pela Dieu notre pe`re, en savait plus sur le coeur humain que
les plus profonds penseurs du sie`cle.
les plus profonds penseurs du sie`cle.
Madame de Stael - De l'Allegmagne
sir.
Ils voudraient substituer au factice dela socie?
te?
,non l'ignorance des temps barbares, mais une cul-
ture intellectuelle qui ramena^t a` la simplicite? par la perfection
me^me des lumie`res; ils voudraient enfin faire des hommes e? ner-
giques et re? fle? chis, since`res et ge? ne? reux , de tous ces caracte`res
sans e? le? vation, de tous ces esprits sans ide? es, de tous ces mo-
queurs sans gai^te? , de tous ces e? picuriens sans imagination,
qu'on appelle l'espe`ce humaine, faute de mieux.
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? DE LA DOULEUR. 549
CHAPITRE VI.
De la douleur.
On a beaucoup bla^me? cet axiome des mystiques que la dou-
leur est un bien; quelques philosophes del'autiquite? ontaffirme?
qu'elle n'e? tait pas un mal; il est pourtant bien plus difficile dela conside? rer avec indiffe? rence qu'avec espoir1. En effet, si l'on
n'e? tait pas persuade? que le malheur est un moyen de perfec-
tionnement, a` quel exce`s d'irritation ne nous porterait-il pas?
Pourquoi donc nous appeler a` la vie, pour nous faire de? vorer
par elle? Pourquoi concentrer tous les tourments et toutes les
merveilles de l'univers dans un faible coeur qui redoute et qui
de? sire? Pourquoi nous donner la puissance d'aimer, et nous ar-
racher ensuite tout ce que nous avons che? ri? Enfin, pourquoi la mort, la terrible mort? lorsque l'illusion de la terre nous la
fait oublier, comme elle se rappelle a` nous! C'est au milieu de
toutes les splendeurs de ce monde qu'elle de? ploie son drapeau
funeste.
Coai trapassa al trapassar d'un giorno.
Dclia vita rqortal il fiore e'1 verde;
Ne perche? faccia indietro April ritorno,
Si rinfiora ella mai ne si rinverde3.
On a vu dans une fe^te cette princesse3 qui, me`re de huit
enfants, re? unissait encore le charme d'une beaute? parfaite a`
toute la dignite? des vertus maternelles. Elle ouvrit le bal, et les
sons me? lodieux de la musique signale`rent ces moments consa-
cre? s a` la joie. Des fleurs ornaient sa te^te charmante, et la parure
et la danse devaient lui rappeler les premiers jours de sa jeu-
nesse; cependant, elle semblait de? ja` craindre les plaisirs me^mes
auxquels tant de succe`s auraient pu l'attacher. He? las! de quelle
1 Le Chancelier Racon dit que les prospe? rite? s sont les be? ne? dictions de l'An-
cien Testament, et les adversite? s celles du nouveau.
>> Ainsi passe en un jour la verdure et la fleur de la vie mortelle; c'est en
vain que le mois du printemps revient a` son tour, elle ne reprend jamais ni
ta verdure ni ses fleurs. ( yen du Tasse, chante? s dans les jardins tTArmia`c. )
3 La princesse Pauline de Schwarlzenberg.
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? . 550 DE LA DOULEUR.
manie`re ce vague pressentiment s'est re? alise? ! Tout a` coup les
flambeaux sans nombre qui remplac? aient l'e? clat du jour vont
devenir des flammes de? vorantes, et les plus affreuses souffrances
prendront la place du luxe e? clatant d'une fe^te. Quel contraste!
et qui pourrait se lasser d'y re? fle? chir ? Non , jamais les grandeurs
et les mise`res humaines n'ont e? te? rapproche? es de si pre`s; et no-
tre mobile pense? e, si facilement distraite des sombres menaces
de l'avenir, a e? te? frappe? e dans la me^me heure par toutes les
images brillantes et terribles que la destine? e se`me d'ordinaire a`
distance sur la route du temps.
Aucun accident ne? anmoins n'avait atteint celle qui ne devait
mourir que de son choix: elle e? tait en su^rete? , elle pouvait re-
nouer le fil dela vie si vertueuse qu'elle menait depuis quinze
anne? es; mais une de ses filles e? tait encore en danger, et l'e^tre
le plus de? licat et le plus timide se pre? cipite au milieu de flammes
qui feraient reculer les guerriers. Toutes les me`res auraient
e? prouve? ce qu'elle a du^ sentir! Mais qui pourrait se croire assez
de force pour l'imiter? Qui pourrait compter assez sur son a^me
pour ne pas craindre les frissonnements que la nature fait nai^tre
a` l'aspect d'une mort atroce? Une femme les a brave? s ; et bien
qu'alors un coup funeste l'ait frappe? e, son dernier acte fut ma-
ternel; c'est dans cet instant sublime qu'elle a paru devant Dieu,
et l'on n'a pu reconnai^tre ce qui restait d'elle sur la terre qu'au
chiffre de ses enfants, qui marquait encore la place ou` cet ange
avait pe? ri. Ah! tout ce qu'il y a d'horrible dans ce tableau est
adouci par les rayons de la gloire ce? leste. Cette ge? ne? reuse Pau-
line sera de? sormais la sainte des me`res; et si leurs regards n'o-
saient encore s'e? lever jusqu'au ciel, elles les reposeront sur sa
douce figure, et lui demanderont d'implorer la be? ne? diction de
Dieu pour leurs enfants.
Si l'on e? tait parvenu a` tarir la source de la religion sur la terre,
que dirait-on a` ceux qui voient tomber la plus pure des victimes?
que dirait-on a` ceux qui l'ont aime? e? et de quel de? sespoir, de
quel effroi du sort et de ses perfides secrets l'a^me ne serait-elle
pas remplie!
Non-seulement ce qu'on voit, mais ce qu'on se figure fou-
droierait la pense? e, s'il n'y avait rien en nous qui nous affranchi^t
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA DOULEUR. 551
du hasard. N'a-t-on pas ve? cu dans un cachot obscur, ou` chaque
minute e? tait une douleur, ou` l'on n'avait d'air que ce qu'il en
fallait pour recommencer a` souffrir? La mort, selon les incre? -
dules, doit de? livrer de tout; mais savent-ils ce qu'elle est? sa-
vent-ils si cette mort est le ne? ant P et dans quel labyrinthe de
terreurs la re? flexion sans guide ne peut-elle pas nous entrai^ner!
Si un homme honne^te (et les circonstances d'une vie passion-
ne? e peuvent amener ce malheur), si un homme honne^te, dis-je,
avait fait un mal irre? parable a` un e^tre innocent, comment, sans
le secours de l'expiation religieuse, s'en consolerait-il jamais?
Quand la victime est la`, dans le cercueil, a` qui s'adresser s'il
n'y a pas de communication avec elle, si Dieu lui-me^me ne fait
pas entendre aux morts les pleurs des vivants , si le souverain
me? diateur des hommes ne dit pas a` la douleur: --C'en est
assez; -- au repentir : --Vous e^tes pardonne? ? -- Oncroit que
le principal avantage de la religion est de re? veiller les remords;
mais c'est aussi bien souvent a` les apaiser qu'elle sert. Il est des
a^mes dans lesquelles re`gne le passe? ; il en est que les regrets
de? chirent comme une active mort, et sur lesquelles le souvenir
s'acharne comme un vautour; c'est pour elles que la religion est
un soulagement du remords.
Une ide? e toujours la me^me, et reve^tant cependant mille for-
mes diverses, fatigue tout a` la fois par son agitation et par sa
monotonie. Les beaux-arts, qui redoublent la puissance de l'i-
magination, accroissent avec elle la vivacite? de la douleur. La
nature elle-me^me importune, quand l'a^me n'est plus en harmo-
nie avec elle; son calme, qu'on trouvait doux, irrite comme
l'indiffe? rence; les merveilles de l'univers s'obscurcissent a` nos
. regards: tout semble apparition, me^me au milieu de l'e? clat du
jour. La nuit inquie`te, comme si l'obscurite? rece? lait quelque
secret de nos maux, et le soleil resplendissant semble insulter
au deuil du coeur. Ou` fuir tant de souffrances? Est-ce dans la
mort? Mais l'anxie? te? du malheur fait douter que le repos soit
dans la tombe, et le de? sespoir est pour les athe? es me^me comme
une re? ve? lation te? ne? breuse de l'e? ternite? des peines. Que ferions-nous alors, que ferions-nous, o^ mou Dieu ! si nous ne pouvions
nous jeter dans votre sein paternel? Celui qui, le premier, ap-
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? 552 DE LA DOULEUR.
pela Dieu notre pe`re, en savait plus sur le coeur humain que
les plus profonds penseurs du sie`cle. Il n'est pas vrai que la religion re? tre? cisse l'esprit; il l'est en-
core moins que la se? ve? rite? des principes religieux soit a` craindre,
. le ne connais qu'une se? ve? rite? redoutable pour les a^mes sensibles,
c'est celle des gens du monde; ce sont eux qui ne conc? oivent
rien, qui n'excusent rien de ce qui est involontaire ; ils se sont
fait un coeur humain a` leur gre? , pour le juger a` leur aise. On
pourrait leur adresser ce qu'on disait a` messieurs de Port-Royal,
qui, d'ailleurs, me? ritaient beaucoup d'admiration : << Il vous
<< est facile de comprendre l'homme que vous avez cre? e? ; mais
<< celui qui est, vous ne le connaissez pas. >>
La plupart des gens du monde sont accoutume? s a` faire de
certains dilemmes sur toutes les situations malheureuses de la
vie, afin de se de? barrasser le plus to^t qu'il est possible de la pitie?
qu'elles exigent d'eux. Il n'y a que deux partis a` prendre, di-
sent-ils : il faut qu'on soit tout un ou tout autre; iljaut sup-
porter ce qu'on ne peut empe^cher ; il faut se consoler de ce qui est irre? vocable. Ou bien, qui veut le but, veut les moyens; il
faut tout faire pour conserver ce dont on ne peut se passer,
etc. , etc. , et mille autres axiomes de ce genre qui ont tous la forme
de proverbes, et qui sont en effet le code de la sagesse vulgaire.
Mais quel rapport y a-t-il entre ces axiomes et les angoisses du
coeur? Tout cela sert tre`s-bien dans les affaires communes de la
vie; mais comment appliquer de telsconseils aux peines morales?
Elles varient toutes selon les individus ; et se composent de mille
circonstances diverses, inconnues a` tout autre qu'a` notre ami le
plus intime, s'il en est un qui sache s'identifier avec nous. Cha-
que caracte`re est presque un monde nouveau pour qui sait ob-
server avec finesse, et je ne connais dans la science du coeur
humain aucune ide? e ge? ne? rale qui s'applique comple? tement aux
exemples particuliers.
Le langage de la religion peut seul convenir a` toutes les situa-
tions et a` toutes les manie`res de sentir! En lisant les re^veries de
J. -J. Rousseau , cet e? loquent tableau d'un e^tre en proie a` une
imagination plus forte que lui, je me suis demande? comment un
homme d'esprit forme? par le monde, et un solitaire religieux,
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? DE LA DOULEUR. 553
auraient essaye? de consoler Rousseau? Il se serait plaint d'e^tre
hai? et perse? cute? ; il se serait dit l'objet de l'envie universelle, et
la victime d'une conjuration qui s'e? tendait depuis le peuple jus-
qu'aux rois; il aurait pre? tendu que tous ses amis l'avaient trahi,
et que les services me^mes qu'on lui rendait e? taient des pie? ges:
qu'aurait alors re? pondu a` toutes ces plaintes l'homme d'esprit
forme? parla socie? te? ? << Vous vous exage? rez singulie`rement, aurait-il dit, l'effet que
<< vous croyez produire ; vous e^tes sans doute un homme fort dis-
<< tingue? , mais comme chacun de nous a pourtant des affaires et
me^me des ide? es a` soi, un livre ne remplit pas toutes les te^tes,
<< l'e? ve? nement de la guerre ou de la paix, et me^me de moindres
<< inte? re^ts, mais qui nous concernent personnellement, nous
occupent beaucoup plus qu'un e? crivain, quelque ce? le`bre qu'il
puisse e^tre. On vous a exile? , il est vrai, mais tous les pays
<< doivent e^tre e? gaux a` un philosophe comme vous; et a` quoi ser-
<< viraient donc la morale et la religion, que vous de? veloppez si
bien dans vos e? crits, si vous ne saviez pas supporter les revers
<< qui vous ont atteint ? Sans doute quelques personnes vous en-
<< vient, parmi vos confre`res les hommes de lettres; mais cela
<< ne peut s'e? tendre aux classes de la socie? te? qui s'embarrassent
<< fort peu de la litte? rature; d'ailleurs, si la ce? le? brite? vous impor-
<< tune re? ellement, rien de si facile que d'y e? chapper. N'e? crivez
<< plus; au bout de peu d'anne? es, on vous oubliera, et vous
serez aussi tranquille que si vous n'aviez jamais rien publie? .
Vous dites que vos amis vous tendent des pie? ges, en faisant
semblant ile vous rendre service. D'abord n'est-il pas possible
qu'il y ait une le? ge`re nuance d'exaltation romanesque dans
<< votre manie`re de juger vos relations personnelles? 11 faut vo-
<< tre belleimagination pour composer la Nouvelle He? loi? se; mais
<< un peu de raison est ne? cessaire dans les affaires d'ici bas, et
<< quand on le veut bien, on voit les choses telles qu'elles sont.
Si pourtant vos amis vous trompent, il faut rompre avec eux;
<< mais vous seriez bien insense? de vous en affliger; car, de deux
<< choses l'une, ou` ils sont dignes de votre estime, et dans ce cas
vous auriez tort de les soupc? onner; ou si vos soupcons sont
47
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? 554 ? "? ? LA DOULEUR.
<< bien fonde? s, vous ne devez pas alors regretter de tels amis. >>
Apre`s avoir e? coute? ce dilemme, J. -J. Rousseau aurait bien
pu prendre un troisie`me parti, celui de se jeter dans la rivie`re.
Mais que lui aurait dit le solitaire religieux?
<< Mon fils, je ne connais pas le monde, et j'ignore s'il est vrai
<< qu'on vous y veuille du mal; mais s'il en e? tait ainsi, vous
<< auriez cela de commun avec tous les bons qui cependant ont
<< pardonne? a` leurs ennemis; car Je? sus-Christ etSocrate, le
Dieu et l'homme en ont donne? l'exemple. Il faut que les pas-
<<sions haineuses existent ici-bas pour que l'e? preuve des justes
soit accomplie. Sainte The? re`se a dit des me? chants : -- Les
i malheureux! ils n'aiment pas; et cependant les me? chants
<< vivent aussi, pour qu'ils aient le temps de se repentir.
<< Vous avez rec? u du ciel des dons admirables; s'ils vous ont
<< servi a` faire aimer ce qui est bon, n'avez-vous pas de? ja` joui
<< d'avoir e? te? un soldat de la ve? rite? sur la terre? Si vous avez
<< attendri les coeurs par une e? loquence entrai^nante, vous ob-
<<tiendrez pour vous quelques-unes des larmes que vous avez
fait couler. Vous avez des ennemis pre`s de vous, mais des
amis au loin, parmi les solitaires qui vous lisent, et vous
<< avez console? des infortune? s mieux que nous ne pouvons vous
<< consoler vous-me^me. Que n'ai-je votre talent, pour me faire
entendre de vous! C'est une belle chose que le talent, mon
fils; les hommes cherchent souvent a` le de? nigrer; ils vous di-
<< seul a` tort que nous le condamnons au nom de Dieu : cela n'est
pas vrai. C'est une e? motion-divine que celle qui inspire l'e? lo-
<< quence, et si vous n'en avez point abuse? , sachez supporter
<< l'envie, car une telle supe? riorite? vaut bien les peines qu'elle
<< peut faire e? prouver.
<< Ne? anmoins, mon fils, je le crains, l'orgueil se me^le a` vos
<< peines, et voila` ce qui leur donne de l'amertume; car toutes
l'les douleurs qui sont reste? es humbles font couler doucement
<< nos pleurs; mais il y a du poison dans l'orgueil, et l'homme
<< devient insense? quand il s'y livre : c'est un ennemi qui se fait
son chevalier, pour mieux le perdre.
<< Le ge? nie ne doit servir qu'a` manifester la bonte? supre^me de
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? DE LA DOULEUR. 555
<< l'a^me. Il y a beaucoup de gens qui ont cette bonte? sans le talent
de l'exprimer; remerciez Dieu de qui vous tenez le charme de
ces paroles faites pour enchanter l'imagination des hommes.
Mais ne soyez fier que du sentiment qui vous les dicte. Tout
s'apaisera pour vous dans la vie, si vous restez toujours reli-
<< gieusement bon; les me? chants me^mes se hissent de faire du
? mal, leur propre venin les e? puise; et puis Dieu n'est-il pas la`
pour avoir soin du passereau qui tombe, et du coeur de l'homme
qui souffre?
<< Vous dites que vos amis veulent vous trahir; prenez garde
<< de les accuser injustement: malheur a` celui qui aurait re-
<<pousse? une affection ve? ritable, car ce sont les anges du ciel
qui nous l'envoient; ils se sont re? serve? cette part dans le destin
de l'homme! Ne permettez pas a` votre imagination de vous
e? garer; il faut la laisser planer dans les re? gions des nuages;
<< mais il n'y a que le coeur pour juger un autre coeur; et vous
seriez bien coupable si vous me? connaissiez une amitie? since`re:
car la beaute? de l'a^me consiste dans sa ge? ne? reuse confiance, et
la prudence humaine est figure? e par un serpent.
<< Il se peut toutefois qu'en expiation de quelques e? garements
<< dont vos grandes faculte? s ont e? te? la cause, vous soyez condamne?
<< sur cette terre a` boire la coupe empoisonne? e de la trahison
d'un ami. S'il en est ainsi, je vous plains , la Divinite? me^me
vous a plaint en vous punissant : mais ne vous re?
ture intellectuelle qui ramena^t a` la simplicite? par la perfection
me^me des lumie`res; ils voudraient enfin faire des hommes e? ner-
giques et re? fle? chis, since`res et ge? ne? reux , de tous ces caracte`res
sans e? le? vation, de tous ces esprits sans ide? es, de tous ces mo-
queurs sans gai^te? , de tous ces e? picuriens sans imagination,
qu'on appelle l'espe`ce humaine, faute de mieux.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA DOULEUR. 549
CHAPITRE VI.
De la douleur.
On a beaucoup bla^me? cet axiome des mystiques que la dou-
leur est un bien; quelques philosophes del'autiquite? ontaffirme?
qu'elle n'e? tait pas un mal; il est pourtant bien plus difficile dela conside? rer avec indiffe? rence qu'avec espoir1. En effet, si l'on
n'e? tait pas persuade? que le malheur est un moyen de perfec-
tionnement, a` quel exce`s d'irritation ne nous porterait-il pas?
Pourquoi donc nous appeler a` la vie, pour nous faire de? vorer
par elle? Pourquoi concentrer tous les tourments et toutes les
merveilles de l'univers dans un faible coeur qui redoute et qui
de? sire? Pourquoi nous donner la puissance d'aimer, et nous ar-
racher ensuite tout ce que nous avons che? ri? Enfin, pourquoi la mort, la terrible mort? lorsque l'illusion de la terre nous la
fait oublier, comme elle se rappelle a` nous! C'est au milieu de
toutes les splendeurs de ce monde qu'elle de? ploie son drapeau
funeste.
Coai trapassa al trapassar d'un giorno.
Dclia vita rqortal il fiore e'1 verde;
Ne perche? faccia indietro April ritorno,
Si rinfiora ella mai ne si rinverde3.
On a vu dans une fe^te cette princesse3 qui, me`re de huit
enfants, re? unissait encore le charme d'une beaute? parfaite a`
toute la dignite? des vertus maternelles. Elle ouvrit le bal, et les
sons me? lodieux de la musique signale`rent ces moments consa-
cre? s a` la joie. Des fleurs ornaient sa te^te charmante, et la parure
et la danse devaient lui rappeler les premiers jours de sa jeu-
nesse; cependant, elle semblait de? ja` craindre les plaisirs me^mes
auxquels tant de succe`s auraient pu l'attacher. He? las! de quelle
1 Le Chancelier Racon dit que les prospe? rite? s sont les be? ne? dictions de l'An-
cien Testament, et les adversite? s celles du nouveau.
>> Ainsi passe en un jour la verdure et la fleur de la vie mortelle; c'est en
vain que le mois du printemps revient a` son tour, elle ne reprend jamais ni
ta verdure ni ses fleurs. ( yen du Tasse, chante? s dans les jardins tTArmia`c. )
3 La princesse Pauline de Schwarlzenberg.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? . 550 DE LA DOULEUR.
manie`re ce vague pressentiment s'est re? alise? ! Tout a` coup les
flambeaux sans nombre qui remplac? aient l'e? clat du jour vont
devenir des flammes de? vorantes, et les plus affreuses souffrances
prendront la place du luxe e? clatant d'une fe^te. Quel contraste!
et qui pourrait se lasser d'y re? fle? chir ? Non , jamais les grandeurs
et les mise`res humaines n'ont e? te? rapproche? es de si pre`s; et no-
tre mobile pense? e, si facilement distraite des sombres menaces
de l'avenir, a e? te? frappe? e dans la me^me heure par toutes les
images brillantes et terribles que la destine? e se`me d'ordinaire a`
distance sur la route du temps.
Aucun accident ne? anmoins n'avait atteint celle qui ne devait
mourir que de son choix: elle e? tait en su^rete? , elle pouvait re-
nouer le fil dela vie si vertueuse qu'elle menait depuis quinze
anne? es; mais une de ses filles e? tait encore en danger, et l'e^tre
le plus de? licat et le plus timide se pre? cipite au milieu de flammes
qui feraient reculer les guerriers. Toutes les me`res auraient
e? prouve? ce qu'elle a du^ sentir! Mais qui pourrait se croire assez
de force pour l'imiter? Qui pourrait compter assez sur son a^me
pour ne pas craindre les frissonnements que la nature fait nai^tre
a` l'aspect d'une mort atroce? Une femme les a brave? s ; et bien
qu'alors un coup funeste l'ait frappe? e, son dernier acte fut ma-
ternel; c'est dans cet instant sublime qu'elle a paru devant Dieu,
et l'on n'a pu reconnai^tre ce qui restait d'elle sur la terre qu'au
chiffre de ses enfants, qui marquait encore la place ou` cet ange
avait pe? ri. Ah! tout ce qu'il y a d'horrible dans ce tableau est
adouci par les rayons de la gloire ce? leste. Cette ge? ne? reuse Pau-
line sera de? sormais la sainte des me`res; et si leurs regards n'o-
saient encore s'e? lever jusqu'au ciel, elles les reposeront sur sa
douce figure, et lui demanderont d'implorer la be? ne? diction de
Dieu pour leurs enfants.
Si l'on e? tait parvenu a` tarir la source de la religion sur la terre,
que dirait-on a` ceux qui voient tomber la plus pure des victimes?
que dirait-on a` ceux qui l'ont aime? e? et de quel de? sespoir, de
quel effroi du sort et de ses perfides secrets l'a^me ne serait-elle
pas remplie!
Non-seulement ce qu'on voit, mais ce qu'on se figure fou-
droierait la pense? e, s'il n'y avait rien en nous qui nous affranchi^t
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA DOULEUR. 551
du hasard. N'a-t-on pas ve? cu dans un cachot obscur, ou` chaque
minute e? tait une douleur, ou` l'on n'avait d'air que ce qu'il en
fallait pour recommencer a` souffrir? La mort, selon les incre? -
dules, doit de? livrer de tout; mais savent-ils ce qu'elle est? sa-
vent-ils si cette mort est le ne? ant P et dans quel labyrinthe de
terreurs la re? flexion sans guide ne peut-elle pas nous entrai^ner!
Si un homme honne^te (et les circonstances d'une vie passion-
ne? e peuvent amener ce malheur), si un homme honne^te, dis-je,
avait fait un mal irre? parable a` un e^tre innocent, comment, sans
le secours de l'expiation religieuse, s'en consolerait-il jamais?
Quand la victime est la`, dans le cercueil, a` qui s'adresser s'il
n'y a pas de communication avec elle, si Dieu lui-me^me ne fait
pas entendre aux morts les pleurs des vivants , si le souverain
me? diateur des hommes ne dit pas a` la douleur: --C'en est
assez; -- au repentir : --Vous e^tes pardonne? ? -- Oncroit que
le principal avantage de la religion est de re? veiller les remords;
mais c'est aussi bien souvent a` les apaiser qu'elle sert. Il est des
a^mes dans lesquelles re`gne le passe? ; il en est que les regrets
de? chirent comme une active mort, et sur lesquelles le souvenir
s'acharne comme un vautour; c'est pour elles que la religion est
un soulagement du remords.
Une ide? e toujours la me^me, et reve^tant cependant mille for-
mes diverses, fatigue tout a` la fois par son agitation et par sa
monotonie. Les beaux-arts, qui redoublent la puissance de l'i-
magination, accroissent avec elle la vivacite? de la douleur. La
nature elle-me^me importune, quand l'a^me n'est plus en harmo-
nie avec elle; son calme, qu'on trouvait doux, irrite comme
l'indiffe? rence; les merveilles de l'univers s'obscurcissent a` nos
. regards: tout semble apparition, me^me au milieu de l'e? clat du
jour. La nuit inquie`te, comme si l'obscurite? rece? lait quelque
secret de nos maux, et le soleil resplendissant semble insulter
au deuil du coeur. Ou` fuir tant de souffrances? Est-ce dans la
mort? Mais l'anxie? te? du malheur fait douter que le repos soit
dans la tombe, et le de? sespoir est pour les athe? es me^me comme
une re? ve? lation te? ne? breuse de l'e? ternite? des peines. Que ferions-nous alors, que ferions-nous, o^ mou Dieu ! si nous ne pouvions
nous jeter dans votre sein paternel? Celui qui, le premier, ap-
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? 552 DE LA DOULEUR.
pela Dieu notre pe`re, en savait plus sur le coeur humain que
les plus profonds penseurs du sie`cle. Il n'est pas vrai que la religion re? tre? cisse l'esprit; il l'est en-
core moins que la se? ve? rite? des principes religieux soit a` craindre,
. le ne connais qu'une se? ve? rite? redoutable pour les a^mes sensibles,
c'est celle des gens du monde; ce sont eux qui ne conc? oivent
rien, qui n'excusent rien de ce qui est involontaire ; ils se sont
fait un coeur humain a` leur gre? , pour le juger a` leur aise. On
pourrait leur adresser ce qu'on disait a` messieurs de Port-Royal,
qui, d'ailleurs, me? ritaient beaucoup d'admiration : << Il vous
<< est facile de comprendre l'homme que vous avez cre? e? ; mais
<< celui qui est, vous ne le connaissez pas. >>
La plupart des gens du monde sont accoutume? s a` faire de
certains dilemmes sur toutes les situations malheureuses de la
vie, afin de se de? barrasser le plus to^t qu'il est possible de la pitie?
qu'elles exigent d'eux. Il n'y a que deux partis a` prendre, di-
sent-ils : il faut qu'on soit tout un ou tout autre; iljaut sup-
porter ce qu'on ne peut empe^cher ; il faut se consoler de ce qui est irre? vocable. Ou bien, qui veut le but, veut les moyens; il
faut tout faire pour conserver ce dont on ne peut se passer,
etc. , etc. , et mille autres axiomes de ce genre qui ont tous la forme
de proverbes, et qui sont en effet le code de la sagesse vulgaire.
Mais quel rapport y a-t-il entre ces axiomes et les angoisses du
coeur? Tout cela sert tre`s-bien dans les affaires communes de la
vie; mais comment appliquer de telsconseils aux peines morales?
Elles varient toutes selon les individus ; et se composent de mille
circonstances diverses, inconnues a` tout autre qu'a` notre ami le
plus intime, s'il en est un qui sache s'identifier avec nous. Cha-
que caracte`re est presque un monde nouveau pour qui sait ob-
server avec finesse, et je ne connais dans la science du coeur
humain aucune ide? e ge? ne? rale qui s'applique comple? tement aux
exemples particuliers.
Le langage de la religion peut seul convenir a` toutes les situa-
tions et a` toutes les manie`res de sentir! En lisant les re^veries de
J. -J. Rousseau , cet e? loquent tableau d'un e^tre en proie a` une
imagination plus forte que lui, je me suis demande? comment un
homme d'esprit forme? par le monde, et un solitaire religieux,
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auraient essaye? de consoler Rousseau? Il se serait plaint d'e^tre
hai? et perse? cute? ; il se serait dit l'objet de l'envie universelle, et
la victime d'une conjuration qui s'e? tendait depuis le peuple jus-
qu'aux rois; il aurait pre? tendu que tous ses amis l'avaient trahi,
et que les services me^mes qu'on lui rendait e? taient des pie? ges:
qu'aurait alors re? pondu a` toutes ces plaintes l'homme d'esprit
forme? parla socie? te? ? << Vous vous exage? rez singulie`rement, aurait-il dit, l'effet que
<< vous croyez produire ; vous e^tes sans doute un homme fort dis-
<< tingue? , mais comme chacun de nous a pourtant des affaires et
me^me des ide? es a` soi, un livre ne remplit pas toutes les te^tes,
<< l'e? ve? nement de la guerre ou de la paix, et me^me de moindres
<< inte? re^ts, mais qui nous concernent personnellement, nous
occupent beaucoup plus qu'un e? crivain, quelque ce? le`bre qu'il
puisse e^tre. On vous a exile? , il est vrai, mais tous les pays
<< doivent e^tre e? gaux a` un philosophe comme vous; et a` quoi ser-
<< viraient donc la morale et la religion, que vous de? veloppez si
bien dans vos e? crits, si vous ne saviez pas supporter les revers
<< qui vous ont atteint ? Sans doute quelques personnes vous en-
<< vient, parmi vos confre`res les hommes de lettres; mais cela
<< ne peut s'e? tendre aux classes de la socie? te? qui s'embarrassent
<< fort peu de la litte? rature; d'ailleurs, si la ce? le? brite? vous impor-
<< tune re? ellement, rien de si facile que d'y e? chapper. N'e? crivez
<< plus; au bout de peu d'anne? es, on vous oubliera, et vous
serez aussi tranquille que si vous n'aviez jamais rien publie? .
Vous dites que vos amis vous tendent des pie? ges, en faisant
semblant ile vous rendre service. D'abord n'est-il pas possible
qu'il y ait une le? ge`re nuance d'exaltation romanesque dans
<< votre manie`re de juger vos relations personnelles? 11 faut vo-
<< tre belleimagination pour composer la Nouvelle He? loi? se; mais
<< un peu de raison est ne? cessaire dans les affaires d'ici bas, et
<< quand on le veut bien, on voit les choses telles qu'elles sont.
Si pourtant vos amis vous trompent, il faut rompre avec eux;
<< mais vous seriez bien insense? de vous en affliger; car, de deux
<< choses l'une, ou` ils sont dignes de votre estime, et dans ce cas
vous auriez tort de les soupc? onner; ou si vos soupcons sont
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? 554 ? "? ? LA DOULEUR.
<< bien fonde? s, vous ne devez pas alors regretter de tels amis. >>
Apre`s avoir e? coute? ce dilemme, J. -J. Rousseau aurait bien
pu prendre un troisie`me parti, celui de se jeter dans la rivie`re.
Mais que lui aurait dit le solitaire religieux?
<< Mon fils, je ne connais pas le monde, et j'ignore s'il est vrai
<< qu'on vous y veuille du mal; mais s'il en e? tait ainsi, vous
<< auriez cela de commun avec tous les bons qui cependant ont
<< pardonne? a` leurs ennemis; car Je? sus-Christ etSocrate, le
Dieu et l'homme en ont donne? l'exemple. Il faut que les pas-
<<sions haineuses existent ici-bas pour que l'e? preuve des justes
soit accomplie. Sainte The? re`se a dit des me? chants : -- Les
i malheureux! ils n'aiment pas; et cependant les me? chants
<< vivent aussi, pour qu'ils aient le temps de se repentir.
<< Vous avez rec? u du ciel des dons admirables; s'ils vous ont
<< servi a` faire aimer ce qui est bon, n'avez-vous pas de? ja` joui
<< d'avoir e? te? un soldat de la ve? rite? sur la terre? Si vous avez
<< attendri les coeurs par une e? loquence entrai^nante, vous ob-
<<tiendrez pour vous quelques-unes des larmes que vous avez
fait couler. Vous avez des ennemis pre`s de vous, mais des
amis au loin, parmi les solitaires qui vous lisent, et vous
<< avez console? des infortune? s mieux que nous ne pouvons vous
<< consoler vous-me^me. Que n'ai-je votre talent, pour me faire
entendre de vous! C'est une belle chose que le talent, mon
fils; les hommes cherchent souvent a` le de? nigrer; ils vous di-
<< seul a` tort que nous le condamnons au nom de Dieu : cela n'est
pas vrai. C'est une e? motion-divine que celle qui inspire l'e? lo-
<< quence, et si vous n'en avez point abuse? , sachez supporter
<< l'envie, car une telle supe? riorite? vaut bien les peines qu'elle
<< peut faire e? prouver.
<< Ne? anmoins, mon fils, je le crains, l'orgueil se me^le a` vos
<< peines, et voila` ce qui leur donne de l'amertume; car toutes
l'les douleurs qui sont reste? es humbles font couler doucement
<< nos pleurs; mais il y a du poison dans l'orgueil, et l'homme
<< devient insense? quand il s'y livre : c'est un ennemi qui se fait
son chevalier, pour mieux le perdre.
<< Le ge? nie ne doit servir qu'a` manifester la bonte? supre^me de
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<< l'a^me. Il y a beaucoup de gens qui ont cette bonte? sans le talent
de l'exprimer; remerciez Dieu de qui vous tenez le charme de
ces paroles faites pour enchanter l'imagination des hommes.
Mais ne soyez fier que du sentiment qui vous les dicte. Tout
s'apaisera pour vous dans la vie, si vous restez toujours reli-
<< gieusement bon; les me? chants me^mes se hissent de faire du
? mal, leur propre venin les e? puise; et puis Dieu n'est-il pas la`
pour avoir soin du passereau qui tombe, et du coeur de l'homme
qui souffre?
<< Vous dites que vos amis veulent vous trahir; prenez garde
<< de les accuser injustement: malheur a` celui qui aurait re-
<<pousse? une affection ve? ritable, car ce sont les anges du ciel
qui nous l'envoient; ils se sont re? serve? cette part dans le destin
de l'homme! Ne permettez pas a` votre imagination de vous
e? garer; il faut la laisser planer dans les re? gions des nuages;
<< mais il n'y a que le coeur pour juger un autre coeur; et vous
seriez bien coupable si vous me? connaissiez une amitie? since`re:
car la beaute? de l'a^me consiste dans sa ge? ne? reuse confiance, et
la prudence humaine est figure? e par un serpent.
<< Il se peut toutefois qu'en expiation de quelques e? garements
<< dont vos grandes faculte? s ont e? te? la cause, vous soyez condamne?
<< sur cette terre a` boire la coupe empoisonne? e de la trahison
d'un ami. S'il en est ainsi, je vous plains , la Divinite? me^me
vous a plaint en vous punissant : mais ne vous re?
