sordre de l'esprit se
montre presque toujours sous des formes e?
montre presque toujours sous des formes e?
Madame de Stael - De l'Allegmagne
ja` de nouvelles dou-
<< leurs?
MARGUERITE.
<< Malheur! malheur ! comment e? chapper aux pense? es qui nais-
<< sent dans mon a^me et se soule`vent contre moi? '
LE CHOEUR chante dans l'e? glise.
< Diesirae, dies illa,
< Solvet saeclum in favilla '.
LE MAUVAIS ESPRIT.
<<Le courroux ce? leste te menace, Marguerite; les trompettes
<< de la re? surrection retentissent : les tombeaux s'e? branlent, et
<< ton coeur va se re? veiller pour sentir les flammes e? ternelles.
MARGUEHITE.
<< Ah! si je pouvais m'e? loigner d'ici! Les sons de cet orgue
<< m'empe^chent de respirer, et les chants des pre^tres font pe? ne? -
<< trer dans mon a^me une e? motion qui la de? chire.
LE CHOEUR.
<< . 1 in le\ ergo cum sedebit,
<< Quiquid latet apparebit,
<< Nil inultum remanebit 2.
MARGUERITE.
<< On dirait que ces murs se rapprochent pour m'e? touffer; la
<< vou^te du temple m'oppresse: de l'air! de l'air!
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Cache-toi; le crime et la honte te poursuivent. Tu demandes
>> de l'air et de la lumie`re, mise? rable! qu'en espe`res-tu?
'II viendra le jour de la cole? re, et le sie? cle sera riklnit en cendres.
1 Quand te Juge supre^me paraitra. il de? couvrira tout ce qui est cachd, cl
rien ne pourra demeurer impuni.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 284
LE CHOEUU. . . . '
<< Quid sum miser tune dicturus?
<< Quem patronum rogaturus?
<< Cum vix justus sit securus '?
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Les saints de? tournent leur visage de ta pre? sence; ils rougi-
<< raient de tendre leurs mains pures vers toi. >>
LE CHOEUR.
<< Quid sum miser tune dicturus ? >>
Marguerite crie au secours, et s'e? vanouit.
Quelle sce`ne! Cette infortune? e, qui, dans l'asile de la consola-
tion, trouve le de? sespoir; cette foule rassemble? e priant Dieu
avec confiance, tandis qu'une malheureuse femme, dans le
temple me^me du Seigneur, rencontre l'esprit de l'enfer! Les pa-
roles se? ve`res de l'hymne sainte sont interpre? te? es par l'inflexible
me? chancete? du mauvais ge? nie. Quel de? sordre dans le coeur! que
de maux entasse? s sur une faible et pauvre te^te! et quel talent,
que celui qui sait ainsi repre? sentera` l'imagination ces moments
ou` la vie s'allume en nous comme un feu sombre, et jette sur
nos jours passagers la terrible lueur de l'e? ternite? des peines!
Me? phistophe? le`s imagine de transporter Faust dans le sabbat
des sorcie`res, pour le distraire de ses peines; et il y a la` une
sce`ne dont il est impossible de donner l'ide? e, quoiqu'il s'y trouve
un grand nombre de pense? es a` retenir: ce sont vraiment les
Saturnales de l'esprit, que cette fe^te du sabbat. La marche de
la pie`ce est suspendue par cet interme`de, et plus on trouve la
situation forte, plus il est impossible de se soumettre me^me aux
inventions du ge? nie, lorsqu'elles interrompent ainsi l'inte? re^t. Au
milieu du tourbillon de tout ce qu'on peut imaginer et dire,
quand les images et les ide? es se pre? cipitent, se confondent, et
semblent retomber dans les abi^mes dont la raison les a fait sor-
tir, il vient une sce`ne qui se rattache a` la situation d'une manie`re
terrible. Les conjurations de la magie font apparai^tre divers
1 Malheureux! que dirai-je alors? A quel protecteur m'adresscrai-je, lors-
qu'a` peine le juste peut se croire sauve? ?
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 28:>
tableaux , et tout a` coup Faust s'approche de Me? phistophe? le`s,
et lui dit: << Ne vois-tu pas la`-bas une jeune fille belle et pa^le,
<< qui se tient seule dans l'e? loignement? Elle s'avance lentement,
<< ses pieds semblent attache? s l'un a` l'autre; ne trouves-tu pus
<< qu'elle ressemble a` Marguerite?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est un effet de la magie, rien qu'une illusion. Il n'est pas
<< bon d'y arre^ter tes regards. Ces yeux fixes glacent le sang des
hommes. C'est ainsi que la te^te de Me? duse changeait jadis en
pierre ceux qui la conside? raient.
FAUST.
<< Il est vrai que cette image a les yeux ouverts comme un mort
<< a` qui la main d'un ami ne les aurait pas ferme? s. Voila` le sein
sur lequel j'ai repose? ma te^te ; voila` les charmes que mon coeur
a posse? de? s.
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< Insense? ! Tout cela n'est que de la sorcellerie; chacun dans
<< ce fanto^me croit voir sa bien-aime? e.
FAUST.
<< Quel de? lire! quelle souffrance! Je ne peux m'e? loigner de ce
<< regard; mais autour de ce beau cou, que signifie ce collier
<< rouge, large comme le tranchant d'un couteau?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est vrai : mais qu'y veux-tu faire? Ne t'abi^me pas dans
<< tes re^veries; viens sur cette montagne, on t'y pre? pare une fe^te.
Viens. >>
Faust apprend que Marguerite a tue? l'enfant qu'elle a mis au
jour, espe? rant ainsi se de? rober a` la honte. Son crime a e? te? de? -
couvert; on l'a mise en prison, et le lendemain elle doit pe? rir
sur l'e? chafaud. Faust maudit Me? phistophe? le`s avec fureur; Me? phistophe? le`s accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que
c'est lui qui a de? sire? le mal, et qu'il ne l'a aide? que parce qu'il
l'avait appele? . Une sentence de mort est porte? e contre Faust,
parce qu'il a tue? le fre`re de Marguerite. Ne? anmoins, il s'intro-
duit en secret dans la ville, obtient de Me? phistophe? le`s les moyens
de de? livrer Marguerite, et pe? ne`tre de nuit dans son cachot, dont
il a de? robe? les clefs.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 280 FAt'ST.
11 l'entend de loin murmurer une chanson qui prouve l'e? gare-
ment de son esprit; les paroles de cette chanson sont tre`s-vul-
gaires , et Marguerite e? tait naturellement pure et de? licate. On
peint d'ordinaire les folles comme si la folie s'arrangeait avec
les convenances, et donnait seulement le droit de ne pas finir
les phrases commence? es, et de briser a` propos le fil des ide? es;
mais cela n'est pas ainsi: le ve? ritable de?
sordre de l'esprit se
montre presque toujours sous des formes e? trange`res a` la cause
me^me de la folie, et la gaiete? des malheureux est bien plus de? -
chirante que leur douleur.
Faust entre dans la prison : Marguerite croit qu'on vient la
chercher pour la conduire a` la mort.
MARGUERITE, se soulevant de son lit de paille, s'e? crie:
<< Ils viennent! ils viennent! Oh! que la mort est ame`re!
FAUST, bas.
<< Doucement, doucement ; je vais te de? livrer. ( H s'approche
<< d'ellp pour briser ses fers. )
MARGUERITE.
<< Si tu es un homme, mon de? sespoir te touchera.
FAUST. << Plus bas, plus bas; tu e? veilleras la garde par tes cris.
MARGUERITE se jette a genoux.
<< Qui t'a donne? , barbare, cette puissance sur moi? Il n'est
<< que minuit: pourquoi viens-tu de? ja` me chercher? Aie pitie? de
mes larmes, laisse-moi vivre encore : demain matin, n'est-ce
pas assez to^t ? (Marguerite se rele`oe. ) Je suis pourtant si jeune ,
<< si jeune! et dois-je de? ja` mourir? J'e? tais belle aussi : c'est ce
qui a fait ma perte. Mon ami e? tait alors pre`s de moi: il est
maintenant bien loin. Les fleurs de ma guirlande sont disper-
<<se? es. Ne me prends pas la main avec tant de violence. Me? nage-
<< moi. Ne me laisse pas pleurer en vain. Jamais, jusqu'a` ce jour,
<< jo ne t'ai vu.
FAUST.
<< Comment supporter sa douleur!
MARGUERITE.
<< Je suis tout a` fait en ton pouvoir. Seulement laisse-moi al-
<< laiter mou enfant; je l'ai presse? sur mon coeur toute la nuit.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 287
<< Ils me l'ont o^te? pour m'affliger. N'ont-ils pas pre? tendu que je
l'avais tue? ? Jamais je ne redeviendrai ce que j'e? tais. N'ont-ils
<< pas chante? des chansons contre moi, ces me? chants! que vou-
<< laienl-ils donc dire?
FAUST se. jette a` ses pieds. << Ton amant est a` tes pieds; il vient ouvrir les portes de cette
<< horrible prison.
MARGUERITE.
<< Oui, mettons-nous a` genoux; appelons les saints a` notre.
<< secours. Les cris de l'enfer se font entendre, et les mauvais
<< ge? nies nous attendent sur le seuil de mon cachot.
FAUST. << Marguerite! Marguerite!
MARGUERITE, attentive.
<< C'e? tait la voix de mon ami. (Elle se pre? cipite vers Faust,
<< et ses fers tombent. ) Ou` est-il? Je l'ai entendu m'appeler. Je
<< suis libre. Personne ne pourra plus me retenir en prison. Je
? , m'appuierai sur son bras, je me reposerai sur son sein. Il ap-
<< pelle Marguerite : il est la`, devant la porte. Au milieu des
<< hurlements de l'impitoyable mort, j'entends la douce et tou-
<< chante harmonie de sa voix!
FAUST.
<< Oui, c'est moi, Marguerite!
MARGUERITE.
<< C'est toi! dis-le encore une fois. ( Elle te serre contre soit
<< coeur. ) C'est lui! c'est lui! Qu'est devenue l'angoisse des fers
,, et de l'e? chafaud? C'est toi! Je suis sauve? e! j'aperc? ois devant
<< moi la route ou` je te vis pour la premie`re fois, le jardin si riant
ou` Marthe et moi nous t'attendions.
FAUST.
<< Viens, viens.
MARGUERITE.
<< Il m'est si doux de rester quand tu demeures! Ah! ne t'e? loi-
gne pas!
FAUST.
<< Ha^te-toi ; nous payerions bien cher le moindre retard,
MARGUERITE.
<< Quoi ! tu ne re? ponds point a` mes embrassements ? Mon ami,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 288 FAUST.
? il y a si peu de temps que nous nous sommes quitte? s ! as-tu donc
<< deja de? sappris a` me serrer contre ton coeur? Jadis tes paroles,
tes regards appelaient sur moi tout le ciel! Embrasse-moi, de
>> gra^ce ; embrasse-moi ! ton coeur est donc froid et muet? Qu'as-
<< tu fait de ton amour? qui mo l'a ravi? FAUST.
<< Viens, suis-moi, che`re amie! prends courage : je t'aime
avec transport ; mais suis-moi, c'est ma seule prie`re.
MARGUF. RITE.
<< Ks-tu bien Faust? es-tu bien toi?
FAUST.
<< Oui, sans doute; oui, viens.
MARGUERITE.
<< Tu me de? livres de mes chai^nes, tu me reprends de nouveau
<< dans tes bras. D'ou` vient que tu n'as pas horreur de Margue-
<< rite ! Sais-tu bien, mon ami, sais-tu bien qui tu de? livres?
FAUST.
<< Viens, viens ; de? ja` la nuit est moins profonde.
MARGUERITE.
<< Ma me`re! c'est moi qui l'ai tue? e! Mon enfant! c'est moi qui
l'ai noye? ! N'appartenait-il pas a` toi comme a` moi? Est-il donc
<< vrai, Faust, que je te vois? N'est-ce pas un re^ve? Donne-moi
. , ta main, ta main che? rie. O ciel! elle est humide. Essuie-la. Je
crois qu'il y a du sang! Cache- moi ton e? pe? e; ou` est mon fre`re?
<< je t'en prie, cache-la-moi!
FAUST.
<< Laisse donc dans l'oubli l'irre? parable passe? ; tu me fais
<< mourir.
MAHGUE1UTE.
<< Non, il faut que tu restes. Je veux te de? crire les tombeaux
>> que tu feras pre? parer de`s demain. 11 faut donner la meilleure
<< place a` ma me`re; mon fre`re doit e^tre pre`s d'elle. Moi, tu me
mettras un peu plus loin; mais cependant pas trop loin, et mon
enfant a` droite, sur mon sein : mais personne ne doit reposer
a` mes co^te? s. J'aurais voulu que tu fusses pre`s de moi; mais c'e? -
<< tait un bonheur doux et pur, il ne m'appartient plus. Je me
sens entrai^ne? e vers toi, et il me semble que tu me repousses
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST.
<< leurs?
MARGUERITE.
<< Malheur! malheur ! comment e? chapper aux pense? es qui nais-
<< sent dans mon a^me et se soule`vent contre moi? '
LE CHOEUR chante dans l'e? glise.
< Diesirae, dies illa,
< Solvet saeclum in favilla '.
LE MAUVAIS ESPRIT.
<<Le courroux ce? leste te menace, Marguerite; les trompettes
<< de la re? surrection retentissent : les tombeaux s'e? branlent, et
<< ton coeur va se re? veiller pour sentir les flammes e? ternelles.
MARGUEHITE.
<< Ah! si je pouvais m'e? loigner d'ici! Les sons de cet orgue
<< m'empe^chent de respirer, et les chants des pre^tres font pe? ne? -
<< trer dans mon a^me une e? motion qui la de? chire.
LE CHOEUR.
<< . 1 in le\ ergo cum sedebit,
<< Quiquid latet apparebit,
<< Nil inultum remanebit 2.
MARGUERITE.
<< On dirait que ces murs se rapprochent pour m'e? touffer; la
<< vou^te du temple m'oppresse: de l'air! de l'air!
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Cache-toi; le crime et la honte te poursuivent. Tu demandes
>> de l'air et de la lumie`re, mise? rable! qu'en espe`res-tu?
'II viendra le jour de la cole? re, et le sie? cle sera riklnit en cendres.
1 Quand te Juge supre^me paraitra. il de? couvrira tout ce qui est cachd, cl
rien ne pourra demeurer impuni.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 284
LE CHOEUU. . . . '
<< Quid sum miser tune dicturus?
<< Quem patronum rogaturus?
<< Cum vix justus sit securus '?
LE MAUVAIS ESPRIT.
<< Les saints de? tournent leur visage de ta pre? sence; ils rougi-
<< raient de tendre leurs mains pures vers toi. >>
LE CHOEUR.
<< Quid sum miser tune dicturus ? >>
Marguerite crie au secours, et s'e? vanouit.
Quelle sce`ne! Cette infortune? e, qui, dans l'asile de la consola-
tion, trouve le de? sespoir; cette foule rassemble? e priant Dieu
avec confiance, tandis qu'une malheureuse femme, dans le
temple me^me du Seigneur, rencontre l'esprit de l'enfer! Les pa-
roles se? ve`res de l'hymne sainte sont interpre? te? es par l'inflexible
me? chancete? du mauvais ge? nie. Quel de? sordre dans le coeur! que
de maux entasse? s sur une faible et pauvre te^te! et quel talent,
que celui qui sait ainsi repre? sentera` l'imagination ces moments
ou` la vie s'allume en nous comme un feu sombre, et jette sur
nos jours passagers la terrible lueur de l'e? ternite? des peines!
Me? phistophe? le`s imagine de transporter Faust dans le sabbat
des sorcie`res, pour le distraire de ses peines; et il y a la` une
sce`ne dont il est impossible de donner l'ide? e, quoiqu'il s'y trouve
un grand nombre de pense? es a` retenir: ce sont vraiment les
Saturnales de l'esprit, que cette fe^te du sabbat. La marche de
la pie`ce est suspendue par cet interme`de, et plus on trouve la
situation forte, plus il est impossible de se soumettre me^me aux
inventions du ge? nie, lorsqu'elles interrompent ainsi l'inte? re^t. Au
milieu du tourbillon de tout ce qu'on peut imaginer et dire,
quand les images et les ide? es se pre? cipitent, se confondent, et
semblent retomber dans les abi^mes dont la raison les a fait sor-
tir, il vient une sce`ne qui se rattache a` la situation d'une manie`re
terrible. Les conjurations de la magie font apparai^tre divers
1 Malheureux! que dirai-je alors? A quel protecteur m'adresscrai-je, lors-
qu'a` peine le juste peut se croire sauve? ?
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 28:>
tableaux , et tout a` coup Faust s'approche de Me? phistophe? le`s,
et lui dit: << Ne vois-tu pas la`-bas une jeune fille belle et pa^le,
<< qui se tient seule dans l'e? loignement? Elle s'avance lentement,
<< ses pieds semblent attache? s l'un a` l'autre; ne trouves-tu pus
<< qu'elle ressemble a` Marguerite?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est un effet de la magie, rien qu'une illusion. Il n'est pas
<< bon d'y arre^ter tes regards. Ces yeux fixes glacent le sang des
hommes. C'est ainsi que la te^te de Me? duse changeait jadis en
pierre ceux qui la conside? raient.
FAUST.
<< Il est vrai que cette image a les yeux ouverts comme un mort
<< a` qui la main d'un ami ne les aurait pas ferme? s. Voila` le sein
sur lequel j'ai repose? ma te^te ; voila` les charmes que mon coeur
a posse? de? s.
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< Insense? ! Tout cela n'est que de la sorcellerie; chacun dans
<< ce fanto^me croit voir sa bien-aime? e.
FAUST.
<< Quel de? lire! quelle souffrance! Je ne peux m'e? loigner de ce
<< regard; mais autour de ce beau cou, que signifie ce collier
<< rouge, large comme le tranchant d'un couteau?
ME? PHISTOPHE? LE`S.
<< C'est vrai : mais qu'y veux-tu faire? Ne t'abi^me pas dans
<< tes re^veries; viens sur cette montagne, on t'y pre? pare une fe^te.
Viens. >>
Faust apprend que Marguerite a tue? l'enfant qu'elle a mis au
jour, espe? rant ainsi se de? rober a` la honte. Son crime a e? te? de? -
couvert; on l'a mise en prison, et le lendemain elle doit pe? rir
sur l'e? chafaud. Faust maudit Me? phistophe? le`s avec fureur; Me? phistophe? le`s accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que
c'est lui qui a de? sire? le mal, et qu'il ne l'a aide? que parce qu'il
l'avait appele? . Une sentence de mort est porte? e contre Faust,
parce qu'il a tue? le fre`re de Marguerite. Ne? anmoins, il s'intro-
duit en secret dans la ville, obtient de Me? phistophe? le`s les moyens
de de? livrer Marguerite, et pe? ne`tre de nuit dans son cachot, dont
il a de? robe? les clefs.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 280 FAt'ST.
11 l'entend de loin murmurer une chanson qui prouve l'e? gare-
ment de son esprit; les paroles de cette chanson sont tre`s-vul-
gaires , et Marguerite e? tait naturellement pure et de? licate. On
peint d'ordinaire les folles comme si la folie s'arrangeait avec
les convenances, et donnait seulement le droit de ne pas finir
les phrases commence? es, et de briser a` propos le fil des ide? es;
mais cela n'est pas ainsi: le ve? ritable de?
sordre de l'esprit se
montre presque toujours sous des formes e? trange`res a` la cause
me^me de la folie, et la gaiete? des malheureux est bien plus de? -
chirante que leur douleur.
Faust entre dans la prison : Marguerite croit qu'on vient la
chercher pour la conduire a` la mort.
MARGUERITE, se soulevant de son lit de paille, s'e? crie:
<< Ils viennent! ils viennent! Oh! que la mort est ame`re!
FAUST, bas.
<< Doucement, doucement ; je vais te de? livrer. ( H s'approche
<< d'ellp pour briser ses fers. )
MARGUERITE.
<< Si tu es un homme, mon de? sespoir te touchera.
FAUST. << Plus bas, plus bas; tu e? veilleras la garde par tes cris.
MARGUERITE se jette a genoux.
<< Qui t'a donne? , barbare, cette puissance sur moi? Il n'est
<< que minuit: pourquoi viens-tu de? ja` me chercher? Aie pitie? de
mes larmes, laisse-moi vivre encore : demain matin, n'est-ce
pas assez to^t ? (Marguerite se rele`oe. ) Je suis pourtant si jeune ,
<< si jeune! et dois-je de? ja` mourir? J'e? tais belle aussi : c'est ce
qui a fait ma perte. Mon ami e? tait alors pre`s de moi: il est
maintenant bien loin. Les fleurs de ma guirlande sont disper-
<<se? es. Ne me prends pas la main avec tant de violence. Me? nage-
<< moi. Ne me laisse pas pleurer en vain. Jamais, jusqu'a` ce jour,
<< jo ne t'ai vu.
FAUST.
<< Comment supporter sa douleur!
MARGUERITE.
<< Je suis tout a` fait en ton pouvoir. Seulement laisse-moi al-
<< laiter mou enfant; je l'ai presse? sur mon coeur toute la nuit.
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? FAUST. 287
<< Ils me l'ont o^te? pour m'affliger. N'ont-ils pas pre? tendu que je
l'avais tue? ? Jamais je ne redeviendrai ce que j'e? tais. N'ont-ils
<< pas chante? des chansons contre moi, ces me? chants! que vou-
<< laienl-ils donc dire?
FAUST se. jette a` ses pieds. << Ton amant est a` tes pieds; il vient ouvrir les portes de cette
<< horrible prison.
MARGUERITE.
<< Oui, mettons-nous a` genoux; appelons les saints a` notre.
<< secours. Les cris de l'enfer se font entendre, et les mauvais
<< ge? nies nous attendent sur le seuil de mon cachot.
FAUST. << Marguerite! Marguerite!
MARGUERITE, attentive.
<< C'e? tait la voix de mon ami. (Elle se pre? cipite vers Faust,
<< et ses fers tombent. ) Ou` est-il? Je l'ai entendu m'appeler. Je
<< suis libre. Personne ne pourra plus me retenir en prison. Je
? , m'appuierai sur son bras, je me reposerai sur son sein. Il ap-
<< pelle Marguerite : il est la`, devant la porte. Au milieu des
<< hurlements de l'impitoyable mort, j'entends la douce et tou-
<< chante harmonie de sa voix!
FAUST.
<< Oui, c'est moi, Marguerite!
MARGUERITE.
<< C'est toi! dis-le encore une fois. ( Elle te serre contre soit
<< coeur. ) C'est lui! c'est lui! Qu'est devenue l'angoisse des fers
,, et de l'e? chafaud? C'est toi! Je suis sauve? e! j'aperc? ois devant
<< moi la route ou` je te vis pour la premie`re fois, le jardin si riant
ou` Marthe et moi nous t'attendions.
FAUST.
<< Viens, viens.
MARGUERITE.
<< Il m'est si doux de rester quand tu demeures! Ah! ne t'e? loi-
gne pas!
FAUST.
<< Ha^te-toi ; nous payerions bien cher le moindre retard,
MARGUERITE.
<< Quoi ! tu ne re? ponds point a` mes embrassements ? Mon ami,
? ? Generated for (University of Chicago) on 2014-12-22 00:49 GMT / http://hdl. handle. net/2027/hvd. hwnks5 Public Domain, Google-digitized / http://www. hathitrust. org/access_use#pd-google
? 288 FAUST.
? il y a si peu de temps que nous nous sommes quitte? s ! as-tu donc
<< deja de? sappris a` me serrer contre ton coeur? Jadis tes paroles,
tes regards appelaient sur moi tout le ciel! Embrasse-moi, de
>> gra^ce ; embrasse-moi ! ton coeur est donc froid et muet? Qu'as-
<< tu fait de ton amour? qui mo l'a ravi? FAUST.
<< Viens, suis-moi, che`re amie! prends courage : je t'aime
avec transport ; mais suis-moi, c'est ma seule prie`re.
MARGUF. RITE.
<< Ks-tu bien Faust? es-tu bien toi?
FAUST.
<< Oui, sans doute; oui, viens.
MARGUERITE.
<< Tu me de? livres de mes chai^nes, tu me reprends de nouveau
<< dans tes bras. D'ou` vient que tu n'as pas horreur de Margue-
<< rite ! Sais-tu bien, mon ami, sais-tu bien qui tu de? livres?
FAUST.
<< Viens, viens ; de? ja` la nuit est moins profonde.
MARGUERITE.
<< Ma me`re! c'est moi qui l'ai tue? e! Mon enfant! c'est moi qui
l'ai noye? ! N'appartenait-il pas a` toi comme a` moi? Est-il donc
<< vrai, Faust, que je te vois? N'est-ce pas un re^ve? Donne-moi
. , ta main, ta main che? rie. O ciel! elle est humide. Essuie-la. Je
crois qu'il y a du sang! Cache- moi ton e? pe? e; ou` est mon fre`re?
<< je t'en prie, cache-la-moi!
FAUST.
<< Laisse donc dans l'oubli l'irre? parable passe? ; tu me fais
<< mourir.
MAHGUE1UTE.
<< Non, il faut que tu restes. Je veux te de? crire les tombeaux
>> que tu feras pre? parer de`s demain. 11 faut donner la meilleure
<< place a` ma me`re; mon fre`re doit e^tre pre`s d'elle. Moi, tu me
mettras un peu plus loin; mais cependant pas trop loin, et mon
enfant a` droite, sur mon sein : mais personne ne doit reposer
a` mes co^te? s. J'aurais voulu que tu fusses pre`s de moi; mais c'e? -
<< tait un bonheur doux et pur, il ne m'appartient plus. Je me
sens entrai^ne? e vers toi, et il me semble que tu me repousses
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? FAUST.
