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French - Apollinaire - Alcools
les colliers tinteront cherront les masques
Va-t'en va-t'en contre le feu l'ombre prevaut
Ah! Ah! le larron de gauche dans la bourrasque
Rira de toi comme hennissent les chevaux
FEMME
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
CHOEUR
Ah! Ah! nous secouerons toute la nuit les sistres
La voix ligure etait-ce donc un talisman
Et si tu n'es pas de droite tu es sinistre
Comme une tache grise ou le pressentiment
Puisque l'absolu choit la chute est une preuve
Qui double devient triple avant d'avoir ete
Nous avouerons que les grossesses nous emeuvent
Les ventres pourront seuls nier l'aseite
Vois les vases sont pleins d'humides fleurs morales
Va-t'en mais denude puisque tout est a nous
Ouis du choeur des vents les cadences plagales
Et prends l'arc pour tuer l'unicorne ou le gnou
L'ombre equivoque et tendre est le deuil de ta chair
Et sombre elle est humaine et puis la notre aussi
Va-t'en le crepuscule a des lueurs legeres
Et puis aucun de nous ne croirait tes recits
Il brillait et attirait comme la pantaure
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
Et les femmes la nuit feignant d'etre des taures
L'eussent aime comme on l'aima puisqu'en effet
Il etait pale il etait beau comme un roi ladre
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Au lieu du roseau triste et du funebre faix
Que n'alla-t-il vivre a la cour du roi D'Edesse
Maigre et magique il eut scrute le firmament
Pale et magique il eut aime des poetesses
Juste et magique il eut epargne les demons
Va-t'en errer credule et roux avec ton ombre
Soit! la triade est male et tu es vierge et froid
Le tact est relatif mais la vue est oblongue
Tu n'as de signe que le signe de la croix
LE VENT NOCTURNE
Oh! les cimes des pins grincent en se heurtant
Et l'on entend aussi se lamenter l'autan
Et du fleuve prochain a grand'voix triomphales
Les elfes rire au vent ou corner aux rafales
Attys Attys Attys charmant et debraille
C'est ton nom qu'en la nuit les elfes ont raille
Parce qu'un de tes pins s'abat au vent gothique
La foret fuit au loin comme une armee antique
Dont les lances o pins s'agitent au tournant
Les villages eteints meditent maintenant
Comme les vierges les vieillards et les poetes
Et ne s'eveilleront au pas de nul venant
Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaetes
LUL DE FALTENIN
A Louis de Gonzague Frick
Sirenes j'ai rampe vers vos
Grottes tiriez aux mers la langue
En dansant devant leurs chevaux
Puis battiez de vos ailes d'anges
Et j'ecoutais ces choeurs rivaux
Une arme o ma tete inquiete
J'agite un feuillage defleuri
Pour ecarter l'haleine tiede
Qu'exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes
Il y a la-bas la merveille
Au prix d'elle que valez-vous
Le sang jaillit de mes otelles
A mon aspect et je l'avoue
Le meurtre de mon double orgueil
Si les bateliers ont rame
Loin des levres a fleur de l'onde
Mille et mille animaux charmes
Flairent la route a la rencontre
De mes blessures bien-aimees
Leurs yeux etoiles bestiales
Eclairent ma compassion
Qu'importe sagesse egale
Celle des constellations
Car c'est moi seul nuit qui t'etoile
Sirenes enfin je descends
Dans une grotte avide J'aime
Vos yeux Les degres sont glissants
Au loin que vous devenez naines
N'attirez plus aucun passant
Dans l'attentive et bien-apprise
J'ai vu feuilloler nos forets
Mer le soleil se gargarise
Ou les matelots desiraient
Que vergues et mats reverdissent
Je descends et le firmament
S'est change tres vite en meduse
Puisque je flambe atrocement
Que mes bras seuls sont les excuses
Et les torches de mon tourment
Oiseaux tiriez aux mers la langue
Le soleil d'hier m'a rejoint
Les otelles nous ensanglantent
Dans le nid des Sirenes loin
Du troupeau d'etoiles oblongues
LA TZIGANE
La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrees par les nuits
Nous lui dimes adieu et puis
De ce puits sortit l'Esperance
L'amour lourd comme un ours prive
Dansa debout quand nous voulumes
Et l'oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
On sait tres bien que l'on se damne
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu'a predit la tzigane
L'ERMITE
A Felix Feneon
Un ermite dechaux pres d'un crane blanchi
Cria Je vous maudis martyres et detresses
Trop de tentations malgre moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies
Trop d'etoiles s'enfuient quand je dis mes prieres
O chef de morte O vieil ivoire Orbites Trous
Des narines rongees J'ai faim Mes cris s'enrouent
Voici donc pour mon jeune un morceau de gruyere
O Seigneur flagellez les nuees du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c'est le soir les fleurs de jour deja se closent
Et les souris dans l'ombre incantent le plancher
Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre
L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Saigneur faites Seigneur qu'un jour je m'enamoure
J'attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j'attends qu'elle les dresse
Ses mains enamourees devant moi l'Inconnue
Seigneur que t'ai-je fait Vois Je suis unicorne
Pourtant malgre son bel effroi concupiscent
Comme un poupon cheri mon sexe est innocent
D'etre anxieux seul et debout comme une borne
Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui
La robe sans couture eteignez les ardeurs
Au puits vont se noyer tant de tintements d'heures
Quand isochrones choient des gouttes d'eau de pluie
J'ai veille trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sue du sang Christ dans Gethsemani
Crucifie reponds Dis non Moi je le nie
Car j'ai trop espere en vain l'hematidrose
J'ecoutais a genoux toquer les battements
Du coeur le sang roulait toujours en ses arteres
Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaines
Et mon aorte etait avare eperdument
Une goutte tomba Sueur Et sa couleur
Lueur Le sang si rouge et j'ai ri des damnes
Puis enfin j'ai compris que je saignais du nez
A cause des parfums violents de mes fleurs
Et j'ai ri du vieil ange qui n'est point venu
De vol tres indolent me tendre un beau calice
J'ai ri de l'aile grise et j'ote mon cilice
Tisse de crins soyeux par de cruels canuts
Vertuchou Riotant des vulves des papesses
De saintes sans tetons j'irai vers les cites
Et peut-etre y mourir pour ma virginite
Parmi les mains les peaux les mots et les promesses
Malgre les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adore par la mer
En vain j'ai supplie tous les saints aemeres
Aucun n'a consacre mes doux pains sans levain
Et je marche Je fuis o nuit Lilith ulule
Et clame vainement et je vois de grands yeux
S'ouvrir tragiquement O nuit je vois tes cieux
S'etoiler calmement de splendides pilules
Un squelette de reine innocente est pendu
A un long fil d'etoile en desespoir severe
La nuit les bois sont noirs et se meurt l'espoir vert
Quand meurt les jour avec un rale inattendu
Et je marche je fuis o jour l'emoi de l'aube
Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tetins roses comme des lobes
Des corbeaux eployes comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mur
Non loin des bourgs ou des chaumieres sont impures
D'avoir des hiboux morts cloues a leur plafond
Mes kilometres longs Mes tristesses plenieres
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont egare ma route et mes reves poupins
Souvent et j'ai dormi au sol des sapinieres
Enfin O soir pame Au bout de mes chemins
La ville m'apparut tres grave au son des cloches
Et ma luxure meurt a present que j'approche
En entrant j'ai beni les foules des deux mains
Cite j'ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouille de clairieres bleues
Or mes desirs s'en vont tous a la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffe sa cucuphe
Car toutes sont venues m'avouer leurs peches
Et Seigneur je suis saint par le voeu des amantes
Zelotide et Lorie Louise et Diamante
Ont dit Tu peux savoir o toi l'effarouche
Ermite absous nos fautes jamais venielles
O toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos coeurs sache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessencies comme du miel
Et j'absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poetesses nues des fees des formarines
Aucun pauvre desir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s'enlacant
Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lasse au verger pantelant
Plein du rale pompeux des groseillers sanglants
Et de la sainte cruaute des passiflores
AUTOMNE
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant la-bas le paysan chantonne
Une chanson d'amour et d'infidelite
Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'ete
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises
L'EMIGRANT DE LANDOR ROAD
A Andre Billy.
Le chapeau a la main il entra du pied droit
Chez un tailleur tres chic et fournisseur du roi
Ce commercant venait de couper quelques tetes
De mannequins vetus comme il faut qu'on se vete
La foule en tous sens remuait en melant
Des ombres sans amour qui se trainaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumiere
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amerique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent garde dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habille de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'etant deshabilles
Battirent leurs habits puis les lui essayerent
Le vetement d'un lord mort sans avoir paye
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les annees
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchainees
Intercalees dans l'an c'etaient les journees neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indecises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Ocean en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouilles
Des emigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'etaient agenouilles
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient a l'horizon
Un tout petit bouquet flottant a l'aventure
Couvrit l'Ocean d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa memoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changees en poux
Ces tisseuses tetues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirene moderne sans epoux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'a l'aube ont guette de loin avidement
Des cadavres de jours ronges par les etoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
ROSEMONDE
A Andre Derain
Longtemps au pied du perron de
La maison ou entra la dame
Que j'avais suivie pendant deux
Bonnes heures a Amsterdam
Mes doigts jeterent des baisers
Mais le canal etait desert
Le quai aussi et nul ne vit
Comment mes baisers retrouverent
Celle a qui j'ai donne ma vie
Un jour pendant plus de deux heures
Je la surnommai Rosemonde
Voulant pouvoir me rappeler
Sa bouche fleurie en Hollande
Puis lentement je m'en allai
Pour queter la Rose du Monde
LE BRASIER
A Paul-Napoleon Roinard
J'ai jete dans le noble feu
Que je transporte et que j'adore
De vives mains et meme feu
Ce Passe ces tetes de morts
Flamme je fais ce que tu veux
Le galop soudain des etoiles
N'etant que ce qui deviendra
Se meme au hennissement male
Des centaures dans leurs haras
Et des grand'plaintes vegetales
Ou sont ces tetes que j'avais
Ou est le Dieu de ma jeunesse
L'amour est devenu mauvais
Qu'au brasier les flammes renaissent
Mon ame au soleil se devet
Dans la plaine ont pousse des flammes
Nos coeurs pendent aux citronniers
Les tetes coupees qui m'acclament
Et les astres qui ont saigne
Ne sont que des tetes de femmes
Le fleuve epingle sur la ville
T'y fixe comme un vetement
Partant a l'amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles
Je flambe dans le brasier
Je flambe dans le brasier a l'ardeur adorable
Et les mains des croyants m'y rejettent multiple innombrablement
Les membres des intercis flambent aupres de moi
Eloignez du brasier les ossements
Je suffis pour l'eternite a entretenir le feu de mes delices
Et des oiseaux protegent de leurs ailes ma face et le soleil
O Memoire Combien de races qui forlignent
Des Tyndarides aux viperes ardentes de mon bonheur
Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes
Qui etaient immortels et n'etaient pas chanteurs
Voici ma vie renouvelee
De grands vaisseaux passent et repassent
Je trempe une fois encore mes mains dans l'Ocean
Voici le paquebot et ma vie renouvelee
Ses flammes sont immenses
Il n'y a plus rien de commun entre moi
Et ceux qui craignent les brulures
Descendant des hauteurs
Descendant des hauteurs ou pense la lumiere
Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles
L'avenir masque flambe en traversant les cieux
Nous attendons ton bon plaisir o mon amie
J'ose a peine regarder la divine mascarade
Quand bleuira sur l'horizon la Desirade
Au-dela de notre atmosphere s'eleve un theatre
Que construisit le ver Zamir sans instrument
Puis le soleil revint ensoleiller les places
D'une ville marine apparue contremont
Sur les toits se reposaient les colombes basses
Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie
A petits pas Il orra le chant du patre toute la vie
La-haut le theatre est bati avec le feu solide
Comme les astres dont se nourrit le vide
Et voici le spectacle
Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil
Ma tete mes genoux mes coudes vain pentacle
Les flammes ont pousse sur moi comme des feuilles
Des acteurs inhumains claires betes nouvelles
Donnent des ordres aux hommes apprivoises
Terre
O Dechiree que les fleuves ont reprisee
J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries
Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y devorat
RHENANES
Nuit rhenane
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'a leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez pres de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliees
Le Rhin le Rhin est ivre ou les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refleter
La voix chante toujours a en rale-mourir
Ces fees aux cheveux verts qui incantent l'ete
Mon verre s'est brise comme un eclat de rire
Mai
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous etes si jolies mais la barque s'eloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains?
Or des vergers fleuris se figeaient en arriere
Les petales tombes des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimee
Les petales fleuris sont comme ses paupieres
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menes par des tziganes
Suivaient une roulotte trainee par un ane
Tandis que s'eloignait dans les vignes rhenanes
Sur un fifre lointain un air de regiment
Le mai le joli mai a pare les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
La synagogue
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren
Coiffes de feutres verts le matin du sabbat
Vont a la synagogue en longeant le Rhin
Et les coteaux ou les vignes rougissent la-bas
Ils se disputent et crient des choses qu'on ose a peine traduire
Batard concu pendant les regles ou Que le diable entre dans ton
pere
Le vieux Rhin souleve sa face ruisselante et se detourne pour
sourire
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colere
Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer
Tandis que les chretiens passent avec des cigares allumes
Et parce qu'Ottomar et Abraham aiment tous deux
Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu
Pourtant tout a l'heure dans la synagogue l'un apres l'autre
Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau
Parmi les feuillards de la fete des cabanes
Ottomar en chantant sourira a Abraham
Ils dechanteront sans mesure et les voix graves des hommes
Feront gemir un Leviathan au fond du Rhin comme une voix d'automne
Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim
Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim
Les cloches
Mon beau tzigane mon amant
Ecoute les cloches qui sonnent
Nous nous aimions eperdument
Croyant n'etre vus de personne
Mais nous etions bien mal caches
Toutes les cloches a la ronde
Nous ont vus du haut des clochers
Et le disent a tout le monde
Demain Cyprien et Henri
Marie Ursule et Catherine
La boulangere et son mari
Et puis Gertrude ma cousine
Souriront quand je passerai
Je ne saurai plus ou me mettre
Tu seras loin Je pleurerai
J'en mourrai peut-etre
La Loreley
A Jean Seve
A Bacharach il y avait une sorciere blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes a la ronde
Devant son tribunal l'eveque la fit citer
D'avance il l'absolvit a cause de sa beaute
O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardee eveque en ont peri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes O belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcele
Eveque vous riez Priez plutot pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protege
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus la
Mon coeur me fit si mal du jour ou il s'en alla
L'eveque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en demence
Va t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vetue de noir et blanc
Puis ils s'en allerent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau chateau
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
La-haut le vent tordait ses cheveux deroules
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout la-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
Schinderhannes
Dans la foret avec sa bande
Schinderhannes s'est desarme
Le brigand pres de sa brigande
Hennit d'amour au joli mai
Benzel accroupi lit la Bible
Sans voir que son chapeau pointu
A plume d'aigle sert de cible
A Jacob Born le mal foutu
Juliette Blaesius qui rote
Fait semblant d'avoir le hoquet
Hannes pousse une fausse note
Quand Schulz vient portant un baquet
Et s'ecrie en versant des larmes
Baquet plein de vin parfume
Viennent aujourd'hui les gendarmes
Nous aurons bu le vin de mai
Allons Julia la mam'zelle
Bois avec nous ce clair bouillon
D'herbes et de vin de Moselle
Prosit Bandit en cotillon
Cette brigande est bientot soule
Et veut Hannes qui n'en veut pas
Pas d'amour maintenant ma poule
Sers-nous un bon petit repas
Il faut ce soir que j'assassine
Ce riche juif au bord du Rhin
Au clair des torches de resine
La fleur de mai c'est le florin
On mange alors toute la bande
Pete et rit pendant le diner
Puis s'attendrit a l'allemande
Avant d'aller assassiner
Rhenane d'automne
A Toussaint-Luca
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetiere
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n'a chante aujourd'hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons anes
Braillent hi han et se mettent a brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C'est le jour des morts et de toutes leurs ames
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L'air tremble de flammes et de prieres
Le cimetiere est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu'on enterre
ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous mendiants morts saouls de biere
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en priere
Ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de regence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux
Il eteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mere
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupees
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des cheres mortes
Ce sont tes mains coupees
Nous avons tant pleure aujourd'hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetiere plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournames
A nos pieds roulaient des chataignes
Dont les bogues etaient
Comme le coeur blesse de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des chataignes d'automne
Les sapins
Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revetu
Comme des astrologues
Saluent leurs freres abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrines
Par les vieux sapins leurs aines
Qui sont de grands poetes
Ils se savent predestines
A briller plus que des planetes
A briller doucement changes
En etoiles et enneiges
Aux Noels bienheureuses
Fetes des sapins ensonges
Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens
Chantent des noels anciens
Au vent des soirs d'automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne
Des rangees de blancs cherubins
Remplacent l'hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L'ete ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins medecins divagants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l'ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
Les femmes
Dans la maison du vigneron les femmes cousent
Lenchen remplis le poele et mets l'eau du cafe
Dessus -- Le chat s'etire apres s'etre chauffe
- Gertrude et son voisin Martin enfin s'epousent
Le rossignol aveugle essaya de chanter
Mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage
Ce cypres la-bas a l'air du pape en voyage
Sous la neige -- Le facteur vient de s'arreter
Pour causer avec le nouveau maitre d'ecole
- Cet hiver est tres froid le vin sera tres bon
- Le sacristain sourd et boiteux est moribond
- La fille du vieux bourgmestre brode une etole
Pour la fete du cure La foret la-bas
Grace au vent chantait a voix grave de grand orgue
Le songe Herr Traum survint avec sa soeur Frau Sorge
Kaethi tu n'as pas bien raccommode ces bas
- Apporte le cafe le beurre et les tartines
La marmelade le saindoux un pot de lait
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- On dirait que le vent dit des phrases latines
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- Lotte es-tu triste O petit coeur -- Je crois qu'elle aime
- Dieu garde -- Pour ma part je n'aime que moi-meme
- Chut A present grand-mere dit son chapelet
- Il me faut du sucre candi Leni je tousse
- Pierre mene son furet chasser les lapins
Le vent faisait danser en rond tous les sapins
Lotte l'amour rend triste -- Ilse la vie est douce
La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus
Devenaient dans l'obscurite des ossuaires
En neige et replies gisaient la des suaires
Et des chiens aboyaient aux passants morfondus
Il est mort ecoutez La cloche de l'eglise
Sonnait tout doucement la mort du sacristain
Lise il faut attiser le poele qui s'eteint
Les femmes se signaient dans la nuit indecise
Septembre 1901 -- mai 1902
SIGNE
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je deteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaule dit au vent ses douleurs
Mon Automne eternelle o ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une epouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
UN SOIR
Un aigle descendit de ce ciel blanc d'archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez priez pour moi
La ville est metallique et c'est la seule etoile
Noyee dans tes yeux bleus
Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pales
Sur des oiseaux galeux
Et tout ce qui tremblait dans tes yeux de mes songes
Qu'un seul homme buvait
Sous les feux de gaz roux comme la fausse oronge
O vetue ton bras se lovait
Vois l'histrion tire la langue aux attentives
Un fantome s'est suicide
L'apotre au figuier pend et lentement salive
Jouons donc cet amour aux des
Des cloches aux sons clairs annoncaient ta naissance
Vois
Les chemins sont fleuris et les palmes s'avancent
Vers toi
LA DAME
Toc toc Il a ferme sa porte
Les lys du jardin sont fletris
Quel est donc ce mort qu'on emporte
Tu viens de toquer a sa porte
Et trotte trotte
Trotte la petite souris
LES FIANCAILLES
A Picasso
Le printemps laisse errer les fiances parjures
Et laisse feuilloler longtemps les plumes bleues
Que secoue le cypres ou niche l'oiseau bleu
Une Madone a l'aube a pris les eglantines
Elle viendra demain cueillir les giroflees
Pour mettre aux nids des colombes qu'elle destine
Au pigeon qui ce soir semblait le Paraclet
Au petit bois de citronniers s'enamourerent
D'amour que nous aimons les dernieres venues
Les villages lointains sont comme les paupieres
Et parmi les citrons leurs coeurs sont suspendus
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je buvais a pleins verres les etoiles
Un ange a extermine pendant que je dormais
Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries
De faux centurions emportaient le vinaigre
Et les gueux mal blesses par l'epurge dansaient
Etoiles de l'eveil je n'en connais aucune
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas
A la clarte des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux cols sur les flots de jupes mal brossees
Des accouchees masquees fetaient leurs relevailles
La ville cette nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l'amour et la dulie
Et sombre sombre fleuve je me rappelle
Les ombres qui passaient n'etaient jamais jolies
Je n'ai plus meme pitie de moi
Je n'ai plus meme pitie de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais a dire se sont changes en etoiles
Un Icare tente de s'elever jusqu'a chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brule au centre de deux nebuleuses
Qu'ai-je fait aux betes theologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'esperais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan
J'ai eu le courage de regarder en arriere
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les eglises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En meme temps et en toute saison
D'autres jours ont pleure avant de mourir dans des tavernes
Ou d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulatresse qui inventait la poesie
Et les roses de l'electricite s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma memoire
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaitre l'ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j'aime uniquement
Les fleurs a mes yeux redeviennent des flammes
Je medite divinement
Et je souris des etres que je n'ai pas crees
Mais si le temps venait ou l'ombre enfin solide
Se multipliait en realisant la diversite formelle de mon amour
J'admirerais mon ouvrage
J'observe le repos du dimanche
J'observe le repos du dimanche
Et je loue la paresse
Comment comment reduire
L'infiniment petite science
Que m'imposent mes sens
L'un est pareil aux montagnes au ciel
Aux villes a mon amour
Il ressemble aux saisons
Il vit decapite sa tete est le soleil
Et la lune son cou tranche
Je voudrais eprouver une ardeur infinie
Monstre de mon ouie tu rugis et tu pleures
Le tonnerre te sert de chevelure
Et tes griffes repetent le chant des oiseaux
Le toucher monstrueux m'a penetre m'empoisonne
Mes yeux nagent loin de moi
Et les astres intacts sont mes maitres sans epreuve
La bete des fumees a la tete fleurie
Et le monstre le plus beau
Ayant la saveur du laurier se desole
A la fin les mensonges ne me font plus peur
A la fin les mensonges ne me font plus peur
C'est la lune qui cuit comme un oeuf sur le plat
Ce collier de gouttes d'eau va parer la noyee
Voici mon bouquet de fleurs de la Passion
Qui offrent tendrement deux couronnes d'epines
Les rues sont mouillees de la pluie de naguere
Des anges diligents travaillent pour moi a la maison
La lune et la tristesse disparaitront pendant
Toute la sainte journee
Toute la sainte journee j'ai marche en chantant
Une dame penchee a sa fenetre m'a regarde longtemps
M'eloigner en chantant
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Qui dansaient le cou nu au son d'un accordeon
J'ai tout donne au soleil
Tout sauf mon ombre
Les dragues les ballots les sirenes mi-mortes
A l'horizon brumeux s'enfoncaient les trois-mats
Les vents ont expire couronnes d'anemones
O Vierge signe pur du troisieme mois
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Prophetisons ensemble o grand maitre je suis
Le desirable feu qui pour vous se devoue
Et la girande tourne o belle o belle nuit
Liens delies par une libre flamme Ardeur
Que mon souffle eteindra O Morts a quarantaine
Je mire de ma mort la gloire et le malheur
Comme si je visais l'oiseau de la quintaine
Incertitude oiseau feint peint quand vous tombiez
Le soleil et l'amour dansaient dans le village
Et tes enfants galants bien ou mal habilles
Ont bati ce bucher le nid de mon courage
CLAIR DE LUNE
Lune mellifluente aux levres des dements
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui degoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or cache je concois la tres douce aventure
J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons decevants
Et prit son miel lunaire a la rose des vents
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodee d'or
Etait composee de deux panneaux
S'attachant sur l'epaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les levres tres rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle etait decolletee en rond
Et coiffee a la Recamier
Avec de beaux bras nus
N'entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d'ottoman violine
Et en tunique brodee d'or
Decolletee en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d'or
Et trainait ses petits souliers a boucles
Elle etait si belle
Que tu n'aurais pas ose l'aimer
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers enormes
Ou naissaient chaque jour quelques etres nouveaux
Le fer etait leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beaute ne sont que son ecume
Cette femme etait si belle
Qu'elle me faisait peur
A LA SANTE
I
Avant d'entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu'es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d'en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
O mes annees o jeunes filles
II
Non je ne me sens plus la
Moi-meme
Je suis le quinze de la
Onzieme
Le soleil filtre a travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres
Et dansent sur le papier
J'ecoute
Quelqu'un qui frappe du pied
La voute
III
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaine
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
Avec les clefs qu'il fait tinter
Que le geolier aille et revienne
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
IV
Que je m'ennuie entre ces murs tout nus
Et peints de couleurs pales
Une mouche sur le papier a pas menus
Parcourt mes lignes inegales
Que deviendrai-je o Dieu qui connais ma douleur
Toi qui me l'as donnee
Prends en pitie mes yeux sans larmes ma paleur
Le bruit de ma chaise enchainee
Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
L'Amour qui m'accompagne
Prends en pitie surtout ma debile raison
Et ce desespoir qui me gagne
V
Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement
Tu pleureras l'heure ou tu pleures
Qui passera trop vitement
Comme passent toutes les heures
VI
J'ecoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
Le jour s'en va voici que brule
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarte Chere raison
Septembre 1911.
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adore
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neige
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits murs
Au fond du ciel
Des eperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aime
Aux lisieres lointaines
Les cerfs ont brame
Et que j'aime o saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la foret qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille a feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'ecoule
HOTELS
La chambre est veuve
Chacun pour soi
Presence neuve
On paye au mois
Le patron doute
Payera-t-on
Je tourne en route
Comme un toton
Le bruit des fiacres
Mon voisin laid
Qui fume un acre
Tabac anglais
O La Valliere
Qui boite et rit
De mes prieres
Table de nuit
Et tous ensemble
Dans cet hotel
Savons la langue
Comme a Babel
Fermons nos Portes
A double tour
Chacun apporte
Son seul amour
CORS DE CHASSE
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun detail indifferent
Ne rend notre amour pathetique
Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
A sa pauvre Anne allait revant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
VENDEMIAIRE
Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi
Je vivais a l'epoque ou finissaient les rois
Tour a tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismegistes
Que Paris etait beau a la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne ou les pampres
Repandaient leur clarte sur la ville et la-haut
Astres murs becquetes par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l'aube
Un soir passant le long des quais deserts et sombres
En rentrant a Auteuil j'entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvint aussi sur les bords de la Seine
La plainte d'autres voix limpides et lointaines
Et j'ecoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu'eveillait dans la nuit la chanson de Paris
J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde
Je vis alors que deja ivre dans la vigne Paris
Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chanterent
Et Rennes repondit avec Quimper et Vannes
Nous voici o Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil
Se sacrifient pour te desalterer trop avide merveille
Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetieres les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas
Et d'amont en aval nos pensees o rivieres
Les oreilles des ecoles et nos mains rapprochees
Aux doigts allonges nos mains les clochers
Et nous t'apportons aussi cette souple raison
Que le mystere clot comme une porte la maison
Ce mystere courtois de la galanterie
Ce mystere fatal fatal d'une autre vie
Double raison qui est au-dela de la beaute
Et que la Grece n'a pas connue ni l'Orient
Double raison de la Bretagne ou lame a lame
L'ocean chatre peu a peu l'ancien continent
Et les villes du Nord repondirent gaiement
O Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cites ou degoisent et chantent
Les metalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminees a ciel ouvert engrossent les nuees
Comme fit autrefois l'Ixion mecanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Ou les ouvriers nus semblables a nos doigts
Fabriquent du reel a tant par heure
Nous te donnons tout cela
Et Lyon repondit tandis que les anges de Fourvieres
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prieres
Desaltere-toi Paris avec les divines paroles
Que mes levres le Rhone et la Saone murmurent
Toujours le meme culte de sa mort renaissant
Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang
Heureuse pluie o gouttes tiedes o douleur
Un enfant regarde les fenetres s'ouvrir
Et des grappes de tetes a d'ivres oiseaux s'offrit
Les villes du Midi repondirent alors
Noble Paris seule raison qui vis encore
Qui fixes notre humeur selon ta destinee
Et toi qui te retires Mediterranee
Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties
Ces tres hautes amours et leur danse orpheline
Deviendront o Paris le vin pur que tu aimes
Et un rale infini qui venait de Sicile
Signifiait en battement d'ailes ces paroles
Les raisins de nos vignes on les a vendanges
Et ces grappes de morts dont les grains allonges
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif o Paris sous le ciel
Obscurci de nuees fameliques
Que caresse Ixion le createur oblique
Et ou naissent sur la mer tous les corbeaux d'Afrique
O raisins Et ces yeux ternes et en famille
L'avenir et la vie dans ces treilles s'ennuyent
Mais ou est le regard lumineux des sirenes
Il trompa les marins qu'aimaient ces oiseaux-la
Il ne tournera plus sur l'ecueil de Scylla
Ou chantaient les trois voix suaves et sereines
Le detroit tout a coup avait change de face
Visages de la chair de l'onde de tout
Ce que l'on peut imaginer
Vous n'etes que des masques sur des faces masquees
Il souriait jeune nageur entre les rives
Et les noyes flottant sur son onde nouvelle
Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives
Elles dirent adieu au gouffre et a l'ecueil
A leurs pales epoux couches sur les terrasses
Puis ayant pris leur vol vers le brulant soleil
Les suivirent dans l'onde ou s'enfoncent les astres
Lorsque la nuit revint couverte d'yeux ouverts
Errer au site ou l'hydre a siffle cet hiver
Et j'entendis soudain ta voix imperieuse
O Rome
Maudire d'un seul coup mes anciennes pensees
Et le ciel ou l'amour guide les destinees
Les feuillards repousses sur l'arbre de la croix
Et meme la fleur de lys qui meurt au Vatican
Macerent dans le vin que je t'offre et qui a
La saveur du sang pur de celui qui connait
Une autre liberte vegetale dont tu
Ne sais pas que c'est elle la supreme vertu
Une couronne du triregne est tombee sur les dalles
Les hierarques la foulent sous leurs sandales
O splendeur democratique qui palit
Vienne le nuit royale ou l'on tuera les betes
La louve avec l'agneau l'aigle avec la colombe
Une foule de rois ennemis et cruels
Ayant soif comme toi dans la vigne eternelle
Sortiront de la terre et viendront dans les airs
Pour boire de mon vin par deux fois millenaire
La Moselle et le Rhin se joignent en silence
C'est l'Europe qui prie nuit et jour a Coblence
Et moi qui m'attardais sur le quai a Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu'il est temps j'entendis la priere
Qui joignait la limpidite de ces rivieres
O Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord
Tous les grains ont muri pour cette soif terrible
Mes grappes d'hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras a longs traits tout le sang de l'Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c'est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui refletent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la realite chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la priere
Nous menons vers le sel les eaux aventurieres
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflete en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s'elance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence
Les villes repondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines
Et Treves la ville ancienne
A leur voix melait la sienne
L'univers tout entier concentre dans ce vin
Qui contenait les mers les animaux les plantes
Les cites les destins et les astres qui chantent
Les hommes a genoux sur la rive du ciel
Et le docile fer notre bon compagnon
Le feu qu'il faut aimer comme on s'aime soi-meme
Tous les fiers trepasses qui sont un sous mon front
L'eclair qui luit ainsi qu'une pensee naissante
Tous les noms six par six les nombres un a un
Des kilos de papier tordus comme des flammes
Et ceux-la qui sauront blanchir nos ossements
Les bons vers immortels qui s'ennuient patiemment
Des armees rangees en bataille
Des forets de crucifix et mes demeures lacustres
Au bord des yeux de celle que j'aime tant
Les fleurs qui s'ecrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaitrai jamais
Tout cela tout cela change en ce vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors presente
Actions belles journees sommeils terribles
Vegetation Accouplements musiques eternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas desaltere
Mais je connus des lors quelle saveur a l'univers
Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers
Sur le quai d'ou je voyais l'onde couler et dormir les belandres
Ecoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s'il me plait l'univers
Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s'achevait lentement
Les feux rouges des ponts s'eteignaient dans la Seine
Les etoiles mouraient le jour naissait a peine
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Va-t'en va-t'en contre le feu l'ombre prevaut
Ah! Ah! le larron de gauche dans la bourrasque
Rira de toi comme hennissent les chevaux
FEMME
Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau
CHOEUR
Ah! Ah! nous secouerons toute la nuit les sistres
La voix ligure etait-ce donc un talisman
Et si tu n'es pas de droite tu es sinistre
Comme une tache grise ou le pressentiment
Puisque l'absolu choit la chute est une preuve
Qui double devient triple avant d'avoir ete
Nous avouerons que les grossesses nous emeuvent
Les ventres pourront seuls nier l'aseite
Vois les vases sont pleins d'humides fleurs morales
Va-t'en mais denude puisque tout est a nous
Ouis du choeur des vents les cadences plagales
Et prends l'arc pour tuer l'unicorne ou le gnou
L'ombre equivoque et tendre est le deuil de ta chair
Et sombre elle est humaine et puis la notre aussi
Va-t'en le crepuscule a des lueurs legeres
Et puis aucun de nous ne croirait tes recits
Il brillait et attirait comme la pantaure
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
Et les femmes la nuit feignant d'etre des taures
L'eussent aime comme on l'aima puisqu'en effet
Il etait pale il etait beau comme un roi ladre
Que n'avait-il la voix et les jupes d'Orphee
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Au lieu du roseau triste et du funebre faix
Que n'alla-t-il vivre a la cour du roi D'Edesse
Maigre et magique il eut scrute le firmament
Pale et magique il eut aime des poetesses
Juste et magique il eut epargne les demons
Va-t'en errer credule et roux avec ton ombre
Soit! la triade est male et tu es vierge et froid
Le tact est relatif mais la vue est oblongue
Tu n'as de signe que le signe de la croix
LE VENT NOCTURNE
Oh! les cimes des pins grincent en se heurtant
Et l'on entend aussi se lamenter l'autan
Et du fleuve prochain a grand'voix triomphales
Les elfes rire au vent ou corner aux rafales
Attys Attys Attys charmant et debraille
C'est ton nom qu'en la nuit les elfes ont raille
Parce qu'un de tes pins s'abat au vent gothique
La foret fuit au loin comme une armee antique
Dont les lances o pins s'agitent au tournant
Les villages eteints meditent maintenant
Comme les vierges les vieillards et les poetes
Et ne s'eveilleront au pas de nul venant
Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaetes
LUL DE FALTENIN
A Louis de Gonzague Frick
Sirenes j'ai rampe vers vos
Grottes tiriez aux mers la langue
En dansant devant leurs chevaux
Puis battiez de vos ailes d'anges
Et j'ecoutais ces choeurs rivaux
Une arme o ma tete inquiete
J'agite un feuillage defleuri
Pour ecarter l'haleine tiede
Qu'exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes
Il y a la-bas la merveille
Au prix d'elle que valez-vous
Le sang jaillit de mes otelles
A mon aspect et je l'avoue
Le meurtre de mon double orgueil
Si les bateliers ont rame
Loin des levres a fleur de l'onde
Mille et mille animaux charmes
Flairent la route a la rencontre
De mes blessures bien-aimees
Leurs yeux etoiles bestiales
Eclairent ma compassion
Qu'importe sagesse egale
Celle des constellations
Car c'est moi seul nuit qui t'etoile
Sirenes enfin je descends
Dans une grotte avide J'aime
Vos yeux Les degres sont glissants
Au loin que vous devenez naines
N'attirez plus aucun passant
Dans l'attentive et bien-apprise
J'ai vu feuilloler nos forets
Mer le soleil se gargarise
Ou les matelots desiraient
Que vergues et mats reverdissent
Je descends et le firmament
S'est change tres vite en meduse
Puisque je flambe atrocement
Que mes bras seuls sont les excuses
Et les torches de mon tourment
Oiseaux tiriez aux mers la langue
Le soleil d'hier m'a rejoint
Les otelles nous ensanglantent
Dans le nid des Sirenes loin
Du troupeau d'etoiles oblongues
LA TZIGANE
La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrees par les nuits
Nous lui dimes adieu et puis
De ce puits sortit l'Esperance
L'amour lourd comme un ours prive
Dansa debout quand nous voulumes
Et l'oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
On sait tres bien que l'on se damne
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu'a predit la tzigane
L'ERMITE
A Felix Feneon
Un ermite dechaux pres d'un crane blanchi
Cria Je vous maudis martyres et detresses
Trop de tentations malgre moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies
Trop d'etoiles s'enfuient quand je dis mes prieres
O chef de morte O vieil ivoire Orbites Trous
Des narines rongees J'ai faim Mes cris s'enrouent
Voici donc pour mon jeune un morceau de gruyere
O Seigneur flagellez les nuees du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c'est le soir les fleurs de jour deja se closent
Et les souris dans l'ombre incantent le plancher
Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre
L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Saigneur faites Seigneur qu'un jour je m'enamoure
J'attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j'attends qu'elle les dresse
Ses mains enamourees devant moi l'Inconnue
Seigneur que t'ai-je fait Vois Je suis unicorne
Pourtant malgre son bel effroi concupiscent
Comme un poupon cheri mon sexe est innocent
D'etre anxieux seul et debout comme une borne
Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui
La robe sans couture eteignez les ardeurs
Au puits vont se noyer tant de tintements d'heures
Quand isochrones choient des gouttes d'eau de pluie
J'ai veille trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sue du sang Christ dans Gethsemani
Crucifie reponds Dis non Moi je le nie
Car j'ai trop espere en vain l'hematidrose
J'ecoutais a genoux toquer les battements
Du coeur le sang roulait toujours en ses arteres
Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaines
Et mon aorte etait avare eperdument
Une goutte tomba Sueur Et sa couleur
Lueur Le sang si rouge et j'ai ri des damnes
Puis enfin j'ai compris que je saignais du nez
A cause des parfums violents de mes fleurs
Et j'ai ri du vieil ange qui n'est point venu
De vol tres indolent me tendre un beau calice
J'ai ri de l'aile grise et j'ote mon cilice
Tisse de crins soyeux par de cruels canuts
Vertuchou Riotant des vulves des papesses
De saintes sans tetons j'irai vers les cites
Et peut-etre y mourir pour ma virginite
Parmi les mains les peaux les mots et les promesses
Malgre les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adore par la mer
En vain j'ai supplie tous les saints aemeres
Aucun n'a consacre mes doux pains sans levain
Et je marche Je fuis o nuit Lilith ulule
Et clame vainement et je vois de grands yeux
S'ouvrir tragiquement O nuit je vois tes cieux
S'etoiler calmement de splendides pilules
Un squelette de reine innocente est pendu
A un long fil d'etoile en desespoir severe
La nuit les bois sont noirs et se meurt l'espoir vert
Quand meurt les jour avec un rale inattendu
Et je marche je fuis o jour l'emoi de l'aube
Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tetins roses comme des lobes
Des corbeaux eployes comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mur
Non loin des bourgs ou des chaumieres sont impures
D'avoir des hiboux morts cloues a leur plafond
Mes kilometres longs Mes tristesses plenieres
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont egare ma route et mes reves poupins
Souvent et j'ai dormi au sol des sapinieres
Enfin O soir pame Au bout de mes chemins
La ville m'apparut tres grave au son des cloches
Et ma luxure meurt a present que j'approche
En entrant j'ai beni les foules des deux mains
Cite j'ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouille de clairieres bleues
Or mes desirs s'en vont tous a la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffe sa cucuphe
Car toutes sont venues m'avouer leurs peches
Et Seigneur je suis saint par le voeu des amantes
Zelotide et Lorie Louise et Diamante
Ont dit Tu peux savoir o toi l'effarouche
Ermite absous nos fautes jamais venielles
O toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos coeurs sache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessencies comme du miel
Et j'absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poetesses nues des fees des formarines
Aucun pauvre desir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s'enlacant
Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lasse au verger pantelant
Plein du rale pompeux des groseillers sanglants
Et de la sainte cruaute des passiflores
AUTOMNE
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant la-bas le paysan chantonne
Une chanson d'amour et d'infidelite
Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'ete
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises
L'EMIGRANT DE LANDOR ROAD
A Andre Billy.
Le chapeau a la main il entra du pied droit
Chez un tailleur tres chic et fournisseur du roi
Ce commercant venait de couper quelques tetes
De mannequins vetus comme il faut qu'on se vete
La foule en tous sens remuait en melant
Des ombres sans amour qui se trainaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumiere
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amerique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent garde dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habille de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'etant deshabilles
Battirent leurs habits puis les lui essayerent
Le vetement d'un lord mort sans avoir paye
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les annees
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchainees
Intercalees dans l'an c'etaient les journees neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indecises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Ocean en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouilles
Des emigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'etaient agenouilles
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient a l'horizon
Un tout petit bouquet flottant a l'aventure
Couvrit l'Ocean d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa memoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changees en poux
Ces tisseuses tetues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirene moderne sans epoux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'a l'aube ont guette de loin avidement
Des cadavres de jours ronges par les etoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
ROSEMONDE
A Andre Derain
Longtemps au pied du perron de
La maison ou entra la dame
Que j'avais suivie pendant deux
Bonnes heures a Amsterdam
Mes doigts jeterent des baisers
Mais le canal etait desert
Le quai aussi et nul ne vit
Comment mes baisers retrouverent
Celle a qui j'ai donne ma vie
Un jour pendant plus de deux heures
Je la surnommai Rosemonde
Voulant pouvoir me rappeler
Sa bouche fleurie en Hollande
Puis lentement je m'en allai
Pour queter la Rose du Monde
LE BRASIER
A Paul-Napoleon Roinard
J'ai jete dans le noble feu
Que je transporte et que j'adore
De vives mains et meme feu
Ce Passe ces tetes de morts
Flamme je fais ce que tu veux
Le galop soudain des etoiles
N'etant que ce qui deviendra
Se meme au hennissement male
Des centaures dans leurs haras
Et des grand'plaintes vegetales
Ou sont ces tetes que j'avais
Ou est le Dieu de ma jeunesse
L'amour est devenu mauvais
Qu'au brasier les flammes renaissent
Mon ame au soleil se devet
Dans la plaine ont pousse des flammes
Nos coeurs pendent aux citronniers
Les tetes coupees qui m'acclament
Et les astres qui ont saigne
Ne sont que des tetes de femmes
Le fleuve epingle sur la ville
T'y fixe comme un vetement
Partant a l'amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles
Je flambe dans le brasier
Je flambe dans le brasier a l'ardeur adorable
Et les mains des croyants m'y rejettent multiple innombrablement
Les membres des intercis flambent aupres de moi
Eloignez du brasier les ossements
Je suffis pour l'eternite a entretenir le feu de mes delices
Et des oiseaux protegent de leurs ailes ma face et le soleil
O Memoire Combien de races qui forlignent
Des Tyndarides aux viperes ardentes de mon bonheur
Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes
Qui etaient immortels et n'etaient pas chanteurs
Voici ma vie renouvelee
De grands vaisseaux passent et repassent
Je trempe une fois encore mes mains dans l'Ocean
Voici le paquebot et ma vie renouvelee
Ses flammes sont immenses
Il n'y a plus rien de commun entre moi
Et ceux qui craignent les brulures
Descendant des hauteurs
Descendant des hauteurs ou pense la lumiere
Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles
L'avenir masque flambe en traversant les cieux
Nous attendons ton bon plaisir o mon amie
J'ose a peine regarder la divine mascarade
Quand bleuira sur l'horizon la Desirade
Au-dela de notre atmosphere s'eleve un theatre
Que construisit le ver Zamir sans instrument
Puis le soleil revint ensoleiller les places
D'une ville marine apparue contremont
Sur les toits se reposaient les colombes basses
Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie
A petits pas Il orra le chant du patre toute la vie
La-haut le theatre est bati avec le feu solide
Comme les astres dont se nourrit le vide
Et voici le spectacle
Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil
Ma tete mes genoux mes coudes vain pentacle
Les flammes ont pousse sur moi comme des feuilles
Des acteurs inhumains claires betes nouvelles
Donnent des ordres aux hommes apprivoises
Terre
O Dechiree que les fleuves ont reprisee
J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries
Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y devorat
RHENANES
Nuit rhenane
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'a leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez pres de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliees
Le Rhin le Rhin est ivre ou les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refleter
La voix chante toujours a en rale-mourir
Ces fees aux cheveux verts qui incantent l'ete
Mon verre s'est brise comme un eclat de rire
Mai
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous etes si jolies mais la barque s'eloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains?
Or des vergers fleuris se figeaient en arriere
Les petales tombes des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimee
Les petales fleuris sont comme ses paupieres
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menes par des tziganes
Suivaient une roulotte trainee par un ane
Tandis que s'eloignait dans les vignes rhenanes
Sur un fifre lointain un air de regiment
Le mai le joli mai a pare les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
La synagogue
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren
Coiffes de feutres verts le matin du sabbat
Vont a la synagogue en longeant le Rhin
Et les coteaux ou les vignes rougissent la-bas
Ils se disputent et crient des choses qu'on ose a peine traduire
Batard concu pendant les regles ou Que le diable entre dans ton
pere
Le vieux Rhin souleve sa face ruisselante et se detourne pour
sourire
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colere
Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer
Tandis que les chretiens passent avec des cigares allumes
Et parce qu'Ottomar et Abraham aiment tous deux
Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu
Pourtant tout a l'heure dans la synagogue l'un apres l'autre
Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau
Parmi les feuillards de la fete des cabanes
Ottomar en chantant sourira a Abraham
Ils dechanteront sans mesure et les voix graves des hommes
Feront gemir un Leviathan au fond du Rhin comme une voix d'automne
Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim
Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim
Les cloches
Mon beau tzigane mon amant
Ecoute les cloches qui sonnent
Nous nous aimions eperdument
Croyant n'etre vus de personne
Mais nous etions bien mal caches
Toutes les cloches a la ronde
Nous ont vus du haut des clochers
Et le disent a tout le monde
Demain Cyprien et Henri
Marie Ursule et Catherine
La boulangere et son mari
Et puis Gertrude ma cousine
Souriront quand je passerai
Je ne saurai plus ou me mettre
Tu seras loin Je pleurerai
J'en mourrai peut-etre
La Loreley
A Jean Seve
A Bacharach il y avait une sorciere blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes a la ronde
Devant son tribunal l'eveque la fit citer
D'avance il l'absolvit a cause de sa beaute
O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardee eveque en ont peri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes O belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcele
Eveque vous riez Priez plutot pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protege
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus la
Mon coeur me fit si mal du jour ou il s'en alla
L'eveque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en demence
Va t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vetue de noir et blanc
Puis ils s'en allerent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau chateau
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
La-haut le vent tordait ses cheveux deroules
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout la-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
Schinderhannes
Dans la foret avec sa bande
Schinderhannes s'est desarme
Le brigand pres de sa brigande
Hennit d'amour au joli mai
Benzel accroupi lit la Bible
Sans voir que son chapeau pointu
A plume d'aigle sert de cible
A Jacob Born le mal foutu
Juliette Blaesius qui rote
Fait semblant d'avoir le hoquet
Hannes pousse une fausse note
Quand Schulz vient portant un baquet
Et s'ecrie en versant des larmes
Baquet plein de vin parfume
Viennent aujourd'hui les gendarmes
Nous aurons bu le vin de mai
Allons Julia la mam'zelle
Bois avec nous ce clair bouillon
D'herbes et de vin de Moselle
Prosit Bandit en cotillon
Cette brigande est bientot soule
Et veut Hannes qui n'en veut pas
Pas d'amour maintenant ma poule
Sers-nous un bon petit repas
Il faut ce soir que j'assassine
Ce riche juif au bord du Rhin
Au clair des torches de resine
La fleur de mai c'est le florin
On mange alors toute la bande
Pete et rit pendant le diner
Puis s'attendrit a l'allemande
Avant d'aller assassiner
Rhenane d'automne
A Toussaint-Luca
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetiere
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n'a chante aujourd'hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons anes
Braillent hi han et se mettent a brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C'est le jour des morts et de toutes leurs ames
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L'air tremble de flammes et de prieres
Le cimetiere est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu'on enterre
ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous mendiants morts saouls de biere
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en priere
Ah! que vous etes bien dans le beau cimetiere
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de regence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux
Il eteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mere
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupees
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des cheres mortes
Ce sont tes mains coupees
Nous avons tant pleure aujourd'hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetiere plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournames
A nos pieds roulaient des chataignes
Dont les bogues etaient
Comme le coeur blesse de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des chataignes d'automne
Les sapins
Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revetu
Comme des astrologues
Saluent leurs freres abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrines
Par les vieux sapins leurs aines
Qui sont de grands poetes
Ils se savent predestines
A briller plus que des planetes
A briller doucement changes
En etoiles et enneiges
Aux Noels bienheureuses
Fetes des sapins ensonges
Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens
Chantent des noels anciens
Au vent des soirs d'automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne
Des rangees de blancs cherubins
Remplacent l'hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L'ete ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins medecins divagants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l'ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
Les femmes
Dans la maison du vigneron les femmes cousent
Lenchen remplis le poele et mets l'eau du cafe
Dessus -- Le chat s'etire apres s'etre chauffe
- Gertrude et son voisin Martin enfin s'epousent
Le rossignol aveugle essaya de chanter
Mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage
Ce cypres la-bas a l'air du pape en voyage
Sous la neige -- Le facteur vient de s'arreter
Pour causer avec le nouveau maitre d'ecole
- Cet hiver est tres froid le vin sera tres bon
- Le sacristain sourd et boiteux est moribond
- La fille du vieux bourgmestre brode une etole
Pour la fete du cure La foret la-bas
Grace au vent chantait a voix grave de grand orgue
Le songe Herr Traum survint avec sa soeur Frau Sorge
Kaethi tu n'as pas bien raccommode ces bas
- Apporte le cafe le beurre et les tartines
La marmelade le saindoux un pot de lait
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- On dirait que le vent dit des phrases latines
- Encore un peu de cafe Lenchen s'il te plait
- Lotte es-tu triste O petit coeur -- Je crois qu'elle aime
- Dieu garde -- Pour ma part je n'aime que moi-meme
- Chut A present grand-mere dit son chapelet
- Il me faut du sucre candi Leni je tousse
- Pierre mene son furet chasser les lapins
Le vent faisait danser en rond tous les sapins
Lotte l'amour rend triste -- Ilse la vie est douce
La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus
Devenaient dans l'obscurite des ossuaires
En neige et replies gisaient la des suaires
Et des chiens aboyaient aux passants morfondus
Il est mort ecoutez La cloche de l'eglise
Sonnait tout doucement la mort du sacristain
Lise il faut attiser le poele qui s'eteint
Les femmes se signaient dans la nuit indecise
Septembre 1901 -- mai 1902
SIGNE
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je deteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaule dit au vent ses douleurs
Mon Automne eternelle o ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une epouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
UN SOIR
Un aigle descendit de ce ciel blanc d'archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez priez pour moi
La ville est metallique et c'est la seule etoile
Noyee dans tes yeux bleus
Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pales
Sur des oiseaux galeux
Et tout ce qui tremblait dans tes yeux de mes songes
Qu'un seul homme buvait
Sous les feux de gaz roux comme la fausse oronge
O vetue ton bras se lovait
Vois l'histrion tire la langue aux attentives
Un fantome s'est suicide
L'apotre au figuier pend et lentement salive
Jouons donc cet amour aux des
Des cloches aux sons clairs annoncaient ta naissance
Vois
Les chemins sont fleuris et les palmes s'avancent
Vers toi
LA DAME
Toc toc Il a ferme sa porte
Les lys du jardin sont fletris
Quel est donc ce mort qu'on emporte
Tu viens de toquer a sa porte
Et trotte trotte
Trotte la petite souris
LES FIANCAILLES
A Picasso
Le printemps laisse errer les fiances parjures
Et laisse feuilloler longtemps les plumes bleues
Que secoue le cypres ou niche l'oiseau bleu
Une Madone a l'aube a pris les eglantines
Elle viendra demain cueillir les giroflees
Pour mettre aux nids des colombes qu'elle destine
Au pigeon qui ce soir semblait le Paraclet
Au petit bois de citronniers s'enamourerent
D'amour que nous aimons les dernieres venues
Les villages lointains sont comme les paupieres
Et parmi les citrons leurs coeurs sont suspendus
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Mes amis m'ont enfin avoue leur mepris
Je buvais a pleins verres les etoiles
Un ange a extermine pendant que je dormais
Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries
De faux centurions emportaient le vinaigre
Et les gueux mal blesses par l'epurge dansaient
Etoiles de l'eveil je n'en connais aucune
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas
A la clarte des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux cols sur les flots de jupes mal brossees
Des accouchees masquees fetaient leurs relevailles
La ville cette nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l'amour et la dulie
Et sombre sombre fleuve je me rappelle
Les ombres qui passaient n'etaient jamais jolies
Je n'ai plus meme pitie de moi
Je n'ai plus meme pitie de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais a dire se sont changes en etoiles
Un Icare tente de s'elever jusqu'a chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brule au centre de deux nebuleuses
Qu'ai-je fait aux betes theologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'esperais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan
J'ai eu le courage de regarder en arriere
J'ai eu le courage de regarder en arriere
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les eglises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En meme temps et en toute saison
D'autres jours ont pleure avant de mourir dans des tavernes
Ou d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulatresse qui inventait la poesie
Et les roses de l'electricite s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma memoire
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaitre l'ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j'aime uniquement
Les fleurs a mes yeux redeviennent des flammes
Je medite divinement
Et je souris des etres que je n'ai pas crees
Mais si le temps venait ou l'ombre enfin solide
Se multipliait en realisant la diversite formelle de mon amour
J'admirerais mon ouvrage
J'observe le repos du dimanche
J'observe le repos du dimanche
Et je loue la paresse
Comment comment reduire
L'infiniment petite science
Que m'imposent mes sens
L'un est pareil aux montagnes au ciel
Aux villes a mon amour
Il ressemble aux saisons
Il vit decapite sa tete est le soleil
Et la lune son cou tranche
Je voudrais eprouver une ardeur infinie
Monstre de mon ouie tu rugis et tu pleures
Le tonnerre te sert de chevelure
Et tes griffes repetent le chant des oiseaux
Le toucher monstrueux m'a penetre m'empoisonne
Mes yeux nagent loin de moi
Et les astres intacts sont mes maitres sans epreuve
La bete des fumees a la tete fleurie
Et le monstre le plus beau
Ayant la saveur du laurier se desole
A la fin les mensonges ne me font plus peur
A la fin les mensonges ne me font plus peur
C'est la lune qui cuit comme un oeuf sur le plat
Ce collier de gouttes d'eau va parer la noyee
Voici mon bouquet de fleurs de la Passion
Qui offrent tendrement deux couronnes d'epines
Les rues sont mouillees de la pluie de naguere
Des anges diligents travaillent pour moi a la maison
La lune et la tristesse disparaitront pendant
Toute la sainte journee
Toute la sainte journee j'ai marche en chantant
Une dame penchee a sa fenetre m'a regarde longtemps
M'eloigner en chantant
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Au tournant d'une rue je vis des matelots
Qui dansaient le cou nu au son d'un accordeon
J'ai tout donne au soleil
Tout sauf mon ombre
Les dragues les ballots les sirenes mi-mortes
A l'horizon brumeux s'enfoncaient les trois-mats
Les vents ont expire couronnes d'anemones
O Vierge signe pur du troisieme mois
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Templiers flamboyants je brule parmi vous
Prophetisons ensemble o grand maitre je suis
Le desirable feu qui pour vous se devoue
Et la girande tourne o belle o belle nuit
Liens delies par une libre flamme Ardeur
Que mon souffle eteindra O Morts a quarantaine
Je mire de ma mort la gloire et le malheur
Comme si je visais l'oiseau de la quintaine
Incertitude oiseau feint peint quand vous tombiez
Le soleil et l'amour dansaient dans le village
Et tes enfants galants bien ou mal habilles
Ont bati ce bucher le nid de mon courage
CLAIR DE LUNE
Lune mellifluente aux levres des dements
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui degoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or cache je concois la tres douce aventure
J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons decevants
Et prit son miel lunaire a la rose des vents
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodee d'or
Etait composee de deux panneaux
S'attachant sur l'epaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les levres tres rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle etait decolletee en rond
Et coiffee a la Recamier
Avec de beaux bras nus
N'entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d'ottoman violine
Et en tunique brodee d'or
Decolletee en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d'or
Et trainait ses petits souliers a boucles
Elle etait si belle
Que tu n'aurais pas ose l'aimer
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers enormes
Ou naissaient chaque jour quelques etres nouveaux
Le fer etait leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais j'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beaute ne sont que son ecume
Cette femme etait si belle
Qu'elle me faisait peur
A LA SANTE
I
Avant d'entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu'es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d'en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
O mes annees o jeunes filles
II
Non je ne me sens plus la
Moi-meme
Je suis le quinze de la
Onzieme
Le soleil filtre a travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres
Et dansent sur le papier
J'ecoute
Quelqu'un qui frappe du pied
La voute
III
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaine
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promene
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
Avec les clefs qu'il fait tinter
Que le geolier aille et revienne
Dans la cellule d'a cote
On y fait couler la fontaine
IV
Que je m'ennuie entre ces murs tout nus
Et peints de couleurs pales
Une mouche sur le papier a pas menus
Parcourt mes lignes inegales
Que deviendrai-je o Dieu qui connais ma douleur
Toi qui me l'as donnee
Prends en pitie mes yeux sans larmes ma paleur
Le bruit de ma chaise enchainee
Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
L'Amour qui m'accompagne
Prends en pitie surtout ma debile raison
Et ce desespoir qui me gagne
V
Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement
Tu pleureras l'heure ou tu pleures
Qui passera trop vitement
Comme passent toutes les heures
VI
J'ecoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
Le jour s'en va voici que brule
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarte Chere raison
Septembre 1911.
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adore
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neige
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits murs
Au fond du ciel
Des eperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aime
Aux lisieres lointaines
Les cerfs ont brame
Et que j'aime o saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la foret qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille a feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'ecoule
HOTELS
La chambre est veuve
Chacun pour soi
Presence neuve
On paye au mois
Le patron doute
Payera-t-on
Je tourne en route
Comme un toton
Le bruit des fiacres
Mon voisin laid
Qui fume un acre
Tabac anglais
O La Valliere
Qui boite et rit
De mes prieres
Table de nuit
Et tous ensemble
Dans cet hotel
Savons la langue
Comme a Babel
Fermons nos Portes
A double tour
Chacun apporte
Son seul amour
CORS DE CHASSE
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun detail indifferent
Ne rend notre amour pathetique
Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
A sa pauvre Anne allait revant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
VENDEMIAIRE
Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi
Je vivais a l'epoque ou finissaient les rois
Tour a tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismegistes
Que Paris etait beau a la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne ou les pampres
Repandaient leur clarte sur la ville et la-haut
Astres murs becquetes par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l'aube
Un soir passant le long des quais deserts et sombres
En rentrant a Auteuil j'entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvint aussi sur les bords de la Seine
La plainte d'autres voix limpides et lointaines
Et j'ecoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu'eveillait dans la nuit la chanson de Paris
J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde
Je vis alors que deja ivre dans la vigne Paris
Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chanterent
Et Rennes repondit avec Quimper et Vannes
Nous voici o Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil
Se sacrifient pour te desalterer trop avide merveille
Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetieres les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas
Et d'amont en aval nos pensees o rivieres
Les oreilles des ecoles et nos mains rapprochees
Aux doigts allonges nos mains les clochers
Et nous t'apportons aussi cette souple raison
Que le mystere clot comme une porte la maison
Ce mystere courtois de la galanterie
Ce mystere fatal fatal d'une autre vie
Double raison qui est au-dela de la beaute
Et que la Grece n'a pas connue ni l'Orient
Double raison de la Bretagne ou lame a lame
L'ocean chatre peu a peu l'ancien continent
Et les villes du Nord repondirent gaiement
O Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cites ou degoisent et chantent
Les metalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminees a ciel ouvert engrossent les nuees
Comme fit autrefois l'Ixion mecanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Ou les ouvriers nus semblables a nos doigts
Fabriquent du reel a tant par heure
Nous te donnons tout cela
Et Lyon repondit tandis que les anges de Fourvieres
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prieres
Desaltere-toi Paris avec les divines paroles
Que mes levres le Rhone et la Saone murmurent
Toujours le meme culte de sa mort renaissant
Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang
Heureuse pluie o gouttes tiedes o douleur
Un enfant regarde les fenetres s'ouvrir
Et des grappes de tetes a d'ivres oiseaux s'offrit
Les villes du Midi repondirent alors
Noble Paris seule raison qui vis encore
Qui fixes notre humeur selon ta destinee
Et toi qui te retires Mediterranee
Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties
Ces tres hautes amours et leur danse orpheline
Deviendront o Paris le vin pur que tu aimes
Et un rale infini qui venait de Sicile
Signifiait en battement d'ailes ces paroles
Les raisins de nos vignes on les a vendanges
Et ces grappes de morts dont les grains allonges
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif o Paris sous le ciel
Obscurci de nuees fameliques
Que caresse Ixion le createur oblique
Et ou naissent sur la mer tous les corbeaux d'Afrique
O raisins Et ces yeux ternes et en famille
L'avenir et la vie dans ces treilles s'ennuyent
Mais ou est le regard lumineux des sirenes
Il trompa les marins qu'aimaient ces oiseaux-la
Il ne tournera plus sur l'ecueil de Scylla
Ou chantaient les trois voix suaves et sereines
Le detroit tout a coup avait change de face
Visages de la chair de l'onde de tout
Ce que l'on peut imaginer
Vous n'etes que des masques sur des faces masquees
Il souriait jeune nageur entre les rives
Et les noyes flottant sur son onde nouvelle
Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives
Elles dirent adieu au gouffre et a l'ecueil
A leurs pales epoux couches sur les terrasses
Puis ayant pris leur vol vers le brulant soleil
Les suivirent dans l'onde ou s'enfoncent les astres
Lorsque la nuit revint couverte d'yeux ouverts
Errer au site ou l'hydre a siffle cet hiver
Et j'entendis soudain ta voix imperieuse
O Rome
Maudire d'un seul coup mes anciennes pensees
Et le ciel ou l'amour guide les destinees
Les feuillards repousses sur l'arbre de la croix
Et meme la fleur de lys qui meurt au Vatican
Macerent dans le vin que je t'offre et qui a
La saveur du sang pur de celui qui connait
Une autre liberte vegetale dont tu
Ne sais pas que c'est elle la supreme vertu
Une couronne du triregne est tombee sur les dalles
Les hierarques la foulent sous leurs sandales
O splendeur democratique qui palit
Vienne le nuit royale ou l'on tuera les betes
La louve avec l'agneau l'aigle avec la colombe
Une foule de rois ennemis et cruels
Ayant soif comme toi dans la vigne eternelle
Sortiront de la terre et viendront dans les airs
Pour boire de mon vin par deux fois millenaire
La Moselle et le Rhin se joignent en silence
C'est l'Europe qui prie nuit et jour a Coblence
Et moi qui m'attardais sur le quai a Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu'il est temps j'entendis la priere
Qui joignait la limpidite de ces rivieres
O Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord
Tous les grains ont muri pour cette soif terrible
Mes grappes d'hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras a longs traits tout le sang de l'Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c'est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui refletent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la realite chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la priere
Nous menons vers le sel les eaux aventurieres
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflete en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s'elance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence
Les villes repondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines
Et Treves la ville ancienne
A leur voix melait la sienne
L'univers tout entier concentre dans ce vin
Qui contenait les mers les animaux les plantes
Les cites les destins et les astres qui chantent
Les hommes a genoux sur la rive du ciel
Et le docile fer notre bon compagnon
Le feu qu'il faut aimer comme on s'aime soi-meme
Tous les fiers trepasses qui sont un sous mon front
L'eclair qui luit ainsi qu'une pensee naissante
Tous les noms six par six les nombres un a un
Des kilos de papier tordus comme des flammes
Et ceux-la qui sauront blanchir nos ossements
Les bons vers immortels qui s'ennuient patiemment
Des armees rangees en bataille
Des forets de crucifix et mes demeures lacustres
Au bord des yeux de celle que j'aime tant
Les fleurs qui s'ecrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaitrai jamais
Tout cela tout cela change en ce vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors presente
Actions belles journees sommeils terribles
Vegetation Accouplements musiques eternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas desaltere
Mais je connus des lors quelle saveur a l'univers
Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers
Sur le quai d'ou je voyais l'onde couler et dormir les belandres
Ecoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s'il me plait l'univers
Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s'achevait lentement
Les feux rouges des ponts s'eteignaient dans la Seine
Les etoiles mouraient le jour naissait a peine
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Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www. pglaf. org.
Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation
The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
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permitted by U. S. federal laws and your state's laws.
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throughout numerous locations. Its business office is located at
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information can be found at the Foundation's web site and official
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For additional contact information:
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Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation
Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.
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States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
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where we have not received written confirmation of compliance. To
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approach us with offers to donate.
International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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works.
Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
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