:
«Où donc l'aperçois-tu, ce créateur du Beau,
Ce Redresseur que tu célèbres? »
Mieux que tous, je connais certain voluptueux
Qui bâille nuit et jour, et se lamente et pleure,
Répétant, l'impuissant et le fat: «Oui, je veux
Etre vertueux, dans une heure! »
L'Horloge, à son tour, dit à voix basse: «Il est mûr,
Le damné! J'avertis en vain la chair infecte.
L'homme est aveugle, sourd, fragile comme un mur
Qu'habite et que ronge un insecte! »
Et puis, Quelqu'un paraît, que tous avaient nié,
Et qui leur dit, railleur et fier: «Dans mon ciboire,
Vous avez, que je crois, assez communié,
A la joyeuse Messe noire?
Chacun de vous m'a fait un temple dans son coeur;
Vous avez, en secret, baisé ma fesse immonde! [11]
Reconnaissez Satan à son rire vainqueur,
Enorme et laid comme le monde!
[11] Voir à propos de la _messe_ et de la _fesse_, la _Sorcière_, de
Michelet, la _Monographie du Diable_, de Charles Louandre, le
_Rituel de la haute Magie_, d'Eliphas Lévi, et, en général, tous les
auteurs traitant de la sorcellerie, de la démonologie et du rit
diabolique.
(_Note de l'éditeur. _)
Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris,
Qu'on se moque du maître, et qu'avec lui l'on triche,
Et qu'il soit naturel de recevoir deux prix,
D'aller au Ciel et d'être riche?
Il faut que le gibier paye le vieux chasseur
Qui se morfond longtemps à l'affût de la proie.
Je vais vous emporter à travers l'épaisseur,
Compagnons de ma triste joie
A travers l'épaisseur de la terre et du roc,
A travers les amas confus de votre cendre,
Dans un palais aussi grand que moi, d'un seul bloc
Et qui n'est pas de pierre tendre;
Car il est fait avec l'universel Péché,
Et contient mon orgueil, ma douleur et ma gloire! »
--Cependant, tout en haut de l'univers juché,
Un Ange sonne la victoire
De ceux dont le coeur dit: «Que béni soit ton fouet,
Seigneur! que la douleur, ô Père, soit bénie!
Mon âme dans tes mains n'est pas un vain jouet,
Et ta prudence est infinie. »
Le son de la trompette est si délicieux,
Dans ces soirs solennels de célestes vendanges,
Qu'il s'infiltre comme une extase dans tous ceux
Dont elle chante les louanges.
XIX
LA RANÇON
L'homme a, pour payer sa rançon,
Deux champs au tuf profond et riche,
Qu'il faut qu'il remue et défriche
Avec le fer de la raison;
Pour obtenir la moindre rose,
Pour extorquer quelques épis,
Des pleurs salés de son front gris
Sans cesse il faut qu'il les arrose.
L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.
--Pour rendre le juge propice,
Lorsque de la stricte justice
Paraîtra le terrible jour,
Il faudra lui montrer des granges
Pleines de moissons, et des fleurs
Dont les formes et les couleurs
Gagnent le suffrage des Anges.
XX
A UNE MALABARAISE
Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle blanche;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus,
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.
Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars!
1840.
BOUFFONNERIES
XXI
SUR LES DEBUTS D'AMINA BOSCHETTI AU THEATRE DE LA MONNAIE, A BRUXELLES
Amina bondit,--fuit,--puis voltige et sourit;
Le Welche dit: «Tout ça, pour moi, c'est du prâcrit;
Je ne connais, en fait de nymphes bocagères,
Que celle de _Montagne-aux-Herbes-Potagères_. »
Du bout de son pied fin et de son oeil qui rit,
Amina verse à flots le délire et l'esprit;
Le Welche dit: «Fuyez, délices mensongères!
Mon épouse n'a pas ces allures légères. »
Vous ignorez, sylphide au jarret triomphant,
Qui voulez enseigner la valse à l'éléphant,
Au hibou la gaîté, le rire à la cigogne,
Que sur la grâce en feu le Welche dit: «Haro! »
Et que le doux Bacchus lui versant du bourgogne,
Le monstre répondrait: «J'aime mieux le faro! »
1864.
XXII
A M. EUGENE FROMENTIN A PROPOS D'UN IMPORTUN QUI SE DISAIT SON AMI
Il me dit qu'il était très-riche,
Mais qu'il craignait le choléra;
--Que de son or il était chiche,
Mais qu'il goûtait fort l'Opéra;
--Qu'il raffolait de la nature,
Ayant connu monsieur Corot;
--Qu'il n'avait pas encor voiture,
Mais que cela viendrait bientôt;
--Qu'il aimait le marbre et la brique,
Les bois noirs et les bois dorés;
--Qu'il possédait dans sa fabrique
Trois contre-maîtres décorés;
--Qu'il avait, sans compter le reste,
Vingt mille actions sur le _Nord_;
--Qu'il avait trouvé, pour un zeste,
Des encadrements d'Oppenord;
--Qu'il donnerait (fût-ce à Luzarches! )
Dans le bric-à-brac jusqu'au cou,
Et qu'au Marché des Patriarches
Il avait fait plus d'un bon coup;
--Qu'il n'aimait pas beaucoup sa femme,
Ni sa mère;--mais qu'il croyait
A l'immortalité de l'âme,
Et qu'il avait lu Niboyet! [12]
[12] Nous ne savons pas ce que vient faire ici M. Niboyet; mais M.
Baudelaire n'étant pas un esclave de la rime, nous devons supposer
que l'_importun_ s'est vanté d'avoir lu les oeuvres de M. Niboyet,
comme ayant tous les courages.
(_Note de l'éditeur. _)
--Qu'il penchait pour l'amour physique,
Et qu'à Rome, séjour d'ennui,
Une femme, d'ailleurs phtisique,
Etait morte d'amour pour lui.
Pendant trois heures et demie,
Ce bavard, venu de Tournai,
M'a dégoisé toute sa vie;
J'en ai le cerveau consterné.
S'il fallait décrire ma peine,
Ce serait à n'en plus finir;
Je me disais, domptant ma haine:
«Au moins, si je pouvais dormir! »
Comme un qui n'est pas à son aise,
Et qui n'ose pas s'en aller,
Je frottais de mon cul ma chaise,
Rêvant de le faire empaler.
Ce monstre se nomme Bastogne;
Il fuyait devant le fléau.
Moi, je fuirai jusqu'en Gascogne,
Ou j'irai me jeter à l'eau,
Si dans ce Paris, qu'il redoute,
Quand chacun sera retourné,
Je trouve encore sur ma route
Ce fléau, natif de Tournai.
Bruxelles, 1865.
XXIII
UN CABARET FOLATRE SUR LA ROUTE DE BRUXELLES A UCCLE
Vous qui raffolez des squelettes
Et des emblêmes détestés,
Pour épicer les voluptés,
(Fût-ce de simples omelettes! )
Vieux Pharaon, ô Monselet! [13]
Devant cette enseigne imprévue,
J'ai rêvé de vous: _A la vue
Du Cimetière, Estaminet! _
[13] La malice est cousue de fil blanc; tout le monde sait que M.
Monselet fait profession d'aimer à la rage le rose et le gai. --Un
jour M. Monselet reprochait à M. Baudelaire d'avoir écrit ce vers
abominable, à propos d'un pendu dont les oiseaux ont crevé le
ventre:
Ses intestins pesants lui coulaient sur les cuisses.
«Mais, dit le poëte impatienté, je ne pouvais pas faire autrement.
Le sujet voulait cela.
Qu'auriez-vous préféré à cette image? --Une
rose! » répondit M. Monselet.
Cependant il ne faudrait pas croire que l'indispensable mélancolie
ne perce pas de temps en temps sous ce vernis anacréontique. Nous
avons vu récemment une petite composition de lui, où, se reprochant
d'avoir rebuté une pauvresse, le poëte se met à sa recherche, et ne
se couche que tout triste de ne l'avoir pu retrouver. Cette pièce
est d'un homme vraiment sensible, même à jeun.
Regrettons que M. Monselet ne cède pas plus souvent à son
tempérament lyrique, qu'une gaîté, tant soit peu artificielle, a
trop souvent contrarié.
(_Note de l'éditeur. _)
TABLE
Avertissement de l'éditeur
LES EPAVES
I--Le Coucher du soleil romantique.
PIECES CONDAMNEES, TIREES DES _FLEURS DU MAL_.
II--Lesbos.
III--Femmes damnées. --Delphine et Hippolyte.
IV--Le Léthé.
V--A celle qui est trop gaie.
VI--Les Bijoux.
VII--Les métamorphoses du Vampire.
GALANTERIES.
VIII--Le Jet d'eau.
IX--Les Yeux de Berthe.
X--Hymne.
XI--Promesses d'un visage.
XII--Le Monstre.
XIII--Franciscæ meæ laudes.
EPIGRAPHES.
XIV--Vers pour le portrait de M. Honoré Daumier.
XV--Lola de Valence.
XVI--Sur _le Tasse en prison_, d'Eugène Delacroix.
PIECES DIVERSES.
XVII--La Voix.
XVIII--L'imprévu.
XIX--La Rançon.
XX--A une Malabaraise.
BOUFFONNERIES.
XXI--Sur les débuts de mademoiselle Amina Boscheti.
XXII--A propos d'un importun.
XXIII--Un Cabaret folâtre.
FIN DE LA TABLE.
spleen ou mélancolie, était une idée trop simple pour des
criminalistes.
Que leur interprétation syphilitique leur reste sur la conscience.
(_Note de l'éditeur. _)
VI
LES BIJOUX
La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!
--Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!
VII
LES METAMORPHOSES DU VAMPIRE
La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:
--«Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles!
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi! »
Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus!
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.
GALANTERIES
VIII
LE JET D'EAU
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante!
Reste longtemps, sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Où t'a surprise le plaisir.
Dans la cour le jet d'eau qui jase
Et ne se tait ni nuit ni jour,
Entretient doucement l'extase
Où ce soir m'a plongé l'amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Ainsi ton âme qu'incendie
L'éclair brûlant des voluptés
S'élance, rapide et hardie,
Vers les vastes cieux enchantés.
Puis, elle s'épanche, mourante,
En un flot de triste langueur,
Qui par une invisible pente
Descend jusqu'au fond de mon coeur.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
O toi, que la nuit rend si belle,
Qu'il m'est doux, penché vers tes seins,
D'écouter la plainte éternelle
Qui sanglote dans les bassins!
Lune, eau sonore, nuit bénie,
Arbres qui frissonnez autour,
Votre pure mélancolie
Est le miroir de mon amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
IX
LES YEUX DE BERTHE
Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s'enfuit
Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit!
Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres!
Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
Où, derrière l'amas des ombres léthargiques,
Scintillent vaguement des trésors ignorés!
Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi!
Leurs feux sont ces pensers d'Amour, mêlés de Foi,
Qui pétillent au fond, voluptueux ou chastes.
X
HYMNE
A la très-chère, à la très-belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!
Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.
Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,
Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité!
A la très-bonne, à la très-belle,
Qui fait ma joie et ma santé,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!
XI
LES PROMESSES D'UN VISAGE
J'aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D'où semblent couler des ténèbres,
Tes yeux, quoique très-noirs, m'inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d'accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l'espoir qu'en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu'aux fesses;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d'un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t'égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure! »
XII
LE MONSTRE
OU
LE PARANYMPHE D'UNE NYMPHE MACABRE
I
Tu n'es certes pas, ma très-chère,
Ce que Veuillot nomme un tendron.
Le jeu, l'amour, la bonne chère,
Bouillonnent en toi, vieux chaudron!
Tu n'es plus fraîche, ma très-chère,
Ma vieille infante! Et cependant
Tes caravanes insensées
T'ont donné ce lustre abondant
Des choses qui sont très-usées,
Mais qui séduisent cependant.
Je ne trouve pas monotone
La verdeur de tes quarante ans;
Je préfère tes fruits, Automne,
Aux fleurs banales du Printemps!
Non, tu n'es jamais monotone!
Ta carcasse a des agréments
Et des grâces particulières;
Je trouve d'étranges piments
Dans le creux de tes deux salières
Ta carcasse a des agréments!
Nargue des amants ridicules
Du melon et du giraumont!
Je préfère tes clavicules
A celles du roi Salomon[4],
Et je plains ces gens ridicules!
[4] Voilà un calembour _salé_! Nous ne _cabalerons_ pas contre.
(_Note de l'éditeur. _)
Tes cheveux, comme un casque bleu,
Ombragent ton front de guerrière,
Qui ne pense et rougit que peu,
Et puis se sauvent par derrière
Comme les crins d'un casque bleu.
Tes yeux qui semblent de la boue,
Où scintille quelque fanal,
Ravivés au fard de ta joue,
Lancent un éclair infernal!
Tes yeux sont noirs comme la boue!
Par sa luxure et son dédain
Ta lèvre amère nous provoque;
Cette lèvre, c'est un Eden
Qui nous attire et qui nous choque.
Quelle luxure! et quel dédain!
Ta jambe musculeuse et sèche
Sait gravir au haut des volcans,
Et malgré la neige et la dèche
Danser les plus fougueux cancans[5].
Ta jambe est musculeuse et sèche;
[5] Sans doute une allusion à quelque particularité des _caravanes_ de
cette dame.
M. Prévost-Paradol l'eût avertie qu'elle dansait le cancan sur un
volcan.
(_Note de l'éditeur. _)
Ta peau brûlante et sans douceur,
Comme celle des vieux gendarmes,
Ne connaît pas plus la sueur
Que ton oeil ne connaît les larmes,
(Et pourtant elle a sa douceur! )
II
Sotte, tu t'en vas droit au Diable!
Volontiers j'irais avec toi,
Si cette vitesse effroyable
Ne me causait pas quelque émoi.
Va-t'en donc, toute seule, au Diable!
Mon rein, mon poumon, mon jarret
Ne me laissent plus rendre hommage
A ce Seigneur, comme il faudrait.
«Hélas! c'est vraiment bien dommage! »
Disent mon rein et mon jarret.
Oh! très-sincèrement je souffre
De ne pas aller aux sabbats,
Pour voir, quand il pète du soufre,
Comment tu lui baises son cas! [6]
Oh! très-sincèrement je souffre!
[6] A la _Messe noire_. Comme ces poëtes sont superstitieux!
(_Note de l'éditeur. _)
Je suis diablement affligé
De ne pas être ta torchère,
Et de te demander congé,
Flambeau d'enfer! Juge, ma chère,
Combien je dois être affligé,
Puisque depuis longtemps je t'aime,
Etant très-logique! En effet,
Voulant du Mal chercher la crème
Et n'aimer qu'un monstre parfait,
Vraiment oui! vieux monstre, je t'aime!
XIII
FRANCISCÆ MEÆ LAUDES
VERS COMPOSES POUR UNE MODISTE ERUDITE ET DEVOTE[7]
[7] Le sous-titre de cette pièce, supprimé dans la seconde édition des
_Fleurs du Mal_, se trouve dans la première avec la drôle de note
suivante:
«Ne semble-t-il pas au lecteur, comme à moi, que la langue de la
dernière décadence latine,--suprême soupir d'une personne robuste,
déjà transformée et préparée pour la vie spirituelle,--est
singulièrement propre à exprimer la passion, telle que l'a comprise
et sentie le monde poëtique moderne? La mysticité est l'autre pôle
de cet aimant, dont Catulle et sa bande, poëtes brutaux et purement
épidermiques, n'ont connu que le pôle sensualité. Dans cette
merveilleuse langue, le solécisme et le barbarisme me paraissent
rendre les négligences forcées d'une passion qui s'oublie et se
moque des règles. Les mots, pris dans une acception nouvelle,
révèlent la maladresse charmante du barbare du Nord, agenouillé
devant la beauté romaine. Le calembour lui-même, quand il traverse
ces pédantesques bégaiements, ne joue-t-il pas la grâce sauvage et
baroque de l'enfance? »--C. B.
Novis te cantabo chordis,
O novelletum quod ludis
In solitudine cordis.
Esto sertis implicata,
O femina delicata,
Per quam solvuntur peccata!
Sicut beneficum Lethe,
Hauriam oscula de te,
Quæ imbuta es magnete.
Quum vitiorum tempestas
Turbabat omnes semitas,
Apparuisti, Deitas,
Velut stella salutaris
In naufragiis amaris.
--Suspendam cor tuis aris!
Piscina plena virtutis,
Fons æternæ juventutis,
Labris vocem redde mutis!
Quod erat spurcum, cremasti;
Quod rudius, exæquasti;
Quod debile, confirmasti!
In fame mea taberna,
In nocte mea lucerna,
Recte me semper guberna.
Adde nunc vires viribus,
Dulce balneum suavibus
Unguentatum odoribus!
Meos circa lumbos mica,
O castitatis lorica,
Aqua tincta seraphica;
Patera gemmis corusca,
Panis salsus, mollis esca,
Divinum vinum, Francisca!
EPIGRAPHES
XIV
VERS POUR LE PORTRAIT DE M. HONORE DAUMIER[8]
[8] Ces stances ont été faites pour un portrait de M. Daumier, gravé
d'après le remarquable médaillon de M. Pascal, et reproduit dans le
second volume de l'_Histoire de la caricature_, de M. Champfleury,
où cet écrivain a rendu justice au caricaturiste avec la raison
passionnée qui lui est habituelle.
(_Note de l'éditeur. _)
Celui dont nous t'offrons l'image,
Et dont l'art, subtil entre tous,
Nous enseigne à rire de nous,
Celui-là, lecteur, est un sage.
C'est un satirique, un moqueur;
Mais l'énergie avec laquelle
Il peint le Mal et sa séquelle,
Prouve la beauté de son coeur.
Son rire n'est pas la grimace
De Melmoth ou de Méphisto
Sous la torche de l'Alecto
Qui les brûle, mais qui nous glace.
Leur rire, hélas! de la gaîté
N'est que la douloureuse charge;
Le sien rayonne, franc et large,
Comme un signe de sa bonté!
XV
LOLA DE VALENCE[9]
[9] Ces vers ont été composés pour servir d'inscription à un
merveilleux portrait de mademoiselle Lola, ballerine espagnole, par
M. Edouard Manet, qui, comme tous les tableaux du même peintre, a
fait esclandre. --La muse de M. Charles Baudelaire est si
généralement suspecte, qu'il s'est trouvé des critiques d'estaminet
pour dénicher un sens obscène dans le _bijou rose et noir_. Nous
croyons, nous, que le poëte a voulu simplement dire qu'une beauté,
d'un caractère à la fois ténébreux et folâtre, faisait rêver à
l'association du _rose_ et du _noir_.
(_Note de l'éditeur. _)
Entre tant de beautés que partout on peut voir,
Je comprends bien, amis, que le désir balance;
Mais on voit scintiller en Lola de Valence
Le charme inattendu d'un bijou rose et noir.
XVI
SUR _LE TASSE EN PRISON_ D'EUGENE DELACROIX
Le poëte au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d'un regard que la terreur enflamme
L'escalier de vertige où s'abîme son âme.
Les rires enivrants dont s'emplit la prison
Vers l'étrange et l'absurde invitent sa raison;
Le Doute l'environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.
Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l'essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,
Ce rêveur que l'horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblême, Ame aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs!
1842.
PIECES DIVERSES
XVII
LA VOIX
Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait: «La Terre est un gâteau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme! )
Te faire un appétit d'une égale grosseur. »
Et l'autre: «Viens! oh! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu! »
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te répondis: «Oui! douce voix! » C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer;
Que je prends très-souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit: «Garde tes songes:
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous! »
XVIII
L'IMPREVU[10]
[10] Ici l'auteur des _Fleurs du Mal_ se tourne vers la Vie Eternelle.
Ça devait finir comme ça.
Observons que, comme tous les nouveaux convertis, il se montre
très-rigoureux et très-fanatique.
(_Note de l'éditeur. _)
Harpagon, qui veillait son père agonisant,
Se dit, rêveur, devant ces lèvres déjà blanches:
«Nous avons au grenier un nombre suffisant,
Ce me semble, de vieilles planches? »
Célimène roucoule et dit: «Mon coeur est bon,
Et naturellement, Dieu m'a faite très-belle. »
--Son coeur! coeur racorni, fumé comme un jambon,
Recuit à la flamme éternelle!
Un gazetier fumeux, qui se croit un flambeau,
Dit au pauvre, qu'il a noyé dans les ténèbres:
«Où donc l'aperçois-tu, ce créateur du Beau,
Ce Redresseur que tu célèbres? »
Mieux que tous, je connais certain voluptueux
Qui bâille nuit et jour, et se lamente et pleure,
Répétant, l'impuissant et le fat: «Oui, je veux
Etre vertueux, dans une heure! »
L'Horloge, à son tour, dit à voix basse: «Il est mûr,
Le damné! J'avertis en vain la chair infecte.
L'homme est aveugle, sourd, fragile comme un mur
Qu'habite et que ronge un insecte! »
Et puis, Quelqu'un paraît, que tous avaient nié,
Et qui leur dit, railleur et fier: «Dans mon ciboire,
Vous avez, que je crois, assez communié,
A la joyeuse Messe noire?
Chacun de vous m'a fait un temple dans son coeur;
Vous avez, en secret, baisé ma fesse immonde! [11]
Reconnaissez Satan à son rire vainqueur,
Enorme et laid comme le monde!
[11] Voir à propos de la _messe_ et de la _fesse_, la _Sorcière_, de
Michelet, la _Monographie du Diable_, de Charles Louandre, le
_Rituel de la haute Magie_, d'Eliphas Lévi, et, en général, tous les
auteurs traitant de la sorcellerie, de la démonologie et du rit
diabolique.
(_Note de l'éditeur. _)
Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris,
Qu'on se moque du maître, et qu'avec lui l'on triche,
Et qu'il soit naturel de recevoir deux prix,
D'aller au Ciel et d'être riche?
Il faut que le gibier paye le vieux chasseur
Qui se morfond longtemps à l'affût de la proie.
Je vais vous emporter à travers l'épaisseur,
Compagnons de ma triste joie
A travers l'épaisseur de la terre et du roc,
A travers les amas confus de votre cendre,
Dans un palais aussi grand que moi, d'un seul bloc
Et qui n'est pas de pierre tendre;
Car il est fait avec l'universel Péché,
Et contient mon orgueil, ma douleur et ma gloire! »
--Cependant, tout en haut de l'univers juché,
Un Ange sonne la victoire
De ceux dont le coeur dit: «Que béni soit ton fouet,
Seigneur! que la douleur, ô Père, soit bénie!
Mon âme dans tes mains n'est pas un vain jouet,
Et ta prudence est infinie. »
Le son de la trompette est si délicieux,
Dans ces soirs solennels de célestes vendanges,
Qu'il s'infiltre comme une extase dans tous ceux
Dont elle chante les louanges.
XIX
LA RANÇON
L'homme a, pour payer sa rançon,
Deux champs au tuf profond et riche,
Qu'il faut qu'il remue et défriche
Avec le fer de la raison;
Pour obtenir la moindre rose,
Pour extorquer quelques épis,
Des pleurs salés de son front gris
Sans cesse il faut qu'il les arrose.
L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.
--Pour rendre le juge propice,
Lorsque de la stricte justice
Paraîtra le terrible jour,
Il faudra lui montrer des granges
Pleines de moissons, et des fleurs
Dont les formes et les couleurs
Gagnent le suffrage des Anges.
XX
A UNE MALABARAISE
Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle blanche;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus,
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.
Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars!
1840.
BOUFFONNERIES
XXI
SUR LES DEBUTS D'AMINA BOSCHETTI AU THEATRE DE LA MONNAIE, A BRUXELLES
Amina bondit,--fuit,--puis voltige et sourit;
Le Welche dit: «Tout ça, pour moi, c'est du prâcrit;
Je ne connais, en fait de nymphes bocagères,
Que celle de _Montagne-aux-Herbes-Potagères_. »
Du bout de son pied fin et de son oeil qui rit,
Amina verse à flots le délire et l'esprit;
Le Welche dit: «Fuyez, délices mensongères!
Mon épouse n'a pas ces allures légères. »
Vous ignorez, sylphide au jarret triomphant,
Qui voulez enseigner la valse à l'éléphant,
Au hibou la gaîté, le rire à la cigogne,
Que sur la grâce en feu le Welche dit: «Haro! »
Et que le doux Bacchus lui versant du bourgogne,
Le monstre répondrait: «J'aime mieux le faro! »
1864.
XXII
A M. EUGENE FROMENTIN A PROPOS D'UN IMPORTUN QUI SE DISAIT SON AMI
Il me dit qu'il était très-riche,
Mais qu'il craignait le choléra;
--Que de son or il était chiche,
Mais qu'il goûtait fort l'Opéra;
--Qu'il raffolait de la nature,
Ayant connu monsieur Corot;
--Qu'il n'avait pas encor voiture,
Mais que cela viendrait bientôt;
--Qu'il aimait le marbre et la brique,
Les bois noirs et les bois dorés;
--Qu'il possédait dans sa fabrique
Trois contre-maîtres décorés;
--Qu'il avait, sans compter le reste,
Vingt mille actions sur le _Nord_;
--Qu'il avait trouvé, pour un zeste,
Des encadrements d'Oppenord;
--Qu'il donnerait (fût-ce à Luzarches! )
Dans le bric-à-brac jusqu'au cou,
Et qu'au Marché des Patriarches
Il avait fait plus d'un bon coup;
--Qu'il n'aimait pas beaucoup sa femme,
Ni sa mère;--mais qu'il croyait
A l'immortalité de l'âme,
Et qu'il avait lu Niboyet! [12]
[12] Nous ne savons pas ce que vient faire ici M. Niboyet; mais M.
Baudelaire n'étant pas un esclave de la rime, nous devons supposer
que l'_importun_ s'est vanté d'avoir lu les oeuvres de M. Niboyet,
comme ayant tous les courages.
(_Note de l'éditeur. _)
--Qu'il penchait pour l'amour physique,
Et qu'à Rome, séjour d'ennui,
Une femme, d'ailleurs phtisique,
Etait morte d'amour pour lui.
Pendant trois heures et demie,
Ce bavard, venu de Tournai,
M'a dégoisé toute sa vie;
J'en ai le cerveau consterné.
S'il fallait décrire ma peine,
Ce serait à n'en plus finir;
Je me disais, domptant ma haine:
«Au moins, si je pouvais dormir! »
Comme un qui n'est pas à son aise,
Et qui n'ose pas s'en aller,
Je frottais de mon cul ma chaise,
Rêvant de le faire empaler.
Ce monstre se nomme Bastogne;
Il fuyait devant le fléau.
Moi, je fuirai jusqu'en Gascogne,
Ou j'irai me jeter à l'eau,
Si dans ce Paris, qu'il redoute,
Quand chacun sera retourné,
Je trouve encore sur ma route
Ce fléau, natif de Tournai.
Bruxelles, 1865.
XXIII
UN CABARET FOLATRE SUR LA ROUTE DE BRUXELLES A UCCLE
Vous qui raffolez des squelettes
Et des emblêmes détestés,
Pour épicer les voluptés,
(Fût-ce de simples omelettes! )
Vieux Pharaon, ô Monselet! [13]
Devant cette enseigne imprévue,
J'ai rêvé de vous: _A la vue
Du Cimetière, Estaminet! _
[13] La malice est cousue de fil blanc; tout le monde sait que M.
Monselet fait profession d'aimer à la rage le rose et le gai. --Un
jour M. Monselet reprochait à M. Baudelaire d'avoir écrit ce vers
abominable, à propos d'un pendu dont les oiseaux ont crevé le
ventre:
Ses intestins pesants lui coulaient sur les cuisses.
«Mais, dit le poëte impatienté, je ne pouvais pas faire autrement.
Le sujet voulait cela.
Qu'auriez-vous préféré à cette image? --Une
rose! » répondit M. Monselet.
Cependant il ne faudrait pas croire que l'indispensable mélancolie
ne perce pas de temps en temps sous ce vernis anacréontique. Nous
avons vu récemment une petite composition de lui, où, se reprochant
d'avoir rebuté une pauvresse, le poëte se met à sa recherche, et ne
se couche que tout triste de ne l'avoir pu retrouver. Cette pièce
est d'un homme vraiment sensible, même à jeun.
Regrettons que M. Monselet ne cède pas plus souvent à son
tempérament lyrique, qu'une gaîté, tant soit peu artificielle, a
trop souvent contrarié.
(_Note de l'éditeur. _)
TABLE
Avertissement de l'éditeur
LES EPAVES
I--Le Coucher du soleil romantique.
PIECES CONDAMNEES, TIREES DES _FLEURS DU MAL_.
II--Lesbos.
III--Femmes damnées. --Delphine et Hippolyte.
IV--Le Léthé.
V--A celle qui est trop gaie.
VI--Les Bijoux.
VII--Les métamorphoses du Vampire.
GALANTERIES.
VIII--Le Jet d'eau.
IX--Les Yeux de Berthe.
X--Hymne.
XI--Promesses d'un visage.
XII--Le Monstre.
XIII--Franciscæ meæ laudes.
EPIGRAPHES.
XIV--Vers pour le portrait de M. Honoré Daumier.
XV--Lola de Valence.
XVI--Sur _le Tasse en prison_, d'Eugène Delacroix.
PIECES DIVERSES.
XVII--La Voix.
XVIII--L'imprévu.
XIX--La Rançon.
XX--A une Malabaraise.
BOUFFONNERIES.
XXI--Sur les débuts de mademoiselle Amina Boscheti.
XXII--A propos d'un importun.
XXIII--Un Cabaret folâtre.
FIN DE LA TABLE.
