II ecoute chanter leurs haleines craintives Qui
fleurent
de longs miels vegetaux et roses Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives Reprises sur la levre ou desirs de baisers.
Ezra-Pound-Instigations
.
.
Des croix profondes sont tes rides, Tes cheveux sont blancs comme fits --Preserve des regards arides
Le berceau de nos petits-fils . . .
Pais venir et conserve en joie Ceux d naitre et ceux qui sont nes, Et verse, sans que Dieu te voie, L'eau de tes yeux sur les damnes!
Reprends dans leur chemise blanche Les petits qui sont en langueur . . . Rappelle a I'eternel Dim,anche
Les vieux qui tralnent en longueur:
-^Dragon-gardien de la Vierge, Garde la creche sous ton oeil. Que, pres de toi, Joseph-concierge Garde la propretS du seuil!
Prends pitiS de la fille-mere,
Du petit au bord du chemin . . . Si quelqu'un leur jette la pierre. Que la pierre se change en pain!
--Dame bonne en mer et sur terre, Montre-nous le del et le port,
Dans la tempete ou dans la guerre . . O Fanal de la bonne mort!
--
? A isTUDY IN FRENCH POETS 23
Humble: a tes pieds n'as point d'itoile. Humble . . . et brave pour protSger! Dans la nue dpparaUt ton voile.
Pale aureole du danger.
--Aux perdus dont la vie est grise,
( Sauf respect--perdus de boisson)
Montre le clocher de I'Sglise Et le chemin de la maison.
Prete ta douce et chaste Uamme Aux Chretiens qui sont ici . . . Ton remMe de bonne femme Pour tes betes-a-corne aussi!
Montre a nos femmes et servantes L'ouvrage et la fecondite . . . --Le bonjour aux ames parentes Qui sont bien dams I'eternite!
--Nous mettrons un cordon de cire, De cire-vierge jaune autour
De ta chapelle et ferons dire
Ta messe basse au point du jour.
Preserve notre chemin^e
Des sorts et du monde malin . . . A Paques te sera do^mie
Une quenouille avec du Un.
Si nos corps sont puants sur terre, Ta grace est un bain de sante; Repands sur nous, au cimetihre, Ta bonne odeur de saintete.
? 24
INSTIGATIONS
--A I'an prochaini--Void ton cierge: {C'est deux livres qu'il a coute)
. . . Respects d. Madame la Vierge,
Sans oublier la TrinitA
. . . Et les fideles, en chemise, Sainte Anne, ayes pitie de nous! Font trois fois le tour de I'eglise En se trainant sur leurs genoux,
Et boivent I'eau miraculeuse Ou les Job teigneux ont lave Leur nudite contagieuse . . . Allez: la Foi vous a sauve!
C'est la que tiennent leurs cenacles Les pauvres, freres de Jesus.
--Ce n'est pas la cour des miracles, Les trous sont vrais : Vide latus!
Sont-ils pas divins sur leurs claies Qu'aureole un nimbe vermeil
Ces proprietaires de plaies,
Rubis vivants sous le soleil! .
. .
En aboyant, un rachitique Secoue un moignon desosse, Coudoyant un epileptique Qui travaille dans un fosse.
La, ce tronc d'homme ou croit I'ulcere, Centre un tronc d'arbre ou croit le gui, Ici, c'est la fille et la mere
Dansant la danse de Saint-Guy.
;! --
:
? A STUDY IN FRENCH POETS
Cet autre pare le caut^re
De son petit enfant malsain: --L'enfant se doit a son vietix pere . --Et le chancre est un gagne-pain
La, c'est I'idiot de naissance,
Un visits par Gabriel,
Dans I'extase de I'innocence . . . --L'innocent est (tout) pres du ciel!
--Tiens, passant, regarde : tout passe. L'oeil de I'idiot est reste. Carilestenetatdegrace. . .
--Et la Grace est I'Etemite! ^
Parmi les autres, apres vepre, Qui sont d'eau benite arroses, Un cadavre, vivant de lepre, Fleurit, souvenir des croises . . .
Puis tous ceux que les Rois de France Guerissaient d'un toucher de doigts . --Mais la France n'a plus de Rois, Et leur dieu suspend sa clemence.
Une forme humaine qui beugle Contre le calvaire se tient
C'est comme une moitie d'aveugle Elle est borgne et n'a pas de chien . .
C'est une rapsode foraine
Qui donne aux gens pour un Hard L' Istoyre de ia Magdalayne,
Du Juif Errant ou A'Abaylar.
25
.
.
.
.
.
:----
? 26
INSTIGATIONS
Elle hale comme une plainte, Comme une plainte de la faim,
Et, longue comme un jour sans pain, Lamentablement, sa complairite . . .
--Qa. chante comme ga respire, Triste oiseau sans plume et sans nid Vaguant oti son instinct 1'attire: Autour des Bon-Dieu de granit . . .
(Ja peut parler aussi, sans doute,
Qa. peut penser comme ca voit: Toujours devant soi la grand'route . . . --Et, quand g'a deux sous, ga les boit.
--Femme on dirait, helas ! --sa nippe :
Lui pend, ficelee en jupon;
Sa dent noire serre une pipe Eteinte. . . Oh,lavieadubon!
Son nom . . . ga se nomme Misere. Qa s'est trouve ne par hasard.
Qa sera trouve mort par terre . . . La meme chose--quelque part.
Si tu la rencontres, Poete,
Avec son vieux sac de soldat
C'est notre soeur . . . donne--c'est fete Poursapipe,unpeudetabac! . . .
Tu verras dans sa face creuse
Se creuser, comme dans du bois, Un sourire; et sa main galeuse Te faire un vrai signe de croix.
(Les Amours Jaunes. )
----; --
? A STUDY IN FRENCH POETS 27
It is not long since a "strong, silent" American, who had been spending a year or so in Paris, complaine4 to methat"allFrenchpoetrysmeltoftalcumpowder. " He did not specifically mention Corbiere; who, with perhaps a few dozen other French poets, may have been outside the scope of his research. Corbiere came also to "Paris. "
Batard de Creole et Breton, II vint aussi la--fourmiliere. Bazar ou rien n'est en pierre. Oil le soleil manque de ton.
--Courage! On fait queue . . . Un planton Vous pousse a la chaine--derriere ! --Incendie eteint, sans lumiere;
Des seaux passent, vides ou non.
La, sa pauvre Muse pucelle
Fit le trottoir en demoiselle.
lis disaient : Qu'est-ce qu'elle vend ?
--Rien. --Elle restait la, stupide, N'entendant pas sonner le vide Et regardant passer le vent . . .
II
La vivre a coups de fouet! --passer :
En fiacre, en correctionnelle Repasser a la ritournelle,
Se depasser, et trepasser!
--Non, petit, il faut coramencer Par <<tre grand--simple ficelle
; --!
? 28 INSTIGATIONS
Pauvre : remuer Tor a la pelle Obscur: unnoinatoutcasser! . . .
Le coller chez les mastroquets, Et I'apprendre a des perroquets Qui le chantent ou qui le sifflent
--Musique! --C'est le paradis
Des mahomets ou des houris,
Des dieux souteneurs qui se giflent
People, at least some of them, think more highly of his Breton subjects than of the Parisian, but I can not see that he loses force on leaving the sea-board ; for example, his "Frere et Soeur Jumeaux" seems to me "by the same hand" and rather better than his "RoscofF. " His lan- guage does not need any particular subject matter, or prefer one to another. "Mannequin ideal, tete-de-turc du leurre," "Fille de marbre, en rut! ", "Je voudrais etre chien a une fille publique" are all, with a constant emis- sion of equally vigorous phrases, to be found in the city poems. At his weakest he is touched with the style of his time, i. e. , he falls into a phrase d la Hugo,--but sel- dom. And he is conscious of the will to break from this manner, and is the first, I think, to satirize it, or at least the first to hurl anything as apt and violent as "garde nationale epique" or "inventeur de la larme ecrite" at the Romantico-rhetorico and the sentimento-
romanticoofHugoandLamartine. Hisnearestkinships in our period are to Gautier and Laforgue, though it is Villon whom most by life and temperament he must be said to resemble.
Laforgue was, for four or five years, "reader" to the
!
? A STUDY IN FRENCH POETS 29
ex-Kaiser's mama; he escaped and died of la m/ishe. Corbiere had, I believe, but one level of poverty:
Un beau jour--quel metier ! --je faisais, comme ga
--
m'a donn6 deux sous.
ARTHUR RIMBAUD (1854-1891)
Rimbaud's first book appeared in '73.
poems with a preface by Verlaine in '95.
veys his content by comment, Corbiere by ejaculation, as if the words were wrenched and knocked out of him by fatality; bytheviolenceofhisfeeling,Rimbaudpresents a thick suave color, firm, even. ]
Cinq heures du soir AU CABARET VERT
Depuis huit jours, j'avais dechire mes bottines Auxcaillouxaeschemins. J'entraisaCharleroi, --Au Cabaret Vert: je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut a moitie froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Verte: jecontemplailessujetstresnaifs
De la tapisserie. --Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tetons enormes, aux yeux vifs.
Ma croisiere.
--Elle qui,--La Passante !
Vrai valet de bourreau, je la frolai . . . --mais Elle Me regarda tout bas, souriant en dessous,
Et--me tendit sa main, et
Metier!
. . .
Enfin. Elle passa. Elle, avec son ombrelle
--
His complete Laforgue con-
--:
? INSTIGATIONS
--Celle-la, ce n'est pas un baiser qui I'epeure ! Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiede, dans un plat colorie,
Du jambon rose et blanc parfume d'une gousse D'ail,--et m'emplit la chope immense, avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriere.
The actual writing of poetry has advanced little or not at all since Rimbaud. Cezanne was the first to paint, as Rimbaud had written,--in, for example, "Les Assis"
lis ont greflfe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S'entrelacent pour les matins et pour les soirs
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sieges. or in the octave of
VENUS ANADYOMENE
Comma d'un cercueil vert en fer-blanc, une tete De femme a cheveux bruns fortement pommades D'une vieille baignoire emerge, lente et bete, Montrant des deficits assez mal ravaudes;
Puis le col gras et gris, les larges omoplates Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort, --La graisse sous la peau parait en feuilles plates Et les rondeurs des reins semble prendre I'essor.
Tailhade has painted his "Vieilles Actrices" at greater
30
? A STUDY IN FRENCH POETS 31
length, but smiling; Rimbaud does not endanger his in- tensity by a chuckle. He is serious as Cezanne is serious. Comparisons across an art are always vague and inexact, andtherearenorealparallels; stillitispossibletothink of Corbiere a little as one thinks of Goya, without Goya's Spanish, with infinite differences, but with a macabre in- tensity, and a modernity that we have not yet surpassed. There are possible grounds for comparisons of like sort between Rimbaud and Cezanne.
Tailhade and Rimbaud were both born in '54; there is not a question of priority in date, I do not know who hit first on the form, but Rimbaud's "Chercheuses" is a very good example of a mould not unlike that into which Tailhade has cast his best poems.
LES CHERCHEUSES DE POUX
Quand le front de I'enfant plein de rouges tourmentes. Implore I'essaim blanc des reves indistincts,
II vient pres de son lit deux grandes soeurs charmantes Avec de freles doigts aux ongles argentins.
Elles asseoient I'enfant aupres d'une croisee
Grande ouverte oti I'air bleu baigne un fouillis de fleurs, Et, dans ses lourds cheveux oia tombe la rosee, Promenent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.
II ecoute chanter leurs haleines craintives Qui fleurent de longs miels vegetaux et roses Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives Reprises sur la levre ou desirs de baisers.
II entend leurs cils noirs battant sous les silences Parfumes; et leurs doigts electriques et doux
: ! ;--
:
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INSTIGATIONS
Font crepiter, parmi ses grises indolences,
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.
Voili que monte en lui le vin de la Paresse, Soupir d'harmonica qui pourrait delirer; L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses, Sourdre et mourir sans cesse un desir de pleurer.
The poem is "not really" like Tailhade's, but the com- parison is worth while. Many readers will be unable to "see over" the subject matter and consider the virtues of the style, but we are, let us hope, serious people; besides, Rimbaud's mastery is not confined to "the un- pleasant" ; "Roman" begins
On n'est pas serieux, quand on a dix-sept ans. --Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafes tapageurs aux lustres eclatants
--On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin! L' air est parfois si doux, qu'on ferme la paupiere
Le vent charge de bruits,--la ville n'est pas loin
A des parfums de vigne et des parfums de biere .
. .
Thesixthlineisworthy^. To-em-mei. ButRimbaud has not exhausted his idyllic moods or capacities in one poem. Witness
! :
? A STUDY IN FRENCH POETS
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COMEDIE EN TROIS BAISERS
Elle etait fort d&habillee,
Et de grands arbres indiscrets Aux vitres penchaient leur feuillee Malinement, tout pres, tout pres.
Assise sur ma grande chaise. Mi-nue elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise Ses petits pieds si fins, si fins.
--Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier Papillonner, comme un sourire
Sur son beau sein, mouche au rosier.
--^Je baisai ses fines chevilles. Elle eut un long rire tres mal Qui s'egrenait en claires trilles, Une risure de cristal. . . .
Les petits pieds sous la. chemise Se sauverent: "Veux-tti finir! " --La premiere audace permise, Le rire feignait de punir
--Pauvrets palpitant sous ma levre, Je baisai doucement ses yeux
--Elle jeta sa tete mievre
En arriere: "Oh! c'est encor mieux! .
"Monsieur, j'ai deux mots a te dire. . --Je lui jetai le reste au sein
.
. . " . "
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INSTIGATIONS
Dans un baiser, qui la fit rire D'un bon rire qui voulait bien .
. .
--Elle etait fort deshabillee
Et de grands arbres indiscrets, Aux vitres penchaient leur feuillee Malinement, tout pres, tout pres.
The subject matter is older than Ovid, and how many poems has it led to every silliness, every vulgarity ! One has no instant of doubt here, nor, I think, in any line of any poem of Rimbaud's. How much I might have learned from the printed page that I have learned slowly
Irom actualities. Or perhaps we never do learn from the page ; but are only capable of recognizing the page after we have learned from actuality.
I do not know whether or no Rimbaud "started" the furniture poetry with "Le Buffet" ; it probably comes, most of it, from the beginning of Gautier's "Albertus. " I cannot see that the "Bateau Ivre" rises above the gen- eral level of his work, though many people seem to know of this poem (and of the sonnet on the vowels) who donotknowtherestofhiswork. Bothofthesepoems are in Van Bever and Leautaud. I wonder in what other poet will we find such firmness of coloring and such certitude.
TABLE
Laforgue 1860-1887; published 1885 Corbiere1840-1875; published1873and1891 Rimbaud 1854-1891; published 1873
Remy de Gourmont 1858-1915
Merril 1868-1915
::
? A STUDY IN FRENCH POETS
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Tailhade 1854-1919 Verhaeren 1855-1916 Moreas 1856-1911
Living
Viele-Griffin 1864
Jammes 1868 De Regnier 1864 Spire 1868
Younger Men
Klingsor, Remains, Vildrac
Other Dates:
Verlaine 1844-1896
Mallarme 1842-1898 Samain 1858-1900 Elskamp, born 1862
REMY DE GOURMONT (1858-1915)
As in prose, Remy de Gourmont found his own form, so also in poetry, influenced presumably by the medieval sequaires and particularly by Goddeschalk's quoted in his (De Gourmont's) work on "Le Latin Mystique," he recreated the "litanies. " It was one of the great gifts of "symbolisme," of the doctrine that one should "suggest" not "present"; it is, in his hand, an effective indirectness. The procession of all beautiful women moves before one in the "Litanies de la Rose"; and the rhythm is incomparable. It is not a poem to lie on the page, it must come to life in audition, or in the finer
auditionwhichonemayhaveinimaginingsound; One must "hear" it, in one way or another, and out of that
? 36 INSTIGATIONS
intoxication comes beauty. One does no injustice to De Gourmont by giving this poem alone. The "Litany of the Trees" is of equal or almost equal beauty. The Sonnets in prose are different; they rise out of natural speech, out of conversation. Paul Fort perhaps began or rebegan the use of conversational speech in rh3miing prose paragraphs, at times charmingly.
LITANIES DE LA ROSE
A Henry dt Groux.
Fleur hypocrite,
Fleur du silence.
Rose couleur de cuivre, plus frauduleuse que nos joies,
rose couleur de cuivre. embaume-nous dans tes men- songes, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au visage peint comme une fille d'amour, rose au cceur prostitue, rose au visage peint, fais serablant d'etre pitoyable, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose a la joue puerile, 6 vierges des futures trahisons, rose a la joue puerile, innocente et rouge, ouvre les rets de tes yeux clairs, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose aux yeux noirs, miroir de ton neant, rose aux yeux noirs, fais-nous croire au mystere, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur d'or pur, 6 coffre-fort de I'ideal, rose couleur d'or pur, donne-nous la clef de ton ventre, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur d'argent, encensoir de nos reves, rose couleur d'argent prends notre cceur et fais-en de la fumee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au regard saphique, plus pale que les lys, rose au regard saphique, offre-nous le parfum de ton illusoire virginite, fleur hypocrite, fleur du silence.
? A STUDY IN FRENCH POETS
37
Rose au front poui-pre, colere des femmes d^daignees, rose au front pourpre dis-nous le secret de ton orgueil, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au front d'ivoire jaune, aniante de toi-meme, rose au front d'ivoire jaune, dis-nous le secret de tes nuits virginales, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose aux levres de sang, 6 mangeuse de chair, rose aux levres de sang, si tu veux notre sang, qu'en ferions- nous? bois-le, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de soufre, enfer des desirs vains, rose couleur de soufre, allume le bucher oti tu planes, ame et flamme, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de peche, fruit veloute de fard, rose sournoise, rose couleur de peche, empoisonne nos dents, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de chair, deesse de la bonne volonte, rose couleur de chair, fais-nous baiser la tristesse de ta peau fraiche et fade, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose vineuse, fleur des tonnelles et des caves, rose vineuse, les alcools fous gambadent dans ton haleine: souffle-nous I'horniu- de I'. 'iinour, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose violette, 6 modestie des fiUettes perverses, rose violette, tes ye\\\ sont plus grands que le reste, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose rose, pucelle au cceur desordonne, rose rose, robe de mousseline, entr'ouvre tes ailes fausses, ange, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose en papier de sole, siniulacre adorable des graces increees, rose en papier de soic, n'es-tu pas la vraie rose, fleur du silence.
Rose couleur d'aurore, couleur du temps, couleur de rien, 6 sourire du Sphinx, rose couleur d'aurore, sourire
? 38 INSTIGATIONS
ouvert sur le neant, nous t'aimerons, car tu mens, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose blonde, leger manteau de chrome sur des epaules freles, 6 rose blonde, femelle plus forte que les males, fleur hypocrite, fleur du silence!
Rose en forme de coupe, vase rouge ou mordent les dents quand la bouche y vient boire, rose en forme de coupe, nos morsures te font sourire et nos baisers te font pleurer, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose toute blanche, innocente et couleur de lait, rose toute blanche, tant de candeur nous epouvante, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de bronze, pate cuite au soleil, rose couleur de bronze, les plus durs javelots s'emoussent sur ta peau, fleur hypocrite fleur du silence.
Rose couleur de feu, creuset special pour les chairs refractaires, rose couleur de feu, 6 providence des ligueurs en enfance, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose incarnate, rose stupide et plelne de sante, rose incarnate, tu nous abreuves et tu nous leuiTCs d'un vin tres rouge et tres benin, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose en satin cerise, munificence exquise des levres triomphales, rose en satin cerise, ta bouche enluminee a pose sur nos chairs le sceau de pourpre de son mirage, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au coeur virginal, 6 louche et rose adolescence qui n'a pas encore parle, ros/s au cceur virginal, tu n'as rien a nous dire, fleur hypocirite, fleur du silence.
Rose groseille, honte et rougeur des peches ridicules, rose groseille, on a trop chiffonne ta robe, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur du soir, demi-morte d'ennui, fumee crepusculaire, rose couleur du soir, tu meurs d'amour
A STUDY m FRENCH POETS
en baisant tes mains lasses, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose bleue, rose iridine, monstre couleur des yeux de la Chimere, rose bleue, leve un peu tes paupieres : as-tu peur qu-on te regarde, les yeux dans les yeux, Chimere, fleur hypocrite, fleur du silence ^ ---~\
Rose verte, rose couleur de mer, 6 nombril |des) sirenes, rose verte, gemme ondoyante et fabuleuse, tu h'es plus que de I'eau des qu'un doigt t'a touchee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose escarboucle, rose fleurie au front noir du dragon, rose escarboucle, tu n'es plus qu'une boucle de ceinture, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de vermilion, bergere enamouree couchee dans les sillons, rose- couleur de vermilion, le berger te respire et le bouc t'a broutee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose des tombes, fraicheur emanee des charognes, rose des tombes, toute mignonne et rose, adorable parfum des fines pourritures, tu fais semblant de vivre, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose brune, couleur des mornes acajous, rose brune, plaisirs permis, Sagesse, prudence et prevoyance, tu nous regardes avec des yeux rogues, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose ponceau, ruban des fillettes modeles, rose pon- ceau, gloire des petites poupees, es-tu niaise ou sournoise, joujou des petits freres, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose rouge et noire, rose insolente et secrete, rose rouge et noire, ton insolence et ton rouge ont pali parmi les compromis qu'invente la vertu, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose ardoise, grisaille des vertus vaporeuses, rose ardoise, tu grimpes et tu fleuris autour des vieux bancs
!
? 39
? 40 INSTIGATIONS
solitaires, rose du soir, fleur hypocrite, fleur du silence. Rose pivoine, modeste vanite des jardins plantureux, rose pivoine, le vent n'a retrousse tes feuilles que par hasard, et tu n'en fus pas mecontente, fleur hypocrite,
fleur du silence.
Rose neigeuse, couleur de la neige et des plumes du
cygne, rose neigeuse, tu sais que la neige est fragile et tu n'ouvres tes plumes de cygne qu'aux plus insignes, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose hyaline, couleur des sources claires jaillies d'entre les herbes, rose hyaline, Hylas est mort d'avoir aime tes yeux, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose opale, 6 sultane endormie dans I'odeur du harem, rose opale, langueur des constantes caresses, ton cceur connait la paix profonde des vices satisfaits, fleur hypo- crite, fleur du silence.
Rose amethyste, etoile matinale, tendresse episcopale, rose amethyste, tu dors sur des poitrines devotes et douillettes, gemme offerte a Marie, 6 gemme sacristine, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose cardinale, rose couleur du sang de I'Eglise romaine, rose cardinale, tu fais rever les grands yeux des mignons et plus d'tm t'epingia au noeud de sa jarretiere, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose papale, rose arrosee des mains qui benissent le monde, rose papale, ton cceur d'or est en cuivre, et les larmes qui perlent sur ta vaine corolle, ce sont les pleurs du Christ, fleur hypocrite, fleur du silence.
Fleur hypocrite, Fleur du silence.
DE REGNIER (born 1864)
De RiGNiER is counted a successor to the Parnassiens,
;;
? A STUDY IN FRENCH POETS 41
and has indeed written much of gods and of marble fountains, as much perhaps of the marble decor, as have other contemporaries of late renaissance and of more modern house furniture. Hi^ "J'ai feint que les dieux m'aient parle" opens charmingly. He has in the "Odelettes" made two darts into vers libre which are perhaps worth many more orderly pages, and show lyric sweetness.
ODELETTE
Si j'ai parle
De mon amour, c'est a I'eau lente Qui m'ecoute quand je me penche Sur elle; si j'ai parle
De mon amour, c'est au vent
Qui rit et cuchote entre les branches
Si j'ai parle de mon amour, c'est a I'oiseau Qui passe et chante
Avec le vent;
Si j'ai parle
C'est a I'echo.
Si j'ai aime de grand amour, Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux;
Si j'ai aime de grand amour, Ce fut ta bouche grave et douce, Ce fut ta bouche
Si j'ai aime de grand amour,
Ce furent ta chair tiede et tes mains fraiches, Et c'est ton ombre que je cherche.
He has joined himself to the painters of contemporary things in: r
:
? 42
INSTIGATIONS
L'ACCUEIL
Tous deux etaient beaux de corps et de visages, L'air francs et sages
Avec un clair sourire dans les yeux,
Et, devant eux,
Debout en leur jeunesse svelte et prompte, Je me sentais courbe et j'avais presque honte D'etre si vieux.
Les ans
Sont lourds aux epaules et pesent
Aux plus fortes
De tout le poids des heures mortes,
Les ans
Sont durs, et breve
La vie et Ton a vite des cheveux blancs; Et j'ai deja vecu beaucoup de jours.
Les ans sont lourds. . . .
Et tous deux me regardaient, surpris de voir Celui qu'ils croyaient autre en leur pensee Se lever pour les recevoir
Vetu de bure et le front nu
Et non pas, comme en leur pensee. Drape de pourpre et laure d'or
Et je leur dis : "Soyez tous deux les bienvenus. " Ce fut alors
Que je leur dis
"Mes fils, quoi, vous avez monte la cote
Sous ce soleil cuisant d'aout Jusqu'a ma maison haute,
? A STUDY IN FRENCH POETS
O vous
Qu'attend la-bas peut-etre, an terme du chemin
Le salut amoureux de quelque blanche main!
Si vous avez pour moi allonge votre route Peut-etre, au moins mes chants vous auront-ils aides, De leurs rythmes presents en vos memoires,
A marcher d'un jeune pas scande
Je n'ai jamais desire d'autre gloire
Sinon que les vers du poete
Plussent a la voix qui les repete.
Si les miens vous ont plu: merci,
Car c'est pour cela que, chantant
Mon reve, apres I'avoir congu en mon esprit, Depuis vingt ans,
J'habite ici. "
Et, d'un geste, je leur montrai la chambre vide Avec son mur de pierre et sa lampe d'argile Et le lit oil je dors et le sol oil, du pied,
Je frappe pour apprendre au vers estropie
A marcher droit, et le calame de roseau
Dont la poit^te subtile aide a fixer le mot
Sur la tablette lisse et couverte de cire
Dont la divine odeur la retient et I'attire
Et le fait, dans la strophe en fleurs qu'il ensoleille, Mysterieusement vibrer comme une abeille.
Et je repris:
"Mes fils,
Les ans
Sont lour4s aux epaules et pesent Aux plus fortes
De tout le poids des heures mortes. Les ans
43
? 44
INSTIGATIONS
Sont durs, la vie est breve
Et Ton a vite des cheveux blancs,
Si quelque jour,
En revenant d'ovi vous allez,
Vous rencontriez sur cette tneme route,
Entre les orges et las bles,
Des gens en troupe
Montant ici avec des palmes a la main, Dites-vous bien
Que si vous les suiviez vous ne me verriez pas Comme aujourd'hui debout en ma robe de laine Qui se troue a I'epaule et se dechire au bras, Mais drape de poui-pre hautaine
Peut-etre--et mort
! " Et laure d'or
Je leur ai dit cela, pour qu'ils le sachent.
Car ils sont beaux tons deux de corps et de visages, L'air francs et sages
Avec un clair sourire aux yeux,
Parce qu'en eux
Peut-etre vit quelque desir de gloire,
Je leur ai parle ainsi pour qu'ils sachent
Ce qu'est la gloire,
Ce qu'elle donne,
Ce qu'il faut croire
De son vain jeu,
Et que son dur laurier ne pose sa couronne
Que sur le front inerte et qui n'est plus qu'un peu Deja d'argile humaine ou vient de vivre un Dieu.
HerewehavethemodemtoneinDeRegnier. My own feeling at the moment is that his hellenics, his verse on classical and ancient subjects, is likely to be over-
? A STUDY IN FRENCH POETS 45
shadowed by that of Samain and Heredia. I have doubts whether his books will hold against the Cleopatra sonnets, or if he has equaled, in this vein, the poem beginning "Mon ame est une infante en robe de parade. " But in the lyric odelette, and in this last given poem in particular, we find him leading perhaps onward toward Vildrac, and toward a style which might be the basis for a certain manner F. M. Hueffer has used in English vers libre, rather than remembering the Parnassiens.
EMILE VERHAEREN
Verhaeren has been so well introduced to America by his obituary notices that I can scarcely hope to com- pete with them in this limited space. One can hardly represent him better than by the well known:
LES PAUVRES
II est ainsi de pauvres coeurs avec en eux, des lacs de pleurs, qui sont pales, comme les pierres d'un cimetiere.
II est ainsi de pauvres dos
plus lourds de peine et de fardeaux que les toits des cassines brunes, parmi les dunes.
II est ainsi de pauvres mains, comme feuilles sur les chemins, comme feuilles jaunes et mortes, devant la porte.
! ! ;;:
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INSTIGATIONS
II est ainsi de pauvres yeux humbles et bons et soucieux
et plus tristes que ceux des betes, sous la tempete.
II est ainsi de pauvres gens, aux gestes las et indulgents sur qui s'acharne la misere,
au long des plaines de la terre.
VIELE-GRIFFIN
Two men, half-Americans, Viele-Griffin and Stuart Merril, won for themselves places among the recent French poets. Viele-Griffin's poem for the death of Mallarme is among his better known works
IN MEMORIAM STEPHANE MALLARMfi
Si Ton te disait : Maitre
Le jour se leve;
Voici une aube encore, la meme, pale Maitre, j'ai ouvert la fenetre,
L'aurore s'en vient encor du seuil oriental, Un jour va naitre
--Je croirais t'entendre dire : Je reve.
Si Ton te disait: Maitre, nous sommes la, Vivants et forts,
Comme ce soir d'hier, devant ta porte
Nous sommes venus en riant, nous sommes la, Guettant le sourire et I'etreinte forte,
--On nous repondrait: Le Maitre est mort.
;:--
? A STUDY IN FRENCH POETS
Des fleurs de ma terrasse,
Des fleurs comme au feuillet d'un livre,
Des fleurs, pourquoi?
Voici un peu de nous, la chanson basse
Qui tourne et tombe,
--Comme ces feuilles-ci tombent et toumoient Voici la honte et la colere de vivre
Et de parler des mots--contre ta tombe.
His curious and, perhaps not in the bad sense, old- fashioned melodic quality shows again in the poem be- ginning :
Lache comme le froid et la pluie, Brutal et sourd comme le vent. Louche et faux comme le ciel has, L'Automne rode par ici,
Son baton heurte aux contrevents Ouvr? la porte, car il est la.
Ouvre la porte et fais-lui honte.
Son manteau s'effiloche et traine,
Ses pieds sont alourdis de boue; Jette-lui des pierres, quoi qu'il te conte, Ne crains pas ses paroles de haine C'est toujours un role qu'il joue.
It is embroidery a la Charles D'Orl^ans; one must take it or leave it.
STUART MERRIL
I know that I have seen somewhere a beautiful and effective ballad of Merril's. His "Chambre D'Amour"
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::
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would be more interesting if Samain had not written "L'Infante," but Merril's painting is perhaps interesting as comparison. It begins:
Dans la chambre qui fleure un peu la bergamote, Ce soir, lasse, la voix de I'ancien clavecin Chevrote des refrains enfantins de gavotte.
There is a great mass of this poetry full of highly cultured house furnishing; I think Catulle Mendes also wrote it. Merril's "Nocturne" illustrates a mode of symbolistic writing which has been since played out and parodied
La bleme lune allume en la mare qui luit, Miroir des gloires d'or, un emoi d'incendie. Tout dort. Seul, a mi-mort, un rossignol de nuit Module en mal d'amour sa molle melodie.
Plus ne vibrent les vents en le mystere vert Desramures. Laluneatuleursvoixnocturnes Mais a travers le deuil du feuillage entr'ouvert Pleuvent les bleus baisers des astres taciturnes.
There is no need to take this sort of tongue-twisting too seriously, though it undoubtedly was so taken in Paris during the late eighties and early nineties. He is better illustrated in "La Wallonie," vide infra.
LAURENT TAILHADE 1854-1919
Tailhade's satires seem rough if one come upon them straightfromreadingLaforgue; andLaforguewillseem, and is presumably, the greatly finer artist; but one
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? A STUDY IN FRENCH POETS
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should not fail to note certain definite differences. Laforgue is criticizing, and conveying a mood. He is more or less literary, playing with words. Tailhade is painting contemporary Paris, with verve. His eye is on the thing itself. He has, au fond, not very much incommonwithLaforgue. Hewasbomsixyearsbe- foreLaforgueandinthesameyearasRimbaud. Their
temperaments are by no means identical. I do not know whether Tailhade wrote "Hydrotherapie" before Rimbaud had done "Les Chercheuses. " Rimbaud in that poem identifies himself more or less with the child and its feeling. Tailhade is detached. I do not say this as praise of either one or the other. I am only trying to keep things distinct.
HYDROTHERAPIE
Le vieux monsieur, pour prendre une douche ascendante, A couronne son chef d'un casque d'hidalgo
Qui, malgre sa bedaine ample et son lumbago,
Lui donne un certain air de famille avec Dante.
Ainsi ses membres gourds et sa vertebre a point Traversent I'appareil des tuyaux et des lances, Tandis que' des masseurs, tout gonfles d'insolences, Frottent au gant de crin son dos oti I'acne point.
Oh! I'eau froide! la bonne et rare panacee Qui, seule, raffermit la charpente lassee
Et le protoplasma des senateurs pesants
Voici que, dans la rue, au sortir de sa douche,
Le vieux monsieur qu'on sait un magistrat farouche Tient des propos grivois aux filles de douze ans.
?
Des croix profondes sont tes rides, Tes cheveux sont blancs comme fits --Preserve des regards arides
Le berceau de nos petits-fils . . .
Pais venir et conserve en joie Ceux d naitre et ceux qui sont nes, Et verse, sans que Dieu te voie, L'eau de tes yeux sur les damnes!
Reprends dans leur chemise blanche Les petits qui sont en langueur . . . Rappelle a I'eternel Dim,anche
Les vieux qui tralnent en longueur:
-^Dragon-gardien de la Vierge, Garde la creche sous ton oeil. Que, pres de toi, Joseph-concierge Garde la propretS du seuil!
Prends pitiS de la fille-mere,
Du petit au bord du chemin . . . Si quelqu'un leur jette la pierre. Que la pierre se change en pain!
--Dame bonne en mer et sur terre, Montre-nous le del et le port,
Dans la tempete ou dans la guerre . . O Fanal de la bonne mort!
--
? A isTUDY IN FRENCH POETS 23
Humble: a tes pieds n'as point d'itoile. Humble . . . et brave pour protSger! Dans la nue dpparaUt ton voile.
Pale aureole du danger.
--Aux perdus dont la vie est grise,
( Sauf respect--perdus de boisson)
Montre le clocher de I'Sglise Et le chemin de la maison.
Prete ta douce et chaste Uamme Aux Chretiens qui sont ici . . . Ton remMe de bonne femme Pour tes betes-a-corne aussi!
Montre a nos femmes et servantes L'ouvrage et la fecondite . . . --Le bonjour aux ames parentes Qui sont bien dams I'eternite!
--Nous mettrons un cordon de cire, De cire-vierge jaune autour
De ta chapelle et ferons dire
Ta messe basse au point du jour.
Preserve notre chemin^e
Des sorts et du monde malin . . . A Paques te sera do^mie
Une quenouille avec du Un.
Si nos corps sont puants sur terre, Ta grace est un bain de sante; Repands sur nous, au cimetihre, Ta bonne odeur de saintete.
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INSTIGATIONS
--A I'an prochaini--Void ton cierge: {C'est deux livres qu'il a coute)
. . . Respects d. Madame la Vierge,
Sans oublier la TrinitA
. . . Et les fideles, en chemise, Sainte Anne, ayes pitie de nous! Font trois fois le tour de I'eglise En se trainant sur leurs genoux,
Et boivent I'eau miraculeuse Ou les Job teigneux ont lave Leur nudite contagieuse . . . Allez: la Foi vous a sauve!
C'est la que tiennent leurs cenacles Les pauvres, freres de Jesus.
--Ce n'est pas la cour des miracles, Les trous sont vrais : Vide latus!
Sont-ils pas divins sur leurs claies Qu'aureole un nimbe vermeil
Ces proprietaires de plaies,
Rubis vivants sous le soleil! .
. .
En aboyant, un rachitique Secoue un moignon desosse, Coudoyant un epileptique Qui travaille dans un fosse.
La, ce tronc d'homme ou croit I'ulcere, Centre un tronc d'arbre ou croit le gui, Ici, c'est la fille et la mere
Dansant la danse de Saint-Guy.
;! --
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? A STUDY IN FRENCH POETS
Cet autre pare le caut^re
De son petit enfant malsain: --L'enfant se doit a son vietix pere . --Et le chancre est un gagne-pain
La, c'est I'idiot de naissance,
Un visits par Gabriel,
Dans I'extase de I'innocence . . . --L'innocent est (tout) pres du ciel!
--Tiens, passant, regarde : tout passe. L'oeil de I'idiot est reste. Carilestenetatdegrace. . .
--Et la Grace est I'Etemite! ^
Parmi les autres, apres vepre, Qui sont d'eau benite arroses, Un cadavre, vivant de lepre, Fleurit, souvenir des croises . . .
Puis tous ceux que les Rois de France Guerissaient d'un toucher de doigts . --Mais la France n'a plus de Rois, Et leur dieu suspend sa clemence.
Une forme humaine qui beugle Contre le calvaire se tient
C'est comme une moitie d'aveugle Elle est borgne et n'a pas de chien . .
C'est une rapsode foraine
Qui donne aux gens pour un Hard L' Istoyre de ia Magdalayne,
Du Juif Errant ou A'Abaylar.
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.
.
.
.
.
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INSTIGATIONS
Elle hale comme une plainte, Comme une plainte de la faim,
Et, longue comme un jour sans pain, Lamentablement, sa complairite . . .
--Qa. chante comme ga respire, Triste oiseau sans plume et sans nid Vaguant oti son instinct 1'attire: Autour des Bon-Dieu de granit . . .
(Ja peut parler aussi, sans doute,
Qa. peut penser comme ca voit: Toujours devant soi la grand'route . . . --Et, quand g'a deux sous, ga les boit.
--Femme on dirait, helas ! --sa nippe :
Lui pend, ficelee en jupon;
Sa dent noire serre une pipe Eteinte. . . Oh,lavieadubon!
Son nom . . . ga se nomme Misere. Qa s'est trouve ne par hasard.
Qa sera trouve mort par terre . . . La meme chose--quelque part.
Si tu la rencontres, Poete,
Avec son vieux sac de soldat
C'est notre soeur . . . donne--c'est fete Poursapipe,unpeudetabac! . . .
Tu verras dans sa face creuse
Se creuser, comme dans du bois, Un sourire; et sa main galeuse Te faire un vrai signe de croix.
(Les Amours Jaunes. )
----; --
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It is not long since a "strong, silent" American, who had been spending a year or so in Paris, complaine4 to methat"allFrenchpoetrysmeltoftalcumpowder. " He did not specifically mention Corbiere; who, with perhaps a few dozen other French poets, may have been outside the scope of his research. Corbiere came also to "Paris. "
Batard de Creole et Breton, II vint aussi la--fourmiliere. Bazar ou rien n'est en pierre. Oil le soleil manque de ton.
--Courage! On fait queue . . . Un planton Vous pousse a la chaine--derriere ! --Incendie eteint, sans lumiere;
Des seaux passent, vides ou non.
La, sa pauvre Muse pucelle
Fit le trottoir en demoiselle.
lis disaient : Qu'est-ce qu'elle vend ?
--Rien. --Elle restait la, stupide, N'entendant pas sonner le vide Et regardant passer le vent . . .
II
La vivre a coups de fouet! --passer :
En fiacre, en correctionnelle Repasser a la ritournelle,
Se depasser, et trepasser!
--Non, petit, il faut coramencer Par <<tre grand--simple ficelle
; --!
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Pauvre : remuer Tor a la pelle Obscur: unnoinatoutcasser! . . .
Le coller chez les mastroquets, Et I'apprendre a des perroquets Qui le chantent ou qui le sifflent
--Musique! --C'est le paradis
Des mahomets ou des houris,
Des dieux souteneurs qui se giflent
People, at least some of them, think more highly of his Breton subjects than of the Parisian, but I can not see that he loses force on leaving the sea-board ; for example, his "Frere et Soeur Jumeaux" seems to me "by the same hand" and rather better than his "RoscofF. " His lan- guage does not need any particular subject matter, or prefer one to another. "Mannequin ideal, tete-de-turc du leurre," "Fille de marbre, en rut! ", "Je voudrais etre chien a une fille publique" are all, with a constant emis- sion of equally vigorous phrases, to be found in the city poems. At his weakest he is touched with the style of his time, i. e. , he falls into a phrase d la Hugo,--but sel- dom. And he is conscious of the will to break from this manner, and is the first, I think, to satirize it, or at least the first to hurl anything as apt and violent as "garde nationale epique" or "inventeur de la larme ecrite" at the Romantico-rhetorico and the sentimento-
romanticoofHugoandLamartine. Hisnearestkinships in our period are to Gautier and Laforgue, though it is Villon whom most by life and temperament he must be said to resemble.
Laforgue was, for four or five years, "reader" to the
!
? A STUDY IN FRENCH POETS 29
ex-Kaiser's mama; he escaped and died of la m/ishe. Corbiere had, I believe, but one level of poverty:
Un beau jour--quel metier ! --je faisais, comme ga
--
m'a donn6 deux sous.
ARTHUR RIMBAUD (1854-1891)
Rimbaud's first book appeared in '73.
poems with a preface by Verlaine in '95.
veys his content by comment, Corbiere by ejaculation, as if the words were wrenched and knocked out of him by fatality; bytheviolenceofhisfeeling,Rimbaudpresents a thick suave color, firm, even. ]
Cinq heures du soir AU CABARET VERT
Depuis huit jours, j'avais dechire mes bottines Auxcaillouxaeschemins. J'entraisaCharleroi, --Au Cabaret Vert: je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut a moitie froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Verte: jecontemplailessujetstresnaifs
De la tapisserie. --Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tetons enormes, aux yeux vifs.
Ma croisiere.
--Elle qui,--La Passante !
Vrai valet de bourreau, je la frolai . . . --mais Elle Me regarda tout bas, souriant en dessous,
Et--me tendit sa main, et
Metier!
. . .
Enfin. Elle passa. Elle, avec son ombrelle
--
His complete Laforgue con-
--:
? INSTIGATIONS
--Celle-la, ce n'est pas un baiser qui I'epeure ! Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiede, dans un plat colorie,
Du jambon rose et blanc parfume d'une gousse D'ail,--et m'emplit la chope immense, avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriere.
The actual writing of poetry has advanced little or not at all since Rimbaud. Cezanne was the first to paint, as Rimbaud had written,--in, for example, "Les Assis"
lis ont greflfe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S'entrelacent pour les matins et pour les soirs
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sieges. or in the octave of
VENUS ANADYOMENE
Comma d'un cercueil vert en fer-blanc, une tete De femme a cheveux bruns fortement pommades D'une vieille baignoire emerge, lente et bete, Montrant des deficits assez mal ravaudes;
Puis le col gras et gris, les larges omoplates Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort, --La graisse sous la peau parait en feuilles plates Et les rondeurs des reins semble prendre I'essor.
Tailhade has painted his "Vieilles Actrices" at greater
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length, but smiling; Rimbaud does not endanger his in- tensity by a chuckle. He is serious as Cezanne is serious. Comparisons across an art are always vague and inexact, andtherearenorealparallels; stillitispossibletothink of Corbiere a little as one thinks of Goya, without Goya's Spanish, with infinite differences, but with a macabre in- tensity, and a modernity that we have not yet surpassed. There are possible grounds for comparisons of like sort between Rimbaud and Cezanne.
Tailhade and Rimbaud were both born in '54; there is not a question of priority in date, I do not know who hit first on the form, but Rimbaud's "Chercheuses" is a very good example of a mould not unlike that into which Tailhade has cast his best poems.
LES CHERCHEUSES DE POUX
Quand le front de I'enfant plein de rouges tourmentes. Implore I'essaim blanc des reves indistincts,
II vient pres de son lit deux grandes soeurs charmantes Avec de freles doigts aux ongles argentins.
Elles asseoient I'enfant aupres d'une croisee
Grande ouverte oti I'air bleu baigne un fouillis de fleurs, Et, dans ses lourds cheveux oia tombe la rosee, Promenent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.
II ecoute chanter leurs haleines craintives Qui fleurent de longs miels vegetaux et roses Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives Reprises sur la levre ou desirs de baisers.
II entend leurs cils noirs battant sous les silences Parfumes; et leurs doigts electriques et doux
: ! ;--
:
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INSTIGATIONS
Font crepiter, parmi ses grises indolences,
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.
Voili que monte en lui le vin de la Paresse, Soupir d'harmonica qui pourrait delirer; L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses, Sourdre et mourir sans cesse un desir de pleurer.
The poem is "not really" like Tailhade's, but the com- parison is worth while. Many readers will be unable to "see over" the subject matter and consider the virtues of the style, but we are, let us hope, serious people; besides, Rimbaud's mastery is not confined to "the un- pleasant" ; "Roman" begins
On n'est pas serieux, quand on a dix-sept ans. --Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafes tapageurs aux lustres eclatants
--On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin! L' air est parfois si doux, qu'on ferme la paupiere
Le vent charge de bruits,--la ville n'est pas loin
A des parfums de vigne et des parfums de biere .
. .
Thesixthlineisworthy^. To-em-mei. ButRimbaud has not exhausted his idyllic moods or capacities in one poem. Witness
! :
? A STUDY IN FRENCH POETS
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COMEDIE EN TROIS BAISERS
Elle etait fort d&habillee,
Et de grands arbres indiscrets Aux vitres penchaient leur feuillee Malinement, tout pres, tout pres.
Assise sur ma grande chaise. Mi-nue elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise Ses petits pieds si fins, si fins.
--Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier Papillonner, comme un sourire
Sur son beau sein, mouche au rosier.
--^Je baisai ses fines chevilles. Elle eut un long rire tres mal Qui s'egrenait en claires trilles, Une risure de cristal. . . .
Les petits pieds sous la. chemise Se sauverent: "Veux-tti finir! " --La premiere audace permise, Le rire feignait de punir
--Pauvrets palpitant sous ma levre, Je baisai doucement ses yeux
--Elle jeta sa tete mievre
En arriere: "Oh! c'est encor mieux! .
"Monsieur, j'ai deux mots a te dire. . --Je lui jetai le reste au sein
.
. . " . "
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INSTIGATIONS
Dans un baiser, qui la fit rire D'un bon rire qui voulait bien .
. .
--Elle etait fort deshabillee
Et de grands arbres indiscrets, Aux vitres penchaient leur feuillee Malinement, tout pres, tout pres.
The subject matter is older than Ovid, and how many poems has it led to every silliness, every vulgarity ! One has no instant of doubt here, nor, I think, in any line of any poem of Rimbaud's. How much I might have learned from the printed page that I have learned slowly
Irom actualities. Or perhaps we never do learn from the page ; but are only capable of recognizing the page after we have learned from actuality.
I do not know whether or no Rimbaud "started" the furniture poetry with "Le Buffet" ; it probably comes, most of it, from the beginning of Gautier's "Albertus. " I cannot see that the "Bateau Ivre" rises above the gen- eral level of his work, though many people seem to know of this poem (and of the sonnet on the vowels) who donotknowtherestofhiswork. Bothofthesepoems are in Van Bever and Leautaud. I wonder in what other poet will we find such firmness of coloring and such certitude.
TABLE
Laforgue 1860-1887; published 1885 Corbiere1840-1875; published1873and1891 Rimbaud 1854-1891; published 1873
Remy de Gourmont 1858-1915
Merril 1868-1915
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? A STUDY IN FRENCH POETS
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Tailhade 1854-1919 Verhaeren 1855-1916 Moreas 1856-1911
Living
Viele-Griffin 1864
Jammes 1868 De Regnier 1864 Spire 1868
Younger Men
Klingsor, Remains, Vildrac
Other Dates:
Verlaine 1844-1896
Mallarme 1842-1898 Samain 1858-1900 Elskamp, born 1862
REMY DE GOURMONT (1858-1915)
As in prose, Remy de Gourmont found his own form, so also in poetry, influenced presumably by the medieval sequaires and particularly by Goddeschalk's quoted in his (De Gourmont's) work on "Le Latin Mystique," he recreated the "litanies. " It was one of the great gifts of "symbolisme," of the doctrine that one should "suggest" not "present"; it is, in his hand, an effective indirectness. The procession of all beautiful women moves before one in the "Litanies de la Rose"; and the rhythm is incomparable. It is not a poem to lie on the page, it must come to life in audition, or in the finer
auditionwhichonemayhaveinimaginingsound; One must "hear" it, in one way or another, and out of that
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intoxication comes beauty. One does no injustice to De Gourmont by giving this poem alone. The "Litany of the Trees" is of equal or almost equal beauty. The Sonnets in prose are different; they rise out of natural speech, out of conversation. Paul Fort perhaps began or rebegan the use of conversational speech in rh3miing prose paragraphs, at times charmingly.
LITANIES DE LA ROSE
A Henry dt Groux.
Fleur hypocrite,
Fleur du silence.
Rose couleur de cuivre, plus frauduleuse que nos joies,
rose couleur de cuivre. embaume-nous dans tes men- songes, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au visage peint comme une fille d'amour, rose au cceur prostitue, rose au visage peint, fais serablant d'etre pitoyable, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose a la joue puerile, 6 vierges des futures trahisons, rose a la joue puerile, innocente et rouge, ouvre les rets de tes yeux clairs, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose aux yeux noirs, miroir de ton neant, rose aux yeux noirs, fais-nous croire au mystere, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur d'or pur, 6 coffre-fort de I'ideal, rose couleur d'or pur, donne-nous la clef de ton ventre, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur d'argent, encensoir de nos reves, rose couleur d'argent prends notre cceur et fais-en de la fumee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au regard saphique, plus pale que les lys, rose au regard saphique, offre-nous le parfum de ton illusoire virginite, fleur hypocrite, fleur du silence.
? A STUDY IN FRENCH POETS
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Rose au front poui-pre, colere des femmes d^daignees, rose au front pourpre dis-nous le secret de ton orgueil, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au front d'ivoire jaune, aniante de toi-meme, rose au front d'ivoire jaune, dis-nous le secret de tes nuits virginales, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose aux levres de sang, 6 mangeuse de chair, rose aux levres de sang, si tu veux notre sang, qu'en ferions- nous? bois-le, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de soufre, enfer des desirs vains, rose couleur de soufre, allume le bucher oti tu planes, ame et flamme, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de peche, fruit veloute de fard, rose sournoise, rose couleur de peche, empoisonne nos dents, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de chair, deesse de la bonne volonte, rose couleur de chair, fais-nous baiser la tristesse de ta peau fraiche et fade, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose vineuse, fleur des tonnelles et des caves, rose vineuse, les alcools fous gambadent dans ton haleine: souffle-nous I'horniu- de I'. 'iinour, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose violette, 6 modestie des fiUettes perverses, rose violette, tes ye\\\ sont plus grands que le reste, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose rose, pucelle au cceur desordonne, rose rose, robe de mousseline, entr'ouvre tes ailes fausses, ange, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose en papier de sole, siniulacre adorable des graces increees, rose en papier de soic, n'es-tu pas la vraie rose, fleur du silence.
Rose couleur d'aurore, couleur du temps, couleur de rien, 6 sourire du Sphinx, rose couleur d'aurore, sourire
? 38 INSTIGATIONS
ouvert sur le neant, nous t'aimerons, car tu mens, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose blonde, leger manteau de chrome sur des epaules freles, 6 rose blonde, femelle plus forte que les males, fleur hypocrite, fleur du silence!
Rose en forme de coupe, vase rouge ou mordent les dents quand la bouche y vient boire, rose en forme de coupe, nos morsures te font sourire et nos baisers te font pleurer, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose toute blanche, innocente et couleur de lait, rose toute blanche, tant de candeur nous epouvante, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de bronze, pate cuite au soleil, rose couleur de bronze, les plus durs javelots s'emoussent sur ta peau, fleur hypocrite fleur du silence.
Rose couleur de feu, creuset special pour les chairs refractaires, rose couleur de feu, 6 providence des ligueurs en enfance, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose incarnate, rose stupide et plelne de sante, rose incarnate, tu nous abreuves et tu nous leuiTCs d'un vin tres rouge et tres benin, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose en satin cerise, munificence exquise des levres triomphales, rose en satin cerise, ta bouche enluminee a pose sur nos chairs le sceau de pourpre de son mirage, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose au coeur virginal, 6 louche et rose adolescence qui n'a pas encore parle, ros/s au cceur virginal, tu n'as rien a nous dire, fleur hypocirite, fleur du silence.
Rose groseille, honte et rougeur des peches ridicules, rose groseille, on a trop chiffonne ta robe, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur du soir, demi-morte d'ennui, fumee crepusculaire, rose couleur du soir, tu meurs d'amour
A STUDY m FRENCH POETS
en baisant tes mains lasses, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose bleue, rose iridine, monstre couleur des yeux de la Chimere, rose bleue, leve un peu tes paupieres : as-tu peur qu-on te regarde, les yeux dans les yeux, Chimere, fleur hypocrite, fleur du silence ^ ---~\
Rose verte, rose couleur de mer, 6 nombril |des) sirenes, rose verte, gemme ondoyante et fabuleuse, tu h'es plus que de I'eau des qu'un doigt t'a touchee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose escarboucle, rose fleurie au front noir du dragon, rose escarboucle, tu n'es plus qu'une boucle de ceinture, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur de vermilion, bergere enamouree couchee dans les sillons, rose- couleur de vermilion, le berger te respire et le bouc t'a broutee, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose des tombes, fraicheur emanee des charognes, rose des tombes, toute mignonne et rose, adorable parfum des fines pourritures, tu fais semblant de vivre, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose brune, couleur des mornes acajous, rose brune, plaisirs permis, Sagesse, prudence et prevoyance, tu nous regardes avec des yeux rogues, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose ponceau, ruban des fillettes modeles, rose pon- ceau, gloire des petites poupees, es-tu niaise ou sournoise, joujou des petits freres, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose rouge et noire, rose insolente et secrete, rose rouge et noire, ton insolence et ton rouge ont pali parmi les compromis qu'invente la vertu, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose ardoise, grisaille des vertus vaporeuses, rose ardoise, tu grimpes et tu fleuris autour des vieux bancs
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solitaires, rose du soir, fleur hypocrite, fleur du silence. Rose pivoine, modeste vanite des jardins plantureux, rose pivoine, le vent n'a retrousse tes feuilles que par hasard, et tu n'en fus pas mecontente, fleur hypocrite,
fleur du silence.
Rose neigeuse, couleur de la neige et des plumes du
cygne, rose neigeuse, tu sais que la neige est fragile et tu n'ouvres tes plumes de cygne qu'aux plus insignes, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose hyaline, couleur des sources claires jaillies d'entre les herbes, rose hyaline, Hylas est mort d'avoir aime tes yeux, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose opale, 6 sultane endormie dans I'odeur du harem, rose opale, langueur des constantes caresses, ton cceur connait la paix profonde des vices satisfaits, fleur hypo- crite, fleur du silence.
Rose amethyste, etoile matinale, tendresse episcopale, rose amethyste, tu dors sur des poitrines devotes et douillettes, gemme offerte a Marie, 6 gemme sacristine, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose cardinale, rose couleur du sang de I'Eglise romaine, rose cardinale, tu fais rever les grands yeux des mignons et plus d'tm t'epingia au noeud de sa jarretiere, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose papale, rose arrosee des mains qui benissent le monde, rose papale, ton cceur d'or est en cuivre, et les larmes qui perlent sur ta vaine corolle, ce sont les pleurs du Christ, fleur hypocrite, fleur du silence.
Fleur hypocrite, Fleur du silence.
DE REGNIER (born 1864)
De RiGNiER is counted a successor to the Parnassiens,
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and has indeed written much of gods and of marble fountains, as much perhaps of the marble decor, as have other contemporaries of late renaissance and of more modern house furniture. Hi^ "J'ai feint que les dieux m'aient parle" opens charmingly. He has in the "Odelettes" made two darts into vers libre which are perhaps worth many more orderly pages, and show lyric sweetness.
ODELETTE
Si j'ai parle
De mon amour, c'est a I'eau lente Qui m'ecoute quand je me penche Sur elle; si j'ai parle
De mon amour, c'est au vent
Qui rit et cuchote entre les branches
Si j'ai parle de mon amour, c'est a I'oiseau Qui passe et chante
Avec le vent;
Si j'ai parle
C'est a I'echo.
Si j'ai aime de grand amour, Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux;
Si j'ai aime de grand amour, Ce fut ta bouche grave et douce, Ce fut ta bouche
Si j'ai aime de grand amour,
Ce furent ta chair tiede et tes mains fraiches, Et c'est ton ombre que je cherche.
He has joined himself to the painters of contemporary things in: r
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L'ACCUEIL
Tous deux etaient beaux de corps et de visages, L'air francs et sages
Avec un clair sourire dans les yeux,
Et, devant eux,
Debout en leur jeunesse svelte et prompte, Je me sentais courbe et j'avais presque honte D'etre si vieux.
Les ans
Sont lourds aux epaules et pesent
Aux plus fortes
De tout le poids des heures mortes,
Les ans
Sont durs, et breve
La vie et Ton a vite des cheveux blancs; Et j'ai deja vecu beaucoup de jours.
Les ans sont lourds. . . .
Et tous deux me regardaient, surpris de voir Celui qu'ils croyaient autre en leur pensee Se lever pour les recevoir
Vetu de bure et le front nu
Et non pas, comme en leur pensee. Drape de pourpre et laure d'or
Et je leur dis : "Soyez tous deux les bienvenus. " Ce fut alors
Que je leur dis
"Mes fils, quoi, vous avez monte la cote
Sous ce soleil cuisant d'aout Jusqu'a ma maison haute,
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O vous
Qu'attend la-bas peut-etre, an terme du chemin
Le salut amoureux de quelque blanche main!
Si vous avez pour moi allonge votre route Peut-etre, au moins mes chants vous auront-ils aides, De leurs rythmes presents en vos memoires,
A marcher d'un jeune pas scande
Je n'ai jamais desire d'autre gloire
Sinon que les vers du poete
Plussent a la voix qui les repete.
Si les miens vous ont plu: merci,
Car c'est pour cela que, chantant
Mon reve, apres I'avoir congu en mon esprit, Depuis vingt ans,
J'habite ici. "
Et, d'un geste, je leur montrai la chambre vide Avec son mur de pierre et sa lampe d'argile Et le lit oil je dors et le sol oil, du pied,
Je frappe pour apprendre au vers estropie
A marcher droit, et le calame de roseau
Dont la poit^te subtile aide a fixer le mot
Sur la tablette lisse et couverte de cire
Dont la divine odeur la retient et I'attire
Et le fait, dans la strophe en fleurs qu'il ensoleille, Mysterieusement vibrer comme une abeille.
Et je repris:
"Mes fils,
Les ans
Sont lour4s aux epaules et pesent Aux plus fortes
De tout le poids des heures mortes. Les ans
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Sont durs, la vie est breve
Et Ton a vite des cheveux blancs,
Si quelque jour,
En revenant d'ovi vous allez,
Vous rencontriez sur cette tneme route,
Entre les orges et las bles,
Des gens en troupe
Montant ici avec des palmes a la main, Dites-vous bien
Que si vous les suiviez vous ne me verriez pas Comme aujourd'hui debout en ma robe de laine Qui se troue a I'epaule et se dechire au bras, Mais drape de poui-pre hautaine
Peut-etre--et mort
! " Et laure d'or
Je leur ai dit cela, pour qu'ils le sachent.
Car ils sont beaux tons deux de corps et de visages, L'air francs et sages
Avec un clair sourire aux yeux,
Parce qu'en eux
Peut-etre vit quelque desir de gloire,
Je leur ai parle ainsi pour qu'ils sachent
Ce qu'est la gloire,
Ce qu'elle donne,
Ce qu'il faut croire
De son vain jeu,
Et que son dur laurier ne pose sa couronne
Que sur le front inerte et qui n'est plus qu'un peu Deja d'argile humaine ou vient de vivre un Dieu.
HerewehavethemodemtoneinDeRegnier. My own feeling at the moment is that his hellenics, his verse on classical and ancient subjects, is likely to be over-
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shadowed by that of Samain and Heredia. I have doubts whether his books will hold against the Cleopatra sonnets, or if he has equaled, in this vein, the poem beginning "Mon ame est une infante en robe de parade. " But in the lyric odelette, and in this last given poem in particular, we find him leading perhaps onward toward Vildrac, and toward a style which might be the basis for a certain manner F. M. Hueffer has used in English vers libre, rather than remembering the Parnassiens.
EMILE VERHAEREN
Verhaeren has been so well introduced to America by his obituary notices that I can scarcely hope to com- pete with them in this limited space. One can hardly represent him better than by the well known:
LES PAUVRES
II est ainsi de pauvres coeurs avec en eux, des lacs de pleurs, qui sont pales, comme les pierres d'un cimetiere.
II est ainsi de pauvres dos
plus lourds de peine et de fardeaux que les toits des cassines brunes, parmi les dunes.
II est ainsi de pauvres mains, comme feuilles sur les chemins, comme feuilles jaunes et mortes, devant la porte.
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II est ainsi de pauvres yeux humbles et bons et soucieux
et plus tristes que ceux des betes, sous la tempete.
II est ainsi de pauvres gens, aux gestes las et indulgents sur qui s'acharne la misere,
au long des plaines de la terre.
VIELE-GRIFFIN
Two men, half-Americans, Viele-Griffin and Stuart Merril, won for themselves places among the recent French poets. Viele-Griffin's poem for the death of Mallarme is among his better known works
IN MEMORIAM STEPHANE MALLARMfi
Si Ton te disait : Maitre
Le jour se leve;
Voici une aube encore, la meme, pale Maitre, j'ai ouvert la fenetre,
L'aurore s'en vient encor du seuil oriental, Un jour va naitre
--Je croirais t'entendre dire : Je reve.
Si Ton te disait: Maitre, nous sommes la, Vivants et forts,
Comme ce soir d'hier, devant ta porte
Nous sommes venus en riant, nous sommes la, Guettant le sourire et I'etreinte forte,
--On nous repondrait: Le Maitre est mort.
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Des fleurs de ma terrasse,
Des fleurs comme au feuillet d'un livre,
Des fleurs, pourquoi?
Voici un peu de nous, la chanson basse
Qui tourne et tombe,
--Comme ces feuilles-ci tombent et toumoient Voici la honte et la colere de vivre
Et de parler des mots--contre ta tombe.
His curious and, perhaps not in the bad sense, old- fashioned melodic quality shows again in the poem be- ginning :
Lache comme le froid et la pluie, Brutal et sourd comme le vent. Louche et faux comme le ciel has, L'Automne rode par ici,
Son baton heurte aux contrevents Ouvr? la porte, car il est la.
Ouvre la porte et fais-lui honte.
Son manteau s'effiloche et traine,
Ses pieds sont alourdis de boue; Jette-lui des pierres, quoi qu'il te conte, Ne crains pas ses paroles de haine C'est toujours un role qu'il joue.
It is embroidery a la Charles D'Orl^ans; one must take it or leave it.
STUART MERRIL
I know that I have seen somewhere a beautiful and effective ballad of Merril's. His "Chambre D'Amour"
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would be more interesting if Samain had not written "L'Infante," but Merril's painting is perhaps interesting as comparison. It begins:
Dans la chambre qui fleure un peu la bergamote, Ce soir, lasse, la voix de I'ancien clavecin Chevrote des refrains enfantins de gavotte.
There is a great mass of this poetry full of highly cultured house furnishing; I think Catulle Mendes also wrote it. Merril's "Nocturne" illustrates a mode of symbolistic writing which has been since played out and parodied
La bleme lune allume en la mare qui luit, Miroir des gloires d'or, un emoi d'incendie. Tout dort. Seul, a mi-mort, un rossignol de nuit Module en mal d'amour sa molle melodie.
Plus ne vibrent les vents en le mystere vert Desramures. Laluneatuleursvoixnocturnes Mais a travers le deuil du feuillage entr'ouvert Pleuvent les bleus baisers des astres taciturnes.
There is no need to take this sort of tongue-twisting too seriously, though it undoubtedly was so taken in Paris during the late eighties and early nineties. He is better illustrated in "La Wallonie," vide infra.
LAURENT TAILHADE 1854-1919
Tailhade's satires seem rough if one come upon them straightfromreadingLaforgue; andLaforguewillseem, and is presumably, the greatly finer artist; but one
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should not fail to note certain definite differences. Laforgue is criticizing, and conveying a mood. He is more or less literary, playing with words. Tailhade is painting contemporary Paris, with verve. His eye is on the thing itself. He has, au fond, not very much incommonwithLaforgue. Hewasbomsixyearsbe- foreLaforgueandinthesameyearasRimbaud. Their
temperaments are by no means identical. I do not know whether Tailhade wrote "Hydrotherapie" before Rimbaud had done "Les Chercheuses. " Rimbaud in that poem identifies himself more or less with the child and its feeling. Tailhade is detached. I do not say this as praise of either one or the other. I am only trying to keep things distinct.
HYDROTHERAPIE
Le vieux monsieur, pour prendre une douche ascendante, A couronne son chef d'un casque d'hidalgo
Qui, malgre sa bedaine ample et son lumbago,
Lui donne un certain air de famille avec Dante.
Ainsi ses membres gourds et sa vertebre a point Traversent I'appareil des tuyaux et des lances, Tandis que' des masseurs, tout gonfles d'insolences, Frottent au gant de crin son dos oti I'acne point.
Oh! I'eau froide! la bonne et rare panacee Qui, seule, raffermit la charpente lassee
Et le protoplasma des senateurs pesants
Voici que, dans la rue, au sortir de sa douche,
Le vieux monsieur qu'on sait un magistrat farouche Tient des propos grivois aux filles de douze ans.
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