prouve, en perdant celui qu'elle aime,
commence
la punition
de son crime.
de son crime.
Madame de Stael - De l'Allegmagne
<<J'ai prie? tous les princes de se re? unir pour m'affranchir de
, mes liens, mais jamais je n'ai menace? ni par mes projets, ni par
? mes actions, la vie de mou ennemie.
MELVIL.
<< Quoi ! ton secre? taire t'a faussement accuse? e?
MARIE.
<< Que Dieu le juge! Ce que j'ai dit est vrai.
MELVIL. << Ainsi donc tu montes sur l'e? chafaud convaincue de tjn inno-
? eence?
MARIE.
<< Dieu m'accorde d'expier par cette mort non me? rite? e le crime
<< dont ma jeunesse fut coupable!
MELVIL ( la be? nissant ) *
<< Que cela soit ainsi, et que ta mort serve a` t'absoudre!
? Tombe sur l'autel comme une victime re? signe? e. Le sang peut
? purifier ce que le sang avait souille? : tu n'es plus coupable
? maintenant que des fautes d'une femme, et les faiblesses de
, l'humanite? ne suivent point l'a^me bienheureuse dans le ciel.
? Je t'annonce donc, en vertu dela puissance qui m'a e? te? donne? e
de lier et de de? lier sur la terre, l'absolution de tes pe? che? s:
? ainsi que tu as cru qu'il f arrive! >> ( II lui pre? sente l'hostie. )
'Prends ce corps, il a e? te? sacrifie? pour toi. >> ( II prend la coupe
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? 226 'WALSTEIN
qui est sur la table, il la consacre avec une prie`re recueillie,
et l'offre a` la reine, qui semble he? siter encore et ne pas oser
l'accepter. ) << Prends la coupe remplie de ce sang qui a e? te? re? -
<< pandu pourtoi; prends-la , le pape t'accorde cette gra^ce au mo-
<<ment de ta mort. C'est le droit supre^me des rois dont tu jouis
<< (Marie rec? oit la coupe}; et comme tues maintenant unie
<< myste? rieusement avec ton Dieu sur cette terre, ainsi reve^tue
<< d'un e? clat ange? lique, tu le seras dans le se? jour de be? atitude, ou`
<< il n'y aura plus ni fautes, ni douleurs. >> ( // remet la coupe,
entend du bruit au dehors, recouvre sa te^te, et va vers la porte; Marie reste a` genoux, plonge? e dans la me? ditation. )
MELVIL.
<< Il vous reste encore une rude e? preuve a` supporter, Madame:
<< vous sentez-vous assez de force pour triompher de tous les
<< mouvements d'amertume et de haine?
MARIE (se rele`ve).
<< Je ne crains point de rechute ; j'ai sacrifie? a` Dieu ma haine
<< et mon amour.
MELVIL.
<< Pre? parez-vous donc a` recevoir lord Leicester et le chancelier
<< Burleigh: ils sont la`. >> ( Leicester reste dans l'e? loignement,
sans lever les yeux; Burleigh s'avance entre la reine et fui. )
RURLEIGH.
<< Je viens, lady Stuart, pour recevoir vos derniers ordres.
MARIE.
<< Je vous en remercie, milord.
RURLEIGH.
<< C'est la volonte? de la reine, qu'aucune demande e? quitable
ne vous soit refuse? e.
MARIE. .
<< Mou testament indique mes derniers souhaits; je l'ai de? pose?
<< dans les mains du chevalier Paulet ; j'espe`re qu'il sera fide`le-
<<ment exe? cute? .
PAULET.
<< Il le sera.
MARIE.
<< Comme mon corps ne peut pas reposer en lerre sainte , je
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? ET MAIUE STUAUT. 227
<< demande qu'il soit accorde? a` ce fide`le serviteur de porter mon
<< coeur en France, aupre`s des miens. He? las! il a toujours e? te? la`.
BURLEIGH.
<< Ce sera fait. Ne voulez-vous plus rien?
MARIE.
<< Portez mon salut de soeur a` la reine d'Angleterre; dites-lui
que je lui pardonne ma mort du fond de mon a^me. Je me re-
<<pens d'avoir e? te? trop vive hier, dans mon entretien avec elle.
Que Dieu la conserve etlui accorde un re`gne heureux! >>( Dans
remontent le she? rif arrive; Anna et les femmes de Marie en-
trent avec lui. ) << Anna, calme-toi, le moment est venu, voila`
le she? rif qui doit me conduire a` la mort. Tout est de? cide? .
Adieu, adieu. ( A Burleigh. } Je souhaite que ma fide`le nour-
<< rice m'accompagne sur l'e? chafaud, milord : accordez-moi ce
<< bienfait.
RCRLEIGH.
a Je n'ai point de pouvoirs a` cet e? gard.
HABrR.
<< Quoi ! l'on me refuserait cette prie`re si simple! Qui donc me
, rendrait les derniers services? Ce ne peut e^tre la volonte? , de
<< ma soeur, qu'on blesse en ma personne le respect du^ a` une
femme.
BURLEIGH.
<< Aucune femme ne doit monter avec vous sur l'e? chafaud; ses
cris, sa douleur. . .
MARIE.
<< Elle ne fera pas entendre ses plaintes, je suis garant de la
<< force d'a^me de mon Anna. Soyez bon, milord; ne me se? parez
? pas, en mourant, de ma fide`le nourrice. Elle m'a recue dans
"ses bras sur le seuil de la vie; que sa douce main me conduise
? a` la mort!
PAULE1.
<< 11 faut y consentir.
BURLEIGH. << Soit.
MARIE.
>> 11 ne me reste plus rien a` vous demander. >> ( Elle prend le
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? 228 WALSTEIN
crucifix et le baise. ) << Mon Re? dempteur, mon Sauveur, que tes
bras me rec? oivent! >> (Elle se retourne pour partir, et, dans
cet instant, elle rencontre le comte de Leicester; elle tremble,
ses genoux fle? chissent; et, pre`s de tomber, le comte de Leicester la soutient; puis il de? tourne la te^te, et ne peut soutenir
sa vue. ) << Vous me tenez parole, comte de Leicester; vous m'a-
<<viez promis votre appui pour sortir de ce cachot, et vous me
r l'offrez maintenant. >> (Le comte de Leicester semble ane? anti;
elle continue avec un accent plein de douceur. ) << Oui, Leicester;
<< et ce n'est pas seulement la liberte? que je voulais vous devoir,
mais une liberte? qui me devi^nt plus che`re en la tenant de vous.
<< Maintenant que je suis sur la route de la terre au ciel, et que
je vais devenir un esprit bienheureux, affranchi des affections
<< terrestres, j'ose vous avouer, sans rougir, la faiblesse dont j'ai
<< triomphe? . Adieu, et, si vous le pouvez, vivez heureux. Vous
avez voulu plaire a` deux reines, et vous avez trahi le coeur ai-
<<mant pour obtenir le coeur orgueilleux. Prosternez-vous aux
pieds d'E? lisabeth , et puisse votre re? compense ne pas devenir
votre punition! Adieu, je n'ai plus de lien avec la terre. >> --
Leicester reste seul apre`s le de? part de Marie; le sentiment de
de? sespoir et de honte qui l'accable peut a` peine s'exprimer; ii
entend, il e? coute ce qui se passe dans la salle de l'exe? cution, et
quand elle est accomplie il tombe sans connaissance. On apprend
ensuite qu'il est parti pour la France; et la douleur qu'E? lisabeth
e?
prouve, en perdant celui qu'elle aime, commence la punition
de son crime.
Je ferai quelques observations sur cette imparfaite analyse
d'une pie`ce, dans laquelle le charme des vers ajoute beaucoup
a` tous les autres genres de me? rite. Je ne sais si l'on se permet-
trait en France de faire un acte tout entier sur une situation
de? cide? e; mais ce repos de la douleur, qui nai^t de la privation
me^me de l'espe? rance, produit les e? motions les plus vraies et les
plus profondes. Ce repos solennel permet au spectateur, comme
a` la victime, de descendre en lui-me^me, et d'y sentir tout ce que
re? ve`le le malheur.
La sce`ne de la confession, et surtout de la communion, serait,
avec raison, tout a` fait condamne? e; mais ce n'est certes pas
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? ET MARIE STIJART. 229
comme manquant d'effet qu'on pourrait la bla^mer : le pathe? tique
qui se fonde sur la religion nationale touche de si pre`s le coeur,
que rien ne saurait e? mouvoir davantage. Le pays le plus catho-
lique , l'Espagne, et son poe`te le plus religieux, Calde? ron, qui
e? tait lui-me^me entre? dans l'e? tat eccle? siastique, ont admis sur
le the? a^tre les sujets et les ce? re? monies du christianisme.
Il me semble que, sans manquer au respect qu'on doit a` la
religion chre? tienne, on pourrait se permettre de la faire entrer
dans la poe? sie et les beaux-arts, dans tout ce qui e? le`ve l'a^me
et embellit la vie. L'en exclure, c'est imiter ces enfants qui
croient ne pouvoir rien faire que de grave et de triste dans la maison de leur pe`re. Il y a de la religion dans tout ce qui nous
cause une e? motion de? sinte? resse? e; la poe? sie, l'amour, la nature
et la Divinite? se re? unissent dans notre coeur, quelques efforts
qu'on fasse pour les se? parer; et si l'on interdit au ge? nie de faire
re? sonner toutes ces cordes a` la fois, l'harmonie comple`te de l'a^me
ne se fera jamais sentir.
Cette reine Marie, que la France a vue si brillante, et l'An-
gleterre si malheureuse, a e? te? l'objet de mille poe? sies diverses,
qui ce? le`brent ses charmes et son infortune. L'histoire l'a peinte
comme assez le? ge`re; Schiller a donne? plus de se? rieux a` son
caracte`re, et le moment dans lequel il la repre? sente motive bien
ce changement. Vingt anne? es de prison, et me^me vingt anne? es
de vie, de quelque manie`re qu'elles se soient passe? es, sont pres-
que toujours une se? ve`re lec? on.
Les adieux de Marie au comte de Leicester me paraissent
l'une des plus belles situations qui-soient- au the? a^tre. Il y a quel-
que douceur pour Marie dans cet instant. Elle a pitie? de Leices-
ter, tout coupable qu'il est: elle sent quel souvenir elle lui laisse,
et cette vengeance du coeur est permise. Enfin, au moment de
mourir, et de mourir parce qu'il n'a pas voulu la sauver, elle
lui dit encore qu'elle l'aime; et si quelque chose peut consoler
de la se? paration terrible a` laquelle la mort nous condamne, c'est
la solennite? qu'elle donne a` nos dernie`res paroles : aucun but,
aucun espoir ne s'y me^le, et la ve? rite? la plus pure sort de notre
sein avec la vie. ?
? 2il
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 230 JEANNE D'ARC.
CHAPITRE XIX.
Jeanne d'Arc, et la Fiance? e de Messine.
Schiller, dans une pie`ce de vers pleine de charmes, reproche
aux Franc? ais de n'avoir pas montre? de reconnaissance pour
Jeanne d'Arc. L'une des plus belles e? poques de l'histoire, celle
ou` la France et son roi Charles VII furent de? livre? s du joug des
e? trangers, n'a point encore e? te? ce? le? bre? e par un e? crivain digne
d'effacer le souvenir du poe`me de Voltaire; et c'est un e? tranger
qui a ta^che? de re? tablir la gloire d'une he? roi? ne franc? aise, d'une
he? roi? ne dont le sort malheureux inte? resserait pour elle, quand ses
exploits n'exciteraient pas un juste enthousiasme. Shakespeare
devait juger Jeanne d'Arc avec partialite? puisqu'il e? tait Anglais, et
ne? anmoins il la repre? sente, dans sa pie`ce historique de Henri VI,
comme une femme inspire? e d'abord par le ciel, et corrompue
ensuite par le de? mon de l'ambition. Ainsi, les Franc? ais seuls
ont laisse? de? shonorer sa me? moire: c'est un grand tort de notre
nation, que de ne pas re? sister a` la moquerie, quand elle lui est pre? sente? e sous des formes piquantes. Cependant il y a tant de
place dans ce monde, et pour le se? rieux et pour la gaiete? , qu'on
pourrait se faire une loi de ne pas se jouer de ce qui est digne
de respect, sans se priver, pour cela, de la liberte? de la plai-
santerie.
Le sujet de Jeanne d'Arc e? tant tout a` la fois historique et merveilleux, Schiller a entreme^le? sa pie`ce de morceaux lyriques,
et ce me? lange produit un tre`s-bel effet, me^me a` la repre? senta-
tion. Nous n'avons gue`re en franc? ais que le monologue de Po-
lyeucte, ou les choeurs d'Athalie et d'Esther, qui puissent nous
en donner l'ide? e. La poe? sie dramatique est inse? parable de la si-
tuation qu'elle doit peindre , c'est le re? cit en action, c'est le
de? bat de l'homme avec le sort. La poe? sie lyrique convient pres-
que toujours aux sujets religieux; elle e? le`ve l'a^me vers le ciel,
elle exprime je ne sais quelle re? signation sublime qui nous saisit
souvent au milieu des passions les plus agite? es, et nous de? livre
de nos inquie? tudes personnelles pour nous faire gou^ter un instant la paix divine.
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? JEANNE D'ARC. 231
Sans doute, il faut prendre garde que la marche progressive
de l'inte? re^t ne puisse eu souffrir; mais le but de l'art dramatique
n'est pas uniquement de nous apprendre si le he? ros est tue? , ou
s'il se marie : le principal objet des e? ve? nements repre? sente? s,
c'est de servir a` de? velopper les sentiments et les caracte`res. Le
poe`te a donc raison de suspendre quelquefois l'action the? a^trale,
pour faire entendre la musique ce? leste de l'a^me. On peut se re-
cueillir dans l'art comme dans la vie, et planer un moment au-
dessus detout ce qui se passe en nous-me^mes et autour de nous.
L'e? poque historique dans laquelle Jeanne d'Arc a ve? cu est
particulie`rement propre a` faire ressortir le caracte`re franc? ais
dans toute sa beaute? , lorsqu'une foi inalte? rable, un respect sans
bornes pour les femmes, une ge? ne? rosite? presque imprudente a`
la guerre, signalaient cette nation en Europe.
Il faut se repre? senter une jeune fille de seize ans, d'une taille
majestueuse, mais avec des traits encore enfantins, un exte? rieur
de? licat, et n'ayant d'autre force que celle qui lui vient d'en-haut:
inspire? e par la religion, poe`te dans ses actions, poe`te aussi dans
ses paroles, quand l'esprit divin l'anime; montrant dans ses
discours tanto^t un ge? nie admirable, tanto^t l'ignorance absolue
de tout ce que le ciel ne lui a pas re? ve? le? . C'est ainsi que Schiller
a conc? u le ro^le de Jeanne d'Arc. Il la fait voir d'abord a` Vau-
couleurs, dans l'habitation rustique de son pe`re, entendant
parler des revers de la France, et s'enflammant a` ce re? cit. Son
vieux pe`re bla^me sa tristesse, sa re^verie, son enthousiasme. Il
ne pe? ne`tre pas le secret de l'extraordinaire, et croit qu'il y a du
mal dans tout ce qu'il n'a pas l'habitude de voir. Un paysan ap-
porte un casque qu'une Bohe? mienne lui a remis d'une fac? on
toute myste? rieuse.
