nie en France, dans quelque
carrie`re que ce soit, il atteint presque toujours a` un degre?
carrie`re que ce soit, il atteint presque toujours a` un degre?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
Iffland rappelle aussi la sensation prodigieuse que produisait,
dans la pie`ce tfE? miUa Galotti, Eckhoff, ancien acteur allemand
tre`s-ce? le`bre. Lorsque Odoard apprend par la mai^tresse du prince
que l'honneur de sa fille est menace? , il veut taire a` cette femme,
qu'il n'estime pas, l'indignation et la douleur qu'elle excite dans
son a^me, et ses mains, a` son insu, arrachaient les plumes qu'il
portait a` son chapeau, avec un mouvement convulsif dont l'effet
e? tait terrible. Les acteurs qui succe? de`rent a` Eckhoff avaient soin
d'arracher comme lui les plumes du chapeau; mais elles tom-
baient a` terre sans que personne y fit attention; car une e? motion
ve? ritable ne donnait pas aux moindres actions cette ve? rite? su-
blime qui e? branle l'a^me des spectateurs.
La the? orie d'Iffland sur les gestes est tre`s-inge? nieuse. Il se
moque de ces bras en moulin a` vent qui ne peuvent servir qu'a`
de? clamer des sentences de morale, et croit que d'ordinaire les
gestes en petit nombre, et rapproche? sdu corps, indiquent mieux
les impressions vraies; mais, dans ce genre comme dans beaucoup
d'autres, il y a deux parties tre`s-distinctes dans le talent, celle qui
tient a` l'enthousiasme poe? tique, et celle qui nai^t de l'esprit ob-
servateur; selon la nature des pie`ces ou des ro^les, l'une ou l'au-
tre doit dominer. Les gestes que la gra^ce et le sentiment du
beau inspirent ne sont pas ceux qui caracte? risent tel ou tel per-
sonnage. La poe? sie exprime la perfection en ge? ne? ral, pluto^t
qu'une manie`re d'e^tre ou de sentir particulie`re. L'art de l'acteur
tragique consiste donc a` pre? senter dans ses attitudes l'image de
la beaute? poe? tique, sans ne? gliger cependant ce qui distingue les
diffe? rents caracte`res: c'est toujours dans l'union de l'ide? al avec
la nature que consiste tout le domaine des arts.
Lorsque je vis la pie`ce Avi. i? 'ingt-Quatre Fe? vrier joue? e par
deux poetes ce? le`bres, A. W. Schlegel et Werner, je fus singu-
lie`rement frappe? e de leur genre de de? clamation. Ils pre? paraient
les effets longtemps d'avance, et l'on voyait qu'ils auraient e? te?
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? DE LA DE? CLAMATION. 329
fa^che? s d'e^tre applaudis de`s les premiers vers. Toujours l'ensem-
ble e? tait pre? sent a` leur pense? e, et le succe`s de de? tail, qui aurait
pu y nuire, ne leur eu^t paru qu'une faute. Schlegel me fit de? cou-
vrir, par sa manie`re de jouer dans la pie`ce de Werner, tout l'in-
te? re^t d'un ro^le que j'avais a` peine remarque? a` la lecture. C'e? tait
l'innocence d'un homme coupable, le malheur d'un honne^te
homme, qui a commis un crime a` l'a^ge de sept ans, lorsqu'il ne
savait pas encore ce que c'e? tait que le crime, et qui, bien qu'il
soit en paix avec sa conscience, n'a pu dissiper le trouble de son
imagination. Je jugeai l'homme qui e? tait repre? sente? devant
moi, comme on pe? ne`tre un caracte`re dans la vie, d'apre`s des
mouvements, des regards, des accents qui le trahissent a` son
insu. En France, la plupart de nos acteurs n'ont jamais l'air
d'ignorer ce qu'ils font; au contraire, il y a quelque chose
d'e? tudie? dans tous les moyens qu'ils emploient, et l'on en pre? -
voit d'avance l'effet.
Schroeder, dont tous les Allemands parlentcomme d'un acteur
admirable, ne pouvait supporter qu'on di^t qu'il avait bien joue?
tel ou tel moment, ou bien de? clame? tel ou tel vers, -- Ai-je bien
joue? le ro^le? demandait-il; ai-je e? te? le personnage ? VA. en effet
son talent semblait changer de nature chaque fois qu'il changeait
de ro^le. L'on n'oserait pas en France re? citer, comme il le fai-
sait souvent, la trage? die duton habituel de la conversation. Il y
a une couleur ge? ne? rale, un accent convenu, qui est de rigueur
dans les vers alexandrins, et les mouvements les plus passionne? s
reposent sur ce pie? destal, qui est comme la donne? e ne? cessaire
de l'art. Les acteurs franc? ais d'ordinaire visent a` l'applaudisse-
ment, et le me? ritent presque pour chaque vers; les acteurs al-
lemands y pre? tendent a` la fin de la pie`ce, et ne l'obtiennent
gue`re qu'alors.
La diversite? des sce`nes et des situations qui se trouvent dans
les pie`ces allemandes , donne lieu ne? cessairement a` beaucoup
plus de varie? te? dans le talent des acteurs. Le jeu muet compte
pour davantage, et la patience des spectateurs permet une foule
de de? tails qui rendent le pathe? tique plus naturel. L'art d'un ac-
teur, en France, consiste presque en entier dans la de? clamation;
en Allemagne, il y a beaucoup plus d'accessoires a` cet art priu28.
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? 3HO DE LA DECLAMATrOfl
cipal, et souvent la parole est a` peine ne? cessaire pour attendrir.
Lorsque Schroeder, jouant le roi Lear, traduit en allemand,
e? tait apporte? endormi sur la sce`ne, on dit que ce sommeil du
malheur et de la vieillesse arrachait des larmes avant qu'il se
fu^t re? veille? , avant me^me que ses plaintes eussent appris ses
douleurs; et quand il portait dans ses bras le corps de sa jeune
fille Corde? lie, tue? e parce qu'elle n'a pas voulu l'abandonner,
rien n'e? tait beau comme la force que lui donnait le de? sespoir.
Un dernier doute le soutenait; il essayait si Corde? lie respirait
encore: lui, si vieux, ne pouvait se persuader qu'un e^tre si
jeune avait pu mourir. Une douleur passionne? e dans un vieil-
lard a` demi de? truit, produisait l'e? motion la plus de? chirante.
Ce qu'on peut reprocher avec raison aux acteurs allemands
en ge? ne? ral, c'est de mettre rarement en pratique la connaissance
des arts du dessin, si ge? ne? ralement re? pandue dans leur pays:
leurs attitudes ne sont pas belles; l'exce`s de leur simplicite? de? -
ge? ne`re souvent en gaucherie, et presque jamais ils n'e? galent les
acteurs franc? ais dans la noblesse et l'e? le? gance de la de? marche et
des mouvements. Ne? anmoins, depuis quelque temps les actrices
allemandes ont e? tudie? l'art des attitudes, et se perfectionnent
dans cette sorte de gra^ce si ne? cessaire au the? a^tre.
On n'applaudit au spectacle, en Allemagne, qu'a` la fin des
actes, et tre`s-rarement on interrompt l'acteur pour lui te? moi-
gner l'admiration qu'il inspire. Les Allemands regardent comme
une espe`ce de barbarie, de troubler, par des signes tumultueux
d'approbation, l'attendrissement dont ils aiment a` se pe? ne? trer en
silence. Mais c'est une difficulte? de plus pour leurs acteurs; car
il faut une terrible force de talent pour se passer, en de? clamant,
de l'encouragement donne? par le public. Dans un art tout d'e? -
motion , les hommes rassemble? s font e? prouver une e? lectricite?
toute-puissante, a` laquelle rien ne peut supple? er.
Une grande habitude de la pratique de l'art peut faire qu'un
bon acteur,en re? pe? tant une pie`ce, repasse par les me^mes traces
et se serve des me^mes moyens , sans que les spectateurs l'ani-
ment de nouveau; mais l'inspiration premie`re est presque tou-
jours venue d'eux. Un contraste singulier me? rite d'e^tre remar-
que? . Dans les beaux-arts, dont la cre? ation est solitaire et re? lie? -
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? DE LA DECLAMATION. 331
due, on perd tout naturel lorsqu'on pense au public, et l'amour-propre seul y fait songer. Dans les beaux-arts improvise? s, dans
la de? clamation surtout, le bruit des applaudissements agit snr
, l'a^me comme le son de la musique militaire. Ce bruit enivrant
fait couler le sang plus vite, ce n'est pas la froide vanite? qu'il
satisfait.
Quand il parai^t un homme de ge?
nie en France, dans quelque
carrie`re que ce soit, il atteint presque toujours a` un degre? de
perfection sans exemple; car il re? unit l'audace qui fait sortir de
la route commune, au tact du bon gou^t qu'il importe tant de
conserver, lorsque l'originalite? du talent n'en souffre pas. Il me
semble donc que Talma peut e^tre cite? comme un mode`le de har-
diesse et de mesure, de naturel et de dignite? . Il posse`de tous les
secrets des arts divers; ses attitudes rappellent les belles statues
de l'antiquite? ; son ve^tement, sans qu'il y pense, est drape? dans
tous ses mouvements, comme s'il avait eu le temps de l'arran-
ger dans le plus parfait repos. L'expression de son visage, celle
de son regard, doivent e^tre l'e? tude de tous les peintres. Quelque-
fois il arrive les yeux a` demi ouverts, et tout a` coup le senti-
ment en fait jaillir des rayons de lumie`re qui semblent e? clairer
toute la sce`ne.
Le son de sa voix e? branle de`s qu'il parle, avant que le sens
me^me des paroles qu'il prononce ait excite? l'e? motion. Lorsque
dans les trage? dies il s'est trouve? par hasard quelques vers des-
criptifs, il a fait sentir les beaute? s de ce genre de poe? sie, comme
si Pindare avait re? cite? lui-me^me ses chants. D'autres ont be-
soin de temps pour e? mouvoir, et font bien d'en prendre; mais
il y a dans la voix de cet homme je ne sais quelle magie qui,
de`s les premiers accents, re? veille toute la sympathie du coeur.
Le charme de la musique, de la peinture, de la sculpture, de
la poe? sie, et par dessus tout du langage de l'a^me, voila` ses
moyens pour de? velopper dans celui qui l'e? coute toute la puis-
sance des passions ge? ne? reuses et terribles.
Quelle connaissance du coeur humain il montre dans sa ma-
nie`re de concevoir ses ro^les! il en est le second auteur par ses
accents et par sa physionomie. Lorsque OEdipe raconte a` Jocaste
comment il a tue? Lai? us, sans le connai^tre,son re? cit commence
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? 332 DE LA DE? CLAMATION.
ainsi : J'e? tais jeune et superbe; la plupart des acteurs, avant
lui, croyaient devoir jouer le mot superbe , et relevaient la te^te
pour le signaler: Talma, qui sent que tous les souvenirs de
l'orgueilleux Olidipecommencenta` devenir pour lui des remords,
prononce d'une voix timide ces mots faits pour rappeler une
confiance qu'il n'a de? ja` plus. Phorbas arrive de Corinthe, au
moment ou` OEdipe vient de concevoir des craintes sur sa nais-
sance : il lui demande un entretien secret. Les autres acteurs,
avant Talma , se ha^taient de se retourner vers leur suite, et de
l'e? loigner avec un geste majestueux : Talma reste les yeux fixe? s
sur Phorbas; il ne peut le perdre de vue, et sa main agite? e fait
il 11 signe pour e? carter ce qui l'entoure. Il n'a rien dit encore ,
mais ses mouvements e? gare? s trahissent le trouble de son a^me;
et quand, au dernier acte, il s'e? crie en quittant Jocaste:
Oui, Lai? us est mon pe`re, et je suis votre fils,
on croit voir s'entr'ouvrir le se? jour du Te? nare, ou` le destin per-
fide entrai^ne les mortels.
Dans Andromaque, quand Hermione insense? e accuse Oreste
d'avoir assassine? Pyrrhus sans son aveu, Oreste re? pond:
Et ne m'avez-vous pas
Vous-me^me, ici, tanto^t, ordonne? son tre? pas?
ou dit que le Kain, quand il re? citait ces vers, appuyait sur
chaque mot, comme pour rappeler a` Hermione toutes les cir-
constances de l'ordre qu'il avait rec? u d'elle. Ce serait bien vis-a`-vis d'un juge; mais quand il s'agit de la femme qu'on aime, le
de? sespoir de la trouver injuste et cruelle est l'unique sentiment
qui remplisse l'a^me. C'est ainsi queTalma conc? oit la situation:
un cri s'e? chappe du coeur d'Oreste; il dit les premiers mots
avec force, et ceux qui suivent avec un abattement toujours
croissant: ses bras tombent, son visage devient en un instant
pa^le comme la mort, et l'e? motion des spectateurs s'augmente
a` mesure qu'il semble perdre la force de s'exprimer.
La manie`re dont Talma re? cite le monologue suivant est su-
blime. L'espe`ce d'innocence qui rentre dans l'a^me d'Oreste pour
la de? chirer, lorsqu'il dit ce vers:
J'assassine a` regret un roi que je <<Hi-n',
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? DE LA DE? CLAMATION. 333
inspire une pitie? que le ge? nie me^me de Racine n'a pu pre? voir
tout entie`re. Les grands acteurs se sont presque tous essaye? s
dans les fureurs d'Oreste; mais c'est la` surtout que la noblesse
des gestes et des traits ajoute singulie`rement a` l'effet du de? ses-
poir. La puissance de la douleur est d'autant plus terrible,
qu'elle se montre a` travers le calme me^me et la dignite? d'une
belle nature. Dans les pie`ces tire? es de l'histoire romaine, Talma de? veloppe
un talent d'un tout autre genre, mais non moins remarquable.
On comprend mieux Tacite, apre`s l'avoir vu jouer le ro^le de
Ne? ron; il y manifeste un esprit d'une grande sagacite? ; car c'est
toujours avec de l'esprit qu'une a^me honne^te saisit les sympto^-
mes du crime; ne? anmoins il produit encore plus d'effet, ce me
semble, dans les ro^les ou` l'on aime a` s'abandonner, en l'e? cou-
tant, aux sentiments qu'il exprime. Il a rendu a` Bayard , dans
la pie`ce de du Belloy, le service de lui o^ter ces airs de fanfaron
que les autres acteurs croyaient devoir lui donner; ce he? ros
gascon est redevenu, gra^ce a` Talma, aussi simple dans la trage? -
die que dans l'histoire. Son costume dans ce ro^le, ses gestes
simples et rapproche? s, rappellent les statues des chevaliers qu'on
voitdans les anciennes e? glises, et l'on s'e? tonne qu'un homme
qui a si bien le sentiment de l'art antique sache aussi se trans-
porter dans le caracte`re du moyen a^ge.
Talma joue quelquefois le ro^le de Pharan dans une trage? die
de Ducis sur un sujet arabe, Abufar. Une foule de vers ravis-
sants re? pandent sur cette trage? die beaucoup de charme; les cou-
leurs de l'Orient, la me? lancolie re^veuse du midi asiatique, la
me? lancolie des contre? es ou` la chaleur consume la nature, au lieu
de l'embellir, se font admirablement sentir dans cet ouvrage.
Le me^me Talma, Grec, Romain et chevalier, est un Arabe du
de? sert, plein d'e? nergie et d'amour; ses regards sont voile? s comme
pour e? viter l'ardeur des rayons du soleil; il y a dans ses gestes
une alternative admirable d'indolence et d'impe? tuosite? ; tanto^t
le sort l'accable, tanto^t il parai^t plus puissant encore que la na-
ture, et semble triompher d'elle: la passion qui le de? vore, et
dont une femme qu'il croit sa soeur est l'objet, est renferme? e
dans son sein; on dirait, a` sa marche incertaine, que c'est lui-
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? 334 DE LA DECLAMATION.
me^me qu'il veut fuir; ses yeux se de? tournent de ce qu'il aime,
ses mains repoussent une image qu'il croit toujours voir a` ses
co^te? s; et quand enfin il presse Sale? ma sur son coeur, en lui disant
ce simple mot, J'ai froid, il sait exprimer tout a` la fois le fris-
son de l'a^me et la de? vorante ardeur qu'il veut cacher.
On peut trouver beaucoup de de? fauts dans les pie`ces de Sha-
kespeare adapte? es par Ducis a` notre the? a^tre; mais il serait bien
injuste de n'y pas reconnai^tre des beaute? s du premier ordre;
Ducis a son ge? nie dans son coeur, et c'est la` qu'il est bien.
Talma joue ses pie`ces en ami du beau talent de ce noble vieil-
lard. La sce`ne des sorcie`res, dans Macbeth, est mise en re? cit
dans la pie`ce franc? aise. Il faut voir Talma s'essayer a` rendre
quelque chose de vulgaire et de bizarre dans l'accent des sorcie`-
res, et conserver cependant dans cette imitation toute la dignite?
que notre the? a^tre exige.
Par des mots inconnus, ces e^tres monstrueux
S'appelaient tour a` tour, s'applaudissaient entre eux,
S'approchaient, me montraient avec un ris farouche:
Leur doigt myste? rieux se posait sur leur bouche.
Je leur parle, et dans l'ombre ils s'e? chappent soudain,
L'un avec un poignard, l'autre un sceptre a` la main,
L'autre d'un long serpent serrait son corps livide:
Tous trois vers ce palais ont pris un vol rapide,
Et tous trois dans les airs, en fuyant loin de moi,
M'ont laisse? pour adieu ces mots: Tu seras roi.
La voix basse et myste? rieuse de l'acteur, en prononc? ant ces
vers, la manie`re dont il plac? ait son doigt sur sa bouche, comme
la statuedu silence, son regard qui s'alte? rait pourexprimer un sou-
venir horrible et repoussant ; tout e? tait combine? pour peindre un
merveilleux nouveau sur notre the? a^tre, et dont aucune tradition
ante? rieure ne pouvait donner l'ide? e.
Othello n'a pas re? ussi dernie`rement sur la sce`ne franc? aise; il
semble qu'Orosmane empe^che qu'on ne comprenne bien Othello;
mais quand c'est Talma qui joue cette pie`ce, le cinquie`me acte
e? meut comme si l'assassinat se passait sous nos yeux; j'ai vu
Talma de? clamer dans la chambre la dernie`re sce`ne avecsa femme,
dont la voix et la figure conviennent si bien a` Desdemona ; il lui
suffisait de passer sa main sur ses cheveux et de froncer le sour-
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? DE LA DE? CLAMATION. 335
cil pour e^tre le Maure de Venise, et la terreur saisissait a` deux
pas de lui, comme si toutes les illusions du the? a^tre l'avaient
environne? .
Hamlet est son triomphe parmi les trage? dies du genre e? tran-
ger. Les spectateurs ne voient pas l'ombre du pe`re d'Hamlet
sur la sce`ne franc? aise, l'apparition se passe en entier dans la
physionomie de Talma, et certes elle n'en est pas ainsi moins
effrayante. Quand, au milieu d'un entretien calme et me? lanco-
lique, tout a` coup il aperc? oit le spectre, on suit tousses mouve-
ments dans les yeux qui le contemplent, et l'on ne peut douter
de la pre? sence du fanto^me quand un tel regard l'atteste.
