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bonheur ou le malheur?
bonheur ou le malheur?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
mu par la mission qu'il
remplissait >>. Ses regards, sa physionomie, pouvaient servir de
mode`le a` quelques-uns des tableaux dont les autres temples
sont pare? s; ses accents re? pondaient au concert des anges. 11 y
avait la` devant nous une cre? ature mortelle, convaincue de notre
immortalite? , de celle de nos amis que nous avons perdus, de
celle de nos enfants, qui nous survivront de si peu dans la
carrie`re du temps! et la persuasion intime d'une a^me pure sem-
blait une re? ve? lation nouvelle.
Il descendit de sa chaire pour donner la communion aux fide`-
les qui vivent a` l'abri de son exemple. Son fils e? tait comme lui,
ministre de l'e? glise, et sous des traits plus jeunes, il avait, ainsi
que son pe`re, une expression pieuse et recueillie. Alors, selon
l'usage, le pe`re et le fils se donne`rent mutuellement le pain et la
coupe, qui servent chez les protestants de comme? moration au
plus touchant des myste`res; le fils ne voyait dans son pe`re
qu'un pasteur plus avance? que lui dans l'e? tat religieux qu'il 1 M. Cc? le? ii? er, pasteur ile Satigny, pre? s de Cene? ve.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 438 DE LA MYSTICITE.
voulait suivre; le pe`re respectait dans son fils la sainte vocation
qu'il avait embrasse? e. Tous deux s'adresse`rent, en communiant
ensemble, les passagesde l'E? vangile faits pour resserrer d'un
me^me lien les e? trangers comme les amis; et, renfermant dans
leurs coeur tous les deux leurs sentiments les plus intimes, ils
semblaient oublier leurs relations personnelles en pre? sence de
la Divinite? , pour qui les pe`res et les fils sont tous e? galement des
serviteurs du tombeau et des enfants de l'espe? rance.
Quelle poe? sie, quelle e? motion, source de toute poe? sie, pouvait
manquer au service divin dans un tel moment! Les hommes dont les affections sont de? sinte? resse? es, et les
pense? es religieuses; les hommes qui vivent dans le sanctuaire
de leur conscience, et savent y concentrer, comme dans un mi-
roir ardent, tous les rayons de l'univers; ces hommes, dis-je,
sont les pre^tres du culte de l'a^me, et rien ne doit jamais les
de? sunir. Un abi^me se? pare ceux qui se conduisent par le calcul,
et ceux qui sont guide? s par le sentiment; toutes les autres diffe? -
rences d'opinion ne sont rien, celle-la` seule est radicale. Il se
peut qu'un jour un cri d'union s'e? le`ve, et que l'universalite? des
chre? tiens aspire a` professer la me^me religion the? ologique, poli-
tique et morale; mais avant que ce miracle soit accompli, tous
les hommes qui ont un coeur et qui lui obe? issent, doivent se
respecter mutuellement.
CHAPITRE V.
De la disposition religieuse appele? e mysticite? .
La disposition religieuse appele? e mysticite? n'est qu'une ma-
nie`re plus intime de sentir et de concevoir le christianisme.
Comme dans le mot de mysticite? est renferme? celui de myste`re,
on a cru que les mystiques professaient des dogmes extraordi-
naires, et faisaient une secte a` part. Il n'y a de myste`res chez
eux que ceux du sentiment applique? s a` la religion, et le senti-
ment est a` la fois ce qu'il y a de plus clair, de plus simple et de
plus inexplicable : il faut distinguer cependant les Ihe? osophes,
e'est-a` dire, ceux qui s'occupent de la the? ologie philosophique,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA MYSTICITE. 539
tels que Jacob Boehme, Saint-Martin, etc. , des simples iviysti-
tiques; les premiers veulent pe? ne? trer le secret de la cre? ation ,
les seconds s'en tiennent a` leur propre coeur. Plusieurs Pe`res de
l'E? glise , Thomas A-Kempis , Fe? nelon, saint Franc? ois de Sa-
les , etc. , et chez les protestants un grand nombre d'e? crivains
anglais et allemands ont e? te? des mystiques, c'est-a`-dire des
hommes qui faisaient de la religion un amour, et la me^laient a`
toutes leurs pense? es comme a` toutes leurs actions. Le sentiment religieux qui est la base de toute la doctrine des
mystiques, consiste dans une paix inte? rieure pleine de vie. Les
agitations des passions ne laissent point de calme : la tranquil-
lite? de la se? cheresse et dela me? diocrite? d'esprit tue la vie de
l'a^me; ce n'est que dans le sentiment religieux qu'on trouve une
re? union parfaite du mouvement et du repos. Cette disposition
n'est continuelle, je crois, dans aucun homme, quelque pieux
qu'il puisse e^tre; mais le souvenir et l'espe? rance de ces saintes
e? motions de? cident de la conduite de ceux qui les ont e? prou-
ve? es.
Si l'on conside`re les peines et les plaisirs de la vie comme
l'effet du hasard ou du bien joue? , alors le de? sespoir et la joie
doivent e^tre, pour ainsi dire, des mouvements convulsifs. Car
quel hasard que celui qui dispose de notre existence! quel or-
gueil ou quel regret ne doit-on pas e? prouver, quand il s'agit
d'une de? marche qui a pu influer sur tout notre sort? A quels
tourments d'incertitude ne devrait-on pas e^tre livre? , si notre
raison disposait seule de notre destine? e dans ce monde? Mais si
l'on croit, au contraire, qu'il n'y a que deux choses importan-
tes pour le bonheur, la purete? de l'intention, et la re? signation
a` l'e? ve? nement, quel qu'il soit, lorsqu'il ne de? pend plus de nous,
sans doute beaucoup de circonstances nous feront encore cruel-
lement souffrir, mais aucune ne rompra nos liens avec le ciel.
Lutter contre l'impossible est ce qui engendre en nous les sen-
timents les plus amers; et la cole`re de Satan n'est autre chose
que la liberte? aux prises avec la ne? cessite? , et ne pouvant ni la
dompter, ni s'y soumettre.
L'opinion dominante parmi les chre? tiens mystiques, c'est
que le seul hommage qui puisse plaire a` Dieu, c'est celui de la
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 540 DE LA MYSTICITE.
volonte? , dont il a fait don a` l'homme; quelle offrande plus de? -
sinte? resse? e pouvons-nous, en effet, pre? sentera` la Divinite? ? Le
culte, l'encens, les hymnes ont presque toujours pour but d'ob-
tenir les prospe? rite? s de la terre, et c'est ainsi que la flatterie de
ce monde entoure les monarques; mais se re? signer a` la volonte?
de Dieu, ne vouloir rien que ce qu'il veut, c'est l'acte religieux
le plus pur dont l'a^me humaine soit capable. Trois sommations
sont faites a` l'homme pour obtenir de lui cette re? signation, la
jeunesse, l'a^ge mu^r, et la vieillesse : heureux ceux qui se sou-
mettent a` la premie`re!
C'est l'orgueil, en toutes choses, qui met le venin dans la
blessure: l'a^me re? volte? e accuse le ciel, l'homme religieux
laisse la douleur agir sur lui selon l'intention de celui qui
l'envoie; il se sert de tous les moyens qui sont en sa puissance
pour l'e? viter ou pour la soulager : mais quand l'e? ve? nement est
irre? vocable, les caracte`res sacre? s de la volonte? supre^me y sont
empreints.
Quel malheur accidentel peut e^tre compare? a` la vieillesse et
a` la mort ? Et cependant presque tous les hommes s'y re? signent,
parce qu'il n'y a point d'armes contre elles: d'ou` vient donc
que chacun se re? volte contre les malheurs particuliers, tandis
que tous se plient sous le malheur universel ? C'est qu'on traite
lesort comme un gouvernement, a` qui l'on permet de faire
souffrir tout le monde, pourvu qu'il n'accorde de privile? ges a`
personne. Les malheurs que nous avons en commun avec nos
semblables, sont aussi durs, et nous causent autant de souffrance que nos malheurs particuliers; et cependant ils n'excitent pres-
que jamais en nous la me^me re? bellion. Pourquoi les hommes ne
se disent-ils pasqu'il faut supporter ce qui les concerne person-
nellement, comme ils supportent la condition de l'humanite? en
ge? ne? ral ? C'est qu'on croittrouver de l'injustice dans son partage
individuel. Singulier orgueil de l'homme, de vouloir juger la
Divinite? avec l'instrument qu'il a rec? u d'elle ! Que sait-il de ce
qu'e? prouve un autre? que sait-il de lui-me^me? que sait-il de
rien, excepte? de son sentiment inte? rieur? Et ce sentiment, plus
il est intime, plus il contient le secret de notre fe? licite? ; car
n'est-ce pas dans le fond de nous-me^mes que nous sentons le
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? DE LA MYSTICITE? .
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bonheur ou le malheur? L'amour religieux ou l'amour-propre
pe? ne`trent seuls jusqu'a` la source de nos pense? es les plus cache? es.
Sous le nom d'amour religieux sont renferme? es toutes les affections de? sinte? resse? es, et sous celui d'amour-propre tousses pen-
chants e? goi? tes : de quelque manie`re que le sort nous seconde
ou nous contrarie, c'est toujours de l'ascendant de l'un de ces
amours sur l'autre que de? pend la jouissance calme ou le ma-
laise inquiet. C'est manquer, ce me semble, tout a` fait de respect a` la Pro-
vidence, que de nous supposer en proie a` ces fanto^mes qu'on
appelle les e? ve? nements: leur re? alite? consiste dans ce qu'ils
produisent sur l'a^me, et il y a une e? galite? parfaite entre toutes
les situations et toutes les destine? es, non pas vues exte? rieure-
ment, mais juge? es d'apre`s leur influence sur le perfectionnement
religieux. Si chacun de nous veut examiner attentivement la
trame de sa propre vie, il y verra deux tissus parfaitement dis-
tincts, l'un qui semble en entier soumis aux causes et aux ef-
fets naturels,l'autre dont la tendance tout a` fait myste? rieuse ne
se comprend qu'avec le temps. C'est comme les tapisseries de
haute-lice, dont on travaille les peintures a` l'envers, jusqu'a` ce
que, mises en place, on en puisse juger l'effet. On finit par
apercevoir me^me dans cette vie, pourquoi l'on a souffert, pour-
quoi l'on n'a pas obtenu ce qu'on de? sirait. L'ame? lioration de
notre propre coeur nous re? ve`le l'intention bienfaisante qui nous
a soumis a` la peine; car les prospe? rite? s de la terre auraient
me^me quelque chose de redoutable, si elles tombaient sur nous
apre`s que nous nous serions rendus coupables de grandes fautes:
on se croirait alors abandonne? par la main de celui qui nous
livrerait au bonheur ici-bas, comme a` notre seul avenir. *
Ou tout est hasard, ou il n'y en a pas un seul dans ce monde,
et s'il n'y en a pas, le sentiment religieux consiste a` se mettre
en harmonie avec l'ordre universel, malgre? l'esprit de re? bellion
ou d'envahissement que l'e? goi? sme inspire a` chacun de nous en
particulier. Tous les dogmes et tous les cultes sont les formes
diverses que ce sentiment religieux a reve^tues, selon les temps
et selon les pays; il peut se de? praver par la terreur, quoiqu'il
soit fonde? sur la confiance; mais il consiste toujours dans la << vn. vili DE . M U. I. . 4>>
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? 042 DR LA MYSTICITE? .
conviction qu'il n'y a rien d'accidentel dans les e? ve? nements, et
que notre seule manie`re d'influer sur le sort, c'est en agissant
sur nous-me^mes. La raison n'en re`gne pas moins dans tout ce
qui tient a` la conduite de la vie; mais quand cette me? nage`re de
l'existence l'a arrange? e le mieux qu'elle a pu, le fond de notre
coeur appartient toujours a` l'amour, et ce qu'on appelle la mys-
ticite? , c'est cet amour dans sa purete? la plus parfaite.
L'e? le? vation de l'a^me vers son Cre? ateur est le culte supre^me
des chre? tiens mystiques; mais ils ne s'adressent point a` Dieu
pour demander telle ou telle prospe? rite? de cette vie. Un e? crivain
franc? ais qui a des lueurs sublimes, M. de Saint-Martin, a dit
que la prie`re e? tait la respiration de l'a^me. Les mystiques sont,
pour la plupart, convaincus qu'il y a re? ponse a` cette prie`re, et
que la grande re? ve? lation du christianisme peut se renouveler en
quelque sorte dans l'a^me, chaque fois qu'elle s'e? le`ve avec ardeur
vers le ciel. Quand on croit qu'il n'existe plus de communication
imme? diate entre l'E^tre supre^me et l'homme, la prie`re n'est,
pour ainsi dire, qu'un monologue; mais elle devient un acte bien
plus secourable, lorsqu'on est persuade? que la Divinite? se fait
sentir au fond de notre coeur. En effet, on ne saurait nier, ce
me semble, qu'il ne se passe en nous des mouvements qui ne
nous viennent en rien du dehors, et qui nous calment ou nous
soutiennent, sans qu'on puisse les attribuer a` la liaison ordinaire
des e? ve? nements de la vie.
Des hommes qui ont mis de l'amour-propre dans une doctrine
entie`rement fonde? e sur l'abne? gation de l'amour-propre, ont
tire? parti de ces secours inattendus pour se faire des illusions de
tout genre: ils se sont crus des e? lus ou des prophe`tes; ils se
sont imagine? qu'ils avaient des visions; enfm ils sont entre? s
en superstition vis-a`-vis d'eux-me^mes. Que ne peut l'orgueil
humain, puisqu'il s'insinue dans le coeur sous la forme me^me
de l'humilite? ! Mais il n'en est pas moins vrai que rien n'est plus
simple et plus pur que les rapports de l'a^me avec Dieu, tels
qu'ils sont conc? us par ce qu'on a coutume d'appeler les mysti-
ques, c'est-a`-dire, les chre? tiens qui mettent l'amour dans la re-
ligion.
En lisant les oeuvres spirituelles de Fe? nelon, qui pourrait
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? DE LA. MYSTICITE? . 543
n'e^lre pas attendri! Ou` trouver tant de lumie`res, tant de conso-
lations, tant d'indulgence? 11 n'y a la` ni fanatisme ni auste? rite? s
autres que celles de la vertu, ni intole? rance, ni exclusion. Les
diversite? s des communions chre? tiennes ne peuvent e^tre senties
a` cette hauteur, qui est au-dessus de toutes les formes acciden-
telles que le temps cre? e et de? truit.
Il serait bien te? me? raire, assure? ment, celui qui se hasarderait
a` pre? voir ce qui tient a` de si grandes choses : ne? anmoins j'oserai
dire que tout tend a` faire triompher les sentiments religieux
dans les a^mes. Le calcul a pris un tel empire sur les affaires de
ce monde, que les caracte`res qui ne s'y pre^tent pas sont naturel-
lement rejete? s dans l'extre^me oppose? . C'est pourquoi tous les
penseurs solitaires, d'un bout du monde a` l'autre, cherchent
a` rassembler dans un me^me foyer les rayons e? pars de la litte? -
rature, de la philosophie et de la religion.
On craint en ge? ne? ral que ladoctrine de la re? signation reli-
gieuse, appele? e dans le sie`cle dernier lequie? tisme, ne de? gou^te
de l'activite? ne? cessaire dans cette vie. Mais la nature se charge
assez de soulever en nous les passions individuelles, pour qu'on
n'ait pas beaucoup a` craindre d'un sentiment qui les calme.
Nous ne disposons ni de notre naissance, ni de notre mort, et
plus des trois quarts de notre destine? e sont de? cide? s par ces deux
e? ve? nements. Nul ne peut changer les donne? es primitives de sa
naissance, de son pays, de son sie`cle, etc. Nul ne peut acque? -
rir la figure ou le ge? nie qu'il n'a pas rec? u de la nature; et de
combien d'autres circonstances impe? rieuses encore la vie n'est-
elle pas compose? e? Si notre sort consiste en cent lots divers, il
y en a quatre-vingt-dix-neuf qui ne de? pendent pas de nous; et
toute la fureur de notre volonte? se porte sur la faible portion qui semble encore en notre puissance. Or l'action de la volonte?
me^me sur cette faible portion est singulie`rement incomple`te. Le
seul acte de la liberte? de l'homme qui atteigne toujours son but,
c'est l'accomplissement du devoir: l'issue de toutes les autres
re? solutions de? pend en entier des accidents auxquels la prudence
me^me ne peut rien. La plupart des hommes n'obtiennent pas
ce qu'ils veulent fortement: et la prospe? rite? me^me, lorsqu'ils
en ont, leur vient souvent par une voie inattendue.
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? $44 DE LU MYSTICITE? .
Lo doctrine de la mysticite? passe pour se? ve`re, parce qu'elle
commande le de? tachement de soi, et que cela semble, avec rai-
son, fort difficile : mais elle est dans le fait la plus douce de tou-
tes; elle consiste dans ce proverbe, faire de ne? cessite? vertu:
faire de ne? cessite? vertu, dans le sens religieux, c'est attribuer a`
la Providence le gouvernement de ce monde, et trouver dans
cette pense? e une consolation intime. Les e? crivains mystiques
n'exigent rien au dela` de la ligne du devoir, telle que tous les
hommes honne^tes l'ont trace? e; ils ne commandent point de se
faire des peines a` soi-me^me; ils pensent que l'homme ne doit,
ni appeler sur lui la souffrance, ni s'irriter contre elle, quand
elle arrive.
Quel mal pourrait-il donc re? sulter de cette croyance, qui re? u-
nit le calme du stoi? cisme avec la sensibilite? des chre? tiens? --
Elle empe^che d'aimer, dira-t-on. -- Ah!
remplissait >>. Ses regards, sa physionomie, pouvaient servir de
mode`le a` quelques-uns des tableaux dont les autres temples
sont pare? s; ses accents re? pondaient au concert des anges. 11 y
avait la` devant nous une cre? ature mortelle, convaincue de notre
immortalite? , de celle de nos amis que nous avons perdus, de
celle de nos enfants, qui nous survivront de si peu dans la
carrie`re du temps! et la persuasion intime d'une a^me pure sem-
blait une re? ve? lation nouvelle.
Il descendit de sa chaire pour donner la communion aux fide`-
les qui vivent a` l'abri de son exemple. Son fils e? tait comme lui,
ministre de l'e? glise, et sous des traits plus jeunes, il avait, ainsi
que son pe`re, une expression pieuse et recueillie. Alors, selon
l'usage, le pe`re et le fils se donne`rent mutuellement le pain et la
coupe, qui servent chez les protestants de comme? moration au
plus touchant des myste`res; le fils ne voyait dans son pe`re
qu'un pasteur plus avance? que lui dans l'e? tat religieux qu'il 1 M. Cc? le? ii? er, pasteur ile Satigny, pre? s de Cene? ve.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 438 DE LA MYSTICITE.
voulait suivre; le pe`re respectait dans son fils la sainte vocation
qu'il avait embrasse? e. Tous deux s'adresse`rent, en communiant
ensemble, les passagesde l'E? vangile faits pour resserrer d'un
me^me lien les e? trangers comme les amis; et, renfermant dans
leurs coeur tous les deux leurs sentiments les plus intimes, ils
semblaient oublier leurs relations personnelles en pre? sence de
la Divinite? , pour qui les pe`res et les fils sont tous e? galement des
serviteurs du tombeau et des enfants de l'espe? rance.
Quelle poe? sie, quelle e? motion, source de toute poe? sie, pouvait
manquer au service divin dans un tel moment! Les hommes dont les affections sont de? sinte? resse? es, et les
pense? es religieuses; les hommes qui vivent dans le sanctuaire
de leur conscience, et savent y concentrer, comme dans un mi-
roir ardent, tous les rayons de l'univers; ces hommes, dis-je,
sont les pre^tres du culte de l'a^me, et rien ne doit jamais les
de? sunir. Un abi^me se? pare ceux qui se conduisent par le calcul,
et ceux qui sont guide? s par le sentiment; toutes les autres diffe? -
rences d'opinion ne sont rien, celle-la` seule est radicale. Il se
peut qu'un jour un cri d'union s'e? le`ve, et que l'universalite? des
chre? tiens aspire a` professer la me^me religion the? ologique, poli-
tique et morale; mais avant que ce miracle soit accompli, tous
les hommes qui ont un coeur et qui lui obe? issent, doivent se
respecter mutuellement.
CHAPITRE V.
De la disposition religieuse appele? e mysticite? .
La disposition religieuse appele? e mysticite? n'est qu'une ma-
nie`re plus intime de sentir et de concevoir le christianisme.
Comme dans le mot de mysticite? est renferme? celui de myste`re,
on a cru que les mystiques professaient des dogmes extraordi-
naires, et faisaient une secte a` part. Il n'y a de myste`res chez
eux que ceux du sentiment applique? s a` la religion, et le senti-
ment est a` la fois ce qu'il y a de plus clair, de plus simple et de
plus inexplicable : il faut distinguer cependant les Ihe? osophes,
e'est-a` dire, ceux qui s'occupent de la the? ologie philosophique,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? DE LA MYSTICITE. 539
tels que Jacob Boehme, Saint-Martin, etc. , des simples iviysti-
tiques; les premiers veulent pe? ne? trer le secret de la cre? ation ,
les seconds s'en tiennent a` leur propre coeur. Plusieurs Pe`res de
l'E? glise , Thomas A-Kempis , Fe? nelon, saint Franc? ois de Sa-
les , etc. , et chez les protestants un grand nombre d'e? crivains
anglais et allemands ont e? te? des mystiques, c'est-a`-dire des
hommes qui faisaient de la religion un amour, et la me^laient a`
toutes leurs pense? es comme a` toutes leurs actions. Le sentiment religieux qui est la base de toute la doctrine des
mystiques, consiste dans une paix inte? rieure pleine de vie. Les
agitations des passions ne laissent point de calme : la tranquil-
lite? de la se? cheresse et dela me? diocrite? d'esprit tue la vie de
l'a^me; ce n'est que dans le sentiment religieux qu'on trouve une
re? union parfaite du mouvement et du repos. Cette disposition
n'est continuelle, je crois, dans aucun homme, quelque pieux
qu'il puisse e^tre; mais le souvenir et l'espe? rance de ces saintes
e? motions de? cident de la conduite de ceux qui les ont e? prou-
ve? es.
Si l'on conside`re les peines et les plaisirs de la vie comme
l'effet du hasard ou du bien joue? , alors le de? sespoir et la joie
doivent e^tre, pour ainsi dire, des mouvements convulsifs. Car
quel hasard que celui qui dispose de notre existence! quel or-
gueil ou quel regret ne doit-on pas e? prouver, quand il s'agit
d'une de? marche qui a pu influer sur tout notre sort? A quels
tourments d'incertitude ne devrait-on pas e^tre livre? , si notre
raison disposait seule de notre destine? e dans ce monde? Mais si
l'on croit, au contraire, qu'il n'y a que deux choses importan-
tes pour le bonheur, la purete? de l'intention, et la re? signation
a` l'e? ve? nement, quel qu'il soit, lorsqu'il ne de? pend plus de nous,
sans doute beaucoup de circonstances nous feront encore cruel-
lement souffrir, mais aucune ne rompra nos liens avec le ciel.
Lutter contre l'impossible est ce qui engendre en nous les sen-
timents les plus amers; et la cole`re de Satan n'est autre chose
que la liberte? aux prises avec la ne? cessite? , et ne pouvant ni la
dompter, ni s'y soumettre.
L'opinion dominante parmi les chre? tiens mystiques, c'est
que le seul hommage qui puisse plaire a` Dieu, c'est celui de la
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:50 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 540 DE LA MYSTICITE.
volonte? , dont il a fait don a` l'homme; quelle offrande plus de? -
sinte? resse? e pouvons-nous, en effet, pre? sentera` la Divinite? ? Le
culte, l'encens, les hymnes ont presque toujours pour but d'ob-
tenir les prospe? rite? s de la terre, et c'est ainsi que la flatterie de
ce monde entoure les monarques; mais se re? signer a` la volonte?
de Dieu, ne vouloir rien que ce qu'il veut, c'est l'acte religieux
le plus pur dont l'a^me humaine soit capable. Trois sommations
sont faites a` l'homme pour obtenir de lui cette re? signation, la
jeunesse, l'a^ge mu^r, et la vieillesse : heureux ceux qui se sou-
mettent a` la premie`re!
C'est l'orgueil, en toutes choses, qui met le venin dans la
blessure: l'a^me re? volte? e accuse le ciel, l'homme religieux
laisse la douleur agir sur lui selon l'intention de celui qui
l'envoie; il se sert de tous les moyens qui sont en sa puissance
pour l'e? viter ou pour la soulager : mais quand l'e? ve? nement est
irre? vocable, les caracte`res sacre? s de la volonte? supre^me y sont
empreints.
Quel malheur accidentel peut e^tre compare? a` la vieillesse et
a` la mort ? Et cependant presque tous les hommes s'y re? signent,
parce qu'il n'y a point d'armes contre elles: d'ou` vient donc
que chacun se re? volte contre les malheurs particuliers, tandis
que tous se plient sous le malheur universel ? C'est qu'on traite
lesort comme un gouvernement, a` qui l'on permet de faire
souffrir tout le monde, pourvu qu'il n'accorde de privile? ges a`
personne. Les malheurs que nous avons en commun avec nos
semblables, sont aussi durs, et nous causent autant de souffrance que nos malheurs particuliers; et cependant ils n'excitent pres-
que jamais en nous la me^me re? bellion. Pourquoi les hommes ne
se disent-ils pasqu'il faut supporter ce qui les concerne person-
nellement, comme ils supportent la condition de l'humanite? en
ge? ne? ral ? C'est qu'on croittrouver de l'injustice dans son partage
individuel. Singulier orgueil de l'homme, de vouloir juger la
Divinite? avec l'instrument qu'il a rec? u d'elle ! Que sait-il de ce
qu'e? prouve un autre? que sait-il de lui-me^me? que sait-il de
rien, excepte? de son sentiment inte? rieur? Et ce sentiment, plus
il est intime, plus il contient le secret de notre fe? licite? ; car
n'est-ce pas dans le fond de nous-me^mes que nous sentons le
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? DE LA MYSTICITE? .
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bonheur ou le malheur? L'amour religieux ou l'amour-propre
pe? ne`trent seuls jusqu'a` la source de nos pense? es les plus cache? es.
Sous le nom d'amour religieux sont renferme? es toutes les affections de? sinte? resse? es, et sous celui d'amour-propre tousses pen-
chants e? goi? tes : de quelque manie`re que le sort nous seconde
ou nous contrarie, c'est toujours de l'ascendant de l'un de ces
amours sur l'autre que de? pend la jouissance calme ou le ma-
laise inquiet. C'est manquer, ce me semble, tout a` fait de respect a` la Pro-
vidence, que de nous supposer en proie a` ces fanto^mes qu'on
appelle les e? ve? nements: leur re? alite? consiste dans ce qu'ils
produisent sur l'a^me, et il y a une e? galite? parfaite entre toutes
les situations et toutes les destine? es, non pas vues exte? rieure-
ment, mais juge? es d'apre`s leur influence sur le perfectionnement
religieux. Si chacun de nous veut examiner attentivement la
trame de sa propre vie, il y verra deux tissus parfaitement dis-
tincts, l'un qui semble en entier soumis aux causes et aux ef-
fets naturels,l'autre dont la tendance tout a` fait myste? rieuse ne
se comprend qu'avec le temps. C'est comme les tapisseries de
haute-lice, dont on travaille les peintures a` l'envers, jusqu'a` ce
que, mises en place, on en puisse juger l'effet. On finit par
apercevoir me^me dans cette vie, pourquoi l'on a souffert, pour-
quoi l'on n'a pas obtenu ce qu'on de? sirait. L'ame? lioration de
notre propre coeur nous re? ve`le l'intention bienfaisante qui nous
a soumis a` la peine; car les prospe? rite? s de la terre auraient
me^me quelque chose de redoutable, si elles tombaient sur nous
apre`s que nous nous serions rendus coupables de grandes fautes:
on se croirait alors abandonne? par la main de celui qui nous
livrerait au bonheur ici-bas, comme a` notre seul avenir. *
Ou tout est hasard, ou il n'y en a pas un seul dans ce monde,
et s'il n'y en a pas, le sentiment religieux consiste a` se mettre
en harmonie avec l'ordre universel, malgre? l'esprit de re? bellion
ou d'envahissement que l'e? goi? sme inspire a` chacun de nous en
particulier. Tous les dogmes et tous les cultes sont les formes
diverses que ce sentiment religieux a reve^tues, selon les temps
et selon les pays; il peut se de? praver par la terreur, quoiqu'il
soit fonde? sur la confiance; mais il consiste toujours dans la << vn. vili DE . M U. I. . 4>>
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? 042 DR LA MYSTICITE? .
conviction qu'il n'y a rien d'accidentel dans les e? ve? nements, et
que notre seule manie`re d'influer sur le sort, c'est en agissant
sur nous-me^mes. La raison n'en re`gne pas moins dans tout ce
qui tient a` la conduite de la vie; mais quand cette me? nage`re de
l'existence l'a arrange? e le mieux qu'elle a pu, le fond de notre
coeur appartient toujours a` l'amour, et ce qu'on appelle la mys-
ticite? , c'est cet amour dans sa purete? la plus parfaite.
L'e? le? vation de l'a^me vers son Cre? ateur est le culte supre^me
des chre? tiens mystiques; mais ils ne s'adressent point a` Dieu
pour demander telle ou telle prospe? rite? de cette vie. Un e? crivain
franc? ais qui a des lueurs sublimes, M. de Saint-Martin, a dit
que la prie`re e? tait la respiration de l'a^me. Les mystiques sont,
pour la plupart, convaincus qu'il y a re? ponse a` cette prie`re, et
que la grande re? ve? lation du christianisme peut se renouveler en
quelque sorte dans l'a^me, chaque fois qu'elle s'e? le`ve avec ardeur
vers le ciel. Quand on croit qu'il n'existe plus de communication
imme? diate entre l'E^tre supre^me et l'homme, la prie`re n'est,
pour ainsi dire, qu'un monologue; mais elle devient un acte bien
plus secourable, lorsqu'on est persuade? que la Divinite? se fait
sentir au fond de notre coeur. En effet, on ne saurait nier, ce
me semble, qu'il ne se passe en nous des mouvements qui ne
nous viennent en rien du dehors, et qui nous calment ou nous
soutiennent, sans qu'on puisse les attribuer a` la liaison ordinaire
des e? ve? nements de la vie.
Des hommes qui ont mis de l'amour-propre dans une doctrine
entie`rement fonde? e sur l'abne? gation de l'amour-propre, ont
tire? parti de ces secours inattendus pour se faire des illusions de
tout genre: ils se sont crus des e? lus ou des prophe`tes; ils se
sont imagine? qu'ils avaient des visions; enfm ils sont entre? s
en superstition vis-a`-vis d'eux-me^mes. Que ne peut l'orgueil
humain, puisqu'il s'insinue dans le coeur sous la forme me^me
de l'humilite? ! Mais il n'en est pas moins vrai que rien n'est plus
simple et plus pur que les rapports de l'a^me avec Dieu, tels
qu'ils sont conc? us par ce qu'on a coutume d'appeler les mysti-
ques, c'est-a`-dire, les chre? tiens qui mettent l'amour dans la re-
ligion.
En lisant les oeuvres spirituelles de Fe? nelon, qui pourrait
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? DE LA. MYSTICITE? . 543
n'e^lre pas attendri! Ou` trouver tant de lumie`res, tant de conso-
lations, tant d'indulgence? 11 n'y a la` ni fanatisme ni auste? rite? s
autres que celles de la vertu, ni intole? rance, ni exclusion. Les
diversite? s des communions chre? tiennes ne peuvent e^tre senties
a` cette hauteur, qui est au-dessus de toutes les formes acciden-
telles que le temps cre? e et de? truit.
Il serait bien te? me? raire, assure? ment, celui qui se hasarderait
a` pre? voir ce qui tient a` de si grandes choses : ne? anmoins j'oserai
dire que tout tend a` faire triompher les sentiments religieux
dans les a^mes. Le calcul a pris un tel empire sur les affaires de
ce monde, que les caracte`res qui ne s'y pre^tent pas sont naturel-
lement rejete? s dans l'extre^me oppose? . C'est pourquoi tous les
penseurs solitaires, d'un bout du monde a` l'autre, cherchent
a` rassembler dans un me^me foyer les rayons e? pars de la litte? -
rature, de la philosophie et de la religion.
On craint en ge? ne? ral que ladoctrine de la re? signation reli-
gieuse, appele? e dans le sie`cle dernier lequie? tisme, ne de? gou^te
de l'activite? ne? cessaire dans cette vie. Mais la nature se charge
assez de soulever en nous les passions individuelles, pour qu'on
n'ait pas beaucoup a` craindre d'un sentiment qui les calme.
Nous ne disposons ni de notre naissance, ni de notre mort, et
plus des trois quarts de notre destine? e sont de? cide? s par ces deux
e? ve? nements. Nul ne peut changer les donne? es primitives de sa
naissance, de son pays, de son sie`cle, etc. Nul ne peut acque? -
rir la figure ou le ge? nie qu'il n'a pas rec? u de la nature; et de
combien d'autres circonstances impe? rieuses encore la vie n'est-
elle pas compose? e? Si notre sort consiste en cent lots divers, il
y en a quatre-vingt-dix-neuf qui ne de? pendent pas de nous; et
toute la fureur de notre volonte? se porte sur la faible portion qui semble encore en notre puissance. Or l'action de la volonte?
me^me sur cette faible portion est singulie`rement incomple`te. Le
seul acte de la liberte? de l'homme qui atteigne toujours son but,
c'est l'accomplissement du devoir: l'issue de toutes les autres
re? solutions de? pend en entier des accidents auxquels la prudence
me^me ne peut rien. La plupart des hommes n'obtiennent pas
ce qu'ils veulent fortement: et la prospe? rite? me^me, lorsqu'ils
en ont, leur vient souvent par une voie inattendue.
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? $44 DE LU MYSTICITE? .
Lo doctrine de la mysticite? passe pour se? ve`re, parce qu'elle
commande le de? tachement de soi, et que cela semble, avec rai-
son, fort difficile : mais elle est dans le fait la plus douce de tou-
tes; elle consiste dans ce proverbe, faire de ne? cessite? vertu:
faire de ne? cessite? vertu, dans le sens religieux, c'est attribuer a`
la Providence le gouvernement de ce monde, et trouver dans
cette pense? e une consolation intime. Les e? crivains mystiques
n'exigent rien au dela` de la ligne du devoir, telle que tous les
hommes honne^tes l'ont trace? e; ils ne commandent point de se
faire des peines a` soi-me^me; ils pensent que l'homme ne doit,
ni appeler sur lui la souffrance, ni s'irriter contre elle, quand
elle arrive.
Quel mal pourrait-il donc re? sulter de cette croyance, qui re? u-
nit le calme du stoi? cisme avec la sensibilite? des chre? tiens? --
Elle empe^che d'aimer, dira-t-on. -- Ah!
