Mais les siennes ne lâ- chaient jamais les miennes, si je ne les en
détachais
moi- même.
Samuel Beckett
Comme le comparatif est quelque chose. Qu'il soit plus
que son positif ou moins. Qu'il soit moins que son superlatif ou plus.
Rouge, plus bleu, le plus jaune, ce vieux rêve était achevé, à demi achevé, achevé. Encore.
Un peu avant l'aube.
Mais enfin il se réveilla pour trouver, s'étant levé, étant descendu, Erskine parti et, descendu un peu plus, un étran- ger dans la cuisine.
Il ne savait pas quand c'était. C'était quand l'if était vert sombre, presque noir. C'était un matin blanc et mou et la terre semblait parée pour la tombe. C'était au son des cloches, cloches de temple, cloches d'église. C'était un matin où le garçon laitier arriva en chantant, faux à la porte son chant aigu, et en chantant repartit, ayant mesuré le lait, de son bidon, dans le pot, royalement, comme à son accoutu- mée.
L'étranger ressemblait à Arsene et à Erskine, au phy- sique. Il se présenta sous le nom d'Arthur. Arthur.
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III
C'est vers cette époque que W a t t fut transféré dans un autre pavillon, me laissant seul dans l'ancien. En consé- quence de quoi il nous arrivait moins souvent que par le passé de nous rencontrer, et de converser. Non que cela nous fût jamais arrivé souvent, de nous rencontrer, et de conver- ser, loin de là. Mais maintenant moins que jamais. Car nous quittions rarement nos pavillons, Watt quittait rarement le sien et je quittais rarement le mien. Et lorsque exception-
nellement nous étions amenés, par le temps que nous aimions, à quitter nos pavillons, et à sortir dans le parc, nous ne l'étions pas toujours au même moment. Car le temps que j'aimais moi, tout en ressemblant au temps qu'aimait Watt, avait certaines caractéristiques que le temps qu'ai- mait Watt n'avait pas, et manquait de certaines carac- téristiques que le temps qu'aimait Watt avait. Ainsi lors- qu'il nous arrivait, attirés au même moment hors de nos pavillons par ce que chacun croyait être le temps aimé, de nous rencontrer dans le petit parc, et peut-être de conver-
ser (car si nous ne pouvions converser sans nous rencontrer, nous pouvions, et c'était souvent le cas, nous rencontrer sans converser), il était presque fatal qu'au moins l'un des deux soit déçu, et se repente amèrement d'avoir quitté son pavillon, et fasse le vain serment de ne plus quitter son pavillon, plus jamais quitter son pavillon, pour rien au monde. Si bien que nous connaissions la résistance aussi,
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la résistance à l'appel du temps aimé, mais rarement au même instant. Non qu'il y eût le moindre rapport entre le fait de résister au même instant et celui de nous rencontrer, et de converser, loin de là. Car lorsque nous résistions tous les deux, alors il ne nous arrivait pas davantage de nous rencontrer, et de converser, que lorsque l'un résistait et l'autre cédait. Mais ah lorsque nous cédions tous les deux, alors il nous. arrivait de nous rencontrer, et peut-être de converser, dans le petit parc.
Le oui est si facile, le non est si facile, quand l'appel se fait entendre, si facile, si facile. Mais à nous dans notre monde sans fenêtres, à la température du corps, fermé aux bruits du dehors, à qui nous ne pouvions entendre le vent, ni voir le soleil, quel appel pouvait parvenir, du temps que nous aimions, sinon un appel d'une faiblesse à se gausser de oui et de non? Et il était manifestement impossible d'avoir la moindre confiance dans les renseignements météorolo- giques de nos surveillants. Rien d'étonnant dans ces condi- tions si, par pure ignorance de ce qui se faisait dehors, nous passions enfermés, tantôt Watt, tantôt moi, tantôt Watt et moi, maintes heures fugitives qui auraient fui tout aussi bien, sinon mieux, certainement pas plus mal, loin de nous, avec nous, lors d'une promenade, solitaire ou à deux, avec ou sans colloque, dans le petit parc. Non, mais l'éton- nant c'est qu'à nous, disposés à céder, chacun à part dans sa tiédeur feutrée et sombre, l'appel ait pu tant de fois par- venir, quelquefois parvenir, assez clair pour nous attirer dehors, dans le petit parc. Oui, que nous ayons jamais pu nous rencontrer, et nous parler, et nous écouter, et que mon bras ait jamais pu reposer sur son bras, et le sien sur le mien, et que nos épaules aient jamais pu se toucher, et nos jambes tricoter en cadence, en ne laissant pour ainsi
dire qu'une seule trace, parallèlement les droites en avant, les gauches en arrière, puis sans hésitation l'inverse, et que penchés en avant, poitrine contre poitrine, nous ayons jamais
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pu nous embrasser (oh exceptionnellement et jamais sur la bouche bien sûr), cela m'a semblé, la dernière fois que j'y ai pensé, étonnant, étonnant. Car nous ne quittions jamais nos pavillons, jamais, sinon à l'appel du temps aimé, Watt ne quittait jamais le sien à cause de moi, je ne quittais jamais le mien à cause de lui, mais les quittant chacun de son côté à l'appel du temps aimé il nous arrivait de nous rencontrer, et même parfois de converser, de la façon la plus amicale, pour ne pas dire tendre, dans le petit parc.
Aucun contact avec la canaille, grouillant dans les cou- loirs, sottement braillarde, bruyamment morose, et jouant à la balle, toujours jouant à la balle, mais à petits pas raides et délicats, à travers ce pullulement de pitres ricanants, hors de nos pavillons vers le temps que nous aimions, et retour de même.
Vent fort avec soleil brillant, voilà le temps que nous aimions (l). Mais tandis que pour Watt l'essentiel était le vent, le soleil était l'essentiel pour Sam. Il s'ensuivait que Watt, donné un vent fort à souhait, ne pestait pas trop contre un soleil qui sans laisser d'être brillant aurait pu l'être encore plus, et que Sam, illuminé de façon adéquate, pouvait passer sur un vent qui sans manquer de force aurait gagné à en avoir davantage. Il est donc évident que les occasions étaient rarissimes où, nous promenant et peut- être conversant dans le petit parc, il nous était donné de nous y promener et peut-être d'y converser avec une joie égale. Car lorsque au soleil Sam resplendissait, alors Watt
pouvait haleter dans un vide, et lorsque comme une feuille
Watt était secoué, alors Sam pouvait trébucher dans le
noir. Mais ah lorsque exceptionnellement les degrés rêvés
de ventilation et de rayonnement étaient réunis, dans le
r
(1) Watt aimait le soleil à cette époque ou tout au moins le suppor- tait. On ne sait rien de cette volte-face. Que bougent toutes les ombres, et non seulement lui-même, semblait lui faire plaisir.
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petit parc, alors nous jouissions d'une paix égale, chacun à sa manière, jusqu'à ce que tombe le vent, décline le soleil.
Non que le parc fût si petit, loin de là, puisqu'il s'éten- dait sur cinq ou sept hectares. Mais à nous il semblait petit, après nos pavillons.
Il poussait là d'immenses trembles blêmes et des ifs éternellement sombres, avec une luxuriance tropicale, et d'autres essences aussi, en nombre moindre, si bien que nous marchions souvent dans l'ombre, épaisse, frémissante, sau- vage, tumultueuse.
En hiver les ombres maigres se tordaient, sous nos pas, dans l'herbe folle flétrie.
De fleurs pas trace, sinon des fleurs qui se sèment toutes seules, ou qui ne meurent jamais, ou qui ne meurent qu'après bien des saisons, victimes de l'herbe dévorante. En tête le pissenlit.
De légumes pas signe.
Il y avait un petit ruisseau, ou ru, jamais à sec, qui cou- lait tantôt lent, tantôt torrentiel, captif à jamais de son lit étroit.
Instable un pont rustique enjambait ses eaux sombres, un pont rustique à dos d'âne, dans un état d'extrême déla- brement.
C'est à travers la bosse de cet ouvrage que Watt un jour, allant d'un pas plus lourd que d'ordinaire, ou moins précautionneux que d'habitude, enfonça le pied, et une par- tie de la jambe. Et il n'aurait pas manqué de tomber, et peut-être d'être emporté par l'onde subfluente, si je n'avais été là pour le retenir. Pour ce menu service, je m'en souviens, je n'eus droit à aucun remerciement. Mais comme un seul homme nous nous mîmes aussitôt, Watt depuis une berge, moi depuis l'autre, au moyen de branches robustes et de brins d'osier, à parer au sinistre. Couchés de tout notre long sur le ventre, moi de tout mon long sur le mien, Watt sur le sien de tout le sien, moitié (pour plus de sûreté)
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sur la berge, moitié sur un versant de l'arche, nous tra- vaillâmes d'arrache-pied à bout de bras jusqu'à ce que notre tâche fût terminée, et l'endroit remis en état, et aussi solide qu'avant, sinon davantage. Puis, nos regards s'étant rencon- trés, nous échangeâmes un sourire, chose rare chez nous, quand nous étions ensemble. Et au bout d'un moment ainsi, couchés de tout notre long, sur nos lèvres ce sourire insolite, nous commençâmes à nous en tirer en avant, et vers le haut, tant et si bien que nos têtes finirent par se toucher, et nos nobles fronts bombés, le noble front de Watt, mon noble front à moi. Et enfin ce fut cette chose si rare entre nous, le baiser. Watt posa ses mains sur mes épaules, je posai les miennes sur les siennes (je ne pouvais guère faire autrement), puis j'effleurai de mes lèvres la joue gauche de Watt, puis il effleura des siennes ma joue gauche à moi (il ne pouvait guère faire moins),
tout cela sans passion, sous la voûte tourmentée des branches. C'est que nous y tenions, au petit pont. Car sans lui comment passer d'une partie du parc à l'autre, sans nous mouiller les pieds, et peut-être attraper un refroidissement, susceptible de dégénérer en pneumonie, avec issue proba-
blement fatale.
De sièges, où s'asseoir et reposer, pas le moindre vestige. Buissons et arbustes, à proprement parler, brillaient par
leur absence. Mais de toutes parts se dressaient des taillis, des fourrés d'une densité impénétrable et des ronces géantes en masses arrondies.
Des oiseaux de toute espèce abondaient, et nous nous faisions une joie de les poursuivre, avec des pierres et des mottes de terre. Chez les rouges-gorges notamment, grâce à leur familiarité, nous faisions des ravages, Et les nids d'alouette, chargés d'œufs encore tièdes de la gorge mater- nelle, nous les foulions aux pieds avec une satisfaction toute particulière, au début de la belle saison.
Mais nos meilleurs amis étaient les rats, longs et noirs, 159
qui hantaient les berges du ruisseau. Nous leur apportions de notre ordinaire des morceaux de choix tels que croûtes de fromage et filandres d'agneau, et nous leur apportions en supplément des œufs d'oiseau, des grenouilles et des oisillons. Sensibles à ces attentions ils accouraient au-devant de nous, avec force marques d'affection et de confiance, et se coulaient le long de nos pantalons, et se pendaient à nos poitrines. Alors nous nous asseyions au milieu d'eux, et leur donnions à manger, à même la main, d'une bonne grenouille bien grasse ou d'un bébé grive. Ou attrapant soudain un raton bien en chair, assoupi dans notre sein à la suite de son repas, nous le donnions en pâture à son père, ou à sa mère, ou à son frère, ou à sa sœur, ou à quelque parent moins fortuné.
C'était en ces occasions, nous en sommes convenus, après un bref échange de vues, que nous nous trouvions le plus près de Dieu.
Quand Watt parlait il parlait d'une voix basse et rapide. Il y a eu des voix, il y en aura encore, plus basses que celle de Watt, plus que la sienne rapides, c'est une affaire enten- due. Mais que d'un gosier humain ait jamais pu sortir, puisse jamais sortir un jour, sauf dans le délire, ou pendant le saint sacrifice, une voix à la fois si basse et si rapide, on a peine à le croire. W a t t parlait aussi avec peu d'égards pour la grammaire, la syntaxe, la prononciation, l'élocution
et sans doute, on peut le craindre, l'orthographe, telles qu'on les reçoit communément. Les noms propres cependant, tant de lieu que de personne, tels que Knott, Christ, Gomorrhe, Cork, il les articulait avec une grand netteté, et de son dis- cours ils émergeaient, palmiers, atolls, de loin en loin, car il précisait peu, avec un effet fort vivifiant. Le labeur de la composition, l'incertitude quant à la façon de continuer, ou à l'opportunité de continuer, inséparables de nos impro- visations les plus heureuses, et dont ne sont exempts ni le chant de l'oiseau, ni même le cri du quadrupède, n'avaient
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ici nulle part, apparemment. Mais Watt parlait comme quel- qu'un en train de parler sous la dictée, ou de réciter, comme un perroquet, un texte devenu familier à force de répétition. De ce murmure impétueux une grande partie sollicitait en vain mon oreille et mon intelligence défaillantes, et le vent en furie en emportait autant sans espoir de retour.
Le parc était entouré d'une haute clôture de fil de fer barbelé ayant grand besoin de réfection, de nouveau fil, de barbes nouvelles. A travers cette clôture, là où elle n'était pas aveuglée par des ronces et des orties géantes, se voyaient distinctement de toutes parts des parcs semblables, semblablement enclos, chacun avec son pavillon. Tantôt divergeant, tantôt convergeant, ces clôtures dessinaient des lacis d'une irrégularité frappante. Nulle clôture n'était mitoyenne, ne fût-ce qu'en partie. Mais leur proximité était telle, à certains endroits, qu'un homme large d'épaules ou de bassin, enfilant cette passe étroite, le ferait avec plus de facilité, et avec moins de danger pour sa veste, et peut- être pour son pantalon, de biais que de front. En revanche, pour un homme gros de fesses ou de ventre, l'attaque directe s'imposerait, sous peine de se voir perforer l'estomac, ou le cul, peut-être les deux, d'une ou de plusieurs bar- bes rouillées. Pour une femme grosse de fesses et de poi- trine, une nourrice obèse par exemple, la nécessité serait la même. Quant aux personnes à la fois larges d'épaules et grosses de ventre, ou larges de bassin et grosses de fesses, ou larges de bassin et grosses de ventre, ou larges d'épaules et grosses de fesses, ou grosses de poitrine et larges d'épau- les, ou larges de bassin et grosses de poitrine, elles feraient mieux de ne s'engager à aucun prix, à moins d'avoir perdu la tête, dans ce chenal perfide, mais de faire demi-tour, et de battre en retraite, sous peine de se voir empaler, en plu- sieurs points à la fois, et peut-être saigner à mort, ou manger vives par les rats, ou succomber aux intempéries, long-
temps avant que leurs cris se fassent entendre, et encore
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plus longtemps avant que les sauveteurs accourent, avec les ciseaux, le cognac et la teinture d'iode. Car si leurs cris ne devaient se faire entendre, alors leurs chances d'être sauvées étaient minces, tant ces parcs étaient vastes, tant déserts, en temps normal.
Il s'écoula un certain temps, après le transfert de Watt, avant la nouvelle rencontre, Je me promenais dans mon parc comme d'habitude, c'est. à-dire quand je cédais à l'appel du temps que j'aimais, et Watt se promenait de même dans le sien. Mais comme ce n'était plus le même parc, pas ques- tion de nous rencontrer. Cette nouvelle rencontre, quand elle se produisit enfin, de la façon décrite plus loin, nous fit comprendre à tous les deux, à moi, à Watt, que nous aurions pu nous rencontrer bien plus tôt, si nous l'avions désiré. Mais voilà, le désir de nous rencontrer nous faisait défaut. Watt ne désirait pas me rencontrer, je ne désirais
pas rencontrer Watt. Dire que nous y étions franchement hostiles, à l'idée de nous rencontrer, de reprendre nos pro- menades, et éventuellement nos conversations, non, loin de là, c'était seulement que le désir ne s'en faisait pas sentir, chez Watt, chez moi.
Un jour donc, par un vent et un soleil inouïs, je me sentis poussé vers la clôture, comme par une force extérieure; et cette impulsion me porta sans faiblir jusqu'au point où je n'aurais pu lui céder davantage sans m'infliger une blessure grave, sinon mortelle; là par bonheur elle m'abandonna et je pus regarder autour de moi, chose que je ne faisais jamais, sous aucun prétexte, en temps normal. Quelle horreur que le point et virgule. J'ai dit une force extérieure; car de mon propre chef qui, sans être robuste, n'en possédait pas moins à cette époque une espèce d'opiniâtreté féline, je ne me serais jamais approché de la clôture, pour rien au monde; car j'avais un faible pour les clôtures, pour les clôtures de fil de fer, un grand faible; pas pour les murs, ni pour les palissades, ni pour les haies opaques, non; mais
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pour tout ce qui limitait le mouvement, sans pour autant limiter la vue, pour le fossé, la fosse, la fenêtre à barreaux, le marécage, le sable mouvant, la claire-voie, pour tous j'avais de la tendresse, à cette époque, une grande tendresse. Et (ce qui rend, si c'est possible, la suite encore plus sin- gulière qu'elle ne l'est déjà), je crois bien que Watt était dans le même cas. Car lorsque, avant son transfert, nous nous promenions ensemble dans notre parc, pas une seule fois nous ne nous sommes approchés de la clôture, comme nous n'aurions pu manquer de le faire, au moins une fois ou deux, si le hasard seul nous avait conduits. W a t t ne me dirigeait pas, je ne dirigeais pas Watt, mais d'un commun accord, comme par connivence tacite, nous ne nous appro- chions jamais de la clôture à moins de cent ou de cinq cents
mètres. Quelquefois nous la voyions au loin, à peine, au fond d'une clairière, flageolante, les vieux fils affaissés, les poteaux penchés. Ou nous voyions un gros oiseau noir perché dans le vide, peut-être croassant, ou se lissant les plumes.
Si près maintenant de la clôture que j'aurais pu la toucher, avec un bâton, si j'avais voulu, et regardant ainsi autour de moi comme qui aurait perdu la raison, je m'aperçus, sans aucune possibilité d'erreur, que je me trouvais en pré- sence d'un de ces chenaux ou détroits décrits plus haut, où la limite de mon parc et celle d'un autre suivaient le même tracé, si près l'une de l'autre et sur une distance si grande que des doutes ne pouvaient manquer de s'élever, dans tout esprit raisonnable, quant à la santé mentale de celui respon- sable de l'implantation. Poursuivant mon inspection, comme qui n'aurait pas toute sa tête, je reconnus, avec une netteté ne laissant aucune place au doute, dans' le parc voisin, en marche vers moi à reculons. . . qui? Vous avez deviné. Watt en personne. Sa rétrogression était lente et ondoyante, du fait sans doute qu'il n'avait pas d'yeux derrière la tête, et pénible aussi, je le crois volontiers, car souvent il butait
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contre les fûts, ou dans le fouillis de broussailles se prenait le pied, et s'étalait par terre, sur le dos, ou dans un amas de ronces, ou d'épines, ou d'orties, ou de chardons. Mais tou- jours sans murmure il reculait, jusqu'à s'affaler contre la clôture, les bras en croix et les mains serrant le fil. Puis il fit demi-tour, avec l'intention probablement de repartir comme il était venu, et je vis son visage, avec tout le devant de son corps. Il avait le visage en sang, les mains aussi, et la tête pleine d'épines. Sa ressemblance, à ce moment-là, avec le Christ dit de Bosch (National Gallery No ? ), était si frappante que j'en fus frappé. Et dans le même instant j'eus soudain l'impression de me trouver devant un vaste miroir qui me renvoyait mon parc, et ma clôture, et moi- même, et jusqu'aux oiseaux ballotés dans le vent, au point que je regardai mes mains, et me tâtai le visage, et le crâne luisant, avec une inquiétude aussi réelle qu'injustifiée. Car s'il y avait quelqu'un sur terre, à cette époque, digne d'être jugé sans ressemblance avec le Christ dit de Bosch (National Gallery No ? ), sans vouloir me flatter c'était bien moi. Tiens, Watt, m'écriai-je, te voilà bien arrangé, pas d'erreur. Pas ce-n'est oui, répondit Watt. Cette courte phrase m'occasion- na, je le jure, plus d'effroi, plus de douleur, que si j'avais reçu, inopinément, à bout portant, une giclée de plomb en plein dans la raie. Cette impression fut renforcée par la suite. Pitié par, dit Watt, nez-mouche prête, sang essuyer. Attends, attends, j'arrive, m'écriai-je. Et je crois vraiment, tant j'avais hâte alors d'arriver jusqu'à Watt, que je me serais rué sur la clôture, à corps perdu, au besoin. J'allais
même, avec cette idée en tête, jusqu'à m'en éloigner vive- ment d'une dizaine ou d'une quinzaine de pas et à chercher du regard un jeune arbre, ou une vieille branche, susceptible de se laisser convertir, rapidement, et sans le secours d'une lame, en gaule, ou en perche. Et pendant que je m'employais mollement ainsi, je crus apercevoir, dans la clôture, sur ma droite, une brèche, large et irrégulière. Jugez donc de mon
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étonnement lorsque, m'en étant approché, je dus m'avouer que j'avais vu juste. C'était une brèche, dans la clôture, une large brèche irrégulière, ouverte par des vents sans nombre, des pluies sans nombre, ou par un sanglier, ou par un taureau, un sanglier sauvage, un taureau sauvage, en pleine fuite, en pleine poursuite, aveuglé par la colère, ou par la peur, ou sait-on jamais par le désir charnel, au point de se ruer à cet endroit à travers la clôture, minée par des vents sans nombre, des pluies sans nombre. C'est par cette brèche que je passai, sans mal, ni dommage pour mon uniforme joli, et me voilà dans le couloir, en train de regarder autour de moi, car je n'avais pas encore retrouvé mon aplomb. Mes sens étant maintenant aiguisés jusqu'à dix ou quinze fois leur acuité normale, je ne tardai pas à distinguer, dans l'autre clôture, une autre brèche, opposée quant à l'emplacement et quant à la forme semblable à celle par où, voilà à peine dix ou quinze minutes, je m'étais frayé un chemin. Ce qui me fit dire que nul sanglier n'avait ouvert ces brèches, ni nul taureau, mais l'action du temps, particulièrement sévère à cet endroit. Car où était le san- glier, ou le taureau capable, après avoir ouvert de vive force une brèche dans la première clôture, d'en ouvrir une seconde. en tous points semblable, dans la seconde? Car l'ouverture
de la première brèche ne freinerait-elle pas la masse en furie au point d'interdire, au cours de la même charge, l'ouver- ture de la seconde? Ajoutez qu'un mètre à peine séparait les deux clôtures, à cet endroit, de sorte que le groin, ou mufle, serait forcément en contact avec la seconde avant que l'arrière-train soit dégagé de la première et que par consé- quent, une fois ouverte la première brèche, I'espace man- querait où reprendre l'élan nécessaire à ' l'ouverture de la seconde. En plus il était peu probable que le sanglier, ou le taureau, une fois ouverte la première brèche, ait reculé à une distance suffisante pour pouvoir, en récidivant, dévelop- per la poussée nécessaire à l'ouverture de la seconde, via
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la première. Car une fois ouverte la première brèche, alors de deux choses l'une, ou bien l'animal était toujours aveuglé par la passion, ou bien il ne l'était plus. S'il l'était toujours, alors il y avait peu de chances pour qu'il puisse viser la première brèche avec assez de précision pour pouvoir la franchir avec assez de vélocité pour pouvoir ouvrir la seconde. Et s'il ne l'était plus, mais par l'ouverture de la première brèche' calmé, et ses yeux dessillés, eh bien alors il serait bien étonnant qu'il eût envie d'en ouvrir une autre. En plus il était peu probable que la seconde brèche, ou encore mieux la brèche Watt (rien n'empêchant, jusqu'à preuve du contraire, la brèche dite seconde d'être antérieure à la brèche dite première et la brèche dite première d'être postérieure à la brèche dite seconde), ait été ouverte indé-
pendamment, à une tout autre époque, du côté de chez Watt. Car si les deux brèches avaient été ouvertes indépen- damment, l'une du côté de chez Watt, l'autre du côté de chez moi, par deux sangliers en furie, ou par deux taureaux en furie, tout à fait distincts (à moins de supposer l'une ouverte par un sanglier en furie et l'autre par un taureau en furie, chose peu probable), et à deux époques tout à fait différentes, alors leur conjonction à cet endroit était incom- préhensible, pour le moins. En plus il était peu probable
que les deux brèches, celle dans la clôture W a t t et celle dans la mienne, aient été ouvertes, en la même occasion, par deux sangliers en furie, ou par deux taureaux en furie, ou par un sanglier en furie et une laie en furie, ou par un taureau en furie et une vache en furie (à moins de les supposer ouvertes simultanément, l'une par un sanglier en furie et l'autre par une vache en furie, ou l'une par un tau- reau en furie et l'autre par une laie en furie, chose peu croyable), lancés à toute allure l'un vers l'autre, sous l'empire de la colère ou de la chaleur, l'un du côté de chez Watt, l'autre du côté de chez moi, jusqu'à se heurter de plein fouet, une fois les brèches ouvertes, à l'endroit même où
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alors je me tenais, la bouche ouverte, essayant d'y voir clair. Car cela supposait l'ouverture des brèches, par les sangliers, ou par les taureaux, ou par le sanglier et la laie, ou par le taureau et la vache, au même instant exactement, et non pas d'abord l'une, puis l'autre un instant plus tard. Car si d'abord l'une, puis l'autre un instant plus tard, alors le sanglier, la laie, le taureau, la vache, ayant défoncé sa clôture en premier, et donnant déjà de la tête contre l'autre, empêcherait fatalement, bon gré mal gré, le passage à tra- vers cette dernière, à cet endroit, du sanglier, de la laie, du sanglier, du taureau, de la vache, du taureau, se préci- pitant en sens inverse avec toute la furie de la haine, ou de l'amour. Et j'avais beau chercher, à genoux, en écar- tant délicatement les herbes folles, je ne trouvais nulle trace ni de conflit ni d'accouplement. Ces brèches donc n'étaient l'œuvre ni d'un sanglier, ni d'un taureau, ni d'une laie, ni d'une vache, ni de deux sangliers, ni de deux taureaux, ni de deux laies, ni de deux vaches, ni d'un couple sanglier-laie, ni d'un couple taureau-vache, ni d'un couple taureau-laie, ni d'un couple sanglier-vache, mais dues à l'action du temps, aux vents et pluies sans nombre, et aux soleils, et aux neiges, et aux gels, et dégels, particulière- ment rigoureux à cet endroit. Ou enfin tout compte fait ne fallait-il pas y voir, comme une chose tout juste possible, le fait d'une bête solitaire, sa puissance naturelle décuplée par la colère ou la peur, sanglier, taureau, laie ou vache, capable de défoncer les deux clôtures, ainsi minées par les intempéries, d'abord celle de Watt et ensuite la mienne, ou d'abord la mienne et ensuite celle de Watt, peu im- porte, dans une seule et même charge et avec autant de facilité que si elles n'en faisaient qu'une?
Me tournant alors vers l'endroit où j'avais eu le plaisir de voir Watt pour la dernière fois, je m'aperçus qu'il n'y était plus, ni même à aucun des autres endroits, et ils étaient nombreux, accessibles à mon regard. Mais quand
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j'appelai, W att! W att! alors il surgit, tout en rebouton- nant gauchement son pantalon qu'il portait devant der- rière, de derrière un arbre, et s'avança à reculons, guidé par mes cris, lentement, péniblement, tombant souvent, mais non moins souvent se ramassant, sans un murmure, vers l'endroit où j'étais, tant et si bien qu'enfin, après si longtemps, je pus le toucher de nouveau, de la main. Puis j'avançai la main, par la brèche, et l'attirai, par la brèche, à moi. Puis je pris dans ma poche un petit linge que j'avais dans ma poche et essuyai son visage, et ses mains. Puis je pris dans ma poche une petite boîte d'onguent que j'avais dans ma poche et oignis son visage, et ses mains. Puis je pris dans ma poche un petit peigne de poche et lissai ses touffes, et ses moustaches. Puis je pris dans ma poche une petite brosse à habits et brossai sa veste, et son pantalon. Puis je le fis pivoter jusqu'à ce qu'il me fît face. Puis je
posai ses mains sur mes épaules, sa main gauche sur mon épaule droite, sa main droite sur mon épaule gauche. Puis je posai mes mains sur ses épaules, sur son épaule gauche ma main droite, sur son épaule droite ma main gauche. Puis je fis un demi-pas en avant, de la jambe gauche, et lui un demi-pas en arrière, de la jambe droite (il ne pouvait guère faire autrement). Puis je fis un pas entier en avant, de la jambe droite, et lui bien sûr un pas entier en arrière, de la jambe gauche. Et ainsi de passer ensemble entre les clô- tures, moi en avançant, lui en reculant, jusqu'à l'endroit où les clôtures divergeaient de nouveau. Puis faisant demi- tour, moi faisant demi-tour, lui faisant demi-tour, de repas- ser par le chemin où nous venions de passer, moi en avan- çant et lui bien sûr en reculant, les quatre mains sur les quatre épaules toujours. Et ainsi repassant par le chemin où nous venions de passer, de passer devant les brèches et au-delà jusqu'à l'endroit où les clôtures divergeaient de nou- véau. Puis faisant demi-tour, comme un seul homme, de repasser par le chemin où nous venions de passer et de repas-
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ser par le chemin où nous venions de passer, devant mes yeux là où nous allions, devant les siens là d'où nous venions. Et ainsi, allant et venant, allant et venant, nous passions et repassions entre les clôtures, ensemble de nouveau après si longtemps, sous le soleil ardent, dans le vent impétueux.
Etre ensemble de nouveau, amis du soleil venté, du vent ensoleillé, en plein vent, en plein soleil, c'est peut-être quelque chose, peut-être quelque chose.
Pour nous qui allions ainsi, entre les clôtures, allions et venions, d'un point de divergence à l'autre, il y avait juste la place.
Dans le parc de Watt, dans mon parc à moi, nous aurions été plus à l'aise. Mais il ne me vint jamais à l'esprit de ramener Watt dans mon parc à moi ou dans le sien de le suivre. Mais il ne vint jamais à l'esprit de Watt de me ramener dans son parc à lui ou dans le mien de me suivre. Car mon parc était mon parc à moi, et le parc de Watt était le parc de Watt, nous n'avions plus de parc commun. Ainsi nous allions et venions, de la manière décrite, ni l'un ni l'autre dans son parc à lui.
Ainsi nous recommencions, après un temps si long, à nous promener ensemble, et parfois à converser.
De même que Watt marchait à l'envers, de même il conversait à reculons.
Voici un exemple de sa manière, à cette époque :
Jour plupart) nuit partie) Knott avec. Peu si oh vu) peu si oh ouï) peu si avant. Jour le peu) nuit la jamais) peu si oh avec. Présent à vu) présent à ouï) présent à quoi? Bruit sans chose) peine à chose. Baisse en vue) baisse en ouïe) cours en baisse. Lueur sans monde) bruit sans monde) autour tout.
D'où l'on soupçonnera peut-être :
que l'inversion intéressait, non pas l'ordre des phrases, mais seulement celui des mots;
que l'inversion était imparfaite;
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que l'ellipse était fréquente;
que le refus de l'euphonie n'était pas absolu;
que l'absence de naturel n'était pas totale;
qu'il y avait peut-être davantage qu'un simple renver-
sement du discours;
qu'il y avait peut-être inversion de la pensée.
Ainsi à tout un chacun, tôt ou tard, la mouche fait en-
vie, toutes les longues joies de l'été devant elle.
Le débit était aussi rapide qu'avant, la voix aussi sourde. C'étaient là des sons qui d'abord, malgré notre marche
vis-à-vis, étaient vides de sens pour moi.
Watt ne me suivait pas non plus. P-pardon, disait-il
dans une agitation croissante, pop-pardon. Et il ajoutait. P-p-p-pardon.
Ainsi je perdais (j'imagine) des choses fort intéressantes (je suppose) touchant le stade premier ou initial (je pré- sume) de la seconde et dernière période du séjour de Watt chez Monsieur Knott.
Car chez Watt l'amour de la chronologie n'avait d'égal que la haine de la battologie.
Souvent mes mains lâchaient ses épaules, pour consigner une petite note sur leur petit calepin.
Mais les siennes ne lâ- chaient jamais les miennes, si je ne les en détachais moi- même.
Mais je finis par me faire à ces sons et par comprendre aussi bien qu'avant, c'est-à-dire une grande partie de ce que j'entendais.
Ainsi tout alla bien jusqu'au moment où Watt se mit à invertir, non plus l'ordre des mots dans la phrase, mais celui des lettres dans le mot.
A cette nouvelle opération Watt apporta toute sa dis- crétion habituelle et son sens de ce que l'oreille pouvait tolérer, et le jugement esthétique. N'empêche que pour quelqu'un comme moi, avide surtout de renseignements, le changement n'était pas peu déconcertant.
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Voici un exemple de sa manière à cette époque :
Rop lio, lap ruvab, rucso amgam. Rop napmit, ploc niol, ploc niol. Rop replap, drem lom, drem lom. Rop tarodo, rodo da], rodo da]. Rop ropas, dro luc, dro lue.
C'étaient là des sons qui d'abord, malgré notre marche buste à buste, ne me disaient pas grand'chose.
W a t t ne me suivait pas non plus. Nodrap-p-p, disait-il, nodrap-p, Nodrap-p-p-p,
Ainsi je perdais (je suppose) des choses fort intéressantes (je présume) touchant le second stade (j'imagine) de la seconde et dernière période du séjour de Watt chez Mon- sieur Knott.
Mais je finis par me faire à ces sons et par comprendre aussi bien qu'avant.
Ainsi tout alla bien jusqu'au moment où Watt se mit à invertir, non plus l'ordre des lettres dans le mot, mai') celui des phrases dans la période.
Voici un exemple de sa manière, à cette époque.
Du rien. A la source. Au temple. Au prêtre. Et les lui offris. Ce cœur vide. Ces mains vides. Cette âme igno- rante. Ce corps exilé. Pour l'aimer mon peu rabaissai. Mon peu rejetai pour l'avoir. Mon peu pour l'apprendre oubliai. Perdis mon peu pour le trouver.
C'étaient là des sons qui d'abord, malgré notre marche ventre à ventre, n'étaient que du vent pour moi.
Watt ne me suivait pas non plus. P-p-p-pardon, disait-il. pop-pardon, p-pardon.
Ainsi je perdais (je présume) des choses fort intéres- santes (j'imagine) touchant le troisième stade (je suppose) de la seconde et dernière période du séjour de Watt chez Monsieur Knott. .
Mais je finis par me faire à ces sons et par comprendre aussi bien qu'avant.
Ainsi tout alla bien jusqu'au moment où Watt se mit à invertir, non plus l'ordre des phrases dans la période,
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mais celui des mots dans la phrase en même temps que celui des lettres dans le mot.
Voici un exemple de sa manière, à cette époque.
Miaf lek? Tonk. Saper lek? Tonk. Miaf sulp? Hap! Miaf siam? Rus sap. Saper siam? Sap sias.
C'étaient là des sons qui d'abord, malgré notre marche sexe à sexe, laissaient plutôt à désirer pour moi.
W a t t ne me suivait pas non plus. Nodrap-p, disait-il, nodrap-p-p. Nodrap-p-p-p.
Ainsi je perdais (j'imagine) des choses fort intéressantes (je présume) touchant le quatrième stade (je suppose) de la seconde et dernière période du séjour de W a t t chez Monsieur Knott.
Mais je finis par me faire à ces sons.
Ainsi tout alla bien jusqu'au moment où Watt se mit à invertir, non plus l'ordre des mots dans la phrase en même temps que celui des lettres dans le mot, mais celui des mots dans la phrase en même temps que celui des phrases dans la période.
Voici un exemple de sa manière, à cette époque.
Disait me) Non f) gilet le) flanelle la) pantalon le) cbaus- settes les) chaussures les) chemise la) caleçon le) veste la) habiller pour prêt tout quand. Disait me) Habiller! Disait me) Non l, eau la) serviette la) éponge la) savon le) sels les) gant le) brosse la) cuvette la) laver pour prêt tout quand. Disait me) Laver! Disait me) Non! eau la) serviette la) éponge la, savon le) rasoir le) poudre la) blaireau le) plat le) raser pour prêt tout quand. Disait me) Raser!
C'étaient là des sons qui d'abord, malgré notre marche bourses à bourses, me les brisaient plutôt qu'autre chose. Watt ne me suivait pas non plus. P-p-p-pardon, disait-il
P-pardon, pop-pardon.
Ainsi je perdais (je suppose) des choses fort intéres-
santes (j'imagine) touchant le cinquième stade (je présume)
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de la seconde et dernière période du séjour de Watt chez Monsieur Knott.
Mais je finis par me faire à ces sons.
Jusqu'au moment où Watt se mit à invertir, non plus l'ordre des mots dans la phrase en même temps que celui des phrases dans la période, mais celui des lettres dans le mot en même temps que celui des phrases dans la période .
Voici un exemple de cette manière
Rop rini], sucer egnoc. Sap tav, sap tonk. Sap sproc, sap tirpse. Sap fiv, sap trom. Sap fitca, sap [issap. Sap enrom, sap iag. Snia siu, rop smet,
Cela ne signifiait rien pour moi.
Nodrap-p-p-p, disait Watt. Nodrap-p-p, nodrap-p,
Ainsi je perdais (je présume) des choses fort intéres-
santes (je suppose) touchant le cinquième, non, le sixième stade (j'imagine) de la seconde et dernière période du séjour de W att chez Monsieur Knott.
Mais je finis par comprendre.
Puis ne voilà-t-il pas qu'il se mit à invertir, non plus l'ordre des lettres dans le mot en même temps que celui des phrases dans la période, mais celui des lettres dans le mot en même temps que celui des mots dans la phrase en même temps que celui des phrases dans la période.
Exemple:
Tav te tonk, toc à toc. Ruoi tuot, skon trap. Nif snas. Nif snas knod smet ? Hap l Tonk rop tom tav? Hap ! Tav rop tom tonk? Hap I Tonk rop drager tav? Hap ! Tav rop drager tonk? Gueoa, tapa, no]a. Skon trap, ruoi tuot. Tav te tonk, toc à toc.
Je mis du temps à me faire à cela.
Nodrap-p-p-p, disait Watt. Nodrap-p-p, nodrap-p.
Ainsi je perdais (j'imagine) des choses fort intéressantes
(je suppose) touchant le septième stade (je présume) de 173
la seconde et dernière période du séjour de W a t t chez Monsieur Knott.
Enfin il se mit dans la tête d'invertir, non plus l'ordre des mots dans la phrase, ni celui des lettres dans le mot, ni celui des phrases dans la période, ni sumultanément celui des mots dans la phrase et celui des lettres dans le mot, ni simultanément celui des mots dans la phrase et celui des phrases dans la période, ni simultanément celui des lettres dans le mot et celui des phrases dans la période, ni simultanément celui des mots dans la phrase et celui des lettres dans le mot et celui des phrases dans la période, pensez-vous, mais au cours d'une seule et même brève période tantôt celui des mots dans la phrase, tantôt celui des lettres dans le mot, tantôt celui des phrases dans la pé- riode, tantôt simultanément celui des mots dans la phrase et celui des lettres dans le mot, tantôt simultanément celui des mots dans la phrase et celui des phrases dans la période,
tantôt simultanément celui des lettres dans le mot et celui des phrases dans la période, et tantôt simultanément celui des mots dans la phrase et celui des lettres dans le mot et celui des phrases dans la période. Cette sorte de convul- sion phonique gagna la métathèse elle-même, jusqu'ici rela- tivement sage.
Je ne me rappelle aucun exemple de cette manière.
C'était là des sons qui d'abord, malgré notre marche agglu- tinante, étaient du gaélique pour moi.
Watt ne me suivait pas non plus. P-ponrad, disait-il, dans une agitation croissante, p-p-nodrap, P-p-p-rapnod.
Ainsi je perdais (je suppose) des choses fort intéressantes (je présume) touchant le stade huitième et final (j'imagine) de la seconde et dernière période du séjour de Watt chez Monsieur Knott.
Mais je finis par me faire à ces sons et par comprendre tout autant qu'avant, c'est-à-dire une bonne moitié de tout ce qui forçait mon cérumen.
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Hé oui, mon ouïe à moi aussi commençait à baisser, si ma myopie n'évoluait pas. Mes facultés purement mentales en revanche, celles à si juste titre dites de
? ?
? ? étaient si possible plus vigoureuses que jamais.
C'est à ces conversations que nous sommes redevables des informations suivantes.
Un jour ils étaient au jardin tous les quatre, Monsieur Knott, Watt, Arthur et Monsieur Graves. C'était une belle journée d'été. Monsieur Knott circulait lentement, tantôt disparaissant derrière un buisson, tantôt réapparaissant de derrière un autre. Watt était assis sur un mamelon. Arthur était debout sur la pelouse, devisant avec Monsieur Gra- ves. Monsieur Graves s'appuyait sur une fourche. Mais la grande masse de la maison vide était là toute proche. Un bond et ils étaient tous à l'abri.
Arthur dit :
Ne désespérez pas, Monsieur Graves. Un jour les nuages se dissiperont et le soleil, si longtemps obnubilé, brillera de plus belle, pour vous, Monsieur Graves, enfin.
Pas plus de nerf, Monsieur Arthur, dit Monsieur Graves, qu'un bœuf.
Oh Monsieur Graves, dit Arthur, ne dites pas ça.
Quand je dis nerf, dit Monsieur Graves, je veux dire - . Il fit un geste avec sa fourche.
Avez-vous essayé Bando, Monsieur Graves? dit Arthur. Une capsule, dans un doigt de lait tiède, avant et après les repas, et de nouveau le soir, au coucher. J'avais tout essayé et étais au désespoir lorsqu'une amie me parla de Bando. Son mari ne pouvait plus s'en passer, comprenez-vous. Essaie- le, dit-elle, et reviens me voir dans cinq ou six ans. Je l'ai essayé, Monsieur Graves, et ma vie en a été transformée. De l'homme morose que j'étais, apathique et constipé, cou- vert de squames, abandonné de tous, l'haleine fétide et
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l'appétit dépravé (depuis des années je ne mangeais plus que du gros lard rance), je suis devenu, après quatre ans au Bando, vif comme un lézard, nudiste à succès, maître de mes selles, presque père et amateur de pommes à l'an- glaise. Bando. S'écrit comme ça se prononce.
Monsieur Graves dit qu'il en ferait l'essai.
L'ennui avec Bando, dit Arthur, c'est qu'il n'y a plus moyen d'en avoir, dans cet infortuné pays. Pour les produits inférieurs, tels qu'ostréine et mouches espagnoles, il paraît qu'on trouve encore, dans les quartiers excentriques, des pharmaciens au grand cœur qui se laissent fléchir, à condi- tion de se voir supplier à quatre pattes dans les dix ou quinze minutes qui suivent leur repas de midi. Mais pour Bando, même un samedi après-midi, vous pouvez toujours ramper. Car l'Etat, faisant litière comme d'habitude du droit des gens, et dûment indifférent aux souffrances de dizaines de milliers d'hommes, et de centaines de milliers de femmes, d'un bout à l'autre du territoire, a jugé bon de mettre l'em- bargo sur ce produit admirable, susceptible de faire gicler la joie, à un prix raisonnable, dans le foyer conjugal, et autres lieux de rendez-vous, plongés aujourd'hui dans la désolation. De sorte qu'il ne peut plus entrer dans nos ports, ni fran- chir notre frontière septentrionale, qu'à raison d'un suin- tement casuel, aléatoire et subreptice, je veux dire en vrac dans les dessous de l'épouse, ou dans le sac à cannes du golfeur, ou dans le bréviaire creux de quelque curé huma- nitaire, où à peine découvert il est saisi, et confisqué, par un grossier commis des douanes à moitié fou d'intoxica- tion séminale, et vendu, à dix et même quinze fois sa valeur déclarée, à des voyageurs de commerce rentrant érein- tés d'une tournée infructueuse. Mais je ne saurais mieux illustrer mon propos qu'en vous racontant l'aventure de mon vieil ami Monsieur Ernest Louit qui, dans les heures les plus sombres de l'école et de l'université, ne m'aban- donna jamais, quoique souvent exhorté à le faire, tant par
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ses supporters que par les miens. Sa thèse doctorale s'inti- tulait, je m'en souviens, Les Intuitions Matbématiques des Visiceltes, sujet sur lequel il professait les opinions les plus radicales, car il était des intimes de Monsieur l'Intendant, leur commerce (le mot n'est pas trop fort) étant fondé sur une communauté de goûts, pour ne pas dire d'agissements, hélas trop répandus dans les milieux académiques, et dont sans doute le plus mignon était le schnaps au réveil, qui le plus souvent les surprenait ensemble. Louit sollicita à cette époque, par le truchement de Monsieur l'Intendant, et finit par se voir accorder, un crédit supplémentaire de cinquante livres, somme qu'en sa candeur il jugeait suf- fisante pour couvrir les frais de six semaines de recherche, chez les autochtones, dans le comté de Clare. Son analyse de ce dérisoire devis était la suivante :
Déplacement Brodequins Pacotille Gratifications Sustentation
LSD 1 15 0 0 15 0 5 0 0 0 10 0
42 0 0 Total 5000
La nourriture nécessaire au maintien de son chien, un bull- terrier, dans l'état de pléthore sanguinaire qui lui était habi- tuel, il se déclara généreusement disposé à la payer de ses propres deniers, et il ajouta, avec sa candeur inimitable, ct à la grande joie du Comité des Subventions, qu'il pensait pouvoir s'en remettre à O'Connor pour . vivre sur l'habi- tant. A ces différents chapitres il ne fut fait aucune objec- tion. En revanche l'absence d'autres, d'usage en pareil cas, comme par exemple celui correspondant à l'hébergement pour la nuit, provoqua un certain étonnement. Invité, par
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le truchement de Monsieur l'Intendant, à s'expliquer sur cette omission, Louit répondit, par le truchement de Mon- sieur l'Intendant, qu'en raison de sa complexion raffinée à l'extrême il comptait passer ses nuits, tant qu'il n'aurait pas quitté la région, dans le foin odoriférant, ou dans la paille odoriférante, selon le cas, des granges locales. Cet éclaircisse- ment déclencha un nouvel accès d'hilarité chez les membres du comité. Et ceux qui s'en souvenaient ne pouvaient qu'ad- mirer, au retour de Louit, la franchise avec laquelle il avoua n'avoir trouvé, au cours de son expédition, que trois granges en tout et pour tout, dont deux abritaient des bouteilles vides et la troisième le squelette d'une chèvre. Mais il y en avait chez qui ces déclarations et d'autres analogues firent l'objet d'un accueil nettement moins amical. Car Ernest, blême et défait, réintégra son logis trois semaines avant la
date prévue. Invité, par le truchement de Monsieur l'Inten- dant, à produire les brodequins pour l'acquisition desquels quinze shillings lui avaient été alloués sur les maigres res- sources du Collège, Louit répondit, par le même canal, que dans l'après-midi finissant du vingt-et-un novembre, dans le voisinage de Handcross, ils avaient malheureusement lâché ses pieds, aspirés par un marécage qu'à cause de la lumière incertaine, et de la confusion de ses facultés due à des jeûnes prolongés, il avait pris pour un champ d'oignons tardifs. A l'espoir courtoisement formulé qu'O'Connor avait eu le temps de ne pas trop s'ennuyer Louit répondit, avec gratitude et reconnaissance , qu 'en cette même occasion il avait dû, bien à contre-cœur, enfoncer dans le marais la tête du chien et l'y maintenir le temps pour son cœur fidèle de cesser de battre, et ensuite le rôtir, avec la peau, qu'il n'avait pu se résoudre à enlever, sur un feu de joncs et de roseaux. Il ne s'en faisait pas une gloire, O'Connor à sa place en aurait fait autant pour lui. Les os de son vieux compagnon, auxquels ne manquaient plus que les
moelles, reposaient chez lui, dans un sac, et pouvaient être 178
inspectés tous les après-midi sauf le dimanche, entre quatorze heures quarante-cinq et quinze heures quinze. Monsieur l'Intendant se demanda alors, au nom du comité, si Mon- sieur Louit ne verrait pas d'inconvénient à donner un bref aperçu de l'impulsion imprimée à ses études par son bref séjour dans les provinces. Louit répondit qu'il s'en serait fait une joie s'il n'avait eu le malheur d'égarer, le matin même de son départ de l'ouest, entre onze heures et midi, dans les vestiaires des messieurs de la gare d'Ennis, les cinq cents feuilles éparses entièrement remplies recto verso de notes sténographiées couvrant toute la période en ques- tion. Soit, ajouta-t-il, cinq pages, pas une de moins, ou dix faces par jour en moyenne. Depuis lors il se démenait de son mieux et, il en avait peur, bien au-delà de ses forces, pour récupérer son manuscrit qui, en tant que tel, ne pou- vait avoir la moindre valeur pour personne à part l'auteur et, éventuellement, l'humanité. Mais selon son expérience des vestiaires de gare, et en particulier de ceux exploités par le réseau de l'ouest, il était fatal que tout objet égaré en ces endroits, et ayant la moindre ressemblance avec du papier, à l'exception peut-être de cartes de visite, timbres- poste, tickets du P. M. U. et billets de train poinçonnés, soit englouti et perdu à tout jamais. Si bien que ses efforts pour recouvrer son bien, gravement entravés par manque de force, et par pénurie de fonds, lui paraissaient voués à l'échec, plutôt qu'au succès. Et une telle perte était irrépa- rable, car des innombrables observations faites pendant son expédition, et des réflexions en découlant, en toute hâte et dans les pires conditions jetées sur le papier, il n'avait à son grand regret que peu ou point de souvenir. A la relation de ces douloureux événements, à' savoir la perte de ses brodequins, de son chien, de son labeur, de son argent, de sa santé et peut-être même de l'estime de ses supérieurs hiérarchiques, Louit n'avait rien à ajouter sinon qu'il se ferait un plaisir de comparaître devant le comité, à une
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date à débattre entre les intéressés, avec la preuve que sa mission n'avait pas été entièrement vaine. Fixés le jour et l'heure on put voir Louit s'avancer, conduisant par la main un vieillard portant kilt, plaid, brogues et, malgré le froid, des chaussettes de soie amarrées aux mollets vio- lacés au moyen de minces supports-chaussettes mauves de bon ton, et tenant sous le bras un feutre noir à larges bords. Louit dit, Vous avez devant vous, Messieurs, Mon- sieur Thomas Nackybal, natif de Burren. C'est là qu'il a passé toute sa vie, là d'où il n'est parti qu'à son corps défendant, là où il brûle de retourner tuer son cochon, consolation annuelle de sa solitude. Monsieur Nackybal a maintenant soixante-treize ans et n'a jamais reçu, pendant tout ce temps, d'autre instruction que celle relative à cer- tains sujets agricoles, indispensables à l'exercice de son
métier, tels le toit de trèfle, la patate de rocher, l'art du fumier maison, la tourbe ignifuge et le porc insectivore, de sorte qu 'il ne sait, et n ' a jamais su, ni lire, ni écrire, ni, sans le secours de ses doigts, et de ses orteils, addition- ner, soustraire, multiplier ou diviser le moindre nombre entier à, de ou par un autre. Voilà pour le Nackybal mental. Quant au physique - . Tout doux, Monsieur Louit, dit le président, levant la main, un moment, Monsieur Louit, s'il vous plaît. Mille, Monsieur, si vous voulez, dit Louit. Sur le podium ils étaient cinq, Monsieur ü'Meldon, Monsieur Magershon, Monsieur Fitzwein, Monsieur de Baker et Monsieur MacStern, de gauche à droite. Ils se consultèrent. Monsieur Fitzwein dit, Monsieur Louit, vous ne nous ferez pas croire que l'existence mentale de cet être se réduit à la seule appréhension, dans l'ignorance totale des rudiments, de ce qui est nécessaire à sa survie. C'est là en effet le mérite, répondit Louit, que j'ose reven- diquer pour mon ami, convaincu que dans son esprit, à part la pâle musique de l'ignorance dont vous parlez et la pâle lumière, dans quelque coin du cervelet siège de toute
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idéation agricole, de comment extraire de la parcelle de moraine ancestrale, avec le minimum de labeur, le maximum de nourriture pour son cochon et pour lui-même, tout n'est qu'une extase de ténèbres, et de silence. Le comité, dont les yeux n'avaient pas quitté Louit pendant qu'il exécutait cette phrase, les reporta maintenant sur Monsieur Nacky- bal, comme s'il était question de sa carnation. Ils entre- prirent alors de se regarder et s'y employèrent un bon mo- ment avant d'y parvenir. Non qu'ils se soient regardés lon- guement, non, pas si bêtes. Mais lorsque cinq hommes se regardent, si en théorie il n'y faut que vingt regards, à raison de quatre chacun, cependant dans la pratique ce nombre est rarement suffisant, du fait des nombreux regards
qui s'égarent. Par exemple, Monsieur Fitzwein regarde Mon- sieur Magershon, à sa droite. Mais Monsieur Magershon ne regarde pas Monsieur Fitzwein, à sa gauche, mais Monsieur ü'MeIdon, à sa droite. Mais Monsieur O'Meldon ne regarde pas Monsieur Magershon, à sa gauche, mais, penché en avant, Monsieur MacStern, quatrième à sa gauche à l'autre bout de la table. Mais Monsieur MacStern ne regarde pas, penché en avant, Monsieur ü'MeIdon, quatrième à sa droite à l'autre bout de la table, mais, droit sur son siège, Monsieur de Baker, à sa droite. Mais Monsieur de Baker ne regarde pas Monsieur MacStern, à sa gauche, mais Mon- sieur Fitzwein, à sa droite. Alors Monsieur Fitzwein, las
de regarder le crâne de Monsieur Magershon, regarde main- tenant, penché en avant, Monsieur ü'Meldon, deuxième à sa droite au bout de la table. Mais Monsieur ü'Meldon, las de regarder, penché en avant, Monsieur MacStern, regarde maintenant, penché en arrière, Monsieur de Baker, troisième à sa gauche. Mais Monsieur de Baker, las de regarder le crâne de Monsieur Fitzwein, regarde mainte-
nant, penché en avant, Monsieur Magershon, deuxième à sa droite. Mais Monsieur Magershon, las du spectacle de l'oreille gauche de Monsieur O'Meldon, regarde mainte-
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nant, penché en avant, Monsieur MacStern, troisième à sa gauche au bout de la table. Mais Monsieur MacStern, las de regarder le crâne de Monsieur de Baker, regarde main- tenant, penché en avant, Monsieur Fitzwein, deuxième à sa droite. Puis Monsieur Fitzwein, las de regarder, penché en avant, Monsieur O'Meldon, regarde maintenant, penché en avant dans l'autre sens, Monsieur MacStern, deuxième à sa gauche au bout de la table. Mais Monsieur MacStern, las de regarder, penché en avant, Monsieur Fitzwein, regarde maintenant, penché en arrière, Monsieur Magershon, troi- sième à sa droite. Mais Monsieur Magershon, las de regarder, penché en arrière, Monsieur MacStern, regarde maintenant, penché en avant, Monsieur de Baker, deuxième à sa gauche. Mais Monsieur de Baker, las de regarder, penché en avant, Monsieur Magershon, regarde maintenant, penché en arrière, Monsieur O'Meldon, troisième à sa droite au bout de la table. Mais Monsieur O'Meldon, las de regarder, penché en arrière, Monsieur de Baker, regarde maintenant, penché en avant, Monsieur Fitzwein, deuxième à sa gauche. Alors Monsieur Fitzwein, las de regarder, penché en avant, l'oreille gauche de Monsieur MacStern, se redresse et se tournant vers le seul membre du comité dont il n'ait pas encore cherché le regard, à savoir Monsieur de Baker, se voit récom- penser par l'occiput poli de ce monsieur.
